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Conférence de presse de Mme Stéphanie Vallée, ministre de la Justice, M. Martin Coiteux, ministre de la Sécurité publique, et M. Luc Fortin, ministre de la Culture et des Communications

Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques

Version finale

Wednesday, November 16, 2016, 14 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Quatorze heures sept minutes)

Mme Vallée : Bien, bonjour à tous. Alors, merci d'être ici. Vous savez, au cours des dernières semaines, les questions de la surveillance des médias par les cadres policiers et la protection des sources journalistiques ont occupé une place importante dans le débat public. Notre gouvernement n'a pas tardé à agir en annonçant notamment la mise en place d'une commission d'enquête publique sur ces enjeux.

Alors, aujourd'hui, nous concrétisons cet engagement. Le Conseil des ministres a adopté, il y a quelques minutes, un décret qui officialise la création de la Commission d'enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques, son mandat et les membres qui la composeront. Le mandat de la commission se déclinera en trois points : d'abord enquêter, faire rapport et formuler des recommandations sur les pratiques policières en matière d'enquêtes susceptibles de porter atteinte au privilège protégeant l'identité des sources journalistiques, y compris sur les allégations d'intervention politique auprès des corps de police de nature à compromettre ce privilège et qui ont pu mener au déclenchement d'enquêtes policières; enquêter, faire rapport et formuler des recommandations sur les pratiques relatives à l'obtention et à l'exécution d'autorisations judiciaires susceptibles de porter atteinte au privilège protégeant l'identité des sources journalistiques; formuler des recommandations au gouvernement quant aux meilleures pratiques et aux actions concrètes à mettre en oeuvre afin d'assurer le respect du privilège protégeant l'identité des sources journalistiques. Ces recommandations pourront aussi porter sur les pratiques du Directeur des poursuites criminelles et pénales, les balises entourant les autorisations judiciaires et l'opportunité de modifier les cadres législatifs et administratifs pertinents.

Les travaux de la commission porteront sur la période débutant le 7 mai 2010, date où la Cour suprême du Canada a statué sur la protection des sources journalistes en matière criminelle, et ses audiences seront publiques. Son rapport final et ses recommandations devront être remis au gouvernement au plus tard le 1er mars 2018.

Pour mener à bien ce mandat, la commission d'enquête sera composée de trois commissaires possédant respectivement une expertise du milieu judiciaire, du milieu policier et du milieu journalistique. Je vais laisser à mes collègues le soin de présenter les commissaires qui relèvent de leur spécialité. Pour ma part, je suis heureuse d'annoncer que la commission sera présidée par l'honorable Jacques Chamberland, juge à la Cour d'appel depuis 1993. De par sa vaste expérience, M. le juge Chamberland est un candidat de choix pour mener les travaux de la commission. Je le remercie d'avoir accepté le mandat et je remercie également les autres commissaires pour leur implication. Sur ce, je cède la parole à mon collègue le ministre de la Sécurité publique.

M. Coiteux : Oui, alors, bonjour à tous. Alors, comme ma collègue ministre de la Justice vient de vous le mentionner, le Conseil des ministres a adopté il y a quelques minutes le décret qui officialise la création de la Commission d'enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques, qui va être présidée par l'honorable Jacques Chamberland.

Alors, pour ma part, je vous annonce que M. Alexandre Matte sera le commissaire représentant le milieu policier. Alors, M. Matte est un ex-directeur de police du Service de police de la ville de Québec. C'est quelqu'un qui possède une vaste expérience de la gestion d'une organisation policière. C'est aussi quelqu'un qui détient une expertise reconnue tout particulièrement dans le domaine des enquêtes criminelles. À l'heure actuelle, il occupe la fonction d'enseignant et responsable coordonnateur au programme collégial de Techniques policières au Collège Notre-Dame-de-Foy. Je suis convaincu que M. Matte contribuera de façon significative aux travaux de la commission, considérant son cheminement professionnel et l'expertise opérationnelle qu'il a acquise au fil de sa carrière.

Par ailleurs, en plus de cette commission d'enquête, j'aimerais vous rappeler que nous avons également mis en place une directive qui oblige d'obtenir l'autorisation du Directeur des poursuites criminelles et pénales avant que soit présentée une demande de mandat d'écoute électronique visant un journaliste, comme c'est notamment le cas pour les juges et les membres de l'Assemblée nationale, ainsi qu'une directive obligeant à consulter le DPCP avant de présenter à un juge toute autre demande de mandat qui pourrait avoir pour effet de révéler des sources journalistiques.

Également, on a aussi annoncé la tenue d'une inspection qui porte notamment sur l'interception des communications privées auprès des corps policiers concernés, et il y a eu aussi, suite à une demande à cet effet du directeur général de la Sûreté du Québec, une enquête administrative qui a été déclenchée par le ministère de la Sécurité publique.

