(Neuf heures trente-sept minutes)
Mme Massé : Alors,
bonjour, tout le monde. En cette journée du 1er décembre, qui est une
journée importante à travers le monde, puisque c'est la journée internationale
de lutte au VIH-sida, à Québec solidaire, on a trouvé important de déposer une
motion, aujourd'hui, qui interpelle les parlementaires à appuyer la Déclaration
québécoise des droits et responsabilités des personnes vivant avec le VIH-sida.
Et je dois vous dire d'entrée de jeu que, si j'ai décidé de faire ça, c'est parce
que des gens qui vivent avec le sida, ou qui accompagnent, ou qui soutiennent
des gens qui vivent avec le sida, VIH-sida, m'ont demandé de les encourager,
les soutenir pour que les parlementaires du Parlement du Québec appuient cette déclaration-là.
Alors, je vais les présenter et vous les
laisser pour qu'ils puissent vous expliquer de quoi il en retourne. Il y aura, dans
un premier temps, M. Jacques Gélinas. Jacques est un militant de longue
date très, très, très prisé dans la communauté, puisque c'est un homme qui a
fait beaucoup de recherches, qui milite maintenant à COCQ-Sida et à BLITS. Il
va vous en parler quelques instants. Jacques prendra la parole en premier, et,
en deuxième, ça sera Ken Monteith, qui est directeur général de COCQ-Sida.
COCQ-Sida, c'est la coalition des organismes communautaires québécois sida, et
c'est donc ce grand chapeau, ce grand parapluie qui coalise l'ensemble des organisations
qui interviennent au niveau du VIH-sida.
Alors, Jacques, à toi en premier.
M. Gélinas (Jacques) :
Alors, bonjour. Comme Manon disait, je suis Jacques Gélinas. Je suis une
personne qui vit avec le VIH depuis 25 ans déjà et, en cette journée
mondiale du sida, je suis ici comme porte-parole des quelque 20 000 personnes
au Québec qui vivent avec le VIH. Et je tiens à remercier l'Assemblée nationale,
qui, au nom de la population du Québec, adoptera dans quelques heures une
motion qui portera sur la Déclaration québécoise des droits et responsabilités
des personnes vivant avec le VIH. Cette déclaration-là origine d'une rencontre
nationale qui a eu lieu en 2007 à Montréal, où on a eu comme mandat d'écrire
une déclaration. Donc, un groupe de militants, de personnes qui vivent avec le
VIH a formé un comité, j'étais sur ce comité-là, et, supportés par la coalition
provinciale, on a travaillé pendant deux ans à la production de cette
déclaration-là.
Ce document-là est une prise de parole des
personnes qui vivent avec le VIH ainsi qu'une prise de position politique qui
dépasse même... voire même dénonçant l'état actuel du droit et revendiquant
clairement l'égalité de tous et de toutes devant la loi et les institutions
québécoises, quel que soit le statut sérologique des personnes. Dès 2007, cet
exercice s'est avéré primordial afin de contrer la montée de la discrimination
vécue par les personnes qui vivent avec le VIH ainsi qu'à la très lourde
tendance canadienne à la criminalisation du risque de l'exposition au VIH, et
ce, malgré les différentes déclarations internationales qui soulignent
clairement l'inefficacité d'une telle réaction à la pandémie du VIH-sida et le
danger d'isoler davantage les personnes qui vivent avec le VIH.
Les responsables de ce projet se sont donc
inscrits dans le sillage de ces différentes déclarations et proposent à la
population québécoise un changement radical dans la perception de la réalité du
VIH au Québec. Comme le rappelait Mme Irene Khan, directrice générale
d'Amnistie internationale, lors d'une conférence internationale, la pandémie du
sida est une crise des droits de la personne. Nous nous inscrivons donc
volontairement dans ce combat en collaborant activement à sa distribution et à
sa signature. Donc, j'invite instamment l'ensemble des parlementaires du
Québec, qui agissent au nom de la population québécoise, à lire et signer cette
déclaration-là en ligne à cocqsida.com, sous la rubrique Signer la déclaration.
Votre signature vous engagera à lutter contre toute forme de discrimination
envers les personnes qui vivent avec le VIH. Votre signature sera aussi un
geste de compassion et de solidarité envers les 20 000 personnes qui vivent
avec le VIH au Québec.
Donc, en terminant, je vous dis : À
vos tablettes, nous sommes prêts à accueillir vos signatures. Merci beaucoup.
M. Monteith (Ken) : Bonjour,
Ken Monteith, directeur de la COCQ-Sida et aussi une personne vivant avec le
VIH. Je suis ici pour souligner que la lutte contre le sida n'a jamais eu un
moment si intéressant qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, on peut dire qu'on peut envisager
la fin de l'épidémie, mais ça prend des efforts, ça prend des efforts accrus. Et,
tout comme Jacques a souligné, avec la Déclaration québécoise des droits et responsabilités,
c'est une lutte contre la stigmatisation. Nous avons tous les outils dont on a
besoin au niveau médical et au niveau interventionnel, mais ça prend des joueurs
pour agir sur le terrain dans toutes les régions du Québec.
