(Neuf heures trente-trois minutes)
Mme Jean : Donc, c'est
moi qui commence le tout? Moi, c'est mon premier point de presse ici, au «hot
room». Donc, merci d'être ici.
On est ici ce matin parce qu'on est
inquiètes de ce qu'on voit dans les médias aujourd'hui par rapport au dépôt de
l'enquête, qui serait terminée, par rapport, justement, aux allégations de
viols auprès des femmes autochtones. Et on veut être certaines que la
population puis que les gens comprennent que nous, on exige, comme le demande
aussi la fédération des femmes autochtones et les Premières Nations, qu'une
enquête du Bureau d'enquêtes indépendantes soit faite pour qu'on évite,
justement, que cette enquête-là soit terminée et que cette enquête se limite à
ce que ce soient des policiers qui enquêtent sur des policiers. Donc, on trouve
ça important, encore aujourd'hui, que tout le monde sache qu'il va être
important qu'on ait une enquête indépendante.
M. Laforest (Alain) : On
ne serait pas mieux d'attendre le rapport de vendredi? Vous n'êtes pas un peu
en avance, là?
Mme Jean : Je pense qu'il
faut être un peu en avance dans ce dossier-là. Ce qu'on entend actuellement, c'est
qu'il a été déposé, et ce qu'on sait déjà, c'est que l'enquête qui a été faite,
c'est des policiers qui ont enquêté sur des policiers, et il semblerait qu'il
n'y aura aucune accusation qui va être déposée. À partir de là, je pense qu'il
y a une inquiétude à soulever. Et, cette inquiétude-là, on la soulève aujourd'hui
pour s'assurer que, si effectivement il n'y a pas de poursuite ou que ce n'est
pas satisfaisant, on s'assure que cette enquête-là soit faite par le Bureau
d'enquêtes indépendantes, c'est ça qu'il est important de comprendre et c'est
ça qu'il faut prendre les devants pour s'assurer que ce soit ça parce que les
informations avant-coureuses qu'on a aujourd'hui sont inquiétantes, je dirais.
Mme Biron (Martine) :
Vous êtes inquiètes parce que c'est la police qui a enquêté sur la police?
Mme Jean : Absolument.
Lorsque c'est la police qui est en cause dans un crime, je pense qu'on doit se
poser la question : Comment ça se fait que c'est des policiers qui
enquêtent sur des policiers? Donc, c'est pour ça que c'est important que ces
enquêtes-là soient faites de façon la plus indépendante possible. Ce n'est pas
rien qu'important, je pense que c'est essentiel que ce soit fait comme ça, et
c'est en fonction, justement, de cette réalité-là, et on n'est pas trop tard
pour le dire... on n'est pas trop en avance pour le dire, je veux dire, de
dénoncer, ou d'éveiller, ou de se questionner et de s'inquiéter d'un résultat
d'enquête qui serait fait par les policiers, pour les policiers.
Mme Biron (Martine) :
Est-ce que c'est le seul chemin? Parce que, bon, en tout respect pour les
victimes, c'est quand même une clientèle difficile, c'est difficile de faire
une preuve, ça demande des dates, une bonne mémoire, etc. Est-ce que c'est le
seul chemin que le chemin policier, selon vous? Parce que ça ne veut pas dire
que, parce qu'il n'y a pas d'accusations, il ne s'est rien passé à Val-D'Or,
là. Qu'est-ce que vous suggérez? Est-ce que vous pensez que c'est…
Mme Jean : En fait, ce
que je pense, c'est que le côté policier, il faut que ça se fasse, il faut que l'enquête
se fasse parce qu'on est dans un système où la justice, elle doit être faite.
Ceci dit, ça prend aussi toute
l'infrastructure ou tout l'environnement autour des femmes qui sont agressées,
autochtones ou non autochtones. Donc, il y a le côté aussi de la société qui
doit supporter et qui doit croire ces femmes-là qui se disent agressées
sexuellement. Donc, il y a toute une procédure, je pense, il y a toute une
réflexion à faire autour de ça.
M. Laforest (Alain) :
Vous remettez en question l'enquête qui a été faite par les corps de police et
par le Directeur des poursuites criminelles et pénales aujourd'hui?