Alors, on ne le répétera jamais assez, la liberté de presse est une valeur fondamentale de notre société, et, comme vous pouvez le constater, le gouvernement du Québec n'a aucunement hésité à prendre les actions appropriées pour faire respecter ce droit.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue Luc Fortin, qui va vous parler du troisième commissaire.

M. Fortin (Sherbrooke) :Merci beaucoup, Martin. Pour ma part, à la suite de consultations que j'ai menées, à titre de ministre responsable des Communications, auprès des directeurs de presse des principaux médias québécois, je vous annonce que Me Guylaine Bachand sera la commissaire représentant les médias. Me Bachand jouit d'une grande crédibilité dans le milieu journalistique et possède une expérience de 20 ans en droit des médias sur des sujets importants comme l'éthique et la protection des sources journalistiques. Elle est diplômée de l'Université d'Ottawa et a travaillé sur des questions liées au droit public à l'information, à la liberté d'expression et aux limites au droit au respect de la vie privée en plus d'être conseillère juridique auprès d'importants groupes médiatiques. Je tiens à vous rappeler que le processus de sélection s'est fait en collaboration avec les directeurs de presse que j'ai consultés, tel que le demandait le mandat qui m'avait été confié par le premier ministre.

En terminant, je tiens à joindre ma voix à celles de mes collègues afin de rappeler que la liberté de presse est une valeur fondatrice de notre démocratie et que les actions rapides posées par notre gouvernement permettront aux commissaires de formuler des recommandations et d'identifier les meilleures pratiques. Sur ce, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Modérateur : On va commencer avec Alain Laforest, s'il vous plaît.

M. Laforest (Alain) : Bonjour, messieurs dame. Pourquoi vous limiter — je comprends qu'il y a un jugement à la Cour suprême, là — à mai 2010 et ne pas remonter avant?

Mme Vallée : C'est justement la décision de la Cour suprême qui va nous guider parce que les enjeux qui touchent la protection des sources journalistiques, ils sont nombreux, mais c'est en 2010, c'est dans le cadre de cette décision-là que la Cour suprême a établi des balises, a établi les façons et les considérations qui doivent être analysées lorsqu'un mandat visant ou pouvant affecter une source journalistique est en jeu. Alors, on a cru qu'il était opportun de prendre cette date comme étant la date butoir à partir de laquelle toute demande, tout mandat devait être analysé.

M. Laforest (Alain) : Mais on ne saura pas s'il s'est passé de quoi avant, là.

Mme Vallée : Le mandat de la commission... puis c'est important aussi de définir un temps, de définir un échéancier à un mandat. Je pense que nous avons, au cours des dernières semaines, été interpellés par des informations qui ont mis en lumière certains enjeux. Pour nous, il est important de répondre aux questions qu'a soulevées toute cette mise en lumière, et le mandat va permettre de faire la lumière, va permettre aux commissaires de se pencher sur une période qui est non négligeable, qui est quand même une période de plus de six ans.

M. Laforest (Alain) : Mais six ans, c'est peu, là, dans l'histoire d'une démocratie, là. On ne pourra pas savoir s'il ne s'est pas passé des choses avant.

Mme Vallée : La Cour suprême nous donne des balises, nous établit des lignes claires. Avant la décision de la Cour suprême, les balises n'étaient pas aussi claires. Donc, cette norme-là, cette date butoir, qui est celle de la décision de la Cour suprême, pour nous, était la date à partir de laquelle il était opportun d'identifier et d'évaluer les processus qui ont été établis et la façon dont tout ça, la protection des sources journalistiques a été mise en oeuvre.

Depuis 2010, les pratiques ont changé, la Cour suprême a amené les gens à réviser leurs façons de faire parce qu'elle a donné des guides, a donné aussi des guides à tous ceux et celles qui avaient à se pencher sur cette question-là.

Le mandat qui est donné à la commission d'enquête est aussi d'émettre des recommandations au gouvernement quant aux modifications qui pourraient s'avérer utiles en matière législative, en matière administrative, réglementaire.

Bref, à la lumière de cette décision-là, à la lumière de la façon dont cette décision-là s'est déclinée dans la sphère publique, on considère qu'il s'agit d'un délai qui est tout à fait raisonnable.

M. Laforest (Alain) : Une petite dernière, si le président le permet. Vous répondez quoi aux critiques de l'opposition à l'effet qu'ils n'ont pas été consultés du tout, là, pour formuler le mandat de cette commission d'enquête là, alors que le premier ministre a été très clair, il a dit : Moi, je veux une consultation de tout le monde.

