(Quinze heures trois minutes)
M. Cloutier : Alors, je
vous remercie d'être présents. Quelle improvisation de la part du gouvernement
du Québec en ce qui a trait à la demande d'une commission élargie, en ce qui a
trait aux relations entre les Premières Nations et les forces policières! C'est
assez incroyable, ce qui se passe. Ça fait des mois que nous réclamons une commission
d'enquête élargie pour nous assurer que toute la lumière soit faite. On a un ministre
des Affaires autochtones qui répète depuis des mois également que ce n'est pas nécessaire,
qui laisse les enquêtes policières aller de l'avant. Frustration supplémentaire,
évidemment, à cause que le DPCP ne dépose pas d'accusations criminelles. On a
vu des manifestations toute la fin de semaine, encore aujourd'hui devant l'Assemblée
nationale. Coup de théâtre, le premier ministre laisse entendre qu'il pourrait
être ouvert à une commission élargie. Alors, on se tourne, aujourd'hui à l'Assemblée
nationale, vers le ministre des Affaires autochtones. Il rejette ça à nouveau
du revers de la main, met le couvercle sur la marmite et se réfère à la commission
d'enquête au fédéral.
Il faut être conscient qu'à Ottawa leur
mission, c'est les relations en ce qui a trait aux femmes assassinées. Et, contrairement
à ce que dit le ministre des Affaires autochtones, en Ontario, ils en ont fait
une, commission parallèle concernant justement les forces policières avec les communautés
autochtones. Et en plus, contradiction flagrante, ma collègue de Chicoutimi
dépose une motion tout à l'heure à l'Assemblée nationale, réclame une commission
d'enquête comme on avait cru comprendre de la part du premier ministre, et le
gouvernement libéral refuse notre commission. Et encore ce matin il y avait des
manifestations des femmes devant l'Assemblée nationale du Québec.
Mme Jean : Moi, ce que je
rajouterais, c'est que, derrière tout ce qui se passe aujourd'hui, il y a des
femmes qui sont touchées. Les femmes autochtones ont dénoncé, il y a plus d'un
an, des situations qui étaient difficiles à dénoncer. Il y a eu un résultat,
actuellement, qui fait en sorte qu'il n'y a pas d'accusations criminelles qui
ont été déposées. Ça crée, je vous dirais, une ambiguïté ou une insatisfaction
pour ces femmes-là que vous comprendrez, tout le monde.
Donc, les 37 qui n'ont pas eu de suivi se
retrouvent devant rien. Il est important qu'il y ait une commission d'enquête
indépendante qui se fasse pour que ces femmes-là puissent avoir droit de parole
ou soient entendues quelque part, ce qui n'a pas été au niveau judiciaire. C'est
important que ça se fasse, et ça se fait par une commission d'enquête
indépendante. Ces femmes-là étaient ici ce matin à l'Assemblée nationale pour
la revendiquer avec le chef des Premières Nations. Ils la demandent. Ils
l'exigent. Et je pense que c'est nécessaire pour que la confiance puisse
reprendre entre les autochtones, et surtout les femmes autochtones, et les
corps policiers, qui est une confiance qui est essentielle pour que la société
fonctionne bien.
M. Lacroix (Louis) : Mais,
ce matin, les femmes autochtones qui étaient ici ont réclamé effectivement une
commission d'enquête indépendante mais qui pourrait mener à des accusations
criminelles, autrement dit, de refaire l'enquête policière du SPVM. C'est ça
qu'elles ont dit, essentiellement. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait
de refaire une nouvelle fois une enquête policière?
M. Cloutier : Pardon. Si
tu me permets. Ce qui est en cause présentement… Vous savez qu'il y avait la
procureure… plutôt, l'avocate Fannie Lafontaine qui accompagnait pour assurer
justement une indépendance de l'enquête. Maintenant, ce que nous, comme
formation politique, avons réclamé, c'est qu'il y ait cette enquête publique
pour nous assurer que les relations avec les Premières Nations aient lieu, et
c'est ce que nous continuons de réclamer, et c'est ce que nous souhaitons pour
aller au fond des choses.