Mme Jean : Ce n'est pas une
remise en question de ce qu'ils font, c'est une remise en question…
M. Laforest (Alain) :
Bien, c'est ce que vous dites, là. Vous dites que vous voulez une enquête du
Bureau des enquêtes indépendantes avant même d'avoir le rapport du Directeur
des poursuites criminelles et pénales, ce qui veut dire que nous ne portez pas
foi à l'enquête qui a été faite.
Mme Jean : Dès le début,
on a demandé, nous, que ça soit une enquête faite par le Bureau des enquêtes
indépendantes parce que ça me semble logique — et je pense que la
majorité des gens vont trouver que ça semble logique — que ce soit
indépendant et que ce ne soit pas normal que des policiers enquêtent sur des
policiers. C'est ça qu'on réitère. Donc, ce n'est pas nouveau, c'est qu'on l'a
demandé depuis le début et on le demande encore aujourd'hui.
Mme Crête (Mylène) : Si
le Bureau des enquêtes indépendantes était arrivé à la même conclusion, ça vous
aurait satisfait?
Mme Jean : Bien, je pense
qu'il faudrait, effectivement, en prendre acte. Lorsque c'est le Bureau des
enquêtes indépendantes qui porte son jugement ou qui fait son dépôt d'enquête
avec ses conclusions, je pense que, oui, à ce moment-là, il y a plus de
crédibilité à donner à cette enquête-là, je pense qu'il faudrait y croire.
Mme Crête (Mylène) : Mais
ce n'est pas la SQ qui a enquêté sur la SQ.
Mme Jean : Mais ça reste
des policiers qui enquêtent sur des policiers.
Mme Crête (Mylène) :
C'est quoi, le problème là-dedans?
Mme Jean : Bien,
policiers, policiers. C'est comme si vous enquêtiez sur votre propre famille.
La distanciation que vous avez besoin pour porter jugement et faire les gestes
sera pas mal plus difficile. Donc, je pense que, pour éviter ce côté-là de
proximité, il ne faut pas que ce soient des policiers qui enquêtent sur des
policiers, mais plutôt une enquête indépendante qui permet d'avoir l'oeil le
plus objectif possible par rapport à des situations qui sont, avouons-le, je
vous dirais, troublantes. Donc, on est tous inquiétés par ça. Et c'est
troublant, ces gestes-là, d'agression sexuelle, que ce soit pour les victimes
ou que ce soit pour les présumés agresseurs. Donc, pour tout le monde, je pense
que c'est important d'avoir une enquête en qui on aura tous confiance, autant
les policiers que la population et que les victimes.
Mme Biron (Martine) : Où
en est rendue la commission parlementaire sur la violence faite aux femmes?
Peut-être, Carole?
Mme Poirier
:
Bien, c'est Mireille, maintenant, qui y siège. Alors, moi, je l'accompagne
aujourd'hui, mais c'est Mireille qui siège maintenant à cette commission qu'on
a mise en place.
Mme Jean : Je n'ai pas
encore fait mes premiers pas dans la commission.
Mme Biron (Martine) :
O.K., ça n'a pas siégé depuis septembre, c'est ça que je comprends?
Mme Jean : Pour la
Commission des relations avec les citoyens?
Mme Poirier
: Non,
sur les conditions de vie des femmes autochtones.
Mme Jean : Moi, je n'ai
pas encore participé à ces discussions-là. Je suis désolée, je ne peux pas vous
mettre à jour.
Mme Biron (Martine) :
Mme Poirier, peut-être nous mettre au parfum de ce qui se passe?
Mme Poirier
:
Bien, on se rappellera qu'il y avait eu un mandat explicite à l'effet d'aller
visiter, parce qu'on est rendus à cette étape, dans les communautés
autochtones, rencontrer les femmes autochtones et pouvoir constater sur place
les conditions de vie. Tel était le mandat de… Et donc la commission doit
établir un calendrier pour… Justement, je pense qu'il y a un calendrier qui est
en élaboration, qui va faire en sorte que les membres de la commission… comme
on l'a fait précédemment. On avait été rencontrer, à Missinak, et on a été
aussi à Kuujjuaq et à Inukjuak, des femmes tant inuites qu'autochtones. Eh
bien, il y aurait un calendrier qui va se dérouler dans les prochaines semaines
pour avoir des rencontres sur le terrain et pouvoir continuer le mandat.
Mme Biron (Martine) :
Quand? À partir de janvier ou…
Mme Jean : Là, la mémoire
me revient.
Mme Biron (Martine) : La
mémoire revient? D'accord.
