(Quinze heures une minute)
Mme
Hivon
:
Bonjour, tout le monde. Alors, bien sûr, nous avons suivi avec intérêt
l'annonce qui vient d'être faite par les trois ministres du gouvernement
concernant la mise sur pied de la commission d'enquête sur toute la question de
la protection des sources journalistiques, un sujet qui nous a interpellés
énormément, comme, je pense, bien sûr, il vous a interpellés, comme il a
interpellé l'ensemble des parlementaires et de la société québécoise, parce
qu'on a vraiment vu des faits excessivement graves, excessivement troublants
concernant la protection plus globalement que les sources journalistiques, mais
de la liberté de presse et de l'équilibre entre nos pouvoirs pour s'assurer que
notre démocratie fonctionne correctement.
Alors, d'entrée de jeu, vous ne serez pas
surpris de m'entendre dire que, bien sûr, on déplore le fait que, malgré tout
ce qui avait été annoncé par le premier ministre en termes de collaboration,
d'un travail qui se ferait au-delà de toute partisanerie, nous n'avons
aucunement été mis dans le coup quant aux nominations qui sont annoncées
aujourd'hui. Nous les avons apprises en partie ce matin comme tout le monde en
lisant donc les journaux, et c'est bien sûr que c'est quelque chose qu'on
déplore. On voit, on se réjouit que les médias aient été consultés, que les
corps policiers aient été consultés, mais malheureusement nous n'avons pas été
consultés sur ces choix-là définitifs pour la présidence et les deux
commissaires.
Et vous allez peut-être dire : O.K.,
mais, dans le fond, qu'est-ce que ça change? Mais ce que ça change, c'est
qu'une fois que ces gens-là sont nommés, évidemment, nous, on ne veut pas en
partant miner la crédibilité d'une commission d'enquête en pouvant soulever un
questionnement ou l'autre. De toute façon, ces noms-là, on les a appris, là,
dans les dernières minutes pour notamment le représentant des policiers. Donc,
on n'a pas pu se pencher à fond sur ces nominations-là qui peuvent apparaître,
à première vue, très bien, mais évidemment vous comprenez qu'on ne veut pas
justement mettre de l'eau dans le gaz et pouvoir critiquer.
Donc, malheureusement, c'est une faille
importante de ne pas avoir pu être consultés à l'avance et de ne pas avoir eu
donc de nouvelles par rapport à ça. Même chose sur le mandat, bien entendu que
c'est au coeur de ces travaux-là qui vont nous occuper pendant une bonne
période de temps. Je vais y revenir. Donc, ça allait de soi, comme nous
l'avions demandé et réitéré, en public et en privé, que nous aurions dû être
consultés sur le mandat.
L'autre chose, par rapport aux nominations
comme telles, il y a quelque chose qui nous agace quand on entend les
représentants des médias, représentants des policiers. Je crois comprendre et
j'espère que c'est une erreur dans le propos parce qu'évidemment à partir du
moment où on nomme trois personnes, ces trois personnes-là doivent travailler
de manière collégiale, au-delà de tout dans l'intérêt général donc des travaux
de la commission et de la recherche de la vérité. Donc, ces personnes-là
n'agissent pas comme des représentants d'une ou l'autre des parties qui, bien
sûr, vont avoir leurs propres avocats. Donc, on va les chercher pour leur
expertise, c'est très bien, mais je pense que, ça, c'est une nuance qui va
devoir être apportée ou clarifiée par le gouvernement. Est-ce que ces gens-là,
ces commissaires-là vont siéger comme des représentants ou comme des
commissaires comme on voit de manière courante? Donc, ça, c'est un autre
élément qui va devoir être clarifié.