Maintenant, évidemment, on peut exprimer
un désarroi, on peut exprimer une surprise par rapport au DPCP, mais, en même
temps, le DPCP, dans son point de presse, a quand même pris le soin de dire que
son mandat, il est encadré par le Code criminel, par le code de procédure. Et,
si le gouvernement du Québec souhaite aller au-delà de l'application du code,
bien, ça passe par d'autres mécanismes, dont la commission d'enquête élargie,
qu'il a lui-même citée, exactement la même chose que la procureure Fannie
Lafontaine. Ce qu'elle a dit dans son rapport, c'est que, si on veut sortir du
cadre, on doit procéder.
M. Lacroix (Louis) :
Mais c'est parce que, ce matin, les femmes autochtones ont clairement dit que
ce qu'elles voulaient, c'est une enquête qui mène à des accusations. Elles
l'ont mentionné. J'ai pris le soin de reposer la question pour savoir si
j'avais bien compris, et c'est ce qu'elles disent. Elles veulent une commission
d'enquête qui mènerait à des accusations parce qu'elles ne sont pas satisfaites
du travail de la police de Montréal.
M. Cloutier : Mais on a
accompagné les femmes autochtones ce matin devant l'Assemblée nationale. En
fait, des femmes autochtones, là. Je ne veux pas parler pour les femmes
autochtones, mais des femmes autochtones et différentes organisations qui
étaient représentées. Ghislain Picard était présent. Et la demande qui a été
présentée à nous, les parlementaires, devant l'Assemblée nationale, porte
vraiment sur une commission d'enquête élargie sur les Premières Nations et les
forces policières au Québec, appui que nous avons donné, entier et total.
Le DPCP, dois-je le rappeler, a aussi dit qu'il
y avait deux phases d'enquête. Ce que je comprends, c'est qu'il pourrait y
avoir éventuellement d'autres accusations. Mais, à ce stade-ci, ce qu'on sait,
sur les 35 chefs, il n'y avait pas d'accusation pour la section de Val-d'Or,
puis il y avait deux accusations pour la région de la Côte-Nord.
M. Croteau (Martin) :
Sur l'enquête publique, là, n'avez-vous pas néanmoins senti un assouplissement
dans la position du gouvernement?
M. Cloutier : On sent une
contradiction de la part du premier ministre. On sent un premier ministre qui,
effectivement, a donné des indications à l'effet qu'il pourrait être ouvert.
Bien, c'est ce qu'on peut lire d'ailleurs sous votre plume. Et on a vu tout à
l'heure, au contraire, un ministre des Affaires autochtones qui, lui, a
clairement référé à la commission. Il a clairement dit qu'on ne fera pas la
même chose. Il a clairement dit que la commission fédérale avait la
responsabilité de la situation à Val-d'Or, alors que nous, ce qu'on dit, c'est
que la commission d'enquête fédérale porte sur l'assassinat des femmes
autochtones, n'a rien à voir avec la relation entre les policiers et les
communautés autochtones, de même qu'il y a un exemple, en Ontario, qui existe
où le gouvernement ontarien a décidé d'aller de l'avant.
M. Croteau (Martin) :
Mais on s'entend qu'entre la parole du premier ministre puis celle du ministre,
c'est celle du premier ministre qu'il faut retenir.
M. Cloutier : Bien,
alors, comment expliquez-vous qu'à la motion de ma collègue…
Mme Jean : Le premier
ministre était présent.
M. Cloutier : Ils l'ont
refusée. Vous avez votre réponse. Il était là, le premier ministre. S'il avait
voulu voter pour… si son gouvernement…
M. Croteau (Martin) : Ça
vous dit quoi sur l'ouverture du premier ministre, dans ce cas-là?
M. Cloutier : Bien, c'est
qu'il y a clairement tergiversation dans le dossier. Il y a de l'improvisation.
On a un gouvernement qui ne sait où il s'en va. Puis là il y a une tension
entre son ministre des affaires autochtones puis le bureau du premier ministre
qui sait qu'il a une patate chaude. Mais c'est souvent le cas en Affaires autochtones,
en passant. Quand il y a un dossier chaud, la réaction naturelle, c'est justement
d'y aller à tâtons puis espérer qu'on va l'oublier puis qu'on va passer à un
autre sujet.
Mme Fletcher
(Raquel) : In English, Mr. Cloutier. Did Mr.
Kelley contradict the Premier during question period?
