(Neuf heures trente minutes)
M.
Bérubé
:
Bonjour, tout le monde. Ce matin, à l'Assemblée nationale, une interpellation
concernant les centres de détention au Québec, qui est un enjeu important en
matière de sécurité publique, qui intéresse la population du Québec parce que
ça implique plusieurs dimensions.
Lorsqu'on condamne des gens, on s'attend à
ce qu'ils puissent purger leur peine dans les conditions qui ont été entendues
et ensuite que le gouvernement puisse exercer sa compétence de la meilleure
façon possible avec des bâtiments qui sont adaptés, avec une population qu'on
peut prendre en charge pour réhabiliter et surtout s'assurer que les gens qui
sont en prison ne puissent pas ni communiquer avec l'extérieur ni s'évader.
Alors, ces questions, on en parle depuis longtemps. Je me souviens, moi, au
printemps 2014, avec l'ex-ministre Lise Thériault, on avait parlé des évasions,
on a parlé des drones, on a parlé de la drogue qui entre, on a parlé de la
formation du personnel à l'intérieur des prisons. Donc, il y a beaucoup de
choses. Encore le printemps dernier, la Protectrice du citoyen nous parlait des
conditions épouvantables qu'on retrouve au Nunavut.
Toutes ces questions-là font en sorte que,
nous, comme formation politique, on souhaitait tenir un exercice non partisan,
un mandat d'initiative, une commission parlementaire où on pouvait faire un
état des lieux du système carcéral au Québec. Alors, le 15 juillet dernier,
Sylvain Gaudreault, qui était chef par intérim, et moi avons fait une demande
au ministre de la Sécurité publique, au gouvernement du Québec, à l'effet de
tenir ce type d'exercice. On n'a jamais eu de retour. Et la seule manifestation
qu'on a eue, c'est qu'il a décidé de nommer le député de Vimont comme
responsable d'une grande tournée des prisons. Alors, il va se promener dans
chacune des prisons puis il va faire un rapport.
Ce n'est pas sans rappeler quand le
ministère des Transports avait désigné le député de Mégantic pour aller
vérifier les boulons sur un bateau. Alors, lui, il connaît ça, il devait
regarder la soudure puis faire un rapport. Ça n'a pas duré longtemps. Là,
maintenant, c'est le député de, je crois que c'est de Vimont, vous me
corrigerez si ce n'est pas le cas, M. Rousselle, qui va faire cette tournée-là.
Ce n'est pas très sérieux, considérant l'enjeu qu'on a là.
Les problématiques sont nombreuses, et on
a besoin de plus de ressources pour les gérer. Et on avait décidé, nous, de
l'interpellation bien avant, évidemment, de connaître ce qu'il y a dans le
rapport de la Vérificatrice générale cette semaine. Ça s'ajoute. Surpopulation,
manque de personnel, déficit d'entretien, les vols de drones, les émeutes et
des autres problèmes qui s'ajoutent. Le système carcéral québécois, il est
plein à craquer. Je vais vous donner quelques chiffres.
Pour l'année 2015‑2016, il y a six
établissements de détention sur 18 qui étaient à taux d'occupation d'au moins
100 % : Amos; Tanguay, qui est maintenant fermé; Montréal, plus gros,
1 377 détenus; Rimouski; Rivière-des-Prairies; et en pôle position,
Saint-Jérôme, 112 % de taux d'occupation. Alors, vous imaginez ce que ça
crée comme tensions à l'intérieur, comme risques, à la fois pour le personnel
que pour les détenus.
Le gouvernement a annulé la construction d'un
quartier cellulaire de 20 places adjacent au palais de justice de Chicoutimi,
ce qui force le transport, matin et soir, des détenus à partir de Roberval,
comté du premier ministre. Ça cause problème. En cinq ans, le nombre de détenus
envoyés au trou a augmenté de 33 %. Le nombre de jours de réclusion a
augmenté de plus de 50 %. La surpopulation augmente les tensions à
l'intérieur des pénitenciers. La population carcérale est de plus en plus
lourde, plus de problèmes de santé mentale — c'est peut-être l'enjeu
le plus oublié présentement — toxicomanie, détenus plus âgés. C'est
des facteurs aggravants, ça crée des situations dangereuses qui forcent à
envoyer des détenus en réclusion.