Mme Vallée : Il faut comprendre le contexte dans lequel tout ça s'est inscrit. Dans un premier temps, nous avions convenu de mandater des experts, un comité d'experts pour émettre des recommandations. Ça, c'est mardi le 2 novembre, on en était à cette étape-là, et c'était dans ce contexte qu'un certain nombre d'échanges ont eu lieu.

Maintenant, le 4 novembre, on a annoncé la création de la commission d'enquête. On a été à l'écoute des différents commentaires qui ont été formulés, des préoccupations qui ont été soulevées, parce que je crois que les partis d'opposition ont eu l'occasion aussi de s'exprimer dans la sphère publique de façon assez claire quant à leurs attentes, quant à leurs préoccupations. Alors, pour ce faire, je pense que le mandat vient rejoindre des préoccupations qui ont été exprimées par les partis de l'opposition.

Pour ce qui est de la constitution de la commission, des experts qui ont été nommés, l'expert nommé avec l'expertise en matière journalistique a fait l'objet d'une consultation auprès des groupes des médias, tel que prévu. Alors, c'était le mandat que mon collègue Luc Fortin avait. Et, pour ma part, je dois vous dire avoir eu des échanges avec mes collègues, avec mes critiques de l'opposition, tant Mme Hivon que M. Jolin-Barrette. Évidemment, les recherches pour trouver les candidats, ça nous amène à analyser bon nombre de candidatures, et chaque candidature doit être évaluée en fonction de son expertise, en fonction aussi d'un potentiel conflit d'intérêts et en fonction de leur disponibilité. Mais je dois vous assurer que les candidatures qui ont été suggérées par mes collègues ont été considérées.

Le Modérateur : Denis Lessard.

M. Lessard (Denis) : Dans toutes ces décisions-là, il y a toujours intervention d'un juge ou d'un juge de paix pour autoriser des mandats de surveillance ou les mandats d'écoute, là, dans un cas. Est-ce que les juges peuvent être contraints à témoigner et puis, à plus forte raison, à témoigner en public de leurs décisions?

Mme Vallée : Bien, il y a, dans un premier temps, une mise en garde ou un mandat qui est très clair, donné à la commission, qui doit veiller à ne pas venir porter atteinte au processus judiciaire en cours. Ça, c'est clair. Alors donc, si certains dossiers touchaient des dossiers qui sont pendants, la commission n'est pas là pour venir s'ingérer dans le dossier, dans le processus en cours. La commission a le loisir de tenir des auditions à huis clos pour préserver les enquêtes policières, notamment pour préserver le processus judiciaire. La commission n'est pas un tribunal d'appel des décisions qui ont pu être rendues, ça, c'est important de le mentionner. La commission est là pour enquêter, pour faire rapport, pour formuler des recommandations. Ça, c'est l'objectif.

M. Lessard (Denis) : Ma question était bien simple : Est-ce qu'un juge peut être contraint à venir témoigner devant cette commission-là?

Mme Vallée : L'indépendance de la magistrature est un élément qui est très important, qui doit être considéré dans le contexte de cette commission-là. N'oublions pas que la magistrature est indépendante de l'exécutif et du législatif. Alors, pour nous, il est important… Et la commission d'enquête doit voir à préserver cette indépendance judiciaire et à s'assurer…

M. Lessard (Denis) : …ils ne seront pas… Vous invitez la commission à ne pas assigner à témoigner?

Mme Vallée : Ce n'est pas que je les invite, c'est que de facto...

M. Lessard (Denis) : …ou vous invitez… ou vous leur permettez de ne pas venir s'il ne veulent pas.

Mme Vallée : … de facto, la magistrature n'est pas contraignable. De facto.

M. Lessard (Denis) : Même si c'est un juge de paix.

Mme Vallée : De facto. Un juge de paix, M. Lessard, c'est important, là, de le mentionner, a des fonctions particulières, mais c'est un juge à part entière comme un juge de la Cour du Québec. Alors, ça, c'est important, parce qu'il semble…

M. Lessard (Denis) : Il y a un article sur la Loi sur les commissions d'enquête qui permet à un juge de convoquer des juges qui ne sont pas des juges d'instances fédérales.

Mme Vallée : Bien, ici, on est dans la Loi sur les commissions d'enquête, qui est du Québec, alors, c'est notre loi québécoise qui encadre les travaux de la commission, et la magistrature n'est pas contraignable en raison même de l'indépendance judiciaire.

M. Lessard (Denis) : Est-ce que vous souhaitez que l'essentiel de la commission se fasse publiquement, là, dans les audiences publiques?