À première vue, le mandat nous apparaît
assez conforme à ce à quoi on s'attendait. Toutefois, dans le premier élément,
il y a quelque chose qui nous saute aux yeux, c'est qu'on dit vraiment :
«enquêter, faire rapport et formuler des recommandations sur les pratiques policières
en matière d'enquête susceptibles de porter atteinte aux privilèges protégeant
l'identité des sources journalistiques». Oui, c'est fondamental, c'est au coeur
du travail, mais il n'y a rien qui dit de porter atteinte au travail
journalistique en lui-même, et nous, on a toujours parlé des deux aspects.
C'est sûr que c'est intrinsèquement lié à
la liberté de presse et intrinsèquement lié à la protection des sources
journalistiques, mais le travail journalistique en lui-même, au-delà de la
protection des sources, à partir du moment où les corps policiers décident de
s'intéresser au cas d'un journaliste X ou Y, au-delà de la protection des
sources, nous, ça nous apparaît quelque chose qui aurait dû être clairement
inscrit dans le mandat pour ne pas qu'on puisse avoir des faux-fuyants et dire
que, là, on n'est plus exactement dans le cadre de la commission parce qu'on
n'est pas directement en lien avec la protection des sources. Peut-être que c'est
une inquiétude qui n'est pas fondée, mais, à première vue, je vous dirais
qu'encore une fois il y a une clarification à avoir là parce que ça ne nous
apparaît pas être clair que le travail globalement des journalistes est inclus
dans ça.
Bien évidemment aussi, la durée du mandat,
2018, ça nous apparaît long. On doit dire que ça nous apparaît trop long dans
le contexte où c'est une question qui est essentielle et qui est très
importante, mais, si on compare, par exemple, à la commission Charbonneau, qui
est beaucoup plus circonscrite. Alors, de donner autant de temps... et on sait
que les commissions d'enquête, souvent, se mettent aussi à demander des
prolongations de mandat. Si, en partant, on a un mandat de 18 mois, ça veut
dire qu'on risque même, s'il y a une prolongation qui est demandée, d'arriver
après les élections.
Et malheureusement, nous, on aurait aimé
même pouvoir apporter des modifications législatives, potentiellement, comme on
l'avait annoncé d'entrée de jeu, une loi sur la protection des sources avant la
prochaine élection. Là, la durée du mandat laisse entendre qu'on en a pour un
bon moment, sans compter les possibles demandes de prolongation et les coûts évidemment
que ça impose et tout ça. Donc, ça, c'est un élément qui nous surprend et c'est
quelque chose aussi, si on avait été consultés, qu'on aurait pu porter à
l'attention, bien sûr, du gouvernement.
En terminant, bien sûr, on souhaite que ce
mandat-là soit couronné de succès, qu'il aille au fond des choses. Et, pour ça,
on espère que tous les secteurs visés, que ce soit policier, judiciaire, politique,
collaborent pleinement avec la commission et qu'on puisse vraiment arriver, le
plus rapidement possible, au meilleur résultat possible pour que ce qu'on a
vécu ne soit pas vécu à nouveau et que surtout il y ait une grande transparence
autour de toute la gestion de ces questions-là qui ont vraiment miné la
confiance du public, je crois, malheureusement, encore une fois, dans ces institutions.
M. Lacroix (Louis) : Mais il
semble que les juges ne seront pas… On n'entendra pas de juge de paix, là,
pendant cette commission-là. Ils ne sont pas contraignables, alors qu'ils sont
au coeur de la question. Alors, qu'est-ce que vous…
Mme
Hivon
: Tout
à fait. Ils ne sont pas formellement contraignables à cause de la question de
la séparation des pouvoirs. Ceci dit, rien n'empêche la magistrature d'offrir
sa collaboration et de venir témoigner. On comprend qu'il y a une différence
entre témoigner et de venir justifier le coeur d'une décision, ce qui effectivement
est quelque chose qui peut porter atteinte à l'indépendance judiciaire.