Évidemment, il y a toute la dimension aussi
du gouvernement fédéral qui fait en sorte qu'avec les nouvelles règles sous le
gouvernement Harper on nous envoie davantage de personnes qu'on a à gérer, ce
qui n'aide pas l'enjeu de la surpopulation. Il y a un manque de formation. Les
agents manquent de formation pour faire face aux problèmes de santé mentale,
ils n'ont pas les outils dont ils ont besoin pour intervenir efficacement.
Manque de personnel. Dans plusieurs
établissements correctionnels, le personnel est toujours insuffisant pour
répondre de façon sécuritaire aux besoins. À Roberval, qui est la prison la
plus récente, seulement sept des 15 postes supplémentaires seront comblés.
Quand même. À Leclerc, les services de réinsertion sont coupés parce qu'on n'a
pas le personnel requis. On attend d'ailleurs une réponse du ministre de la
Sécurité publique, on l'aura peut-être aujourd'hui, sur l'avenir de cet
établissement, parce qu'il y a une mixité, il y a des femmes, il y a des
hommes. Ça crée des problèmes depuis qu'on a fermé Tanguay qui était une prison
pour femmes. Ça oblige les agents à faire du temps supplémentaire de façon
systématique, augmente la fatigue, le stress. Les agents sont fatigués,
stressés, ce qui ne permet pas d'avoir des prisons sécuritaires présentement.
Quant aux prises d'otage, le manque de
ressources a souvent des conséquences graves. On l'a vu au palais de justice de
Sept-Îles quand deux agentes correctionnelles ont été prises en otage par des
détenus qui s'étaient procuré un pic artisanal. Baie-Comeau, émeute, un secteur
complet est devenu non fonctionnel suite à l'émeute. On a transféré une dizaine
de détenus à Québec.
Déficits d'entretien. Les infrastructures
du gouvernement sont toutes cotées de a à e. La côte e, c'est la pire, c'est
très mauvais. Voici comment elle est décrite au PQI : infrastructure
présente au niveau très élevé de dégradation et de défectuosités. L'immeuble,
l'ouvrage, le cas échéant, nécessite des travaux de maintien d'actifs très
importants. L'infrastructure assure la sécurité des personnes et n'affecte pas
leur santé. Un rétablissement dans un état au moins satisfaisant est
nécessaire. Donc, l'an dernier, 6 % des établissements de détention
étaient cotés e. Cette année, on est passé à 33 %. Une prison sur trois
présente un niveau très élevé de dégradation et de défectuosités. Nos prisons
sont en ruines présentement au Québec.
Les conditions dans le Nord, on en a parlé
un peu ce printemps avec la Protectrice du citoyen. À Puvirnituq, le taux
d'occupation atteint des niveaux ridicules, 25 détenus dans six cellules, sept
femmes qui passent la nuit dans la même cellule, incapables de dormir par
manque d'espace. Moisissures, odeurs nauséabondes, douches inutilisables. On ne
peut pas tolérer ça au Québec.
Je parlerai tout à l'heure de Tanguay, la
mixité au Leclerc et l'utilisation illicite de cellulaires et de drones. Encore
cette semaine, on en entendait parler, il y a de la drogue qui rentre
quotidiennement dans les prisons du Québec, notamment à cause des drones. On
n'est pas capables de les contrôler, on n'a aucune garantie qu'il y a des
filets pour empêcher les invasions, on n'a toujours aucune indication quant aux
brouilleurs d'ondes. Donc, depuis les évasions célèbres du printemps 2014, à
peu près rien n'a bougé.
Je ne sais pas si le ministre actuel a
demandé à être ministre de la Sécurité publique, mais manifestement, dans le
réseau, un peu partout, on nous indique que ce n'est pas un ministère pour
lequel il y a énormément de passion.
Alors, aujourd'hui, on va passer beaucoup
de temps à parler des centres de détention, et vous allez voir que la réalité
dépasse de beaucoup la fiction qu'on peut retrouver à la télévision parfois,
dans des séries québécoises ou américaines qui évoquent les situations en
milieu carcéral.
Enfin, au plan législatif, là, je pourrais
vous en parler comme leader, mais aussi au plan de la sécurité publique, il y avait
un projet de loi qui visait à faire en sorte qu'il n'y ait plus de cas comme
l'affaire Francis Boucher, qui a réussi à sortir uniquement parce que… sortir
illégalement parce qu'il portait le nom de Boucher. Alors, ça a été annoncé en
2015, il n'y a rien qui a bougé, et, avec quelques semaines qui restent à faire
à la session, je ne vois pas comment ça puisse arriver.
