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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice, et M. Pascal Bérubé, porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique

Version finale

Wednesday, November 16, 2016, 15 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures une minute)

Mme Hivon : Bonjour, tout le monde. Alors, bien sûr, nous avons suivi avec intérêt l'annonce qui vient d'être faite par les trois ministres du gouvernement concernant la mise sur pied de la commission d'enquête sur toute la question de la protection des sources journalistiques, un sujet qui nous a interpellés énormément, comme, je pense, bien sûr, il vous a interpellés, comme il a interpellé l'ensemble des parlementaires et de la société québécoise, parce qu'on a vraiment vu des faits excessivement graves, excessivement troublants concernant la protection plus globalement que les sources journalistiques, mais de la liberté de presse et de l'équilibre entre nos pouvoirs pour s'assurer que notre démocratie fonctionne correctement.

Alors, d'entrée de jeu, vous ne serez pas surpris de m'entendre dire que, bien sûr, on déplore le fait que, malgré tout ce qui avait été annoncé par le premier ministre en termes de collaboration, d'un travail qui se ferait au-delà de toute partisanerie, nous n'avons aucunement été mis dans le coup quant aux nominations qui sont annoncées aujourd'hui. Nous les avons apprises en partie ce matin comme tout le monde en lisant donc les journaux, et c'est bien sûr que c'est quelque chose qu'on déplore. On voit, on se réjouit que les médias aient été consultés, que les corps policiers aient été consultés, mais malheureusement nous n'avons pas été consultés sur ces choix-là définitifs pour la présidence et les deux commissaires.

Et vous allez peut-être dire : O.K., mais, dans le fond, qu'est-ce que ça change? Mais ce que ça change, c'est qu'une fois que ces gens-là sont nommés, évidemment, nous, on ne veut pas en partant miner la crédibilité d'une commission d'enquête en pouvant soulever un questionnement ou l'autre. De toute façon, ces noms-là, on les a appris, là, dans les dernières minutes pour notamment le représentant des policiers. Donc, on n'a pas pu se pencher à fond sur ces nominations-là qui peuvent apparaître, à première vue, très bien, mais évidemment vous comprenez qu'on ne veut pas justement mettre de l'eau dans le gaz et pouvoir critiquer.

Donc, malheureusement, c'est une faille importante de ne pas avoir pu être consultés à l'avance et de ne pas avoir eu donc de nouvelles par rapport à ça. Même chose sur le mandat, bien entendu que c'est au coeur de ces travaux-là qui vont nous occuper pendant une bonne période de temps. Je vais y revenir. Donc, ça allait de soi, comme nous l'avions demandé et réitéré, en public et en privé, que nous aurions dû être consultés sur le mandat.

L'autre chose, par rapport aux nominations comme telles, il y a quelque chose qui nous agace quand on entend les représentants des médias, représentants des policiers. Je crois comprendre et j'espère que c'est une erreur dans le propos parce qu'évidemment à partir du moment où on nomme trois personnes, ces trois personnes-là doivent travailler de manière collégiale, au-delà de tout dans l'intérêt général donc des travaux de la commission et de la recherche de la vérité. Donc, ces personnes-là n'agissent pas comme des représentants d'une ou l'autre des parties qui, bien sûr, vont avoir leurs propres avocats. Donc, on va les chercher pour leur expertise, c'est très bien, mais je pense que, ça, c'est une nuance qui va devoir être apportée ou clarifiée par le gouvernement. Est-ce que ces gens-là, ces commissaires-là vont siéger comme des représentants ou comme des commissaires comme on voit de manière courante? Donc, ça, c'est un autre élément qui va devoir être clarifié.

À première vue, le mandat nous apparaît assez conforme à ce à quoi on s'attendait. Toutefois, dans le premier élément, il y a quelque chose qui nous saute aux yeux, c'est qu'on dit vraiment : «enquêter, faire rapport et formuler des recommandations sur les pratiques policières en matière d'enquête susceptibles de porter atteinte aux privilèges protégeant l'identité des sources journalistiques». Oui, c'est fondamental, c'est au coeur du travail, mais il n'y a rien qui dit de porter atteinte au travail journalistique en lui-même, et nous, on a toujours parlé des deux aspects.