M. Cloutier : Well, obviously. It's quite obvious. I mean, my colleague from Chicoutimi has a tabled today a motion that
was quite obvious, asking for the QuébecGovernment to go on on a public commission,
and they voted against. It can't be more obvious. This morning, right before
the question period, the Prime Minister said he was open with the idea to have
a public inquiry. Obviously, he changed his mind. Or, obviously, he went too
far. Or, obviously, he didn't talk to his colleagues. Or, obviously, he has no
idea where he's going.
Mme Fletcher (Raquel) : What does that say about where the liberal government is on this
issue?
M. Cloutier :
Well, I'm saying that, on aboriginal questions, they just have no vision on all
the issues. The situation of our aboriginal people in Québec is quite… has a
lot of problem. Of course, we have the one of poverty, and all that, and the
situation in Val-d'Or. But, more generally, if we're asking for a public
inquiry on all the territory in Québec, it's not… it is something that is
necessary to make sur we understand well the problems with the relation of the
police force and the community. And, of course, there are many, many other
problems, but it doesn't seem to be the priority of the Québec Government.
Mme Jean : Until
we gain the confidence between...
M. Cloutier : Absolutely.
Mme Jean : Go ahead. Go ahead.
Mme Fletcher (Raquel) : Were you surprised to hear Mr. Kelley's statements in question
period just right after the Premier comments?
M. Cloutier : Of course. Of course we were. We were discussing, Mireille and I,
and we were saying that we were expecting the Prime Minister to get up and say
publicly that there will be a public inquiry, and then we would have just sit
and past to another question. We were ready for that. And, to be honest, it
changed our understanding of the situation. And this is why we are with you right now, because it's quite
obvious now that there is a tension between the minister and the government, and the Prime Minister, maybe, went too far.
Mme
Fletcher (Raquel) : Merci.
M. Cloutier : Merci à
vous.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Juste une question, rapidement. Ceux qui espèrent qu'une commission d'enquête
publique puisse déboucher sur des accusations criminelles, est-ce qu'ils se
trompent?
M. Cloutier : Bien,
c'est-à-dire qu'il faut être conscient... Ça dépend, là. Je ne veux pas entrer
dans les technicalités de nature juridique. D'abord, le premier enjeu, c'est
qu'il y ait une commission élargie au Québec, O.K.? Ça, c'est le premier enjeu.
Ensuite, quels seront les paramètres de cette commission-là? Bien, ça, c'est
l'autre élément que devra nous préciser le premier ministre. Ensuite, les
enquêtes qui seront... c'est-à-dire, l'information qui sera recueillie durant
la période de l'enquête pourra éventuellement servir au DPCP si d'autres
informations étaient trouvées. Éventuellement, il pourrait y avoir d'autres
accusations. Mais on se comprend que, les enquêtes du DPCP, elles sont
indépendantes d'une commission d'enquête. Par contre, l'information, il
pourrait y avoir des éléments d'information qui sont divulgués dans le cadre
d'une enquête, qui servent ensuite au DPCP pour qu'il y ait d'autres enquêtes
et éventuellement d'autres accusations.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
O.K. Parce que, M. Couillard, puis dites-moi s'il a raison, disait ce
matin : Il faut faire attention pour ne pas créer un double problème puis
donner espoir, dans le fond, à des gens qui ont été terriblement déçus par
l'absence d'accusations portées par le DPCP la semaine dernière que, c'est ça,
une commission d'enquête puisse déboucher sur des accusations. Il dit que ça
pourrait ne pas être le cas, puis là on aurait une double frustration, une
double déception.
M. Cloutier : Il faut
comprendre que le mandat de la commission, il est plus large. C'est-à-dire le
mandat ne concerne pas uniquement que la situation de Val-d'Or. Ce que réclame
Ghislain Picard de l'association des chefs des Premières Nations, il ne
réclame pas une commission pour Val-d'Or, il réclame une commission sur
l'ensemble du territoire québécois. Alors, inévitablement, on verra les
résultats de cette commission-là, mais ce n'est pas une procédure criminelle, c'est
une procédure de commission d'enquête maintenant avec un mandat d'assurer et de
maintenir ou d'améliorer les relations entre les forces policières et les
Premières Nations. Puis, à partir de là, bien, on verra.