Ceci dit, il n'y a rien qui empêche la
magistrature, dans ses fonctions d'administration, de venir expliquer comment
on procède, quels sont les critères qui guident les juges, quelle est la
formation qui est donnée aux juges, quel est leur travail au quotidien, comment
ça s'articule. Donc, à cet égard-là, il n'y a rien qui empêche, sur ces
aspects-là, d'avoir des témoignages.
M. Lacroix (Louis) : Mais il
n'y a rien qui oblige non plus, là.
Mme
Hivon
:
Bien, c'est pour ça que je dis qu'on parle de collaboration et que, moi,
j'espère que tous les joueurs qui sont impliqués... c'est une question de
crédibilité dans tout ça, de la commission et de chacun des acteurs, va offrir
toute sa collaboration. Vous savez, dans la commission sur les nominations de
juges, la commission Bastarache, je crois que ça s'était fait à huis clos, mais
il a pu y avoir, dans le passé, que ce soit cette commission-là ou d'autres commissions,
des demandes qui ont été faites pour que, dans les fonctions plus administratives,
il puisse y avoir des témoignages.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
qu'on comprend, Mme Hivon, que vous émettez, dès le départ... vous avez certaines
réserves, certains doutes?
Mme
Hivon
: Non,
je n'ai pas de doute sur les nominations, là, si c'est ça votre question. Je
n'ai pas de doute, je ne veux...
M. Laforest (Alain) :
...déplorez, vous avez dit : On n'est pas au courant...
Mme
Hivon
:
Bien, je déplore.
M. Laforest (Alain) : ...sur
le mandat, on n'est pas trop sûrs. Ça fait que déjà vous avez des réserves, là,
vous dites...
Mme
Hivon
: Ah!
bien, c'est sûr qu'on a des réserves, parce qu'on veut que ce travail-là, qui
va être de longue haleine, qui va coûter cher, qui est fondamental, on veut
qu'il soit le plus efficace possible.
Donc, oui, on voudrait que le mandat soit
excessivement clair et s'assurer que le travail journalistique, au-delà de la
question très précise de la protection des sources journalistiques, qui bien
sûr demeure au coeur de ça, soit compris. On veut aussi s'assurer que ça va
donner des résultats de manière diligente et rapide. Donc, oui, nous avons des
réserves sur la longueur du mandat, et ce qu'on déplore, c'est que, quand on
amorce un processus qui est aussi important, qui va être très scruté, qui va
coûter quand même beaucoup d'argent, bien, il me semble que c'est mieux de
prévenir et de mettre tout le monde dans le coup, comme ils l'ont fait avec les
médias, avec les corps policiers. Parce qu'on a quand même, nous aussi, des
bonnes idées, des bons points à soulever et, au lieu de les soulever devant
vous aujourd'hui, bien, on aurait pu les soulever auprès de la ministre pour
que ce soit bonifié en partant et qu'on n'émette pas ces questionnements-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Que pensez-vous de la période qui sera sous enquête, là? Le gouvernement a
décidé que ce soit à partir de la décision de la Cour suprême sur le National
Post, doncà compter du 7 mai 2010?
Et est-ce que vous voyez là une intention
du gouvernement de diriger un peu les travaux de la commission sur le coup de
fil donné par M. Bergeron alors qu'il était ministre de la Sécurité publique à
la Sûreté du Québec, lesquels ont suivi, là, des mandats de surveillance sur
des journalistes, notamment de l'émission Enquête de Radio-Canada?
M.
Bérubé
: On
n'a pas énormément de recul là-dessus, mais ce que je peux vous assurer, c'est
que Stéphane Bergeron a assuré sa pleine participation pour tout ce qui touche
son court mandat de 18 mois.
Peut-être ajouter deux éléments
supplémentaires à une question qui a été posée quant au mandat. On avait
demandé également la collaboration de la police fédérale sur le territoire du Québec,
la GRC et le SCRS. On espère que ces instances vont offrir leur collaboration également
parce qu'elles conduisent des enquêtes ici.