C'est sûr que c'est intrinsèquement lié à la liberté de presse et intrinsèquement lié à la protection des sources journalistiques, mais le travail journalistique en lui-même, au-delà de la protection des sources, à partir du moment où les corps policiers décident de s'intéresser au cas d'un journaliste X ou Y, au-delà de la protection des sources, nous, ça nous apparaît quelque chose qui aurait dû être clairement inscrit dans le mandat pour ne pas qu'on puisse avoir des faux-fuyants et dire que, là, on n'est plus exactement dans le cadre de la commission parce qu'on n'est pas directement en lien avec la protection des sources. Peut-être que c'est une inquiétude qui n'est pas fondée, mais, à première vue, je vous dirais qu'encore une fois il y a une clarification à avoir là parce que ça ne nous apparaît pas être clair que le travail globalement des journalistes est inclus dans ça.

Bien évidemment aussi, la durée du mandat, 2018, ça nous apparaît long. On doit dire que ça nous apparaît trop long dans le contexte où c'est une question qui est essentielle et qui est très importante, mais, si on compare, par exemple, à la commission Charbonneau, qui est beaucoup plus circonscrite. Alors, de donner autant de temps... et on sait que les commissions d'enquête, souvent, se mettent aussi à demander des prolongations de mandat. Si, en partant, on a un mandat de 18 mois, ça veut dire qu'on risque même, s'il y a une prolongation qui est demandée, d'arriver après les élections.

Et malheureusement, nous, on aurait aimé même pouvoir apporter des modifications législatives, potentiellement, comme on l'avait annoncé d'entrée de jeu, une loi sur la protection des sources avant la prochaine élection. Là, la durée du mandat laisse entendre qu'on en a pour un bon moment, sans compter les possibles demandes de prolongation et les coûts évidemment que ça impose et tout ça. Donc, ça, c'est un élément qui nous surprend et c'est quelque chose aussi, si on avait été consultés, qu'on aurait pu porter à l'attention, bien sûr, du gouvernement.

En terminant, bien sûr, on souhaite que ce mandat-là soit couronné de succès, qu'il aille au fond des choses. Et, pour ça, on espère que tous les secteurs visés, que ce soit policier, judiciaire, politique, collaborent pleinement avec la commission et qu'on puisse vraiment arriver, le plus rapidement possible, au meilleur résultat possible pour que ce qu'on a vécu ne soit pas vécu à nouveau et que surtout il y ait une grande transparence autour de toute la gestion de ces questions-là qui ont vraiment miné la confiance du public, je crois, malheureusement, encore une fois, dans ces institutions.

M. Lacroix (Louis) :  Mais il semble que les juges ne seront pas… On n'entendra pas de juge de paix, là, pendant cette commission-là. Ils ne sont pas contraignables, alors qu'ils sont au coeur de la question. Alors, qu'est-ce que vous…

Mme Hivon : Tout à fait. Ils ne sont pas formellement contraignables à cause de la question de la séparation des pouvoirs. Ceci dit, rien n'empêche la magistrature d'offrir sa collaboration et de venir témoigner. On comprend qu'il y a une différence entre témoigner et de venir justifier le coeur d'une décision, ce qui effectivement est quelque chose qui peut porter atteinte à l'indépendance judiciaire.

Ceci dit, il n'y a rien qui empêche la magistrature, dans ses fonctions d'administration, de venir expliquer comment on procède, quels sont les critères qui guident les juges, quelle est la formation qui est donnée aux juges, quel est leur travail au quotidien, comment ça s'articule. Donc, à cet égard-là, il n'y a rien qui empêche, sur ces aspects-là, d'avoir des témoignages.

M. Lacroix (Louis) : Mais il n'y a rien qui oblige non plus, là.

Mme Hivon : Bien, c'est pour ça que je dis qu'on parle de collaboration et que, moi, j'espère que tous les joueurs qui sont impliqués... c'est une question de crédibilité dans tout ça, de la commission et de chacun des acteurs, va offrir toute sa collaboration. Vous savez, dans la commission sur les nominations de juges, la commission Bastarache, je crois que ça s'était fait à huis clos, mais il a pu y avoir, dans le passé, que ce soit cette commission-là ou d'autres commissions, des demandes qui ont été faites pour que, dans les fonctions plus administratives, il puisse y avoir des témoignages.

M. Laforest (Alain) : Est-ce qu'on comprend, Mme Hivon, que vous émettez, dès le départ... vous avez certaines réserves, certains doutes?