Donc, en conclusion, j'invite le ministre
de la Sécurité publique et les députés du Parti libéral à accepter la
proposition qu'on avait fait initialement de tenir un exercice plus large, à
mettre en place une telle consultation élargie sur la détention au Québec.
Cette consultation-là, elle va servir, en fait, à empêcher les dérives et à
s'assurer qu'on ait les meilleures pratiques possible pour les détenus.
Alors, je terminerais là-dessus, mais
évidemment je vous révélerai d'autres choses à travers l'interpellation de tout
à l'heure.
M. Gagnon (Marc-André) :
Lorsqu'il a été question des formations plus loufoques dans les prisons, au
cours des derniers mois, dans les journaux, M. Coiteux ne s'en est pas vraiment
inquiété. Pour lui, ça semble être de la réinsertion, même si on parle de yoga
ou quoi que ce soit. Est-ce qu'il manque de sensibilité à cet égard-là?
M.
Bérubé
:
Bien, de façon générale, je dirais que l'enjeu des centres de détention ne
semble pas être d'un grand intérêt à travers le ministère de la Sécurité
publique et aussi pour le ministre. À chaque fois qu'on en parle, on dirait, je
l'ai fait à l'étude des crédits, c'est toujours... En matière de sécurité, le
ministre est insécure, c'est le cas de le dire. Ce n'est pas des enjeux qui, je
pense, qu'il a à traiter quotidiennement. Il a même décidé de charger son
adjoint parlementaire de faire le travail pour lui.
À nouveau, je ne sais pas s'il aime ce
ministère-là, s'il l'a souhaité, mais chose certaine, il doit l'occuper tant
qu'il en aura la charge. C'est un enjeu qui est important, et, quand qu'on
regarde les perspectives pour les prochaines années, l'augmentation va être
fulgurante du nombre de prisonniers pour l'ouest du Québec, notamment à Amos et
tout l'ouest du Québec. Donc, c'est un enjeu qui est criant. On a besoin d'investissements
pour la santé mentale, pour les bâtiments, pour la formation, pour assurer la
sécurité du personnel, des détenus et des citoyens à l'extérieur.
Alors, ce n'est pas très sérieux, la
consultation que M. Rousselle va faire, quant à moi, autour du Québec.
M. Gagnon (Marc-André) : Mais est-ce
qu'il y a quelque chose à voir dans le fait que M. Coiteux est à la fois
ministre de la Sécurité publique et ministre des Affaires municipales, alors
qu'on sait qu'au niveau des Affaires municipales il y a d'importantes réformes
qui sont en cours?
M.
Bérubé
:
Bien, il y a cette volonté-là aussi d'en faire un genre de ministère de
l'Intérieur québécois. Je ne sais pas il en est où là-dessus. Ça, c'est une
autre annonce qui a été faite qui n'a pas de suivi. On avait l'impression, puis
je pense que c'était partagé par vous aussi, que c'était le projet de M. Moreau
à l'origine, et on ne sait pas où est-ce qu'on s'en va là-dessus. Et il y a des
intervenants en matière carcérale qui m'ont indiqué qu'ils étaient très
inquiets. Eux, ils ne voient pas pourquoi ils s'en iraient avec les Affaires
municipales. Tant qu'à ça, pourquoi pas la Justice?
Alors, il y aura des réflexions. Nous, on
a des réserves importantes quant à la volonté gouvernementale de créer un
ministère de l'Intérieur, c'est sûr, et on aura des questions à poser
là-dessus, comme sur d'autres projets de loi qui touchent moins le sujet
d'aujourd'hui. Par exemple, l'indépendance de l'UPAC de la Sûreté du Québec, ça
n'a pas bougé non plus. Moi, j'ai très hâte de pouvoir intervenir là-dessus. Je
suis revenu à la sécurité publique, je ne sais pas pour combien de temps je
suis là pour assurer la fonction, mais, chose certaine, j'aurai beaucoup de
questions à poser là-dessus. Et, de façon générale, vous serez à même de
constater au cours des prochains jours, prochaines semaines, que le bilan
législatif du gouvernement libéral pour cette session sera un des pires depuis
les dernières années. Il n'y a à peu près qui aura été adopté. Ça n'avance pas,
les projets de loi ne sont pas appelés, la Chambre ne siège pas beaucoup, et ça
n'a rien à voir avec les juristes de l'État, c'est antérieur à ça.