Mais, de façon générale, d'un point de vue
sécurité publique ou d'un point de vue de justice, c'est la quête de la vérité
qui nous guide, et toute entrave à la recherche de la vérité par les
journalistes doit être identifiée très clairement et que ça provienne des
pouvoirs policiers ou des pouvoirs politiques. Et j'espère qu'on ira au fond
des choses.
Évidemment, il y a des questions qui vont
rester en suspens. Parfois, c'est flou. Par exemple, un exemple très concret, est-ce
que de localiser un journaliste, c'est de traquer une source ou c'est traquer
un journaliste? Il y a des questions qui vont demeurer floues potentiellement.
Alors, on espère que ça va être encore beaucoup plus précis dans l'application.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, mai 2010...
Mme
Hivon
: Oui,
pour la durée, en fait, si vous vous rappelez, en question, Jean-François Lisée
avait dit qu'il souhaitait, par exemple, que le cas de M. Dutil dans l'affaire
Davidson puisse être inclus. La période le permet. C'est toujours un peu
aléatoire.
À première vue, ça nous apparaît correct. Je
ne pense pas que c'est le jugement qui peut être le point de départ, là, parce
que, bien honnêtement, on peut aller au-delà du jugement. C'est justement ça,
l'idée, c'est de voir comment on pourrait mieux encadrer tout ça dans une loi,
comment les pratiques peuvent être différentes. Mais ça nous apparaît une
période, je vous dirais, honnête pour regarder les choses correctement, sans se
perdre, là, dans les dédales. Puis, en même temps, dans l'histoire tout tout à
fait récente, on a vu des cas excessivement troublants, donc on n'a pas à
remonter à 20 ans en arrière non plus pour le voir.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que vous croyez que le mandat — la question était posée tout à
l'heure — devrait couvrir les lanceurs d'alerte? Parce que souvent on
s'est servi des journalistes pour aller chercher les lanceurs d'alerte. Ce n'était
pas les journalistes qui étaient visés. On passait par les journalistes pour
aller chercher le lanceur d'alerte, là.
Mme
Hivon
: Moi,
je comprends qu'ils le sont avec leur chapeau source. Donc, il faut qu'avec leur
chapeau source journalistique les lanceurs d'alerte le soient. Puis par
ailleurs, en ce moment, il y a un projet de loi qui, lui, couvre plus comment
on protège le lanceur d'alerte contre...
M. Laforest (Alain) : Mais la
loi va être adoptée quand le rapport va être arrivé, là. Le 1er mars 2018, si
la loi n'est pas adoptée sur les lanceurs d'alerte, on va avoir un problème.
Mme
Hivon
:
Exact. Moi, j'espère qu'elle va être adoptée, et puis, au pire, il y aura des modifications.
Ce n'est pas nécessairement l'idéal, mais, dans... Parce que je me suis penchée
là-dessus aussi récemment, puis c'est beaucoup dans l'aspect de protéger la
personne contre des sanctions, de perdre son emploi...
M.
Bérubé
: Des
représailles.
Mme
Hivon
:
...des représailles, exactement. Donc, c'est quand même différent...
M. Laforest (Alain) : Bien, c'est
ça que les policiers faisaient en traquant les journalistes, là.
Mme
Hivon
:
Pardon?
M. Laforest (Alain) : Ils
voulaient imposer des sanctions aux sources.
Mme
Hivon
:
Bien, tout à... Il peut y avoir de l'intimidation, bon, tout ça, on se
comprend, mais il y a quand même un volet différent, sauf que, moi, je ne
dirais pas que les lanceurs d'alerte ne sont pas compris avec leur chapeau de
source journalistique dans ça, du moins, c'est souhaitable qu'ils le soient,
oui.
En terminant, sur un autre sujet... Oui,
vas-y.
M.