Mme Hivon : Non, je n'ai pas de doute sur les nominations, là, si c'est ça votre question. Je n'ai pas de doute, je ne veux...

M. Laforest (Alain) : ...déplorez, vous avez dit : On n'est pas au courant...

Mme Hivon : Bien, je déplore.

M. Laforest (Alain) : ...sur le mandat, on n'est pas trop sûrs. Ça fait que déjà vous avez des réserves, là, vous dites...

Mme Hivon : Ah! bien, c'est sûr qu'on a des réserves, parce qu'on veut que ce travail-là, qui va être de longue haleine, qui va coûter cher, qui est fondamental, on veut qu'il soit le plus efficace possible.

Donc, oui, on voudrait que le mandat soit excessivement clair et s'assurer que le travail journalistique, au-delà de la question très précise de la protection des sources journalistiques, qui bien sûr demeure au coeur de ça, soit compris. On veut aussi s'assurer que ça va donner des résultats de manière diligente et rapide. Donc, oui, nous avons des réserves sur la longueur du mandat, et ce qu'on déplore, c'est que, quand on amorce un processus qui est aussi important, qui va être très scruté, qui va coûter quand même beaucoup d'argent, bien, il me semble que c'est mieux de prévenir et de mettre tout le monde dans le coup, comme ils l'ont fait avec les médias, avec les corps policiers. Parce qu'on a quand même, nous aussi, des bonnes idées, des bons points à soulever et, au lieu de les soulever devant vous aujourd'hui, bien, on aurait pu les soulever auprès de la ministre pour que ce soit bonifié en partant et qu'on n'émette pas ces questionnements-là.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Que pensez-vous de la période qui sera sous enquête, là? Le gouvernement a décidé que ce soit à partir de la décision de la Cour suprême sur le National Post, doncà compter du 7 mai 2010?

Et est-ce que vous voyez là une intention du gouvernement de diriger un peu les travaux de la commission sur le coup de fil donné par M. Bergeron alors qu'il était ministre de la Sécurité publique à la Sûreté du Québec, lesquels ont suivi, là, des mandats de surveillance sur des journalistes, notamment de l'émission Enquête de Radio-Canada?

M. Bérubé : On n'a pas énormément de recul là-dessus, mais ce que je peux vous assurer, c'est que Stéphane Bergeron a assuré sa pleine participation pour tout ce qui touche son court mandat de 18 mois.

Peut-être ajouter deux éléments supplémentaires à une question qui a été posée quant au mandat. On avait demandé également la collaboration de la police fédérale sur le territoire du Québec, la GRC et le SCRS. On espère que ces instances vont offrir leur collaboration également parce qu'elles conduisent des enquêtes ici.

Mais, de façon générale, d'un point de vue sécurité publique ou d'un point de vue de justice, c'est la quête de la vérité qui nous guide, et toute entrave à la recherche de la vérité par les journalistes doit être identifiée très clairement et que ça provienne des pouvoirs policiers ou des pouvoirs politiques. Et j'espère qu'on ira au fond des choses.

Évidemment, il y a des questions qui vont rester en suspens. Parfois, c'est flou. Par exemple, un exemple très concret, est-ce que de localiser un journaliste, c'est de traquer une source ou c'est traquer un journaliste? Il y a des questions qui vont demeurer floues potentiellement. Alors, on espère que ça va être encore beaucoup plus précis dans l'application.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Donc, mai 2010...

Mme Hivon : Oui, pour la durée, en fait, si vous vous rappelez, en question, Jean-François Lisée avait dit qu'il souhaitait, par exemple, que le cas de M. Dutil dans l'affaire Davidson puisse être inclus. La période le permet. C'est toujours un peu aléatoire.

À première vue, ça nous apparaît correct. Je ne pense pas que c'est le jugement qui peut être le point de départ, là, parce que, bien honnêtement, on peut aller au-delà du jugement. C'est justement ça, l'idée, c'est de voir comment on pourrait mieux encadrer tout ça dans une loi, comment les pratiques peuvent être différentes. Mais ça nous apparaît une période, je vous dirais, honnête pour regarder les choses correctement, sans se perdre, là, dans les dédales. Puis, en même temps, dans l'histoire tout tout à fait récente, on a vu des cas excessivement troublants, donc on n'a pas à remonter à 20 ans en arrière non plus pour le voir.