Mme Vallée : L'objectif, c'est que cette commission d'enquête soit publique. C'est l'objectif de la commission d'enquête et ce n'est que dans des cas... Et ce sera aux commissaires de déterminer l'opportunité de tenir des audiences à huis clos s'il s'agissait d'enjeux qui pourraient avoir un impact sur des enquêtes en cours. Mais l'objectif et le principe, c'est qu'il s'agit bel et bien d'une enquête publique, au même titre que la commission Charbonneau l'était.

Le Modérateur : Nicolas Vigneault.

M. Vigneault (Nicolas) : Justement, Mme Vallée, dans cette optique-là, la commission Charbonneau, vous en faites mention, on a touché à certaines choses, à des dossiers où il y avait des enquêtes, visiblement, en cours parce que ces enquêtes-là ont abouti en bout de ligne. Et il y a eu des révélations assez troublantes à la commission Charbonneau. Vous dites : Il faut protéger les enquêtes en cours. Est-ce que vous ne risquez pas d'enlever beaucoup de pouvoirs à cette commission-là?

Mme Vallée : Pas du tout. La commission d'enquête n'est pas... On n'enlève aucun pouvoir. La référence au mandat qui prévoit de s'assurer de préserver le processus judiciaire en cours, de préserver les enquêtes en cours, on avait le même type de clause dans le décret qui mettait en oeuvre la commission Charbonneau.

Alors, vous avez pu voir que ces balises-là existaient dans le cadre de la commission Charbonneau, existent dans cette commission d'enquête. Je pense qu'il est de notre devoir de voir à ce que les enquêtes policières aboutissent, de voir à ce que les procédures judiciaires puissent aboutir sans aucune interruption. Notre objectif, ce n'est pas du tout de venir court-circuiter un processus judiciaire ou un processus policier, au contraire.

M. Vigneault (Nicolas) : Et, de votre côté, bien, justement, dans cette optique-là... Bien, je vais revenir avec la question tout à l'heure, là, j'avais quelque chose en tête.

Le Modérateur : Marco Cirino-Bélair.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui, bonjour. Vous aviez mentionné, dès l'éclatement de l'affaire Lagacé, que votre préoccupation était essentiellement dirigée vers deux choses : la protection des sources journalistiques et l'étanchéité des pouvoirs judiciaire, politique, médiatique, politique. Cette deuxième partie-là semble, disons, être occultée par la première. Est-ce que c'est toujours dans votre intention que les commissaires s'intéressent et proposent des mesures pour assurer l'indépendance des pouvoirs politique, judiciaire, juridique et médiatique?

Mme Vallée : Le mandat le prévoit très clairement. Dans le premier point du mandat, lorsque l'on indique que le mandat de la commission est le suivant, c'est-à-dire enquêter, faire rapport et formuler des recommandations sur les pratiques policières en matière d'enquête susceptibles de porter atteinte aux privilèges portant à l'identité des sources journalistiques, y compris sur les allégations d'interventions politiques auprès des corps de police de nature à compromettre ce privilège, qui ont pu mener au déclenchement d'enquêtes policières. Donc, sur les allégations d'interventions politiques, le mandat de la commission, c'est d'enquêter, de faire rapport et de formuler des recommandations.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais, dans la mesure où les sources étaient peut-être des acteurs politiques, est-ce que ces acteurs-là politiques vont être appelés à témoigner durant les travaux de la commission?

Mme Vallée : Ce n'est pas à moi de diriger les travaux de la commission d'enquête. La commission d'enquête verra à déterminer qui seront les témoins qui doivent être entendus en public ou à huis clos si des enquêtes policières ou des processus judiciaires sont en cours.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Pourquoi avoir prévu — puis dites-moi si, en fait, ça fait partie d'un exercice régulier, là — comme dernière disposition au mandat que le rapport de la commission ne comporte aucun blâme et ne formule aucune conclusion ou recommandation à l'égard de la responsabilité civile, pénale ou criminelle de personnes ou d'organisations?

Mme Vallée : C'est une clause standard. Vous retrouverez cette clause-là dans le mandat accordé à la commission Charbonneau... pardon, dans le mandat sur la commission d'enquête sur les femmes autochtones. L'objectif, c'est d'émettre des recommandations. Nous, ce qui est souhaité, c'est d'avoir une enquête qui va mener à des recommandations afin d'apporter des modifications et d'assurer que le Québec se dote des meilleures pratiques en matière de protection des sources journalistiques et de protection de la liberté de presse.

Journaliste : Je vais poser une question. Est-ce qu'il y a un aspect de la commission qui pourrait traiter des sonneurs d'alerte, la question des sonneurs d'alerte ou de la protection des sonneurs d'alerte? Je comprends qu'il y a un projet de loi, le projet de loi n° 87, qui est actuellement sur la table, mais on peut difficilement dissocier sonneurs d'alerte et sources journalistiques. Est-ce qu'il y a un aspect qui va toucher aux sonneurs d'alerte dans la commission?