Bérubé
: Puisqu'on
en a parlé, si... On souhaite la santé à tout le monde, mais si d'aventure un
des trois commissaires devenait inapte à siéger, on souhaite qu'il puisse être
remplacé. Pourquoi? Parce qu'on l'a vécu à la commission Charbonneau, il y
avait seulement deux commissaires, dont un qui était dissident. Alors, on veut
s'assurer qu'il y ait trois commissaires jusqu'à la fin de l'exercice. On a
convenu de ça tout à l'heure.
Mme
Hivon
: Oui,
oui, tout à fait.
M.
Bérubé
: On a
appris de la commission Charbonneau.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Juste une question rapido presto sur... en fait, on mentionne que le
gouvernement... il n'y aura aucun blâme qui pourra être adressé. Est-ce que
ça...
Mme
Hivon
: Vous
êtes chanceux, parce que moi, je n'ai pas encore pu mettre la main là-dessus.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Bon, bien, dans ce cas-là, je vais lire la disposition : «Que le rapport
de la commission ne comporte aucun blâme et ne formule aucune conclusion ou
recommandation à l'égard de la responsabilité civile, pénale ou criminelle de
personnes ou d'organisations.»
Mme
Hivon
: Oui,
ça, ça va de soi, c'est assez standard. C'est, en fait, que ça ne remplace pas
un tribunal. Donc, évidemment, bon, je pense que la ministre l'a bien fait
ressortir.
M. Bélair-Cirino (Marco) : La
commission Charbonneau ne remplaçait pas un tribunal, mais il y avait une
possibilité pour elle de blâmer.
Mme
Hivon
:
Bien, tu peux faire des blâmes, là. Écoutez, il faudrait que je voie le détail
du libellé, sauf que ça ne peut pas être en remplacement, par exemple, de ce
qu'une poursuite civile ou criminelle pourrait faire. Normalement, c'est comme
ça que c'est formulé.
L'autre sujet que je voulais très
brièvement aborder, c'est que, ce matin, donc, le DPCP a rendu public un
rapport sur la gestion des mégaprocès, un rapport fort important, fort étoffé,
avec plus de 50 recommandations. Alors, évidemment, on demande formellement à
la ministre de donner suite à ces recommandations-là parce qu'on n'a justement
pas envie, comme je le soulevais encore hier, de revivre ces libérations
massives de dizaines de motards criminalisés, notamment dans les échecs
successifs, là, de l'opération SharQc devant les tribunaux, où la conduite du
ministère et du DPCP avait été sérieusement remise en cause. On sait qu'il y a
d'autres procès importants qui s'en viennent en matière de corruption, de
collusion, procès Vaillancourt avec plus d'une trentaine d'accusés.
Donc, ça tombe à point nommé, et on lui
demande particulièrement, au-delà de la question de la meilleure collaboration,
de la meilleure gestion de l'instance, évidemment, de mettre vraiment des gens,
dès le départ du processus, en charge de ces instances-là entre la police et le
DPCP, notamment. Mais, dès la page 6 du rapport, dans l'introduction, on parle
de l'importance d'avoir des ressources nécessaires et de pouvoir dégager ces
ressources-là. Ça fait l'objet de plusieurs recommandations aussi, notamment
pour ce qui est du DPCP, et, dans le dernier rapport du DPCP annuel, lui-même
admet qu'il a dû vivre avec une coupure de 29 postes équivalents temps complet
alors qu'on est dans une crise sans précédent en matière de délais devant les
tribunaux, qui, comme je le mentionnais hier, en lien avec le procès contre
l'ex-administration à Mascouche, a déjà donné lieu hier à un arrêt des
procédures. On sait qu'il y a 16 autres accusés qui vont demander la même chose
dans les prochaines semaines. On a vu dans SharQc ce qui s'était passé.