M. Laforest (Alain) : M.
Bérubé, on a parlé beaucoup, là, il y a un an, des évasions, entre autres
l'évasion en hélicoptère, les autres évasions. Est-ce qu'on vous a fait un état
de lieux concernant les mesures qui ont été prises? Il devait y avoir
installation des filets, tout ça. Est-ce que vous avez une idée où c'est rendu?
M.
Bérubé
: Le
ministère ne veut pas nous livrer ces informations-là pour des raisons
stratégiques, semblerait-il, quant aux filets qui permettent d'empêcher les
approches d'hélicoptères, voire de drones. Je vous rappelle qu'à l'étude des
crédits l'année dernière c'est moi qui a appris au ministre qu'il y avait eu,
la veille, un drone qui avait survolé le centre de détention de Rimouski. Alors,
je l'ai appris au ministère; pourtant, c'était connu à Rimouski, du centre de
détention.
Donc, c'est des questions qui sont très
sérieuses. Ça pose la question de la sécurité de nos établissements. Puis je
dirais, par extension, un des secrets les mieux gardés, malheureusement, c'est
que les palais de justice actuels, lorsqu'on regarde la configuration, il y a
des risques d'évasion à peu près partout. Donc, il n'y a pas de sas, il n'y a
pas de lieux clôturés qui font en sorte que, lorsqu'on emmène des gens pour
comparaître, ils puissent d'abord entrer dans un lieu sécurisé, débarquer, se
rendre en cour et revenir.
M. Laforest (Alain) : C'est parce
que tantôt vous avez fait référence, là, à l'entrée de drogue par les drones
dans les prisons et tout ça. Vous vous appuyez sur quoi pour dire ça? Avez-vous
des chiffres?
M.
Bérubé
: On a
des témoignages réguliers du personnel qui nous indique des cas très précis. C'est
le cas à Bordeaux, c'est le cas ailleurs aussi. Il y a de la drogue qui entre, il
y a du matériel, par exemple, des cellulaires. Il y a des gens qui peuvent
poursuivre leurs activités criminelles et commander à partir de l'intérieur. Il
y en a même quelques-uns, puis, je pense, ça avait été évoqué par certains
d'entre vous, qui sont présents sur Facebook, qui font état de leur vie à
l'intérieur.
Alors, il y a deux choses pour le Parti
québécois. Lorsqu'on a une peine, il faut la purger et évidemment, là, il y a
des renonciations importantes. C'est ça le sens de la privation de cette
liberté. Et aussi s'assurer que les gens soient dans les meilleures conditions
possibles pour leur réinsertion après. Mais, à travers ça, on réalise que
l'état des bâtiments, il y a une porosité et aussi de nouveaux phénomènes qui
apparaissent, qui font en sorte qu'on n'est pas totalement parés à faire face
aux défis actuels de la criminalité actuelle.
Alors, les centres de détention, quant à
moi et quant à plusieurs intervenants de notre société, c'est très important et
c'est pour ça qu'on a choisi d'en faire une interpellation aujourd'hui. On va
passer deux heures à discuter de l'état de nos prisons au Québec, et vous allez
voir, à la lumière des informations que je vais révéler tout à l'heure, que
c'est fort préoccupant et que le phénomène va s'aggraver dans les prochaines
années.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que M. Coiteux est la bonne personne pour la Sécurité publique?
M.
Bérubé
: Ça,
c'est des choix du premier ministre...
M. Laforest (Alain) : Selon
vous, là, actuellement, est-ce qu'il remplit bien son travail ou il a trop de
travail avec l'autre ministère?
M.
Bérubé
: Le
changement de la ministre précédente n'était pas prématuré, quant à nous. On
avait demandé son départ bien avant. Il y avait un premier test pour M. Coiteux,
et c'était, quant à nous, toute la question de cette consultation sur les
centres de détention. Il a refusé, il a décidé : Moi, je ne m'en occupe
pas, je confie ça à un député de l'aile libérale que je veux occuper. Pour moi,
c'est un manque de leadership. Il en a peut-être trop, je ne sais pas quel est
son intérêt. J'aimerais bien savoir, moi, si c'est un ministère qu'il a
demandé. Je ne le sais pas, mais chose certaine, c'est un ministère qui est
important. Chaque fois qu'on discute de ces enjeux-là, ça préoccupe les
citoyens.
