(Neuf heures trente-trois minutes)
M. Rochon : Merci beaucoup.
Alors, hier, on a franchi la 100eheure de l'étude article par
article du projet de loi n° 106. Cet exercice-là provoque chez nous beaucoup
de frustration, et cette frustration, elle est particulièrement attribuable à
ces règlements que nous ne voyons pas pour un projet de loi dans lequel il y a
de multiples reports à des règlements. Alors, le ministre refuse de produire
ses intentions réglementaires, je parle ici d'intentions réglementaires
véritables, claires, et ça ne nous permet pas, hein, puisqu'il s'y refuse, de vraiment
avoir une juste idée de la portée du projet de loi.
Aujourd'hui, avec Manon Massé, Serge
Fortier, Gaétan Lelièvre, et accompagnés de plusieurs citoyennes et citoyens,
ce dont nous voulons vous parler, ce sont de ces puits abandonnés, hein, 700
puis de pétrole et gaz inactifs — je devrais dire «dits inactifs» parce
que ça, inactifs, c'est le vocabulaire du gouvernement — alors, des
puits dits inactifs à travers le Québec, la plupart abandonnés il y a plusieurs
années, même plusieurs décennies. Régulièrement, il y a de nouveaux puits
abandonnés qui sont découverts par des citoyens et puis des organismes comme le
Collectif Moratoire, Alternatives, Vigilance et Intervention, là, de M. Fortier,
le Regroupement vigilance hydrocarbures, puis l'Association québécoise de lutte
contre la pollution atmosphérique. Ces puits-là, ils comportent des risques
pour les personnes, hein? Quand ils fuient, il y a un danger potentiel que ça
pose pour la santé et la sécurité des citoyens qui habitent et travaillent à
proximité puis pour notre environnement, pour nos cours d'eau.
Alors, depuis plusieurs semaines, en commission
parlementaire avec le ministre Arcand, on lui demande, dans la Loi sur les
hydrocarbures, le chapitre IV du projet de loi n° 106, d'obliger le
ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles à agir avec rapidité, rapidité
à chaque fois qu'un citoyen signale au ministère la présence d'un de ces
puits-là sur son terrain. On lui demande, au ministre, de rendre publics tous les
rapports d'inspection que le ministère a entre les mains. On a déposé des
amendements, on a posé des questions sur ces thèmes-là. À chaque fois, c'est
une fin de non-recevoir. Le ministre n'a pas voulu s'engager à faire quoi que
ce soit pour régler le problème des puits abandonnés. Les Québécois ne peuvent
pas se contenter — et il ne semble pas s'en rendre
compte — d'une Loi sur les hydrocarbures qui ne parle pas des puits
de pétrole abandonnés. Ils ont le droit, les Québécois, d'avoir toute
l'information que le gouvernement détient sur l'état de ces puits.
J'ai envie de céder la parole à un citoyen
fort engagé dans ce domaine-là, et je le remercie d'ailleurs de son engagement,
Serge Fortier.
M. Fortier (Serge) :
Merci bien, M. Rochon. Alors, mesdames et messieurs des médias, le
collectif CMAVI remercie les représentants de l'opposition, M. Sylvain Rochon,
du Parti québécois, et Mme Manon Massé, de Québec solidaire, et également
M. Lelièvre, député de Gaspé, de se joindre à nous pour lancer une
opération citoyenne qui consiste à prendre connaissance de l'existence des
puits de pétrole ou de gaz forés dans leur région et demander au ministre
Arcand un état de situation de ces puits.
Nous sommes forcés de faire cette opération
pour deux raisons principales : le gouvernement est indifférent à nos
demandes répétées en cette matière et, avec son projet de loi n° 106 sur
les hydrocarbures, il permettra à l'industrie pétrolière et gazière de forer
des puits dans tout le Québec alors qu'il n'est même pas en mesure de nous
faire savoir ce qu'il advient des 960 puits inactifs au Québec. Alors,
pendant de nombreuses années, l'AQLPA, entre autres, l'Association québécoise
de lutte contre la pollution atmosphérique, a alerté le gouvernement Charest de
l'époque des problèmes reliés aux puits abandonnés. Ce n'est pas d'hier, là.
Aucune preuve d'action quelconque en ce sens n'a été donnée de la part du
ministère de l'époque pour répondre aux demandes de l'AQLPA.
À la fin de l'été 2014, il a fallu
que les citoyens s'en mêlent. Notre collectif a dû enflammer le gaz méthane
sortant librement de l'évent d'un puits abandonné, et ce, devant les médias,
pour que le gouvernement réagisse. Dépassé par la tâche, le ministère de
l'Énergie et des Ressources naturelles a demandé la collaboration de l'AQLPA et
de CMAVI pour trouver les puits inactifs disparus dans la nature, croyant
possiblement que nous n'y arriverions pas. Surprise, on les trouvait, mais,
surprise, le ministère a mis fin au contrat en janvier 2016 et garde
secrets les rapports, tous les rapports de ces puits.