M. Laforest (Alain) : Est-ce que vous croyez que le mandat — la question était posée tout à l'heure — devrait couvrir les lanceurs d'alerte? Parce que souvent on s'est servi des journalistes pour aller chercher les lanceurs d'alerte. Ce n'était pas les journalistes qui étaient visés. On passait par les journalistes pour aller chercher le lanceur d'alerte, là.

Mme Hivon : Moi, je comprends qu'ils le sont avec leur chapeau source. Donc, il faut qu'avec leur chapeau source journalistique les lanceurs d'alerte le soient. Puis par ailleurs, en ce moment, il y a un projet de loi qui, lui, couvre plus comment on protège le lanceur d'alerte contre...

M. Laforest (Alain) : Mais la loi va être adoptée quand le rapport va être arrivé, là. Le 1er mars 2018, si la loi n'est pas adoptée sur les lanceurs d'alerte, on va avoir un problème.

Mme Hivon : Exact. Moi, j'espère qu'elle va être adoptée, et puis, au pire, il y aura des modifications. Ce n'est pas nécessairement l'idéal, mais, dans... Parce que je me suis penchée là-dessus aussi récemment, puis c'est beaucoup dans l'aspect de protéger la personne contre des sanctions, de perdre son emploi...

M. Bérubé : Des représailles.

Mme Hivon : ...des représailles, exactement. Donc, c'est quand même différent...

M. Laforest (Alain) : Bien, c'est ça que les policiers faisaient en traquant les journalistes, là.

Mme Hivon : Pardon?

M. Laforest (Alain) : Ils voulaient imposer des sanctions aux sources.

Mme Hivon : Bien, tout à... Il peut y avoir de l'intimidation, bon, tout ça, on se comprend, mais il y a quand même un volet différent, sauf que, moi, je ne dirais pas que les lanceurs d'alerte ne sont pas compris avec leur chapeau de source journalistique dans ça, du moins, c'est souhaitable qu'ils le soient, oui.

En terminant, sur un autre sujet... Oui, vas-y.

M. Bérubé : Puisqu'on en a parlé, si... On souhaite la santé à tout le monde, mais si d'aventure un des trois commissaires devenait inapte à siéger, on souhaite qu'il puisse être remplacé. Pourquoi? Parce qu'on l'a vécu à la commission Charbonneau, il y avait seulement deux commissaires, dont un qui était dissident. Alors, on veut s'assurer qu'il y ait trois commissaires jusqu'à la fin de l'exercice. On a convenu de ça tout à l'heure.

Mme Hivon : Oui, oui, tout à fait.

M. Bérubé : On a appris de la commission Charbonneau.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Juste une question rapido presto sur... en fait, on mentionne que le gouvernement... il n'y aura aucun blâme qui pourra être adressé. Est-ce que ça...

Mme Hivon : Vous êtes chanceux, parce que moi, je n'ai pas encore pu mettre la main là-dessus.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Bon, bien, dans ce cas-là, je vais lire la disposition : «Que le rapport de la commission ne comporte aucun blâme et ne formule aucune conclusion ou recommandation à l'égard de la responsabilité civile, pénale ou criminelle de personnes ou d'organisations.»

Mme Hivon : Oui, ça, ça va de soi, c'est assez standard. C'est, en fait, que ça ne remplace pas un tribunal. Donc, évidemment, bon, je pense que la ministre l'a bien fait ressortir.

M. Bélair-Cirino (Marco) : La commission Charbonneau ne remplaçait pas un tribunal, mais il y avait une possibilité pour elle de blâmer.

Mme Hivon : Bien, tu peux faire des blâmes, là. Écoutez, il faudrait que je voie le détail du libellé, sauf que ça ne peut pas être en remplacement, par exemple, de ce qu'une poursuite civile ou criminelle pourrait faire. Normalement, c'est comme ça que c'est formulé.