Puis cette semaine, on a parlé également
de deux choses. On a parlé des gens en probation qui ne sont pas suivis puis on
a parlé du système de justice où des gens qui pourraient être en prison sont
libérés. Alors, ce qui est fascinant ce matin, c'est que j'aurai, comme
président de séance, le député de Chomedey qui a contribué à faire entrer en
prison un nombre important de motards, puis on a une ministre de la Justice qui
ne réalise pas qu'elle, à travers le laxisme du système de la justice, a
contribué à les faire sortir. Alors, j'imagine à quoi doit penser Guy
Ouellette, député de Chomedey, qui a consacré sa vie à amasser de la preuve
pour faire en sorte que des dangereux criminels puissent être en prison, je
pense à SharQc évidemment, et qui, là, sortent. Il y a vraiment une crise de
notre système de justice.
Alors, on peut bien parler de la finalité
qu'est la prison pour ceux qui s'y rendent, mais ça englobe plus large. Et moi,
je m'inquiète sur l'état actuel de notre système de justice qui devrait quant à
moi nécessiter un débat d'urgence là-dessus, parce que, là, il y a eu l'affaire
Coretti, mais il y en aura d'autres, là, au cours des prochains jours, des
prochaines semaines, qui feront en sorte de mettre à mal la confiance du public
à l'égard du système de justice puis encore plus à l'égard du système carcéral
parce que les gens ne s'y rendront même pas.
M. Foisy (Philippe-Vincent) : La
solution pour les prisons, ça semble être plus de personnel mieux formé.
M.
Bérubé
: Oui,
mais aussi il y a des revendications que le ministre doit faire avec Ottawa
pour faire en sorte que… Les nouvelles dispositions du gouvernement Harper ont
fait en sorte de nous envoyer plusieurs personnes qui doivent purger des peines
plus courtes. Alors, ça a embourbé le système, ça n'a pas aidé. Il y a ça.
Il y a la formation du personnel sur des
cas de santé mentale. Il y a l'aménagement des prisons et des palais de justice
aussi. Souvent, les deux sont liés ensemble. C'est le cas de Sept-Îles, c'est
le cas de New Carlisle aussi. Alors, il y a tout ça et les nouveaux phénomènes
qui apparaissent, hein, les drones, la téléphonie cellulaire, les réseaux
informatiques, l'intelligence criminelle qui s'est développée, les risques
d'évasion et la situation dans le Nord-du-Québec.
Alors, c'est très, très vaste. C'est un
sujet qui est fort complexe, mais, en même temps, tellement concret. C'est des
Québécois et des Québécoises qui ont commis des crimes, qui ont été jugés, qui
doivent faire leur temps, mais ça ne doit pas s'arrêter à la sentence. Il faut
surveiller la suite des choses jusqu'à la réhabilitation. Il m'apparaît que les
conditions actuelles créent davantage de tension que de réflexion nécessaire
pour la conduite de la vie des détenus.
M. Foisy (Philippe-Vincent) :
Avez-vous chiffré combien ça… parce que, là, je veux dire, c'est une liste de
demandes qui est quand même importante, de nouvelles infrastructures, du
nouveau personnel, des nouvelles formations, des nouvelles mesures de sécurité
dans les prisons.
M.
Bérubé
: Tout
ça est connu depuis des années, hein? La surpopulation, c'est facile à
vérifier. Quand à Saint-Jérôme, là…
M. Foisy (Philippe-Vincent) :
Mais avez-vous chiffré le montant que ça coûterait pour un gouvernement…
M.
