(Treize heures)
M. Rochon : Alors, je
souhaite vous parler des travaux en commission sur le projet de loi n° 106.
Ça fait 75 heures qu'on est sur le 106, on a adopté les 112 articles
sur la Transition énergétique, la Régie de l'énergie, Hydro. Là où on a un
différend, c'est sur le chapitre des hydrocarbures. Si le ministre avait
accepté notre main tendue, les trois premiers chapitres seraient aujourd'hui
une loi adoptée par l'Assemblée nationale, mais il a refusé notre main tendue.
Et là il voudrait qu'on étudie, la pédale au fond, plein gaz, le chapitre sur
les hydrocarbures. On n'a pas passé 50 heures — parce que c'est
une cinquantaine d'heures qu'on a passées sur ce chapitre-là — à
niaiser, on a passé 50 heures sur ce chapitre-là à se faire niaiser. Et,
s'il n'y avait que nous, là, qui nous faisions niaiser, ce ne serait pas si
grave, mais les Québécois se font niaiser aussi. Comment? Bien, le ministre
refuse d'aborder les vraies affaires. Ce n'était pas un slogan, ça, de son
parti, d'ailleurs, les vraies affaires, à un moment donné? Les vraies affaires,
là, elles sont dissimulées dans des règlements qu'il ne veut pas nous montrer.
Pour vous donner un exemple de la
déconnexion du ministre de la population, la fracturation, là, la fameuse
fracturation hydraulique, qui préoccupe tant les Québécois, qui inquiète tant
les Québécois, la technique, là, qui a été à la base de la crise des gaz de
schiste, là, non seulement le gouvernement ne veut-il pas l'interdire, cette
technique-là, il veut la permettre sans la mettre dans le projet de loi noir
sur blanc, là, dans le projet de loi. Elle est innommable, il ne veut pas la
nommer dans le projet de loi, il met ça dans les règlements, des règlements
qu'il refuse de nous montrer, qu'il a refusé hier, quand leur rédaction sera
achevée — là, on a compris du ministre que ce serait à un moment
donné au printemps — qu'une commission compétente de l'Assemblée
nationale les étudie, ces règlements-là. Est-ce que c'est sérieux, ça? Ce n'est
pas préoccupant, ça? Écoutez, c'est très préoccupant. Non seulement est-ce très
préoccupant, ça n'a pas de sens et parce que ça n'a pas de sens, il n'est pas
question qu'on soit complices de cette opération-là.
Et savez-vous quoi d'autre le ministre a
refusé? Le ministre a refusé d'inscrire le principe d'acceptabilité sociale,
une affaire de rien, là, il refuse d'inscrire ça. Il refuse d'inscrire la
protection de nos terres agricoles, il refuse d'inscrire la protection des
baies gaspésiennes, il refuse d'inscrire le respect des compétences des municipalités.
Moi, je voulais qu'il inscrive ça dès le premier article, là. Ce gouvernement-là,
il nous dit que ce sont des actrices centrales, les municipalités. Bien, les
acteurs puis les actrices, là, centraux, dans un film, généralement, ils sont
au début du générique, ils ne sont pas à la fin. Alors, lui, là, ça va être
plus loin, les compétences municipales, plus loin dans son projet de loi.
Alors, on a soumis plein d'amendements. Le
ministre, il est en plein blocage. Il a bloqué l'adoption par l'Assemblée des
trois premiers chapitres de sa loi, il bloque l'étude des règlements en commission,
il bloque tous nos amendements. Alors, quand je l'entends nous reprocher le
temps passé jusqu'ici sur le chapitre IV, je trouve qu'il a pas mal de
culot. Ce temps-là, ce temps qu'on passe en commission, on le passe au nom de
la transparence, on le passe au nom des inquiétudes des Québécois. On le passe,
ce temps-là, au nom d'un Québec tourné vers l'avenir, c'est-à-dire vers les
énergies renouvelables.
Alors, moi, je lui réitère notre offre
d'adopter le projet de loi n° 106 sans le chapitre sur les hydrocarbures.
