(Neuf heures cinquante minutes)
M. Coiteux : Bon, bien,
alors, MM. et Mmes les journalistes, merci d'être là. Les faits qui nous sont
rapportés depuis déjà un certain nombre de jours, on a exprimé différents
qualificatifs : troublants, préoccupants, et ça l'est. Et le premier ministre,
dès la première occasion, s'est exprimé sur le sujet, a bien dit à quel point
c'était important, la liberté de la presse, la protection des sources
journalistiques, comment ça s'inscrivait dans la défense de notre démocratie et
de nos libertés. Et donc, depuis le début de cette histoire, le gouvernement a
pris très, très, très au sérieux cette question, et c'est pour ça d'ailleurs
qu'on a déjà pris un certain nombre de décisions. On a pris des décisions à
l'égard de faire passer par le filtre du DPCP les demandes de mandat lorsque ça
touche l'interception des communications privées des journalistes et ça les
mène au même titre que les juges, que les députés, et que les avocats.
Alors, on a déclenché une inspection des
corps policiers par rapport à cette question, là, des demandes de mandat
d'interception des communications privées, et puis on a annoncé, très important
aussi, la constitution d'un groupe d'experts pour recommander au gouvernement,
suite à l'examen de cette situation-là, faire des recommandations au
gouvernement quant à la suite des choses qui pourraient être — puis
on l'a toujours dit — législatives.
Mais hier il y a de nouveaux faits qui
nous ont été rapportés, hier. Parce que jusqu'alors, l'épicentre, je pourrais
dire, était surtout essentiellement au SPVM, mais hier on a appris que la
Sûreté du Québec aussi avait procédé à de telles enquêtes auprès de
journalistes. On a appris aussi qu'une enquête avait été déclenchée dans la
même journée où un ministre de la Sécurité publique aurait communiqué avec la
Sûreté du Québec. Alors, ce sont des faits nouveaux qui ont mené d'ailleurs
hier à une décision du ministère de la Sécurité publique de déclencher une
enquête administrative sur ce cas spécifique. Mais, lorsqu'on prend l'ensemble
de ces faits, lorsqu'on considère l'importance du travail des journalistes dans
une société libre et démocratique, quand on prend en considération l'importance
que la population… il faut absolument que la population ait confiance dans ses
institutions, je pense qu'il est nécessaire — et on en a discuté avec
le premier ministre ce matin — aussi de poser un geste
supplémentaire.
Alors, je vais demander à ma collègue
ministre de la Justice de vous dire comment on va procéder pour la suite des
choses.
Mme Vallée
: Donc,
en conséquence de ce que mon collègue vient de vous décrire, nous avons décidé
que le mandat confié au groupe d'experts serait confié en vertu de la Loi sur
les commissions d'enquête, avec tous les pouvoirs que cette loi donne aux
commissaires.
Les nouvelles divulgations sont à ce point
sérieuses... Et, comme on le mentionnait, la confiance du public envers ses
institutions publiques, envers toutes les institutions, elle est essentielle.
La protection des sources journalistiques, la liberté de la presse sont des
droits qui sont consacrés, qui ont fait l'objet de décisions de la Cour suprême.
La liberté de presse, elle est consacrée à la Charte canadienne, elle est
essentielle, elle est à la base même d'une société démocratique au même titre
que l'indépendance des institutions l'est. Et, en considération de ça, nous
donnerons au comité ce pouvoir supplémentaire.
Je tiens à vous informer que le comité
n'est pas encore constitué. Il y a des échanges qui ont eu lieu notamment entre
notre collègue le ministre de la Culture et des Communications et les
représentants de la presse pour identifier un représentant. L'objectif est
toujours d'avoir, à l'intérieur de ce comité, des gens avec ces connaissances
fines du milieu journalistique, de la sécurité publique, des milieux policiers
et un magistrat ou une magistrate à la retraite. Alors, il est important pour
nous de vous donner cette information supplémentaire, puisqu'on n'écartait pas,
mardi, la possibilité d'utiliser la Loi sur les commissions d'enquête. Mais, à
la lumière des informations récentes, je pense que ça s'avère nécessaire.
M. Lacroix (Louis) :
Est-ce que ce sera une enquête publique avec des témoignages que les gens vont
pouvoir voir? Est-ce que ce sera ouvert à la population, aux journalistes, à
tout le monde?
Mme Vallée
: Vous
savez, la Loi sur les commissions d'enquête investit les commissaires de tous
les pouvoirs. Les commissaires auront toute l'indépendance de déterminer la
façon dont se tiendront ces audiences et la façon dont se dérouleront leurs
travaux, mais tous les articles de la loi s'appliqueront. Et donc les
commissaires nommés, parce qu'il s'agira de commissaires nommés en vertu de la
Loi sur les commissions d'enquête, seront investis de tous les pouvoirs qui
leur sont conférés, exactement.