Bérubé
: On n'a
pas accès à tous les chiffres. Vous le savez, là, souvent, on demande d'avoir
des rapports. C'est dur à obtenir. Juste sur l'état des prisons, ça a été
extrêmement difficile de les obtenir. Souvent, je les ai obtenus à travers des
articles, des reportages que vous avez faits, mais il y a des chiffres qui
parlent. Moi, je vais être à Saint-Jérôme demain, c'est 112 % de taux
d'occupation. Imaginez les risques d'émeute, la tension que ça crée à
l'intérieur. C'est énorme. Ça, c'est connu depuis des années. Même chose à
Bordeaux, même chose à Rimouski, à Rivière-des-Prairies, à Amos. Bien sûr, il y
aura des nouveaux établissements, mais jamais ça ne va aller combler totalement
avec les…
J'ai un rapport sur les perspectives, là,
pour les prochaines années. On est loin du compte. Et il y a l'enjeu de Tanguay
qui est une prison pour femmes. Là, ils sont au Leclerc, qui est un
établissement fédéral qui est maintenant cédé à Québec. Il y a une mixité. Le
ministre a annoncé qu'il allait trouver une solution. J'espère qu'il va
l'annoncer aujourd'hui. C'est très tendu. Le contact entre les détenus féminins
et masculins fait en sorte que ça crée une tension supplémentaire, ça crée des
égarements qui ne sont pas toujours très, très souhaitables. Alors, ça aussi,
il faut le régler. Puis il y a même des religieuses qui sont intervenues dans
le dossier pour dire que c'était inhumain, là, ce qu'on vivait présentement.
M. Foisy (Philippe-Vincent) :
Un gouvernement péquiste commencerait avec quoi comme première mesure?
M.
Bérubé
:
Bien, d'abord, reconnaître que c'est un enjeu important. Moi, je me souviens
d'avoir vu des ministres de la Sécurité publique, d'avoir vu Serge Ménard,
par exemple, prendre ça de front, la conduite des mégaprocès, faire en sorte
que même le centre de Gouin était adjacent à une prison, donc de réaliser que c'est
un enjeu pour les prochaines années, donc pour ce qui est de la sécurité
publique.
Puis, quant à la justice, vous avez vu les
frappes qui ont été faites à l'époque du Parti québécois, il y en a eu d'autres
sous le gouvernement libéral, mais là, finalement, la finalité, c'est que les
gens sont dehors. SharQc, c'est un échec incroyable, tu sais, les gens qui devraient
être en prison sont maintenant libres. Les Hell's Angels sont en train de
refaire leurs chapitres partout au Québec, prennent le haut du pavé de la
criminalité. Alors, tout ça est relié.
Et moi, je peux bien parler des centres de
détention aujourd'hui, mais j'ai toujours la question de la justice en tête
aussi pour la grande criminalité surtout, celle qui cause problème. Puis il y a
aussi des gens... peut-être il y a une réflexion à faire sur des gens qui sont
en prison les fins de semaine entre autres, comment on aménage ça. À bien des
endroits, là, il y a surpopulation.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Avez-vous déjà visité un centre de détention, M. Bérubé?
M.
Bérubé
:
Non, non.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous souhaitez le faire?
M.
Bérubé
:
Ça m'avait été refusé sous Lise Thériault. Ça a été accordé par
M. Coiteux, je veux le reconnaître. J'avais demandé de visiter
Saint-Jérôme et le centre de détention de Québec, et la seule raison pour
laquelle je ne suis pas allé, c'est que M. Péladeau venait de quitter.
Alors, ça avait changé un peu les plans, mais M. Coiteux m'avait offert de
visiter des centres de détention, et, si d'aventure, c'était le cas, j'aimerais
que vous puissiez m'accompagner si ça vous intéresse.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
C'est comme une visite à la Dr Barrette que vous allez offrir aux
journalistes?
M.
Bérubé
:
Oui. Bien, oui. Bien, en fait, c'est de comprendre. C'est un phénomène... bon,
évidemment, personne d'entre nous n'a déjà, je pense, n'a déjà eu l'occasion
souvent de visiter un centre de détention. M. Foisy, oui? Peut-être.
Alors, c'est mystérieux, on ne connaît pas ces lieux-là. Alors, j'ai demandé
deux cas, Saint-Jérôme à cause de la surpopulation, bien avant qu'il y ait une
partielle, et Québec, compte tenu des événements qui ont eu lieu.
Alors, je vais réitérer ça. J'ai une belle
collaboration avec M. Coiteux là-dessus et avec son cabinet pour une
visite, et ça me permettrait de mieux comprendre. M. Bergeron avait visité
des centres de détention à l'époque et m'a raconté que ça avait été fort
éclairant pour comprendre comment ça se passe à l'intérieur.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce qu'on peut voir ou on doit voir une visée partisane dans
l'interpellation d'aujourd'hui?
M.