Alors, on est vraiment en train de gérer
une crise des délais, et ce n'est pas dans un an, dans deux ans qu'il faut
s'occuper de ça, c'est dès maintenant, pour s'assurer que les procès qui sont
en cours ne tombent à l'eau et qu'autant d'accusés pour des crimes graves, pour
lesquels on a mis des ressources incroyables en place, en créant l'UPAC, en
mettant des ressources policières, que ça ne tombe pas à l'autre bout du
spectre parce que le système judiciaire n'est pas capable d'absorber ça.
Donc, on demande à la ministre non seulement
de regarder les aspects qui concernent la culture judiciaire et la question du
travail en synergie police et couronne, mais on lui demande évidemment de
regarder de toute urgence la question de l'addition de ressources dans le système
et de comment on pourrait aborder, de manière différente, ces questions-là pour
plus d'efficacité.
M. Dion (Mathieu) : Très
franchement, vous ne craignez pas que ça devienne un rapport tablette, ça?
Mme
Hivon
: Très
franchement, je le crains, et c'est pour ça que je demande formellement à la
ministre aujourd'hui de donner suite, de manière très diligente, à ces recommandations-là
et, de manière très urgente, aux recommandations qui ont trait à la question
des ressources additionnelles qui sont requises dans notre système judiciaire,
parce qu'en plus de la pression énorme que l'on vit en ce moment, écoutez, on
est face à un nombre record de demandes en arrêt des procédures. Il y a eu 64
accusés qui ont été libérés juste au cours de la dernière année.
Minimalement, on lui demande, au-delà de
ça, d'ajouter ces ressources-là parce qu'on a un jugement de la Cour suprême
qui est une vraie épée de Damoclès, depuis l'été dernier, dans l'arrêt Jordan
qui est venu dire qu'au-delà de 18 mois à la Cour du Québec ou de 24 mois à la
Cour supérieure, il y a une présomption que la durée est trop longue et donc il
peut y avoir avortement d'un procès.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous avez une idée... parce que je l'ai cherché dans le rapport que j'ai
feuilleté rapidement tout à l'heure, et le coût que ça pourrait engendrer, coût
total, si on mettait en branle toutes les recommandations du rapport Bouchard?
Mme
Hivon
: Je
ne peux pas vous dire parce que...
M. Lacroix (Louis) : Vous
n'avez pas d'évaluation non plus?
Mme
Hivon
: Non,
je n'ai pas fait l'évaluation. Avec nos ressources extraordinaires de
recherche, on n'en est pas là. C'est une journée assez chargée en termes de
justice, mais...
M. Lacroix (Louis) : Mais
c'est parce que c'est toujours ça, la question, là.
Mme
Hivon
:
Mais, en fait, on ne lui demande pas... moi, vraiment, là, j'aimerais sentir
une volonté de la ministre qui nous parle toujours de belles intentions. Ça
fait un an qu'elle nous parle de belles intentions à chaque fois qu'on lui
parle de là, puis là ça s'est conclu par le dépôt d'un plan d'action, au début
du mois d'octobre, qui n'est fait que de belles intentions : nous
entendons collaborer davantage, nous entendons mieux prévoir. Il n'y a rien de
liant là-dedans puis il n'y a rien non plus, aucune nouvelle ressource.
Je ne dis pas que, du jour au lendemain,
on va mettre 50 juges de plus, 100 procureurs de plus, mais il y a des choses
qu'on pourrait envisager. Pourquoi les palais de justice...
M. Laforest (Alain) : Juste
le fait de mieux communiquer la preuve, parce que dans SharQc, ça a été ça, le problème,
c'est ça qui a fait avorter le procès.
Mme
Hivon
: Exactement,
mieux communiquer la preuve, peut-être être plus raisonnable dans la gestion de
la preuve aussi, là. Quand vous arrivez avec des pièces complètes de preuve, évidemment
que ça, ça veut dire divulgation de la preuve à l'autre, qu'est-ce qu'on
divulgue, qu'est-ce qu'on ne divulgue pas, autant de sujets...
M. Lacroix (Louis) : Tout ça est
une question de ressources. Tout ça est une question de ressources.