Mme Vallée : Il s'agit de la protection des sources journalistiques. Les sources journalistiques peuvent aussi, d'une certaine façon, être considérées comme sonneurs d'alerte. Il appartiendra à la commission de déterminer dans quelle mesure et de quelle façon elle aborde ces enjeux-là. Mais une source journalistique, vous le savez plus que moi, c'est assez diversifié et peut provenir de différents milieux et amener les journalistes à pencher et à porter un regard sur un certain nombre d'enjeux. Donc, c'est certain qu'on ne peut pas prétendre qu'il n'y a pas une interrelation entre une source journalistique et un sonneur d'alerte.

Maintenant, la commission se penchera sur ces questions-là s'il y a lieu lorsque... Le mandat prévoit de donner un mandat pour émettre des recommandations visant à modifier le corpus législatif. Bien, tout ça est interrelié également. Si la commission voit que, dans notre corpus législatif, avec les moyens que nous avons, il y a lieu de mieux protéger ces sources journalistiques là, bien, la commission va voir à faire ses recommandations.

Journaliste : Non, mais je pose cette question-là, parce qu'on comprend que, dans le processus qui mène à la création de la commission, c'est qu'il y a des corps policiers qui ont essayé de connaître les sources de certains journalistes et ces personnes-là étaient des sonneurs d'alerte. Alors, je pense qu'on peut difficilement dissocier les deux, et c'est pour ça que je pose la question à savoir s'il y a un volet qui va traiter de la protection des sonneurs d'alerte également.

Mme Vallée : Je comprends qu'un sonneur d'alerte peut être une source journalistique, une source journalistique, un sonneur d'alerte, selon la façon dont vous le présentez. Nous, le mandat, on le regarde vraiment sur la protection des sources journalistiques dans leur ensemble, et la commission d'enquête verra à émettre des recommandations. Votre question, c'est : Est-ce qu'il y a lieu d'accorder, dans ce contexte précis là, des protections additionnelles? J'imagine que la commission se penchera sur la question. Nous, on est dans un contexte très particulier de sources journalistiques, qui peuvent être très diverses, très diversifiées, provenir de milieux très différents et oeuvrer dans des contextes très différents les uns des autres, mais il n'en demeure pas moins qu'au bout de la journée ce sont des sources journalistiques.

Le Modérateur : Marc-André Gagnon.

M. Gagnon (Marc-André) : Bonjour. Je vois dans les documents qui nous ont été remis, donc, que les commissaires vont recevoir des honoraires de 800 $ par jour. Quel est le budget? J'imagine que vous avez dû produire un estimé, là, de ce que ça devrait coûter, les travaux de cette commission.

Mme Vallée : En fait, là, les commissaires verront à organiser leurs travaux. Alors, à compter d'aujourd'hui, les commissaires nommés vont voir à organiser leurs équipes, organiser les travaux de leur commission. Le salaire de 800 $ par jour est établi en fonction du tarif gouvernemental de 100 $ l'heure.

Journaliste : Ça vaut pour le président aussi?

Mme Vallée : Le président, étant membre de la magistrature, étant membre de la Cour d'appel, n'a pas de salaire additionnel. Il est rémunéré en fonction de son salaire habituel.

Journaliste : Est-ce que vous avez une estimation pour les 18 mois, un ordre de grandeur, là, comment ça va coûter, l'exercice, pas seulement les salaires?

Mme Vallée : Je n'ai pas le montant précis, puisque les membres de la commission, les commissaires verront à préparer leurs travaux. Ils vont déterminer leurs besoins, ils vont déterminer leurs besoins en fait d'effectifs. Donc, c'est difficile aujourd'hui de vous donner un aperçu du coût de la commission d'enquête, même pour l'espace prévu jusqu'au 1er mars 2018, puisque les commissaires n'ont pas pu se pencher sur cette question-là avant d'être nommés. Ils sont nommés aujourd'hui, ils vont préparer leurs dossiers, ils vont se rencontrer, ils vont évaluer leurs besoins, faire un estimé des besoins, et c'est à ce moment-là qu'on aura une meilleure évaluation des coûts. Et n'oublions pas que ces commissaires-là sont également indépendants.

M. Gagnon (Marc-André) : Si j'ai bien compris, donc, vos propos, les dossiers qui sont présentement devant les tribunaux, bien, ces dossiers-là ne pourront pas faire l'objet de la commission d'enquête.