En ce qui a trait aux hydrocarbures, c'est clair que le gouvernement, il doit
refaire ses devoirs, il doit refaire ses devoirs en tenant compte des
inquiétudes des Québécois. Le Québec a tout pour devenir un grand leader en
matière d'énergie renouvelable. L'industrie des énergies renouvelables nous dit
qu'il y en a, des projets. Moi, je veux que mon pays, je veux que le Québec, là,
devienne une vitrine des énergies renouvelables pour l'ensemble des Amériques,
et je suis un peu tanné que le ministre bloque ça. Alors, voilà.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, vous êtes maintenant contre la fracturation, contre le fait qu'on
encadre, dans un projet de loi, la fracturation hydraulique. Pourtant, en 2014,
le ministère des Ressources naturelles avait pondu un projet de loi qui
encadrait cette mesure-là, au même moment où le gouvernement Marois annonçait
la conclusion d'une entente de partenariat de 100 millions, avec
Anticosti, qui prévoyait de la fracturation hydraulique. Comment vous expliquez
ça, M. Rochon?
M. Rochon : Alors là,
vous avez deux questions, hein, deux questions. Anticosti, la réponse va être
courte, O.K.? Écoutez-moi bien, là, Anticosti, là, c'est fini, Anticosti, là,
c'est terminé. Et vous oubliez un petit aspect de l'histoire d'Anticosti.
Anticosti, là, ça partait de la volonté du gouvernement, du Parti québécois de
reprendre les permis cédés aux libéraux, au privé pour une bouchée de pain. C'est
de ça que ça partait, hein? C'est de ça que ça partait, l'histoire.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Mais il n'a jamais été question de forage traditionnel sur Anticosti.
M. Rochon : Anticosti,
c'est terminé. Maintenant, l'ébauche, là, du projet de loi en 2014, là, une
fuite, là... C'est comme les puits, ça, ça fuit, des fois, là, les ministères. Il
y a une fuite, là, alors c'est une ébauche, hein, c'est une ébauche, une
ébauche que la ministre n'a même pas vue. Écoutez, là, c'est quoi, le problème
du gouvernement, là? C'est dur à suivre, là. Le gouvernement veut qu'on
s'intéresse à l'ébauche d'un projet de loi de 2014, que la ministre n'a pas
vue, hein, et il ne veut pas que nous voyions l'ébauche des règlements d'aujourd'hui
afférents au projet de loi n° 106. Ça n'a aucun sens. Ça n'a aucune espèce
de sens.
Et puis moi, là, je vais vous dire, je
comprends que les libéraux veuillent faire diversion, mais, je vous soumets en
tout respect, n'embarquez pas là-dedans. Pendant ce temps-là, là, pendant que
le gouvernement fait diversion, il prépare un avenir pour les Québécois, puis
c'est un avenir que les Québécois pourraient regretter. Je pourrais bien, moi,
vous parler d'Orford, de la centrale du Suroît, sortir plein de projets
libéraux, puis certains qu'ils géreraient sans doute différemment aujourd'hui.
Je n'ai pas envie de faire de la petite politique, j'ai envie de faire de la
grande politique. Faire de la grande politique, là, c'est préparer l'avenir,
puis l'avenir, il n'est pas dans les gaz de schiste, il est dans les énergies
renouvelables.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Vous dites : Anticosti, c'est terminé, c'est très clair. Donc, c'était une
erreur?
M. Rochon : Il est chaque
jour mieux démontré que la technique de fracturation hydraulique a des impacts
négatifs sur l'environnement. On ne va pas se fermer les yeux, hein? Des gouvernements
de la planète tout entière se sont, trop longtemps déjà, fermé les yeux, hein?
Il ne faut pas qu'il y ait de fracturation, pas d'exploitation pétrolière,
gazière dans les milieux marins, dans les baies gaspésiennes, dans le fleuve Saint-Laurent,
il ne faut pas, il ne faut plus.
Puis, pour tout le reste, il nous apparaît
qu'il y a deux critères qui doivent prévaloir : l'acceptabilité sociale,
ça, c'est essentiel, mais essentiel, là, et il faut que ces projets, s'il y en
a, d'hydrocarbures, là, bien, soient moins polluants que le pétrole qu'on
importe. Il faut que l'impact sur l'environnement soit moindre que le pétrole
qu'on importe, hein?
Mme Lajoie (Geneviève) :
Est-ce que le gouvernement Marois aussi s'était fermé les yeux en 2014?
M. Rochon : Le monde et
les temps changent. Le monde et les temps changent. On appelle ça savez-vous
comment? L'évolution. L'évolution. Évoluons tous ensemble, tous ensemble. C'est
d'ailleurs ce que nous proposons au ministre. Nous voulons que nous évoluions
tous et toutes ensemble, Québécoises et Québécois. Je vous le disais, nous
avons tout pour devenir, le Québec, un leader extraordinaire en matière
d'énergies renouvelables. Ça, c'est emballant pour les Québécois, hein, leur
pays devenant une vitrine pour les Amériques en matière d'énergies
renouvelables. Proposons un projet comme celui-là, là, plutôt que d'examiner, là,
le chapitre IV bâclé, dont les principes ne sont pas clairs, du projet de
loi n° 106.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Si le gouvernement décide d'opter pour le bâillon, comment vous allez
accueillir ça?