Mme
Hivon
:
Bien, il y a une question de ressources qui est fondamentale, puis c'est pour
ça que j'en parle aujourd'hui, parce que, moi, je ne nie pas que la culture
judiciaire, la collaboration, tout ça doit être amélioré, mais ça, ce n'est pas
demain matin que ça va changer les choses. Pourquoi les palais de justice... je
vous dis ça comme ça, c'est une question de ressources, c'est sûr, mais
pourquoi ça ne serait pas pensable que ça siège en soirée. Je veux dire, c'est
des choses... Les installations sont là, donc pas besoin de construire beaucoup
plus de nouvelles salles, mais évidemment il faut des greffiers disponibles, il
faut que les juges puissent siéger, il faut... Mais, je veux dire, c'est des
choses qui, quand on sort un peu de la pensée traditionnelle, pourraient
s'envisager. Puis oui, aussi...
M. Lacroix (Louis) : Bien, je
vais vous dire pourquoi. C'est parce qu'il y a des conventions collectives chez
les fonctionnaires qui feraient en sorte que tout le monde serait payé à temps
double, puis ça coûterait deux fois plus cher pour...
Mme
Hivon
:
Bien, on peut avoir plus...
M. Lacroix (Louis) : Non,
non, mais c'est ça, la réalité, Mme Hivon.
Mme
Hivon
: Oui,
mais je suis en train de vous dire qu'il faut, à un moment donné, se dire que le
budget de la justice... vous savez, c'est moins de 1 %, le budget de la
justice. Est-ce que c'est normal ça, dans une démocratie quand on voit qu'on a
des accusés pour des causes dans lesquelles on a travaillé pendant des années
qui tombent entre les mailles du filet pour des questions de délais? C'est
grave, puis on ne le voit pas juste pour des crimes de corruption puis de
motards criminalisés. On le voit dans...
M. Lacroix (Louis) : Mais
SharQc, ce n'était pas ça, là. SharQc c'était de la preuve pas divulguée, mal
transmise, les avocats de défense qui ont fait des requêtes à outrance.
Mme
Hivon
: Bien,
SharQc, il y a eu de tout. SharQc, c'est une succession, je dirais, de malheurs
et de catastrophes...
M. Lacroix (Louis) : C'est un
peu ça que le rapport Bouchard dit : Parlez-vous. Mais ça peut-u changer
de quoi, se parler ou non, pas vraiment, entre la défense puis la couronne?
Mme
Hivon
:
Bien, je pense que oui, puis c'est surtout de sortir de la culture des vases
clos. Ça fait que, moi, je vous dis : Ça, c'est important puis c'est
aussi... Il dit aussi clairement, tu sais, il faut aussi avoir une gestion, je
vous dirais, humaine, mais dans le sens, je dirais, cohérente ou des attentes
normales par rapport à la preuve, là. Ce n'est pas parce que maintenant on est
dans un univers où tout est disponible, là, l'électronique facilite les choses,
que ça veut dire qu'on dépose toute la preuve possible et imaginable. Il faut
penser qu'à l'autre bout, il faut être capable de digérer tout ça.
Ça fait que ça, c'est quelque chose de fondamental,
mais dans SharQc, vous avez eu toutes sortes... En 2011, là, le premier qui en
a libéré plus d'une vingtaine avec le juge Brompton, je veux dire, c'était
des... de ne pas avoir vu venir, puis on était rendus à... sur six ans avant de
pouvoir commencer, puis, je veux dire, ça n'avait aucun sens. Puis ça, c'est en
2011, puis là on est en 2016, puis les délais à la cour à Montréal ont presque
doublé. Alors, vous vous imaginez, on est vraiment, là, dans un goulot
d'étranglement, on est dans une situation très dure.
M. Lacroix (Louis) : Mais, en
même temps, Mme Hivon, les avocats rivalisent d'imagination pour amener des
nouvelles requêtes...