Alors, le 14 novembre dernier, nous
écrivions officiellement une lettre au ministre de l'Énergie et des Ressources
naturelles, M. Pierre Arcand, pour lui demander de répondre aux questions
légitimes des citoyens sur l'état de ces puits inactifs avant de penser à en
forer d'autres avec son projet de loi n° 106. Le ministre a agi comme si
nous n'existions pas. Devant cette obstination de la part du ministre et du
ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles de tenir à l'écart la
population, nous, citoyens en droit de savoir, lançons publiquement l'opération
suivante : par des moyens légitimes et démocratiques les citoyens et
citoyennes, les maires et mairesses, les responsables municipaux en matière de
sécurité civile de toutes les régions du Québec où se trouvent des vestiges de
puits inactifs de gaz ou de pétrole sont invités à faire des demandes d'accès à
l'information pour connaître l'état actuel de ces puits inactifs sur leurs
territoires.
Sur les sites Web du Collectif Moratoire,
Alternatives, Vigilance et Intervention, CMAVI, et du RVHQ, le Regroupement vigilance
hydrocarbure Québec, se trouvent toutes les consignes pour mener avec succès
cette opération citoyenne. Vous y trouverez entre autres un tableau listant les
quelque 960 forages existants sur le territoire québécois. Vous trouverez
sur ces sites une carte interactive permettant de voir où se situe chacun de
ces puits. Vous trouverez aussi une lettre type de demande d'accès à
l'information et le numéro de téléphone pour contacter le ministère de
l'Énergie et des Ressources naturelles aussi. Alors, nous recommandons aux
personnes de faire surtout des demandes par écrit via la lettre type plutôt que
par téléphone car les écrits restent, mais les paroles s'envolent, hein? On le
voit bien avec ce gouvernement où, trop souvent, les bottines ne suivent pas
les babines, créant ainsi de la confusion dans la pensée collective.
Alors, si le ministère bloque nos demandes
d'accès à l'information, s'il impose le bâillon en plus pour adopter son projet
de loi n° 106 sur les hydrocarbures — ça, c'est un moyen
antidémocratique lorsqu'un gouvernement majoritaire est à court d'arguments
sensés, qu'on considère — c'est toute la démocratie qui sera bafouée.
Soyez assuré, M. le ministre, que nous n'en resterons pas là et que nous
prendrons tous les moyens à notre disposition pour vous rappeler envers qui
vous êtes redevable. Les citoyens en ont marre de se faire «bullshiter». Merci.
La Modératrice
:
Mme Massé.
Mme Massé : Merci. Alors,
vous comprendrez que les citoyens ne se laisseront pas impressionner par le
train qu'a décidé de prendre le gouvernement libéral pour passer dans la gorge
de la population un projet de loi, notamment son chapitre IV, un projet de
loi n° 106 qui devait, à prime abord, assurer la transition énergétique,
mais qui se trouve, dans son chapitre IV, à surtout parler d'une loi
habilitante pour les hydrocarbures, donc qui vont encadrer comment on va faire
l'extraction des hydrocarbures gaziers et pétroliers au Québec.
Quand j'entends la campagne... Et d'ailleurs
je vous fais remarquer qu'ici il y a du monde de partout à travers le Québec,
et c'est ça qui est extraordinaire, c'est que les citoyens ne s'en laissent pas
imposer. Les citoyens ont une capacité de se regrouper lorsqu'ils trouvent que
leurs élus ne font pas leur travail. Et, dans ce sens-là, CMAVI, le réseau
vigilance et bien d'autres regroupements, au Québec, de citoyens sont là non
pas pour faire du lobby qui vont leur rapporter financièrement. On parle de
santé publique, on parle de santé environnementale, on parle de nos cours
d'eau. Et ce qu'ils demandent, il me semble, c'est quelque chose qui est
simple, ça s'appelle la transparence. Et moi-même j'ai questionné le ministre,
après une conférence de presse qu'on avait faite il y a quelques semaines, à
savoir s'ils allaient rendre accessibles les informations qui avaient été découvertes
par les comités de citoyens concernant les puits dits inactifs. La réponse, c'est :
Oui, oui, on va trouver ça sur le site. Alors, c'est une chose de trouver sur une
carte, si on est capables de la manipuler, une carte interactive où se situent
les quelques sites, et c'en est une autre de savoir qu'est-ce que l'équipe a
découvert en découvrant ce site-là. Et je pense que, donc, l'action qui est
devant nous actuellement, qui est proposée par des citoyens et citoyennes de
partout à travers le Québec, est une action simple, est une action qui rappelle
à chaque citoyen et citoyenne que nous sommes, les citoyens, responsables de
notre environnement. La Loi sur la qualité de l'environnement dit que
l'environnement est de la responsabilité de chacun et chacune, c'est d'intérêt
public. Et, dans ce sens-là, la campagne qui est lancée aujourd'hui est
intéressante.