Mme Vallée : Ce n'est pas tout à fait exact, c'est-à-dire que la commission d'enquête devra user de prudence pour assurer de ne pas venir porter atteinte aux processus judiciaires en cours et aux enquêtes policières en cours, tout comme la commission Charbonneau. La commission Charbonneau a pu se pencher sur des dossiers qui faisaient l'objet d'enquêtes policières et qui faisaient l'objet de processus judiciaires, mais elle a dû le faire en utilisant des moyens particuliers pour protéger et éviter d'interférer et de nuire aux processus en cours. Alors, c'est tout simplement ça. On ne dit pas qu'ils ne peuvent pas, mais, dans le contexte de certains dossiers qui sont judiciarisés, la commission devra faire preuve de prudence. Et c'est pour ça d'ailleurs que le huis clos est permis dans certains cas, pour protéger la preuve, pour protéger les processus en cours. Mais l'objectif, ce n'est pas d'exclure du périmètre de la commission certains dossiers.

M. Laforest (Alain) : Donc, ce qui touche le SPVM et la Sûreté du Québec, ce sera à huis clos pour ne pas que ça, ça intervienne? Il y a déjà des procédures d'entamées, là.

Mme Vallée : Bien, écoutez, ce sera aux commissaires de déterminer... Oui, il y a certaines mesures, puis on l'a vu dans la commission Charbonneau, il y a certains dossiers et certains témoignages qui ont eu lieu en public et il y a eu du travail qui s'est fait, du travail d'enquête, qui s'est fait, qui n'a pas été nécessairement rendu public pour permettre de préserver la preuve. Maintenant, c'est la même chose. Il ne faut pas court-circuiter le processus judiciaire puis il ne faut pas non plus que... La commission — et ça, c'est important de bien le comprendre — n'est pas un tribunal d'appel d'une décision judiciaire.

M. Gagnon (Marc-André) : Il y a des journalistes qui sont allés à Ottawa aujourd'hui pour réclamer une intervention du gouvernement fédéral sur ce même enjeu. Quel est le rôle que doit jouer le fédéral, donc, sur cette question? Est-ce que vous souhaitez une intervention de la part du palier supérieur?

Mme Vallée : Bien, écoutez, nous, on pose les gestes que nous devons poser à l'intérieur de notre juridiction et à l'intérieur des pouvoirs que nous posons parce qu'on considère que la liberté de presse, c'est un droit qui est garanti par nos chartes, par la charte québécoise, mais par la Charte canadienne. C'est un droit qui est reconnu par la Cour suprême. La protection des sources journalistiques a été reconnue par la Cour suprême. Nous, ici, à la lumière des faits qui ont été divulgués au cours des dernières semaines, on a cru important, même essentiel, de mettre en place une commission d'enquête.

Le Modérateur : Nicolas Vigneault avait une question reportée.

M. Vigneault (Nicolas) : Oui, c'est ça, j'ai une dernière question, en fait, sur le mandat, et tout ça. Les oppositions, quand même, disent que vous ne les avez pas consultées. Vous dites que vous avez consulté les gens des médias, et tout ça. Est-ce qu'effectivement vous avez failli à cette tâche-là? Parce que le premier ministre avait quand même dit : Il ne faut pas que ce soit un travail partisan.

Mme Vallée : Ce n'est pas un travail partisan. Sur les commissaires, il y a eu des échanges avec les oppositions.

Le Modérateur : On va passer aux questions en anglais, commencer avec Ryan Hicks.

M. Hicks (Ryan) : Hi. You talked about how you don't want this to short-circuit investigations that are under way right now. So, how will these commissioners balance preventing that from happening but also getting to the bottom of some of these incidents to come up with the best practices necessary?

Mme Vallée : The commissioners have a great experience, both of the judicial system and… and they will be able to identify the ways to address the mandate in the best ways and to protect the pending inquiries and the pending judicial procedures. This is why we have Justice Chamberland, this is why we have Me Bachand, who have great experience. And they have ways, they have tools, and we've given the commissioners tools to do their work and make sure that they protect these pending inquiries by having, for example… you'll have public audiences, but there's also… «des audiences à huis clos» — désolée, mon anglais aujourd'hui — …

M. Hicks (Ryan) : Closed door.

Mme Vallée : ...closed-door audiences, and that will allow the commissioners to obtain the information, but to protect the disclosure of the evidence.

M. Hicks (Ryan) :For those investigations or situations that aren't in the middle of the judicial process right now, some of the specific incidents that we heard about involving different journalists, will they be drilling down into everything that happened in those specific incidents?

Mme Vallée : The commissioners will do their work the way they feel the mandate given to them should be addressed. It's not up to the Government to tell the commissioners how to do their job, what to do, what to look for, where to look for. They have the experience, the expertise to determine what they have to do in order to give full power to the mandate given.

