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Point de presse de Mme Manon Massé, députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques

Version finale

Friday, November 18, 2016, 14 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quatorze heures trente-deux minutes)

Mme Massé : Alors, bonjour, tout le monde. J'aimerais, dans un premier temps, m'adresser à mes soeurs autochtones de Val-d'Or et de partout sur le territoire, de vous dire que, un, on vous croit, je vous crois. Nous sommes plusieurs, d'ailleurs, à vous croire, et, deux, gardons espoir parce que ce dossier-là, ce qu'il illustre et qu'il nous illustre encore, c'est qu'on a des relations malsaines entre nos peuples et qu'il est temps, réellement temps qu'on s'en occupe.

J'espère que le gouvernement a bien entendu le DPCP et, d'ailleurs, l'observatrice indépendante, Mme Lafontaine, qu'il a lui-même nommée pour nous assurer l'impartialité de cette enquête. Les deux sont clairs : ce n'est pas le travail du DPCP de mettre le doigt sur des injustices centenaires et de mettre le doigt sur ce qu'on vit actuellement au Québec, c'est-à-dire du racisme systémique envers les Premières Nations, que c'est le travail du gouvernement du Québec, et c'est eux qui le disent. Ils ont fait leur travail, maintenant le gouvernement du Québec doit faire son travail. On n'a plus le choix, ça fait plus d'un an qu'on connaît cette situation-là. Ça fait plus d'un an et, je dirais même, plus qu'un an qu'on sait que les relations entre les premiers peuples et les institutions du gouvernement du Québec sont tendues, sont teintées, sont malheureusement enracinées dans, je dirais, l'héritage du racisme systémique que nous avons aujourd'hui.

Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que le DPCP a été le plus loin qu'il pouvait avec ce qu'il avait, qu'il a soulevé, il a mis le doigt sur quelque chose de très spécifique et que, maintenant, on ne peut plus passer à côté, on ne peut plus faire semblant que ce n'est plus présent. La confiance entre les Premières Nations, entre les hommes et les femmes, mais aujourd'hui on pense particulièrement aux femmes des Premières Nations, les relations, donc, entre elles et les institutions du Québec, que ce soit la police que ce soit le juridique, c'est rompu, c'est cassé, alors on ne peut pas faire autrement, dans ce fossé historique qu'on connaît entre nos peuples, de nous attendre à ce que le premier ministre réagisse rapidement et de la bonne façon. Et la bonne façon, M. le premier ministre, c'est de ne pas prendre les autochtones comme des ignorants. Ils nous demandent depuis un an d'avoir une enquête, une enquête publique indépendante, et notre réponse, c'est : Ce n'est pas un bon moyen. Nous sommes qui pour leur dire que ce n'est pas un bon moyen?

Alors, moi, je compte sur vous, M. Couillard, ainsi que les ministres, pour que vous allumiez, que ce fossé historique, à chaque fois qu'on n'y répond pas, nous ne faisons que l'élargir. Et je n'en peux plus de voir cet élargissement-là se faire à chaque jour. J'entendais le chef des Premières Nations nous dire : Lundi, nous arriverons avec une ébauche de mandat de cette commission. Alors, M. le premier ministre, s'il vous plaît, préparez-vous parce que, lundi, ils vont avoir des précisions claires sur comment, de leur point de vue, ils voient que nous pouvons rétablir le fossé. Et je vous dirais que ça commence par une chose, c'est la reconnaissance que le racisme systémique envers les Premières Nations, c'est quelque chose qui existe au Québec, même si ça nous dérange de le reconnaître. Parce qu'on n'est pas en train de dire que les Québécois sont racistes, on n'est pas en train de dire que les policiers sont racistes, on n'est pas en train de dire que le juridique est raciste. Ce que nous disons, c'est que, dans la façon dont nous organisons nos flûtes, nous créons ce fossé-là à chaque fois. Alors, je compte sur vous M. le premier ministre.

Le Modérateur : Des questions?

M. Dutrisac (Robert) : C'est ça, donc le gouvernement, lui, par la voix de M. Kelley hier, hésite encore à reconnaître ce racisme systémique, il dit : Bon, la preuve reste à faire, finalement.