Mme Jean : Moi, je
rajouterais là-dessus que je ne pense pas que ça puisse créer ça. Ce que ça
peut donner, par exemple, c'est de recréer la confiance qui a été brisée entre,
justement, les corps policiers et les nations autochtones. Puis, cette
confiance-là, elle est essentielle. Et la commission pourrait peut-être
redonner la confiance. Je pense qu'on peut espérer que ça donnerait un effet
positif et non pas négatif. Ça ne peut qu'être positif si on joue transparence.
Si on joue honnête et qu'il arrive un résultat, je pense qu'on pourrait être
dans la bonne voie pour se remettre en confiance.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Puis votre commission d'enquête, c'est... parce que, là, je vois, dans vos
communiqués puis dans vos différentes interventions, que c'est le lien, la
relation entre les corps de police et les nations autochtones. Est-ce que le
problème général qui est allégué par les communautés autochtones, de racisme
systémique, va faire l'objet aussi des travaux de la commission?
M. Cloutier :
Inévitablement, l'enjeu va être posé. C'est inévitable. Mais là-dessus je veux
faire du pouce parce qu'il faut avoir un peu de mémoire. Quand on était au
gouvernement, on a tenu une commission... pardon, on a tenu des consultations
avec les intervenants du milieu autochtone, plusieurs dizaines de mémoires qui
ont été déposés, qui devaient mener à une politique de lutte à la
discrimination dans laquelle on retrouvait plusieurs définitions de
discrimination, dont la discrimination systémique.
Maintenant, l'enjeu, il est posé.
Maintenant, c'est à ça un peu que ça sert, une commission, c'est d'identifier
réellement les problématiques et éventuellement les corriger. Mais, quand le
gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, il a pris notre consultation, il a
pris les documents qui avaient été déposés, ils ont mis ça à la poubelle. C'est
ça, la réalité, alors que, nous, ce qu'on voulait, c'était se donner des
nouveaux outils, justement, de prévention pour rassurer, pour réduire toute
forme de préjudice. Et c'était une politique qui visait à lutter justement
contre le racisme, puis il y avait une grande consultation. D'ailleurs, elles
étaient à peu près toutes là, les associations de femmes autochtones. M. Picard,
il était là également. Je me souviens très bien d'une photo où tous les
représentants sont présents à cette consultation-là. Et d'ailleurs elle était
réclamée, cette politique-là, par le milieu.
Alors, bref, on a un gouvernement qui, cet
enjeu-là, ils l'ont rejeté du revers de la main. Là, ils sont comme rattrapés
par le passé où ils se retrouvent dans une situation où ils auraient dû agir,
puis là il y a une patate chaude, qui est celle de la commission d'enquête,
puis là il y a une contradiction entre le premier ministre, qui laisse entendre
qu'il pourrait y avoir de l'ouverture, puis son ministre des Affaires
autochtones, qui, là, venait de se faire contredire de ce qu'il venait de dire
pendant trois jours de temps, puis là il se réfère encore à ce qui se passe à
Ottawa.
Mme Fletcher (Raquel) :
Puis le premier ministre, il mélange deux choses, une enquête policière avec
une commission publique, parce que les mandats sont différents.
M. Cloutier : Les mandats
sont différents. C'est vrai que les mandats sont différents d'une enquête
policière puis d'une commission élargie qui, elle, va porter davantage sur
l'ensemble des enjeux liés à la discrimination, la connaissance du territoire,
les relations, va probablement porter aussi sur des enjeux liés à la formation
ainsi que la présence d'autochtones eux-mêmes au sein des forces policières et
la présence de la SQ dans des réserves autochtones. Encore ce matin,
j'entendais Ghislain Picard qui disait : Ce n'est pas normal, au Québec,
qu'on ait autant de forces de la SQ dans les réserves autochtones.
Effectivement, on peut se poser la question. Puis ensuite se pose aussi la
question de la formation et de l'accessibilité à la formation. Je vous réitère
que, la semaine passée, j'ai sorti l'information à l'effet que les attestations
en études collégiales pour la formation d'un policier autochtone étaient
nettement plus chères que pour un non autochtone.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Il y a un remboursement qui est fait par le fédéral par la suite?
M. Cloutier : Bien là, il
y a une chicane constitutionnelle. C'est le coeur du projet... Le coeur de la
difficulté, c'est justement cette chicane constitutionnelle Québec-Ottawa, puis
aucun des deux ne veut payer.
Une voix
: O.K.
Une voix
: Merci.
M. Cloutier : Merci
beaucoup.
(Fin à 15 h 18)