Mme Jean : Je suis désolée.
L'objectif, c'est d'avoir, justement, terminé ces rencontres-là avant le
printemps, et actuellement les demandes ont été faites auprès des communautés
pour pouvoir nous permettre d'aller les rencontrer. Donc, les communications
sont déjà en marche, et on attend la réponse des communautés pour pouvoir aller
les rencontrer pour pouvoir déposer avant le printemps. Donc, printemps, on
parle de juin, là.
Mme Biron (Martine) :
Vous ne trouvez pas ça un peu long?
Mme Poirier
:
D'ailleurs, pour votre information, ce soir, il y a un souper du Cercle des
femmes parlementaires auquel six femmes chefs ou élues autochtones
participeront, alors vous pourrez peut-être leur poser la question, elles ont
été interpellées justement pour organiser ces rencontres-là.
Mme Biron (Martine) :
Mais vous ne trouvez pas ça un peu long, que le calendrier se mette en marche
en juin? Ça fait déjà au-dessus d'un an, là, qu'on parle de ça.
Mme Jean : Bien, écoutez,
moi, là-dessus, au niveau de la longueur, je ne peux pas juger. Moi, ce que je
trouve toujours trop long, en fait, c'est que c'est des situations qui
inquiètent tout le monde. Je pense c'est des situations qui sont importantes à
regarder, puis les délais, c'est toujours, comment je vous dirais ça, être
déçue qu'il y ait des délais ou des longueurs qui puissent s'implanter.
Ceci dit, vous conviendrez avec moi que c'est
une situation complexe, avec des organisations qui sont complexes. On ne doit
pas aller plus vite que, même, les organisations à qui on fait les demandes, il
faut respecter aussi leur vitesse à eux.
Mme Biron (Martine) :
Maintenant, le plan d'action sur les violences sexuelles que la ministre a
rendu public en catastrophe dans la foulée de l'affaire Sklavounos devait
comporter un volet autochtone. Déjà, il était déjà en retard, là, quand ils l'ont
déposé. Où c'en est rendu et quelles sont vos informations sur ce volet autochtone?
Mme Jean : Bien, lorsque
le dépôt a été fait, de la politique, de la stratégie, on a déjà déploré, effectivement,
que c'était reporté à plus tard, la notion, l'enjeu des femmes autochtones.
Donc, ça a été exclu de ce projet-là, et donc il y a de quoi déplorer qu'encore
une fois on a pelleté par en avant, on a procrastiné ce dossier-là, et ça
risque effectivement de mettre des longueurs qu'on aimerait qu'elles n'existent
pas. On aurait préféré qu'il y ait quelque chose de plus sérieux à même ce
projet-là ou cette stratégie-là, de manière à ce qu'on puisse passer à l'action,
ou avoir des ressources, ou avoir les moyens de faire des actions à ce
niveau-là.
Mme Biron (Martine) :
Vous parlez de procrastination?
Mme Jean : De reporter.
Mme Biron (Martine) :
Oui, mais est-ce que le dossier avance? Est-ce que vous avez des indications à
l'effet qu'ils travaillent sur ce volet-là ou... Parce que vous avez utilisé le
mot...
Mme Jean : Actuellement,
ce qu'on a comme information, c'est que ce n'est pas inclus puis que le
gouvernement continue de travailler là-dessus, mais sans plus de détails,
effectivement.
Mme Poirier
: Puis
je nous rappellerais que, cet été, suite au fait que le gouvernement fédéral a
créé la commission d'enquête nationale sur les femmes disparues autochtones, le
gouvernement du Québec a adopté un décret pour, justement, donner son mandat
d'enquêter au gouvernement fédéral. Alors, encore là, on vient de reporter à un
autre palier de gouvernement les responsabilités du gouvernement du Québec.
Mme Plante (Caroline) :
Mme Jean, je m'excuse, j'ai oublié, est-ce que vous parlez anglais?
Mme Jean : Un peu.
Mme Plante (Caroline) :
Un peu. Alors, on peut poser des questions en anglais, ça va? I'd
like to know what was your reaction yesterday when you saw information
circulating that there probably wouldn't be any accusations. How did you feel?
What was your reaction?
Mme Jean : A great disappointment, first, because, you know, as I told in
French, we are disappointed to have this information and more upset about or
«inquiets» when we read about what we saw. You know, we asked for an
independent inquiry and we don't have it. We asked it, at first, and we are
asking it right now too, again. And it's important to have this independent
report to have great confidence about the conclusion of the inquiry.