Mme
Hivon
: Oui,
puis il y a quelque chose de très intéressant là-dedans. Il y a une recommandation
pour modifier le Code de déontologie des avocats pour justement qu'ils aient en
tête toujours la bonne administration de la justice et que justement on n'en
arrive pas à des circonstances où les deux rivalisent d'imagination pour
pouvoir s'en sortir, ou faire condamner, ou vice versa.
Donc, il y a des choses très intéressantes,
que je vais être très heureuse de fouiller davantage dans les prochaines
heures, mais moi, je demande formellement à la ministre de donner suite à ces
recommandations-là sur l'ensemble des aspects, puis, vous savez, on est non
seulement dans un non-ajout de ressources, mais on est dans une décroissance
des ressources. Je l'avais décrit au printemps dernier avec les coupes au DPCP en
termes de budget de fonctionnement, et là on l'a vu noir sur blanc, dans le
rapport du DPCP, qu'il y a eu une coupe en termes d'équivalents temps complet
pour parler dans le jargon administratif. Alors, non seulement on est loin d'un
ajout, mais on est en recul.
Alors, il faudrait quand même arrêter
l'hémorragie puis que la ministre se batte auprès de son collègue du Conseil du
trésor pour dire : Bien, la justice, c'est important. À partir du moment
où on met de l'argent sur les enquêtes, ça serait le fun qu'à l'autre bout ça
puisse aboutir.
Mme Johnson
(Maya) : You mentioned that you're
disappointed, the PQ is disappointed because you weren't consulted in the
naming of the commissioners. What difference would that have made? Are you questioning
the competence of the commissioners?
Mme
Hivon
:
I'm not questioning the competence of the commissioners. The difference that it
makes is that, instead of being here in front of you today to tell you about
the reservations we can have about the writing of the mandate and also about
the period of time it's going to be on and also we would have done it prior,
you know, to make sure that we have the best mandate possible, written in the
best way possible to make sure it's as clear as possible. Same thing as to the
length. Maybe we could have convinced the Government maybe to shorten that or
to ask for a preliminary report, you know, beforehand, before the 18 month
period that's contemplated. So this is the kind of things that we would have
liked to discuss.
And as to the naming, the
appointment of the commissioners, you know, we cannot tell you everything that,
you know, if it's a good balance between the three of them, their expertise and
all that, because we just have been informed of who those commissioners will
be. So, you know, first hand, they seem competent. They seem, you know, to have
been recommended, you know, very well. But we haven't ben involved in the, you
know, in this process, And it could have been a good idea.
Mme
Johnson (Maya) : OK. And in terms of the scope, you
said 2018 seems long, but, you know, with all due respect, we're almost at the
end of 2016, and it says, by the latest, March 2018, so just over a year. And
isn't that a reasonable amount of time to look into allegations that cover
several years apparently?
Mme
Hivon
:
Yes, well, you know, I think it's important to see that there is a scope that's
relatively limited, you know, as to the purpose of
study of the inquiry of this commission. It's, you know, about the journalistic sources and the work we
hope of the journalists. So it's broad, but it's not as broad as what we've
seen before, you know, for the commission Charbonneau, if you take that for example. So we believe that, you know, next
fall could have been reasonable, and also maybe to have a preliminary report to
see, you know, how it's going.
And, furthermore, we know
that often, the commissions
will ask for a delay, for adding and extension of time. So, if there is such an
extension of six months, we will be at the fall, it's going to be election
time, and so, you know, what we see is that, unfortunately, it's going to be
hard to have changes before the next election. And we think that, sometimes,
you know… At first, when they talked about an expert committee to be put in
place… of course it's different, but it was a question of months, you know, they wanted the conclusions before spring. And
so, now, it's one more year, so, you know, sometimes, we have to keep in mind
the importance of trying to keep that to a shorter
period of time. Merci.
(Fin à 15 h 28)