L'autre sujet que je voulais très brièvement aborder, c'est que, ce matin, donc, le DPCP a rendu public un rapport sur la gestion des mégaprocès, un rapport fort important, fort étoffé, avec plus de 50 recommandations. Alors, évidemment, on demande formellement à la ministre de donner suite à ces recommandations-là parce qu'on n'a justement pas envie, comme je le soulevais encore hier, de revivre ces libérations massives de dizaines de motards criminalisés, notamment dans les échecs successifs, là, de l'opération SharQc devant les tribunaux, où la conduite du ministère et du DPCP avait été sérieusement remise en cause. On sait qu'il y a d'autres procès importants qui s'en viennent en matière de corruption, de collusion, procès Vaillancourt avec plus d'une trentaine d'accusés.

Donc, ça tombe à point nommé, et on lui demande particulièrement, au-delà de la question de la meilleure collaboration, de la meilleure gestion de l'instance, évidemment, de mettre vraiment des gens, dès le départ du processus, en charge de ces instances-là entre la police et le DPCP, notamment. Mais, dès la page 6 du rapport, dans l'introduction, on parle de l'importance d'avoir des ressources nécessaires et de pouvoir dégager ces ressources-là. Ça fait l'objet de plusieurs recommandations aussi, notamment pour ce qui est du DPCP, et, dans le dernier rapport du DPCP annuel, lui-même admet qu'il a dû vivre avec une coupure de 29 postes équivalents temps complet alors qu'on est dans une crise sans précédent en matière de délais devant les tribunaux, qui, comme je le mentionnais hier, en lien avec le procès contre l'ex-administration à Mascouche, a déjà donné lieu hier à un arrêt des procédures. On sait qu'il y a 16 autres accusés qui vont demander la même chose dans les prochaines semaines. On a vu dans SharQc ce qui s'était passé.

Alors, on est vraiment en train de gérer une crise des délais, et ce n'est pas dans un an, dans deux ans qu'il faut s'occuper de ça, c'est dès maintenant, pour s'assurer que les procès qui sont en cours ne tombent à l'eau et qu'autant d'accusés pour des crimes graves, pour lesquels on a mis des ressources incroyables en place, en créant l'UPAC, en mettant des ressources policières, que ça ne tombe pas à l'autre bout du spectre parce que le système judiciaire n'est pas capable d'absorber ça.

Donc, on demande à la ministre non seulement de regarder les aspects qui concernent la culture judiciaire et la question du travail en synergie police et couronne, mais on lui demande évidemment de regarder de toute urgence la question de l'addition de ressources dans le système et de comment on pourrait aborder, de manière différente, ces questions-là pour plus d'efficacité.

M. Dion (Mathieu) : Très franchement, vous ne craignez pas que ça devienne un rapport tablette, ça?

Mme Hivon : Très franchement, je le crains, et c'est pour ça que je demande formellement à la ministre aujourd'hui de donner suite, de manière très diligente, à ces recommandations-là et, de manière très urgente, aux recommandations qui ont trait à la question des ressources additionnelles qui sont requises dans notre système judiciaire, parce qu'en plus de la pression énorme que l'on vit en ce moment, écoutez, on est face à un nombre record de demandes en arrêt des procédures. Il y a eu 64 accusés qui ont été libérés juste au cours de la dernière année.

Minimalement, on lui demande, au-delà de ça, d'ajouter ces ressources-là parce qu'on a un jugement de la Cour suprême qui est une vraie épée de Damoclès, depuis l'été dernier, dans l'arrêt Jordan qui est venu dire qu'au-delà de 18 mois à la Cour du Québec ou de 24 mois à la Cour supérieure, il y a une présomption que la durée est trop longue et donc il peut y avoir avortement d'un procès.

M. Lacroix (Louis) : Est-ce que vous avez une idée... parce que je l'ai cherché dans le rapport que j'ai feuilleté rapidement tout à l'heure, et le coût que ça pourrait engendrer, coût total, si on mettait en branle toutes les recommandations du rapport Bouchard?

Mme Hivon : Je ne peux pas vous dire parce que...

M. Lacroix (Louis) : Vous n'avez pas d'évaluation non plus?

Mme Hivon : Non, je n'ai pas fait l'évaluation. Avec nos ressources extraordinaires de recherche, on n'en est pas là. C'est une journée assez chargée en termes de justice, mais...