Bérubé
:
Du tout.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous souhaitiez aborder ce sujet-là avant l'élection partielle dans
Saint-Jérôme?
M.
Bérubé
:
Non, parce que j'ai réalisé après que Saint-Jérôme était l'endroit où il y
avait le plus de détenus présentement, puis on ne le savait pas aussi que le
rapport de la Vérificatrice générale allait parler des centres de détention en
partie. On ne le savait pas.
En juillet, on a fait la demande. En
juillet, à la permanence du Parti québécois, on a fait la demande pour la commission
élargie. Ça a été refusé, puis ce qui nous a insultés, c'est qu'on ait confié
ça à un député libéral en disant : Toi, vas te promener dans les prisons
puis tu nous diras qu'est-ce que tu as vu, tu connais ça, tu as été policier.
Donc, on aurait pu faire confiance aux parlementaires
puis arriver avec humanité à des conclusions, au même titre que Mourir dans la
dignité, qui auraient fait en sorte qu'au Québec on développe un modèle puis
une préoccupation à l'égard des centres de détention qui fait en sorte qu'on a
les meilleures pratiques possible, pour prendre une expression consacrée de la
semaine, les meilleures pratiques possible pour à la fois assurer du respect
des sanctions et aussi du respect et de l'humanisme nécessaires pour prendre
soin des gens qui sont à l'intérieur, qui ont besoin de soins souvent et
beaucoup en santé mentale.
Je vous le dis, moi, ma principale conclusion,
c'est que, depuis des années, le parent pauvre dans les centres de détention,
c'est la santé mentale.
M. Gagnon (Marc-André) : Mais
comme par hasard, donc, il y a une élection partielle dans Saint-Jérôme, il y a
une situation de ce côté-là. Ça reste que c'est quand même un enjeu électoral à
ce moment-ci.
M.
Bérubé
:
Bien, pas tant que ça parce que je vous dirais que c'est un enjeu de sécurité,
là. Ce n'est pas un enjeu de jobs ou d'économie, là. C'est un enjeu à l'interne
pour les gens qui y travaillent puis pour les gens qui sont des détenus. Alors,
on ne peut pas vraiment faire, là, de politique partisane là-dessus. Je pense que
tout le monde en conviendra.
Là où on peut interpeller le gouvernement,
c'est : Vous répondez quoi au fait que vous êtes... il y a une poudrière,
à Saint-Jérôme, potentielle, à 112 %? Moi, que le ministre me dise que les
chiffres ont changé... moi, les dernières indications, c'est extrêmement tendu
à l'interne et ça met en danger beaucoup de personnes.
Avez-vous d'autres questions là-dessus?
Parce que je voudrais vous parler d'un autre élément aussi. Bon, voici, le
gouvernement du Québec, lors de sa mise à jour économique, a acheté énormément
de publicité, notamment une publicité télévisée qui joue à heures de très
grande écoute. Les émissions qui sont ciblées, là, je ne ferai pas de publicité
pour personne, là, mais c'est des millions de personnes. Alors, cette
publicité, on a mis une capture d'écran sur Twitter, vous allez voir dans
quelques instants, on demande, minimalement, le temps des élections partielles,
de la retirer. Vous allez la voir, c'est facile d'accès pour vous, elle est
franchement... ça ressemble à une publicité électorale : ensemble, les thèmes,
on parle un peu de tout.
Alors, je ne sais pas comment ça a coûté,
ça a dû coûter extrêmement cher. L'émission à laquelle je pense, qui est très
écoutée, c'est un grand rendez-vous québécois. Le spot publicitaire coûte très
cher, je l'ai vu plusieurs fois, je l'ai vu ailleurs aussi. Alors, pour les
élections partielles, pour ce qui en reste, je demande au gouvernement du
Québec de la retirer et de faire preuve de bonne foi. Hier, il se sentait
interpellé par une publicité d'une autre formation politique. Je veux lui dire
très amicalement que faisons en sorte qu'il n'y ait pas d'avantage indu accordé
à une formation politique et, de bonne foi, qu'il la retire. Je pense qu'il a suffisamment
mis d'argent là-dessus pour nous vendre de fausses bonnes idées, qu'il devrait
la retirer.
M. Gagnon (Marc-André) : Est-ce
qu'il n'y a pas une tendance, il me semble, au cours des dernières années, même
quand vous étiez au pouvoir, où les campagnes gouvernementales, comme par
hasard, ressemblent étrangement à des slogans ou à des campagnes que les partis
ont en campagne électorale?