M. Gagnon (Marc-André) :
Donc, pour que ce soit clair, là, on ne parle plus d'un comité d'experts, mais
bel et bien d'une commission d'enquête publique.
Mme Vallée
: Nos
experts, plutôt que d'être nommés simplement par le gouvernement, seront nommés
officiellement en vertu de la loi.
M. Gagnon (Marc-André) :
Ne jouons pas sur les mots, là, ce sera une commission d'enquête publique.
Mme Vallée
: Bien,
on ne joue pas sur les mots. C'est une commission d'enquête publique.
M. Gagnon (Marc-André) :
C'est une commission d'enquête et c'est les commissaires qui vont déterminer si
elle est publique.
Mme Vallée
:
Exactement, en vertu de la loi, et donc avec ce pouvoir d'aller de l'avant avec
des audiences publiques, comme on l'a connu dans le passé dans d'autres commissions.
M. Coiteux : Avec tous
les pouvoirs de la loi. Donc, tous les articles de la loi s'appliquent.
Mme Vallée
:
Exactement.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, le mandat, c'est de faire la lumière sur les actions passées?
Mme Vallée
: Entre
autres, et la nature du mandat n'est pas définie, donc un mandat qui sera
suffisamment large pour nous permettre de faire la lumière, mais sans pour
autant... Il faut quand même se concentrer sur l'enjeu principal, qui est la
protection des sources journalistiques et la liberté de la presse. On s'entend
qu'à la base de toutes ces mesures-là qui ont été annoncées, c'est ce qui était
l'élément-phare de tout ça, et je pense que ça demeure l'essentiel.
Mme Prince (Véronique) :
Et rappelez-nous les pouvoirs qui sont conférés. Rappelez-nous les pouvoirs qui
sont conférés.
M. Coiteux : On n'a rien
changé, sinon qu'on a décidé que les gens, les membres du comité d'experts, ces
gens-là auraient des pouvoirs qui sont ceux dévolus à une commission d'enquête
publique. C'est ça qu'on a décidé. On n'a pas changé de cap, mais on a...
M. Bovet (Sébastien) :
Oui, mais vous n'étiez pas là il y a deux jours, là.
M. Coiteux : On y
réfléchissait, à la possibilité de le faire, puis on avait dit que ça serait
présenté, et ce n'est pas exclu, à la Commission des institutions de l'Assemblée
nationale. La décision qu'on a prise ce matin, c'est que leurs travaux vont se
dérouler en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par la Loi sur les commissions
d'enquête publique.
M. Dutrisac (Robert) :
M. Coiteux, certains députés s'inquiètent, comme LaPresse,
certains autres journalistes, d'avoir été l'objet de surveillance quelconque
par la police, du fait que, justement, certains journalistes en contact avec
des députés, des ministres aient été surveillés. Les députés, inévitablement, font
déjà partie d'une partie de surveillance par la police. Je ne sais pas si vous
me suivez, mais déjà les députés sont impliqués. Si les journalistes surveillés
par la police ont communiqué avec des députés, à ce moment-là ces gens-là aussi
ont fait l'objet d'une certaine forme de surveillance. Est-ce que ça vous
inquiète? Est-ce qu'on devrait tirer ça au clair aussi?
M. Coiteux : Regardez, ma
collègue a dit que le mandat va être établi de manière suffisamment large pour
qu'on puisse vraiment traiter, là, du fond de la question, qui est la liberté
de la presse et la protection des sources journalistiques, et ça va les amener,
bien entendu, à regarder un certain nombre de cas spécifiques, là, on s'entend,
ils vont regarder des cas spécifiques. Donc, il ne va pas falloir que le mandat
soit juste large, il va falloir qu'il soit aussi suffisamment précis pour qu'on
puisse comprendre, dans ces cas spécifiques, quelle a été la chaîne de décision
qui a mené à ces interceptions de communications.
La Modératrice
: Une
dernière question en français.
M. Chouinard (Tommy) :
Et le mandat précis n'est pas connu. Vous ne l'avez pas formulé...
Mme Vallée
: En fait,
ce matin, on s'entend que la décision a été prise de nommer en vertu de la Loi
sur les commissions d'enquête. Le mandat sera formulé au cours des prochains
jours. Soyez assurés que vous serez informés. Rappelons-nous que le mandat, à la
base, qui était établi, c'était de mettre en place une réflexion sur les
meilleures pratiques pour assurer qu'ici, au Québec, l'émission des mandats
judiciaires qui entourent les journalistes soit étudiée, que les meilleures
pratiques soient mises de l'avant et qu'une réflexion soit entreprise aussi sur
l'encadrement législatif, l'encadrement réglementaire actuel, et qui pourrait éventuellement
être bonifié pour assurer une meilleure protection des sources et une meilleure
protection de cette liberté de presse. Et évidemment, également, la réflexion à
laquelle le comité était convié, c'était aussi de voir dans quelle mesure on
pouvait s'assurer de mieux protéger ces sources journalistiques.