Je terminerais en vous disant que le
ministre emploie beaucoup la notion d'acceptabilité sociale lorsqu'il essaie de
nous convaincre à coups d'arguments que son projet de loi est valide. Bien, je
pense que la campagne que lance aujourd'hui CMAVI est une campagne qui va
permettre aux citoyens et citoyennes de mieux s'équiper pour expliquer au
gouvernement du Québec que des hydrocarbures, au Québec, on n'en veut pas.
La Modératrice
: M. Lelièvre.
M. Lelièvre : Bonjour. Il
me fait plaisir de me joindre à l'initiative citoyenne d'aujourd'hui.
D'ailleurs, je félicite les gens de l'ensemble du Québec : on parle des
basses-terres du Saint-Laurent, de Trois-Rivières, Québec, région de la Beauce.
Écoutez, ma motivation à être ici présent, aujourd'hui avec ces gens-là, c'est
d'apporter l'appui des Gaspésiens et des Gaspésiennes à la démarche en cours parce
que, vous savez, on parle beaucoup de puits orphelins, nous, chez nous, en
Gaspésie parce qu'il y a tout près de 200 puits orphelins qui sont non
inventoriés, non qualifiés, classifiés présentement au ministère des Ressources
naturelles, et c'est un dossier qui remonte à plusieurs décennies dans le cas,
là, de ma région. Je peux vous dire que, personnellement, j'ai visité,
d'ailleurs, un puits orphelin sur la rue Toundra, en plein centre-ville à Gaspé,
à quelques dizaines de mètres d'une habitation à logements sociaux, où on a un
puits en surface qui bouillonne par les émanations. Et ça fait des années que
la situation a été dénoncée au ministère des Ressources naturelles, mais, dans
les derniers jours, j'ai pris encore la peine de m'informer auprès des
autorités de la ville de Gaspé et aucune intervention concrète pour sécuriser
les lieux n'a été faite. Donc, on parle vraiment, là, d'un problème réel qui a
des impacts sur la santé, la sécurité des Québécois et des Québécoises qui
vivent, là, autour de ces 700 quelques puits qui sont non identifiés et non
sécurisés.
Puis le représentant de l'association
présente a bien mentionné tantôt, on parle d'une initiative citoyenne, mais, au
rythme où les interventions du ministère des Ressources naturelles vont... Vous
savez, dans les trois dernières années, on a réussi à inventorier strictement
100 puits. Si on fait le décompte, là, à ce rythme-là, où le ministère
intervient, on peut parler de 18 ans avant de compléter le travail pour
identifier les 600 puits restants. Donc, je presse le ministre des
Ressources naturelles d'intervenir personnellement dans le dossier pour
vraiment qu'on ajoute les effectifs requis pour sécuriser ces lieux qui sont
vraiment des lieux à potentiel négatif sur la santé et la sécurité des Québécois
et des Québécoises. Merci.
M. Rochon : Merci à
tous. Alors, en un mot...
La Modératrice
: On va maintenant
prendre... Oh! pardon.
M. Rochon : Oui,
allez-y.
La Modératrice
: Oui,
non. On va maintenant prendre les questions, s'il y en a. Pas de questions?
M. Rochon : Alors,
j'allais conclure, ayant présumé qu'il n'y en avait pas. Je pense que notre
message est clair, ça, c'est bon signe, j'espère que même le ministre va le
comprendre avec cette clarté qu'il a. Ce qu'ils sont venus dire, ces
Québécoises et ces Québécois, là, ce qu'on est venu répéter au ministre, là,
tous ensemble, là, ce matin, c'est que le peuple québécois, il a le droit de
décider ce qui se passe et ce qui passe sur son territoire. En 1978, il y a un
ministre de l'Environnement, qui s'appelait Marcel Léger, qui appelait chaque
Québécois à prendre bien conscience de sa responsabilité personnelle de
protéger son coin de pays à lui, hein? Bien, 38 ans plus tard, c'est une
responsabilité et un devoir auquel les Québécoises et les Québécois ne
renonceront pas, et que ce soit bien compris. Merci beaucoup, tout le monde.
(Fin à 9 h 47)