Mme Massé : Bien, si M. Kelley considère que la preuve reste à faire, je pense qu'il n'a juste pas lu tout ce qu'on a fait d'enquêtes depuis les 20 dernières années et je pense notamment à la grande enquête vérité, réconciliation, qui identifie très clairement, au niveau de de ses recommandations, la nécessité pour les gouvernements — bon, nationaux, dans le cas du gouvernement canadien, mais régionaux, ce qui inclut le gouvernement du Québec — d'agir promptement — et le rapport était en 2012 — pour rétablir les liens de confiance entre les peuples autochtones et éliminer les discriminations dans les différentes institutions.

M. Dutrisac (Robert) : Donc, l'enquête fédérale, qui a été, en quelque sorte, spécifiquement augmentée pour traiter du Québec, là, ça, ce n'est pas suffisant à vos yeux.

Mme Massé : L'enquête fédérale va aborder de façon spécifique les femmes disparues et assassinées. C'est ça son mandat, O.K.? L'enquête fédérale va avoir lieu «coast to coast», comme on dit. Et ici, au Québec, comme gouvernement, nous avons la responsabilité de nos relations avec les autochtones sur le territoire, et c'est gens-là, qui sont fort conscients qu'il y a une enquête concernant les femmes disparues et assassinées, qui nous disent qu'il y a, plus largement, des défis que nous devons relever comme peuple québécois sur notre territoire québécois, et c'est les relations entre les Premières Nations et les différentes institutions, dont notamment les corps policiers et juridiques, et moi, je vous dirais, de façon plus large, l'ensemble de nos institutions.

M. Dutrisac (Robert) : Le DPCP a identifié 19 cas, là — il y a eu deux accusations sur les 19 — il y a 19 cas où les policiers estimaient que ça devait être présenté au DPCP. C'est donc dire qu'il y avait matière... peut-être pas matière à poursuite, puisque la preuve était insuffisante ou, en tout cas, il n'y avait pas... Qu'est-ce qu'on fait de ces policiers-là impliqués dans ces 19 cas-là?

Mme Massé : C'est pourquoi que c'est important, cette commission publique d'enquête. Parce que, des fois, vous savez, ce n'est pas en prenant chacune des situations qu'on va arriver à comprendre il est où, profondément, le problème. Et, moi, comme femme, je fais des liens directs avant qu'on comprenne qu'il y avait une discrimination systémique envers les femmes, c'est qu'il a fallu faire les liens entre nous, il a fallu faire les liens pour se rendre compte que... Et prenons seulement, dans le cas des agressions sexuelles, que, chaque fois qu'on se présente devant la justice, ce n'est pas facile, un, parce que le mécanisme d'identifier le coupable exige que je sois remise en question, que je sois repoussée dans mes retranchements, que je sois obligée de me dévoiler de façon... alors que moi, là, je suis une victime.

Donc, je pense que, si nous voulons vraiment que, bien sûr ces situations-là, mais toutes les autres qu'on n'a pas parlé... Parce qu'on le savait, on le dit depuis l'an dernier, ce n'est que la pointe de l'iceberg, et nous le savons parce que nous le savons, nous l'avons entendu que, dans plusieurs autres communautés, plusieurs autres nations, il y a aussi des femmes et des hommes qui sont victimes de cette discrimination-là, et je pense que, là, il faut le prendre à bras-le-corps.

M. Bellerose (Patrick) : Est-ce que le DPCP est allé aussi loin qu'il le pouvait dans son travail? Est-ce qu'il faut revoir le système? Est-ce qu'il faut revoir l'approche dans des cas d'agression sexuelle?

Mme Massé : Bien, ça, c'est, je vous dirais, d'une part, déjà identifié, comment le système n'est pas facile pour les femmes et/ou les hommes agressés sexuellement d'aller... Oui, on dit : Dénoncez, dénoncez, mais en même temps les étapes du système d'enquête et du système judiciaire font en sorte que c'est extrêmement exigeant, et je pense qu'il y a des pistes de solution qui ont été identifiées dans le dernier plan d'action de la ministre.