Mme Plante (Caroline) : Do you worry about the effect that this could have on the native
women themselves? Do you think that their confidence in the system, in the
judicial system and police system will be shaken even more?
Mme Jean : I don't know if it's even more, but we have to be worried or
disappointed because the police has inquired police. And everyone, not only
women, but everyone has to be worried about that because it's police enquiring
police, and they don't have the distance of the topic.
Mme Plante
(Caroline) : Avez-vous peut-être quelque chose à ajouter là-dessus,
Mme Poirier? Quel effet vous pensez que ça va faire? Qu'est-ce que vous
pensez que ça va faire aux femmes — que vous rencontrez ce soir,
d'ailleurs — aux femmes autochtones s'il n'y a pas d'accusations, là?
Comment elles vont prendre ça, d'après vous?
Mme Poirier
: Bien,
vous savez que les femmes autochtones ont, depuis longtemps, réclamé entre
autres une commission sur le racisme systémique, et cette demande s'inscrit
dans la foulée de tous ces événements pour lesquels les femmes autochtones ont
dénoncé, en commission, entre autres, au niveau de la Commission de la
réconciliation au fédéral... que ce soit ici, en commission parlementaire sur
les conditions de vie des femmes autochtones, on revient toujours à la même demande :
Pouvons-nous être écoutées et pouvons-nous faire partie de la solution?
Mme Plante (Caroline) :
C'est ça, si elles dénoncent puis il n'y a rien qui se passe.
Mme Poirier
:
Bien, c'est ce qui se passe depuis très longtemps, il ne se passe rien.
M. Hicks
(Ryan) : Just one question, because you said
that you wanted the Bureau des enquêtes indépendantes to investigate this
because you don't believe that police should be investigating police, but some
people on the BEI could be ex-police officers. So, at the end of the day, you
would still have police investigating police, wouldn't you?
Mme Poirier
:
But it's why we created the Bureau des enquêtes indépendantes, to have, you know, a distance between the police and the independency
of the inquiry. It's why we created that office, so it's why we need that
office to do this inquiry.
Mme Jean : But, even if it's ex-police, what I understand is it's not only
ex-police, so we have other kinds of people in the Bureau
des enquêtes indépendantes.
Mme Plante (Caroline) : Do you have support from the other parties, la CAQ, Québec solidaire, to ask for an independent
inquiry? Do you have the support of the other parties?
Mme Poirier
: Yes, we had that support before. When we asked for that in November
2015, we were supported by the other Opposition parties.
Mme Jean : …to be supported by everyone about that. I think it's important for everyone to have this kind of
investigation by the bureau indépendant des…
Mme Poirier
: And we are supported by the Femmes autochtones du Québec and by
Ghislain Picard, which is the chief of l'Assemblée des Premières Nations.
Mme Crête (Mylène) : Je
veux juste être sûre que j'ai vraiment bien compris, là, le Bureau des enquêtes
indépendantes, vous voudriez qu'il fasse les enquêtes criminelles sur les
allégations d'agression ou une enquête nationale, comme d'autres partis, là, le
demandent?
Mme Jean : Bien, d'abord,
là, on va parler de la situation des femmes autochtones à Val-d'Or, et tout ça,
et ça, ça prendrait une enquête avec le Bureau des enquêtes indépendantes.
Mme Crête (Mylène) :
Donc, vous voulez qu'il fasse l'enquête criminelle sur les allégations…
Mme Jean : Oui, absolument.
Il faut que ce soit complètement indépendant par rapport à ces cas-là. On a des
femmes qui ont dénoncé, elles ont besoin d'avoir confiance dans le résultat de
l'enquête. Et la manière de créer cette confiance-là, tout le monde sera
d'accord avec moi là-dessus, d'accord avec nous là-dessus, c'est que ça prend
le plus de distanciation possible et d'indépendance par rapport à ceux qui sont
accusés ou ceux qui sont soupçonnés. Donc, on parle de la police, la police qui
enquête la police, donc c'est pour ça que nous, on préconise, on demande et même
exige que ce soit le Bureau des enquêtes indépendantes qui fasse l'enquête en
question pour éviter que ce soit la police qui enquête sur la police sur ce
cas-là en particulier. Merci beaucoup.
Mme Poirier
:
Merci.
(Fin à 9 h 47)