M. Rochon : Mon Dieu,
quelle opinion défavorable, madame, vous avez du gouvernement libéral! Il
opterait pour un bâillon? Il bâillonnerait?
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bien, je vous pose la question aussi. Bien, c'est un outil.
M. Rochon : Eh! mais
jamais je ne croirai qu'il va faire ça. Jamais je ne croirai qu'il va faire ça,
là, ce serait vraiment, là, le boutte du boutte, là. Le bâillon, maintenant, eh
bien! Non, j'espère qu'il ne se dirige pas là. Bien non, ça ne se peut pas.
Mme Crête (Mylène) :
Pouvez-vous me rappeler brièvement... vous avez probablement proposé plusieurs
amendements, là, mais parmi les principaux?
M. Rochon : Oui, bien,
je vous en ai cités quelques-uns, n'est-ce pas? Je vous ai parlé...
Mme Crête (Mylène) :
Lesquels vous tiennent le plus à coeur là-dedans?
M. Rochon : Écoutez,
l'acceptabilité sociale, là, est-ce qu'il y a quelque chose de plus essentiel?
Il me semble que l'acceptabilité sociale, c'est incontournable. Il faut que ce
principe-là, il soit dans le projet de loi.
Respect des compétences des municipalités.
Il me semble que les communautés, là, elles devraient pouvoir avoir leur mot à
dire, hein, il me semble. Ces municipalités, là, auxquelles on promettait un projet
de loi sur la gouvernance, l'autonomie avant les premières neiges. Il me semble
qu'il a neigé. Moi, j'ai mis mes claques, là, il n'y a pas longtemps. Alors, ça
aussi, c'est pas mal incontournable, là, le respect des compétences des municipalités.
Le ministre va vous dire que ça apparaît à quelque part. Non, non, pas à quelque
part qu'on veut ça, on veut ça dans le premier article. L'article fondateur,
là, de la loi sur les hydrocarbures, ça prend ça. Acceptabilité sociale,
compétences des municipalités, puis je vous en ai nommées d'autres tantôt, là,
qui ne sont pas accessoires, là, loin de là, non plus, là, protection de nos
terres agricoles — voyons donc, c'est essentiel — protection
des baies gaspésiennes.
Mme Crête (Mylène) : Qu'est-ce
que vous craignez que contienne un éventuel règlement, là, qui serait publié
par le gouvernement après adoption du projet de loi?
M. Rochon : Écoutez, le ministre,
ce qu'il nous dit, c'est que le règlement fera naître un cadre si serré qu'il
rendra bien difficile l'exploitation pétrolière. Et là il faudrait le croire
sur parole. D'ailleurs, c'est un peu particulier, s'il veut tant interdire, par
exemple, la fracturation, s'il voulait interdire la fracturation, là, hein, il
faudrait aller bien plus loin qu'un cadre très strict. S'il voulait
l'interdire, là, hein, bien, il l'interdirait, c'est tout. Alors, il faut les
voir, ces règlements-là. Comme vous me demandez ce que je crains de voir
apparaître, dans ces règlements... En fait, ce que je veux, c'est les voir, les
règlements. Je veux voir les règlements et je trouve ça scandaleux, scandaleux
que le ministre se ferme à la perspective que la commission les examine. Il y a
de ses collègues qui furent plus généreux, le ministre de la Santé, par
exemple, hein? Je vous étonne, là, je l'ai étonné aussi quand je lui ai dit ça.
Le ministre de la Santé... dans le projet de loi n° 20, il y a un article
faisant état de l'examen, pendant six heures, par une commission compétente de
l'Assemblée nationale, des règlements découlant du projet de loi.
Et au sujet de ces règlements, la
commission a pu s'enrichir des commentaires fort judicieux du Barreau du
Québec. Le Barreau du Québec a soumis que ce recours aux règlements entraîne un
déficit démocratique lorsque lesdits règlements ne peuvent pas être vus par les
parlementaires avant le vote sur un projet de loi. Alors, je ne suis pas le
seul à trouver ça scandaleux, le Barreau est préoccupé. Ça vous va? Merci
beaucoup.
(Fin à 13 h 16)