Le Modérateur : Maya Johnson.

Mme Johnson (Maya) : Hello. This weekend, the FPJQ will be gathering for its annual congress, and, even now, on their Web site, the name of the person who is supposed to be representing the media on this commission is Christian Leblanc, and it had been reported that he was unanimously chosen by the directors of 12 newsrooms. So, I'm just wondering how it came to be Guylaine Bachand.

Mme Vallée : Luc, est-ce que…

M. Fortin (Sherbrooke) : Oui. Je vais vous répondre en français, par contre, parce que mon anglais n'est pas assez bon. Mais Me Leblanc s'est désisté pour des raisons qui lui appartiennent. Alors, on a poursuivi le dialogue, poursuivi la consultation auprès des dirigeants des salles de presse et nous en sommes arrivés à la recommandation de nommer aujourd'hui Me Guylaine Bachand.

Mme Johnson (Maya) : Alors, vous avez consulté, évidemment, avec les directeurs des salles des nouvelles pour arriver à ce choix.

M. Fortin (Sherbrooke) :Absolument, absolument.

Mme Johnson (Maya) : Merci.

Le Modérateur : Raquel Fletcher.

Mme Fletcher (Raquel) : In all of these three points here, you list that you want them to write some sort of a report with recommendations. What do you expect then or how do you expect to implement those recommendations? Can you talk about your process after their report is completed? Will it be like the Charbonneau commission? How will you go about dealing with the report once it's done?

Mme Vallée : Well, we'll first let the commissioners do their work and see what changes need to be brought in the different aspects. It's a bit early in the process to tell you we'll have to make modifications to the legislation or we'll have to make modifications to directives that are given to police officers or to the DPCP. We'll see in time what the recommendations will be, but, with the «commission Charbonneau», we've been very active in putting in place the different changes that were required and are required by the «commission Charbonneau». Some of these changes sometimes request for our legislation to be amended, to be modified or for new legislation to be put in place. And, as you know, the legislative process is not as quick as one would probably want it because it's a lot of steps that we have to go through, and we have to have discussions with our colleagues from the Opposition, but it's still... I think that, with «la commission Charbonneau», where we've been pretty active and there have been many pieces of legislation… And we have a great respect for special inquiries, and we have great respect for the commissioners that have been appointed, and I'm sure we'll let them do their work. But I have no reason to doubt that we will not have as much respect to the recommendations that they will be presenting us because they are the experts and we have appointed them to do the light on a situation and to make recommendations in order to make sure that the freedom of press and the protection of the sources are really taken into account here, in Québec.

Mme Fletcher (Raquel) : Do you expect any pushback from police services throughout these investigations?

Mme Vallée : Sorry, I didn't understand.

Mme Fletcher (Raquel) : Any pushback?

Mme Vallée : I hope that everyone that will be called to collaborate and to contribute to the reflection and the work of the commission will do so. I mean, it's something that we're doing for the society. It's something that is, I think, of importance for everyone. Protecting and insuring that the rights that are protected by the charters, whether it is the Québec Charter or the Canadian Charter, it's something that we should all be preoccupied with. It's not just the Government's duty to protect the rights, but it's also our duty to make sure that our rights, throughout the years, throughout time, will continue to be protected.

M. Lessard (Denis) : ...policiers qui vont témoigner. Parce que, les juges, vous dites qu'ils n'ont pas d'affaire là, ils ne sont pas contraignables. Les journalistes, qui étaient passifs là-dedans, ils ne savaient même pas que ça existait, ils n'ont rien à contribuer à la commission. Ça fait qu'il y a seulement les policiers et les officiers qui vont venir expliquer.

Mme Vallée : Je ne le vois pas comme ça du tout. Je pense qu'il y a quand même plusieurs... il y a des experts, il y a des experts du milieu journalistique, il y a des experts du milieu juridique. Il y a sans doute un nombre étonnant de gens qui sont interpellés par la question de la protection des sources journalistiques. Ce n'est pas qu'une question d'enjeux policiers.

M. Lessard (Denis) : Seulement des policiers peuvent témoigner sur ce qui a été fait, sur les demandes de mandats ou des choses comme ça. Ce qui peut être fait, ce qui doit être fait, ça peut être fait à l'université, là. Mais ce qui a été fait, ça va être seulement les policiers…

Mme Vallée : Je ne partage pas votre lecture, M. Lessard. Maintenant, ça sera à la commission d'enquête d'identifier les gens. Mais je ne partage pas votre lecture, je pense qu'il y a beaucoup plus d'intervenants qu'on le croit qui ont quelque chose à dire et qui méritent d'être entendus par la commission d'enquête.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Pourquoi avoir fixé l'échéance au 1er mars 2018?