M. Lacroix (Louis) : Mais c'est parce que c'est toujours ça, la question, là.

Mme Hivon : Mais, en fait, on ne lui demande pas... moi, vraiment, là, j'aimerais sentir une volonté de la ministre qui nous parle toujours de belles intentions. Ça fait un an qu'elle nous parle de belles intentions à chaque fois qu'on lui parle de là, puis là ça s'est conclu par le dépôt d'un plan d'action, au début du mois d'octobre, qui n'est fait que de belles intentions : nous entendons collaborer davantage, nous entendons mieux prévoir. Il n'y a rien de liant là-dedans puis il n'y a rien non plus, aucune nouvelle ressource.

Je ne dis pas que, du jour au lendemain, on va mettre 50 juges de plus, 100 procureurs de plus, mais il y a des choses qu'on pourrait envisager. Pourquoi les palais de justice...

M. Laforest (Alain) : Juste le fait de mieux communiquer la preuve, parce que dans SharQc, ça a été ça, le problème, c'est ça qui a fait avorter le procès.

Mme Hivon : Exactement, mieux communiquer la preuve, peut-être être plus raisonnable dans la gestion de la preuve aussi, là. Quand vous arrivez avec des pièces complètes de preuve, évidemment que ça, ça veut dire divulgation de la preuve à l'autre, qu'est-ce qu'on divulgue, qu'est-ce qu'on ne divulgue pas, autant de sujets...

M. Lacroix (Louis) : Tout ça est une question de ressources. Tout ça est une question de ressources.

Mme Hivon : Bien, il y a une question de ressources qui est fondamentale, puis c'est pour ça que j'en parle aujourd'hui, parce que, moi, je ne nie pas que la culture judiciaire, la collaboration, tout ça doit être amélioré, mais ça, ce n'est pas demain matin que ça va changer les choses. Pourquoi les palais de justice... je vous dis ça comme ça, c'est une question de ressources, c'est sûr, mais pourquoi ça ne serait pas pensable que ça siège en soirée. Je veux dire, c'est des choses... Les installations sont là, donc pas besoin de construire beaucoup plus de nouvelles salles, mais évidemment il faut des greffiers disponibles, il faut que les juges puissent siéger, il faut... Mais, je veux dire, c'est des choses qui, quand on sort un peu de la pensée traditionnelle, pourraient s'envisager. Puis oui, aussi...

M. Lacroix (Louis) : Bien, je vais vous dire pourquoi. C'est parce qu'il y a des conventions collectives chez les fonctionnaires qui feraient en sorte que tout le monde serait payé à temps double, puis ça coûterait deux fois plus cher pour...

Mme Hivon : Bien, on peut avoir plus...

M. Lacroix (Louis) : Non, non, mais c'est ça, la réalité, Mme Hivon.

Mme Hivon : Oui, mais je suis en train de vous dire qu'il faut, à un moment donné, se dire que le budget de la justice... vous savez, c'est moins de 1 %, le budget de la justice. Est-ce que c'est normal ça, dans une démocratie quand on voit qu'on a des accusés pour des causes dans lesquelles on a travaillé pendant des années qui tombent entre les mailles du filet pour des questions de délais? C'est grave, puis on ne le voit pas juste pour des crimes de corruption puis de motards criminalisés. On le voit dans...

M. Lacroix (Louis) : Mais SharQc, ce n'était pas ça, là. SharQc c'était de la preuve pas divulguée, mal transmise, les avocats de défense qui ont fait des requêtes à outrance.

Mme Hivon : Bien, SharQc, il y a eu de tout. SharQc, c'est une succession, je dirais, de malheurs et de catastrophes...

M. Lacroix (Louis) : C'est un peu ça que le rapport Bouchard dit : Parlez-vous. Mais ça peut-u changer de quoi, se parler ou non, pas vraiment, entre la défense puis la couronne?

Mme Hivon : Bien, je pense que oui, puis c'est surtout de sortir de la culture des vases clos. Ça fait que, moi, je vous dis : Ça, c'est important puis c'est aussi... Il dit aussi clairement, tu sais, il faut aussi avoir une gestion, je vous dirais, humaine, mais dans le sens, je dirais, cohérente ou des attentes normales par rapport à la preuve, là. Ce n'est pas parce que maintenant on est dans un univers où tout est disponible, là, l'électronique facilite les choses, que ça veut dire qu'on dépose toute la preuve possible et imaginable. Il faut penser qu'à l'autre bout, il faut être capable de digérer tout ça.