Alors, le mandat n'est pas encore confié. Compte
tenu des récents événements, vous comprendrez que nous avons été appelés à
revoir cette démarche. Et, compte tenu de la gravité de ce qui a été mis en
lumière hier soir et de l'effet que de telles révélations peuvent avoir sur la
confiance du public envers leurs institutions, il y avait lieu de permettre à
ce comité d'être institué en vertu de la loi.
Journaliste
: Est-ce
que vous avez une «short list» en ce moment pour la présidence de ce comité-là?
M. Chouinard (Tommy) :
Dans quel délai ça sera produit?
Mme Vallée
: Au courant
des prochains jours, écoutez...
M. Chouinard (Tommy) : C'est-à-dire
la commission d'enquête aurait quel délai pour remettre un rapport?
Mme Vallée
: Bien,
le mandat vous sera précisé au cours des prochains jours. La question de délai,
évidemment, en début de semaine, on demandait au comité de remettre le fruit de
ses travaux pour le printemps 2017. Donc, il est possible... Et, vous savez,
dans le cadre des commissions d'enquête, les commissaires ont aussi cette
possibilité de regarder le mandat et de voir si un délai nécessaire est
suffisant. Pour le moment, on reste autour des mêmes eaux, on n'a pas statué
sur une date précise, puisque le mandat sera confié au cours des prochains
jours.
M. Bovet (Sébastien) :
La période de temps couverte, ce sera quoi?
Mme Vallée
: Tout
ça, tout ce niveau de détail auquel vous faites référence ce matin, on ne peut
pas vous donner le détail avec précision parce que le mandat n'est pas rédigé,
et on va le faire...
M. Coiteux : Ça va se
faire rapidement. Mais, vous savez, ce qu'on a déjà annoncé produit déjà des
résultats, là. L'annonce d'une inspection produit déjà des résultats. On a
appris des choses à la Sûreté du Québec, il y a des vérifications qui se font
au SPVM, tout ça est en cours à l'heure actuelle. On va mettre sur pied très,
très, très bientôt le comité en question. Il nous est apparu, hein, parce que
le principe de liberté de presse, le principe de la protection des sources,
c'est extrêmement important, puis c'est ça qui est au coeur, là, c'est au coeur
de l'affaire... Mais la confiance de notre population aussi est, je crois, on
pense tous, ébranlée.
Alors, la manière avec laquelle on va
conduire ces travaux-là doit aussi rétablir la confiance. On veut faire toute la
lumière sur cette question-là puis on veut la faire de manière transparente. La
décision, donc, qui a été prise ce matin, c'est de donner des pouvoirs
spécifiques aux gens du comité, et ces pouvoirs spécifiques sont ceux des
commissions d'enquête publique, et donc ils vont pouvoir agir comme une
commission d'enquête publique.
La Modératrice
: Compte
tenu des devoirs de nos parlementaires qui doivent aller en période de
questions immédiatement, on va permettre une question en anglais. Et, après la
période de questions, si vous le souhaitez, on pourra peut-être refaire un
exercice très, très, très court. Mais, de toute façon, vous allez avoir
d'autres nouvelles. Alors, une question en anglais, s'il vous plaît, de façon à
ce que nos parlementaires puissent joindre la période de questions.
Mme Johnson
(Maya) : Is this a full public inquiry?
Mme Vallée
:
Yes, it is.
Mme Johnson (Maya) : Can you elaborate on why you've come to this point?
Mme Vallée
:
We came to this conclusion this morning after an analysis of the different
information that have been made public yesterday. We consider that it's
important for the population of Québec to trust their public institutions, and
the information that were rendered that became public yesterday, at the end of
the day, are of such importance that we considered that the committee that was
announced on Tuesday be invested of the full powers of a public inquiry.
Mme Plante (Caroline) : Mr. Coiteux, do you expect that Mr. Bergeron will be a
key witness for this commission?
M. Coiteux :
I cannot say, I cannot say. The expert committee will decide who they want to
hear. This is not up to us to decide who they will hear, that will be their
work. But they will have the power to constrain people to come and give their
testimony. It's very important.
Mme Plante (Caroline) : Are you suggesting that he played a major role or he played a role?
M. Coiteux :
I'm not suggesting anything at all. The only thing that we're saying this
morning is that we have decided that, because of this new information that is
susceptible to shake even more, if that's possible, the confidence of our
population, the work of the expert committee group has to be conducted under
the auspices of that particular legislation, which is about the commission of
public inquiries. It's very important.
La Modératrice
:
Merci beaucoup, tout le monde.
(Fin à 10 h 5)