Mme Vallée : Pour permettre aux commissaires d'avoir suffisamment de temps pour procéder, pour formuler leurs travaux. Il y a eu des échanges pour déterminer... Bon, c'est un mandat qui est quand même assez large. C'est pour s'assurer que le mandat puisse être entrepris et complété dans un calendrier qui soit raisonnable pour la mise en place de la commission. Nous sommes le 16 novembre, et la commission doit se mettre en oeuvre, doit élaborer plan de match, doit élaborer ses travaux, entreprendre ses travaux. De donner un an jour pour jour, c'était un petit peu serré, je crois, dans le contexte où la mise en branle de la commission et la préparation des travaux de la commission, c'est aussi quelque chose de très important. Donc, le 1er mars 2018, c'est quand même un échéancier qui est raisonnable, qui est suffisamment long pour permettre à la commission de préparer ses travaux et d'entreprendre ses travaux, mais en même temps qui n'est pas trop long pour... qui permettra quand même d'en arriver avec des réponses dans un délai qui est respectable.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Merci, Mme Vallée. M. Coiteux, vous qui avez été un des grands artisans du retour à l'équilibre budgétaire, comment justifiez-vous à la population la mise en oeuvre d'une commission publique comme celle-là et un mandat aussi long? Mon collègue a fait référence, notamment, à la rémunération de deux des commissaires, 800 $ par jour, possiblement jusqu'au 1er mars 2018. Pour certains, la protection des sources journalistiques, c'est un enjeu peut-être secondaire. Comment justifiez-vous la mise en branle d'une telle commission aujourd'hui à la population québécoise?

M. Coiteux : D'abord parce que ce n'est pas un enjeu secondaire, justement, c'est un enjeu qui est fondamental. On est devant un enjeu qui est absolument fondamental. Et puis le rôle d'un État, c'est de défendre les libertés fondamentales puis de s'assurer qu'elles soient défendues par tous les acteurs qui sont concernés. Alors, ce n'est pas un enjeu budgétaire, ici, c'est un enjeu de principes fondamentaux. Et puis il n'y a rien à voir avec équilibrer les comptes — ce qu'on fait, heureusement — et puis de s'assurer que les libertés fondamentales soient respectées. Bien au contraire, c'est bien d'équilibrer les comptes pour être capables de rendre justice, de s'occuper de l'ensemble des fonctions de l'État.

Le Modérateur : Je vais accorder une dernière question à Nicolas Vigneault.

M. Vigneault (Nicolas) : Est-ce que vous croyez que les mesures que vous avez mises en place sont suffisantes pour rassurer le monde journalistique, les médias, qu'il n'y aura pas d'autres écoutes électroniques, par exemple, d'ici ce temps-là? C'est quand même un an et demi, là. Il y a un an et demi qui peut s'écouler d'ici la mise en place ou, en fait, le dépôt du rapport.

Mme Vallée : Mais, vous savez, il y a des nouvelles balises, oui, qui ont été annoncées, qui ont été édictées, tant du côté de la Sécurité publique pour les corps policiers, mais également tant du côté du Directeur des poursuites criminelles et pénales pour l'encadrement des mandats, et ces balises-là, évidemment, s'ajoutent aux balises de la Cour suprême. Il y a des contextes particuliers. Ce que la Cour suprême nous indique, c'est que, lorsque vient le temps d'émettre un mandat et si ce mandat touche les sources journalistiques, on doit vérifier un certain nombre d'éléments puis il faut s'assurer que c'est la dernière, dernière façon d'amener la preuve. Alors, ces mesures-là sont en place, elles existent actuellement, elles sont balisées. On a resserré les directives pour l'émission des mandats. Et la commission va nous amener à déterminer, s'il y a lieu, d'apporter d'autres modifications législatives, d'autres modifications réglementaires à travers les lois du Québec. Maintenant, est-ce qu'il y aura une réflexion quant aux modifications qui pourraient éventuellement être apportées au Code criminel? Ça, c'est une autre question intéressante.

Journaliste : Puis comment est-ce que ça va nous permettre de comprendre pourquoi ces balises-là émises par la Cour suprême en 2010 ne semblent pas avoir été tenues en ligne de compte, là, quand les mandats ont été autorisés?

Mme Vallée : Bien, ça, c'est une présomption. Aujourd'hui, on n'est pas ici pour présumer. On a des processus judiciaires, qui sont en cours actuellement, qui auront à se pencher sur ça. Puis je ne voudrais pas commenter sur ces questions-là parce que je ne voudrais pas que mes commentaires soient utilisés dans le contexte d'un dossier qui est actuellement pendant. Merci.

(Fin à 14 h 48)