M.
Bérubé
: Bien,
à vous d'en juger, mais là on a présentement quatre élections partielles, on a
une publicité qui joue à heures de très grande écoute. Je vous invite à
demander au gouvernement ça a coûté combien et où ils ont placé ces
publicités-là et à vérifier si l'objectif n'est pas autre chose que de nous
vendre des mesures qui manifestement ne résistent pas à l'analyse de la population.
Il n'y a pas un engouement, là, pour la mise à jour économique et les mesures
actuelles qu'on voit présentement. Cet argent-là serait davantage investi, probablement
beaucoup mieux, pourquoi pas, un exemple comme ça, dans la nourriture des
CHSLD.
M. Foisy (Philippe-Vincent) : Allez-vous
vous plaindre au DGE?
M.
Bérubé
: On y
va de bonne foi, on demande le retrait à partir d'aujourd'hui.
M. Foisy (Philippe-Vincent) : Sinon,
la plainte est possible?
M.
Bérubé
: On
en est là pour l'instant.
M. Foisy (Philippe-Vincent) :
Il y a donc une publicité à la télévision, il y a aussi, depuis le
déclenchement des élections partielles, énormément d'annonces, là, lorsque ça ne
siège pas, entre autres. Donc, est-ce le hasard d'élections partielles ou le
fait que la session se termine, là?
M.
Bérubé
: Non.
D'ailleurs, ça, c'est dur à contrôler. Je pense que c'est davantage un message
que je veux envoyer aux citoyens qui sont dans les élections partielles, qui
sont dans les comtés des élections partielles. Je pense qu'ils sont capables de
voir que les annonces ne sont pas anodines. Pourquoi les choses débloquent ou
sont annoncées à ce moment-là, je pense qu'ils réalisent que ça peut avoir un
impact. Moi, je les invite à regarder les programmes des formations politiques.
Je les invite à discuter avec les candidats puis à faire un choix selon leurs
valeurs. Moi, je fais appel à l'intelligence des citoyens.
Nous, dans les élections partielles, j'ai
été organisateur en chef du parti quelques années, ce que je peux observer,
c'est qu'on fait des campagnes, on est très actif dans chacun des endroits, je
serai moi-même à Saint-Jérôme demain. Les gens sont capables de juger, mais il
ne faut pas que le gouvernement tire profit des avantages qu'il a, notamment
d'investir dans la publicité, pour influencer le vote de quelconque façon avec
les moyens financiers ou les moyens de communication qu'il a. C'est tout ce que
je demande. Je le fais très sereinement. Pour la publicité télévisée, je pense
qu'ils devraient la retirer jusqu'à la fin des partielles.
M. Laforest (Alain) : Mais
aujourd'hui, pendant deux heures, vous aller dénoncer la surpopulation à
Saint-Jérôme.
M.
Bérubé
:
Notamment, et d'autre chose. J'ai beaucoup de choses.
M. Laforest (Alain) : Vous
accusez le gouvernement de se servir...
M.
Bérubé
: Oui.
Bien là, c'est à armes égales...
M. Laforest (Alain) : Vous
accusez le Parti libéral d'utiliser le gouvernement pour faire sa promotion des
bons coups dans les partielles, mais, vous, vous allez utiliser une interpellation
pour dénoncer la surpopulation dans Saint-Jérôme.
M.
Bérubé
:
Alors, j'aimerais ça que Numeris puisse m'indiquer quelles seront les cotes
d'écoute de l'interpellation, parce que c'est à temps égal. Je vais que je vais
me ramasser dans la chronique du samedi. Il y a une réplique, là, c'est à temps
égal, le ministre réplique en plus des députés ministériels, tandis que la
télévision, c'est ciblé, on choisit des émissions, on choisit les segments
d'électorat, on choisit les régions, donc on n'est pas pareils.
Puis la période des questions, c'est la
même chose. Moi, je choisis la question, mais la réponse appartient au gouvernement.
Alors, vous comprendrez, M. Laforest, que ce n'est pas du tout la même chose.
Je souhaiterais parfois avoir les cotes d'écoute d'émission de grande écoute,
mais, à travers vous, on rejoint beaucoup de monde. Merci de votre présence.
(Fin à 9 h 58)