Ceci étant dit, je pense qu'en matière autochtone il y a comme une couche de plus profonde, et c'est ça, la notion de racisme systémique, et c'est pour ça que c'est important de le nommer comme ça. Le racisme systémique ne pointe pas des gens. Vous savez, quand on dit : On banalise les agressions sexuelles, c'est une chose; quand on se met à se rappeler l'ensemble des préjugés qu'on entend concernant les Premières Nations, bien, ça fait partie de ce racisme systémique; quand on entretient nous-mêmes ces préjugés-là, ça fait partie du racisme systémique. Alors, pour casser ça, il va falloir... Et c'est pourquoi on pense, à Québec solidaire, que la commission indépendante d'enquête est une bonne idée, elle va venir en complément. Mais, pour nous, c'est tant et aussi longtemps que, comme peuple, nous n'accepterons pas de reconnaître qu'il y a effectivement du racisme systémique, nous ne pourrons rien régler dans nos relations avec les premiers peuples, puis c'est ce qu'ils nous disent.

M. Bellerose (Patrick) : ...que les décisions d'aujourd'hui refroidissent d'autres victimes qui pourraient vouloir porter plainte à l'avenir?

Mme Massé : Je pense qu'inévitablement ça fait cela à chaque fois qu'une femme porte des accusations et se retrouve devant un agresseur qui est soit non condamné, soit que la preuve n'est pas assez suffisante ou soit que la condamnation est de six mois en prison. Je vous dirais que, par contre, ce que je connais de mes soeurs et frères autochtones, c'est que, leur lutte, elle est beaucoup... ils sont forts et fortes, ils ont une résilience extraordinaire, et cette résilience-là... Je les entendais plus tôt, je parlais avec eux autres plus tôt, et ils m'ont dit : Regardez, là où est-ce que la tristesse et la colère se rejoignent, il y a un ruisseau de battants et de battantes qui vont continuer à revendiquer leurs droits fondamentaux.

M. Vigneault (Nicolas) : Et puis il y a beaucoup de grogne. Est-ce que vous craignez que ça s'enflamme un peu à la lumière de la conclusion du DPCP aujourd'hui, la situation?

Mme Massé : Je pense que notre gouvernement porte de lourdes responsabilités. Ça fait plus d'un an que, de mon côté, je ne cesse de répéter qu'il est urgent de répondre aux demandes, pas seulement de la commission indépendante, il y a bien d'autres demandes que les Premières Nations ont en toute légitimité, pas parce que c'est des privilèges, c'est leurs droits ancestraux. Je demande au gouvernement Couillard de respecter les droits ancestraux. Ça ne se passe pas. Bien là, il ne faut pas qu'ils manquent la shot parce que, là, actuellement, ces gens-là ont, l'an dernier, fait une fois de plus confiance à notre système. Alors, si le gouvernement ne se lève pas pour dire : O.K., j'ai entendu le DPCP, j'ai entendu l'observatrice indépendante, même la présidente du Conseil du statut de la femme — et j'espère qu'il aura au moins l'honneur de reconnaître que ça fait un an que je le talonne pour ça — j'ai entendu Mme Massé de Québec solidaire, il est essentiel et incontournable que nous reconnaissions que nous avons une responsabilité, et ça commence avec cette commission d'enquête. C'est un premier geste de reconnaissance qui apaiserait les peuples des Premières Nations, pas seulement la grogne, pas seulement la grogne. Être en colère, c'est une chose et c'est justifié, quand systématiquement on vous rabat le caquet malgré vos droits, c'est justifié. Et moi aussi, ce matin, je suis en colère parce que le chef de ma nation n'ose pas regarder les chefs des Premières Nations dans les yeux et de leur dire : Vous savez, vous avez raison, on a un bout du tort qui nous appartient, et ce bout-là, ça s'appelle le racisme systémique, et on va s'attaquer... J'espère entendre, lundi, ou demain, ou après-midi, le chef de ma nation dire aux chefs des Premières Nations, dire aux femmes des Premières Nations : Là, on vous a entendus et là nous allons faire ce que vous nous demandez de faire.

M. Hicks (Ryan) : You said that you're…

M. Bellerose (Patrick) : Juste une petite dernière en français, si je peux. Dans un communiqué, cette semaine, plus tôt, vous avez fait un lien entre la culture du viol et l'absence d'accusations. Je voudrais juste vous entendre sur le lien que vous voyez entre ces deux choses-là.