Aujourd'hui, le monde du VIH au Québec vit
une crise par rapport au financement. On doit dire que la crise, donc, commence
par le fédéral, le gouvernement fédéral et des décisions de financer ou de ne
pas financer certaines régions et populations. Mais, à la base de ça, il y a
une insuffisance du financement à la mission qui est assurée par le ministère
de la Santé et des Services sociaux du Québec. Là, on joint avec l'ensemble du
mouvement communautaire pour demander que le Programme de soutien aux
organismes communautaires soit financé adéquatement pour permettre une lutte en
continu contre le VIH sur l'ensemble du territoire du Québec, sinon on va
perdre du terrain et on va manquer notre coup pour mettre fin au VIH-sida.
Je veux dire, on a adopté ensemble, cette
année, un énoncé commun, et ça résume en effet, là, l'ensemble de ce travail, c'est
qu'ensemble nous pouvons créer un monde sans sida ni VIH.
Le Modérateur
: Merci,
Des questions?
Mme Crête (Mylène) : Si
je comprends bien, est-ce que vous craignez qu'il y ait un recul dans la lutte
contre la maladie?
M. Monteith (Ken) : Bien,
en effet, s'il n'y a pas une force adéquate pour mener la lutte contre le VIH,
on va voir de nouvelles infections là où on aurait pu les prévenir, on va voir
la qualité de vie de personnes vivant avec le VIH en déclin, on va voir des
instances de stigmatisation et de discrimination qui ne sont pas répondues. Et
donc c'est pour ça que ça prend des joueurs partout.
Mme Crête (Mylène) :
Quelles sont vos attentes aujourd'hui par rapport aux parlementaires?
M. Monteith (Ken) : Aujourd'hui,
on attend que la Déclaration québécoise des droits et responsabilités soit adoptée,
mais adoptée, reconnue, et que les principes aillent au coeur des actions du
gouvernement dans l'avenir. Donc, pour ça, c'est le respect des droits des
personnes, mais c'est aussi une action soutenue de lutte pour la prévention et
pour le respect des droits des personnes vivant avec le VIH.
M. Gélinas (Jacques) : Et
les parlementaires étant les représentants de la population québécoise, je me
dis, le geste qu'ils vont poser, c'est un geste qui m'apparaît très, très
important parce que les parlementaires vont dire : Oui, fini, la
discrimination envers les personnes qui vivent avec le VIH. Parce qu'il faut en
prendre conscience : même si, scientifiquement parlant, il y a beaucoup de
réalités qui sont en train de se régler, il reste une discrimination
importante, et particulièrement en milieu de travail, où les employeurs
affirment... peut-être 80 % qui disent que les personnes qui vivent avec
le VIH devraient nous dire qu'elles sont des personnes qui ont le VIH. Par
contre, quand on passe à une autre question, si on le disait, il y en a
60 % qui disent qui ne nous embaucheraient pas. Ça fait qu'il y a des
contradictions importantes là, et il faut que cesse cette discrimination-là. Tu
sais, on a une foule de préjugés. Le principal préjugé, moi, que j'entends,
c'est : Ils ont couru après. Ce que je réponds toujours : Personne
dans le monde ne court après son malheur, et vivre avec le VIH, c'est un
accident de parcours qui est arrivé dans notre vie à un moment donné. Et il
faut que ces préjugés-là cessent au Québec, et une très bonne place pour que ça
se fasse, c'est que nos parlementaires, qui représentent toute la population du
Québec, affirment ça clairement.
Mme Crête (Mylène) : Mme Massé,
avez-vous, vous, des attentes particulières à l'endroit du ministre de la
Santé, M. Barrette?
Mme Massé : Bien sûr, oui,
absolument. Bien, comme le disait Ken, il y a un enjeu de financement, et le Programme
de soutien aux organismes communautaires relève du Ministère de la Santé et des
Services sociaux.
Alors, à mon sens à moi, les deux attentes
précises que j'ai, une première, c'est de nous assurer que le Québec ait un
plan cohérent avec lequel on est capables de mesurer l'impact qu'on a, parce
qu'on le sait que, si on fait un plan cohérent, d'ici cinq ans, on est capables
d'éradiquer les nouvelles transmissions de VIH au Québec, ce qui n'est pas
rien, à mon sens. Alors donc, un plan cohérent mesurable avec des objectifs
spécifiques sur l'ensemble du territoire québécois, c'est fondamental, et ce
plan-là fait avec l'ensemble des acteurs.
Deuxième objectif, c'est beau d'avoir un
plan de match, mais, s'il n'y a pas un investissement nécessaire pour s'assurer
qu'on va atteindre nos objectifs, on ne les atteindra pas. Alors, j'attends
aussi le ministre sur cette question-là. Et en fait j'invite ce ministre-là,
qui a une grande préoccupation d'économie, hein, avec les compressions
budgétaires — ils sont très préoccupés pour faire économiser
l'État — bien, moi, je pense qu'il doit tenir en compte qu'une
personne qui vit avec le VIH-sida, que ce soit un homme ayant des relations
sexuelles avec un autre homme, que ce soit une personne utilisant les drogues
injectables, que ce soit une femme immigrante qui a attrapé le sida à quelque part
en Afrique... Tu sais, quand on pense sida, là, tout le monde pense le sida des
années 80, c'est-à-dire les homosexuels, mais aujourd'hui on sait qu'on
n'en est pas là, là, on est complètement ailleurs, et ces gens-là sont partout
sur le territoire québécois, et donc le plan d'action et le financement doivent
se retrouver partout sur le territoire. Merci beaucoup. Merci, messieurs.
(Fin à 9 h 50)