Ça fait que ça, c'est quelque chose de fondamental, mais dans SharQc, vous avez eu toutes sortes... En 2011, là, le premier qui en a libéré plus d'une vingtaine avec le juge Brompton, je veux dire, c'était des... de ne pas avoir vu venir, puis on était rendus à... sur six ans avant de pouvoir commencer, puis, je veux dire, ça n'avait aucun sens. Puis ça, c'est en 2011, puis là on est en 2016, puis les délais à la cour à Montréal ont presque doublé. Alors, vous vous imaginez, on est vraiment, là, dans un goulot d'étranglement, on est dans une situation très dure.

M. Lacroix (Louis) : Mais, en même temps, Mme Hivon, les avocats rivalisent d'imagination pour amener des nouvelles requêtes...

Mme Hivon : Oui, puis il y a quelque chose de très intéressant là-dedans. Il y a une recommandation pour modifier le Code de déontologie des avocats pour justement qu'ils aient en tête toujours la bonne administration de la justice et que justement on n'en arrive pas à des circonstances où les deux rivalisent d'imagination pour pouvoir s'en sortir, ou faire condamner, ou vice versa.

Donc, il y a des choses très intéressantes, que je vais être très heureuse de fouiller davantage dans les prochaines heures, mais moi, je demande formellement à la ministre de donner suite à ces recommandations-là sur l'ensemble des aspects, puis, vous savez, on est non seulement dans un non-ajout de ressources, mais on est dans une décroissance des ressources. Je l'avais décrit au printemps dernier avec les coupes au DPCP en termes de budget de fonctionnement, et là on l'a vu noir sur blanc, dans le rapport du DPCP, qu'il y a eu une coupe en termes d'équivalents temps complet pour parler dans le jargon administratif. Alors, non seulement on est loin d'un ajout, mais on est en recul.

Alors, il faudrait quand même arrêter l'hémorragie puis que la ministre se batte auprès de son collègue du Conseil du trésor pour dire : Bien, la justice, c'est important. À partir du moment où on met de l'argent sur les enquêtes, ça serait le fun qu'à l'autre bout ça puisse aboutir.

Mme Johnson (Maya) : You mentioned that you're disappointed, the PQ is disappointed because you weren't consulted in the naming of the commissioners. What difference would that have made? Are you questioning the competence of the commissioners?

Mme Hivon : I'm not questioning the competence of the commissioners. The difference that it makes is that, instead of being here in front of you today to tell you about the reservations we can have about the writing of the mandate and also about the period of time it's going to be on and also we would have done it prior, you know, to make sure that we have the best mandate possible, written in the best way possible to make sure it's as clear as possible. Same thing as to the length. Maybe we could have convinced the Government maybe to shorten that or to ask for a preliminary report, you know, beforehand, before the 18 month period that's contemplated. So this is the kind of things that we would have liked to discuss.

And as to the naming, the appointment of the commissioners, you know, we cannot tell you everything that, you know, if it's a good balance between the three of them, their expertise and all that, because we just have been informed of who those commissioners will be. So, you know, first hand, they seem competent. They seem, you know, to have been recommended, you know, very well. But we haven't ben involved in the, you know, in this process, And it could have been a good idea.

Mme Johnson (Maya) : OK. And in terms of the scope, you said 2018 seems long, but, you know, with all due respect, we're almost at the end of 2016, and it says, by the latest, March 2018, so just over a year. And isn't that a reasonable amount of time to look into allegations that cover several years apparently?

Mme Hivon : Yes, well, you know, I think it's important to see that there is a scope that's relatively limited, you know, as to the purpose of study of the inquiry of this commission. It's, you know, about the journalistic sources and the work we hope of the journalists. So it's broad, but it's not as broad as what we've seen before, you know, for the commission Charbonneau, if you take that for example. So we believe that, you know, next fall could have been reasonable, and also maybe to have a preliminary report to see, you know, how it's going.

And, furthermore, we know that often, the commissions will ask for a delay, for adding and extension of time. So, if there is such an extension of six months, we will be at the fall, it's going to be election time, and so, you know, what we see is that, unfortunately, it's going to be hard to have changes before the next election. And we think that, sometimes, you know… At first, when they talked about an expert committee to be put in place… of course it's different, but it was a question of months, you know, they wanted the conclusions before spring. And so, now, it's one more year, so, you know, sometimes, we have to keep in mind the importance of trying to keep that to a shorter period of time. Merci.

(Fin à 15 h 28)

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