Mme Massé : C'est-à-dire que, lorsque quelque chose est systémique, on ne s'en rend même pas compte. On ne se rend même pas compte qu'on est en train de poser un geste qui est un geste de racisme, par exemple. Dans la culture du viol, il est la même chose. C'est tellement tricoté serré, c'est tellement systémique, qu'on ne se rend pas compte qu'on est en train de poser un geste qui fait partie de la culture du viol. Et je vous rappelle, la culture du viol n'est pas nécessairement le viol, c'est tout ce qui est sous-jacent à ça. Le racisme systémique, ce n'est pas nécessairement l'acte criminel directement, c'est tout ce qui sous-tend la culture. Alors, c'est là que je faisais le lien entre les deux.

Et je pense que, vous savez, quand on se met à essayer de comprendre comment se fait-il que nous en sommes encore rendus là avec les Premières Nations, bien, on en arrive à comprendre qu'il y a des systèmes, qu'il y a des erreurs du passé qui nous amènent à opérer comme on veut. Et ça demande, comme je vous le disais cette semaine, un grand examen de conscience. Bien, je pense qu'il y a plusieurs Québécois et Québécoises qui sont prêts. Je voyais les images de Val-d'Or tantôt. Ce n'est pas vrai que c'étaient toutes des Anishnabes ou des Ojibwés qui étaient là. Il y avait plusieurs personnes, j'étais capable de dire : Hum, hum, ça, je pense que c'est un «de souche». Et les «de souche» sont comme les Autochtones, tannés de voir que notre premier ministre ne prend pas ses responsabilités par rapport à ça.

M. Hicks (Ryan) : You said before that you're angry. Why is that?

Mme Massé : I'm angry because, you know, when we're talking about the First Nations, I mean, with my people, with everybody, I mean, with the Quebeckers, when I'm talking about the First Nations, it's hard, one year after what happened in Val-d'Or, to see that the Government of course put money in Val-d'Or, but asked them if they had, as we know, put money to give training to the policemen or to the judges to help them to understand what is «discrimination systémique», what is racism. So, I think the answer is no and this is what makes me so angry, because we know that this big distance that we created with the way that we stay in touch with the First Nations, we created a very big hole, a big gap, so we created a very big gap, that now it's time to do what we have to do if we want to just slowly and slowly go and have a better relationship with the First Nations.

M. Hicks (Ryan) : So, in your eyes, the only next step is to have a commission of inquiry into what happened in Val-d'Or and allegations of abuse against indigenous women by police officers?

Mme Massé : It's not my idea. Of course, I agree with this idea. This is what First Nations ask, so I'm in solidarity with them and I say : If you think this is the good way to go, I want to go with you. And they asked for a public inquiry, so I agree with that. But, at the same time, I ask to Mr. Kelley, I ask to Mr. Couillard : What did you do in the last year to change what we know that we have to do?

Let's just have a look on the scholar curriculum. We talk, in the scholar curriculum, only three times about the First Nations : before the white people arrived; in 1886, I think so, about the Métis and Louis Riel; and the Oka crisis. This is the only three times that we're talking with our kids about First Nations. And what about the residential schools? What about the Indian Act? What about the reserves? We say nothing about that. So, it's not helping us to have the heart open when it's time to talk about First Nations. It's making us : What? They have so much privilege. What? We're talking that we just cut their rights and, because we don't know that, we're talking about privileges? So, that's why we need this kind of inquiry.

M. Hicks (Ryan) : Is there an alternative to that? And the reason I'm asking is because we've got the federal inquiry. We've got calls for inquiry into systemic racism in Québec, that's been a separate request. We just saw the Conseil du statut de la femme ask for inquiry in systemic racism against aboriginal women. The number of inquiries is really starting to add up. Is there another alternative?

Mme Massé : You know what? What I heard a few minutes ago, the First Nations want to come on Monday with which kind of mandate should have this inquiry. And I totally believe that they will help us to understand what we lost in all this little... not little, but, in all this inquiry, what is missing. So, in my mind, it's because, as a government, as QuébecGovernment, we are responsible of our institutions, I think this is the part of the answer. So, that's why I hope that, on Monday, the Prime Minister will listen to the First Nations chiefs and their request. Thank you.

(Fin à 14 h 52)

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