(Treize heures trente-deux minutes)
Mme Ouellet : Bien,
merci. Donc, avec l'arrivée du nouveau président des États-Unis, Donald Trump,
et sa volonté de renégocier et de réouvrir l'ALENA, il est important que le gouvernement
du Québec prenne position sur ce sujet-là, et même assez rapidement parce que, déjà,
ça commence à bouger. Et je vais proposer aujourd'hui 10 éléments pour un
accord de l'ALENA d'aujourd'hui, un accord de l'ALENA qui est moderne, qui est
de son temps et pour les citoyens et les citoyennes du Québec. Comme nous
sommes encore dans l'impossibilité de négocier nos propres traités en fonction
de nos intérêts et en respectant nos priorités, nous devons au moins être
clairs dans nos positions.
Nous avons pu constater l'empressement de
Donald Trump à vouloir revoir le contenu du traité de l'ALENA, mais, entre le
protectionnisme étroit de Donald Trump et le libre-échangisme effréné et
débridé de Justin Trudeau, le Québec a un intérêt pour un libre-échange mais un
libre-échange équitable, équitable pour l'ensemble des citoyens et des
citoyennes du Québec.
Avec la renégociation de l'ALENA, nous avons
une belle occasion de moderniser l'ALENA en fonction de la réalité de 2017.
Après 25 ans de pratique, nous avons eu l'occasion d'expérimenter les
avantages mais aussi les inconvénients de cet accord. Il faut que l'accord de
l'ALENA soit un outil de croissance économique et sociale dans le respect de
l'environnement pour les citoyens et la collectivité du Québec.
Donc, voici les 10 éléments. Le
premier, comme la motion que j'ai déposée mardi à l'Assemblée nationale, donc
de retirer le chapitre XI, la clause des investisseurs, qui permet aux
entreprises étrangères de poursuivre le gouvernement parce que c'est un déni de
la souveraineté des États. Et ça, c'est demandé par plusieurs, plusieurs
acteurs dans la société québécoise, mais même à l'international.
Deuxièmement, appliquer l'ALENA au bois
d'oeuvre parce qu'on le sait que le conflit risque de reprendre du côté du bois
d'oeuvre, un conflit qui a coûté plus de 20 000 emplois aux
entreprises forestières du Québec dans les dernières années. Et ce qui est
arrivé, c'est que l'ALENA s'applique au bois d'oeuvre. Toutefois, il y a des
accords parallèles de protectionnisme qui ont été conclus et qui ont fait en
sorte de soustraire le bois d'oeuvre à l'ALENA avec des quotas et des surtaxes
qui ont grandement nui aux travailleurs du Québec.
Troisièmement, maintenir la gestion de
l'offre dans le secteur agricole, tant au niveau du lait, des oeufs que du
poulet, cette gestion de l'offre là qui permet justement une production en
fonction du niveau de consommation, et qui permet de maintenir la souveraineté
alimentaire du Québec, et qui permet de maintenir aussi des fermes de type
familial au Québec.
Protéger la culture. Donc, il faut
maintenir l'exception culturelle de l'accord de l'ALENA, protéger nos
entreprises culturelles et des télécommunications, prévoir aussi des mécanismes
de rétribution, parce qu'on est en 2017, donc adéquats pour la propriété
intellectuelle de nos créateurs — particulièrement, je pense au
commerce électronique, les Netflix, les Spotify de ce monde — et
développer des standards pour les vitrines d'accueil afin de mettre en valeur
les créations québécoises par géolocalisation.
Cinquièmement, encadrer le commerce
électronique en rendant obligatoire la perception des taxes par équité fiscale.
Sixièmement, maintenir l'exclusion des
services publics pour les citoyens.
Septièmement, protéger les travailleurs en
tenant compte des accords de l'Organisation internationale du travail, qui est
une organisation de l'ONU qui assure que les profits des entreprises ne se
fassent pas au prix d'une dégradation des conditions d'emploi.
Huitièmement, se donner les moyens de
protéger l'environnement en détenant tous les leviers nécessaires.
Neuvièmement, permettre l'instauration
d'un équivalent du Buy American Act qui permettra de développer et de favoriser
les marchés locaux et les emplois ici, au Québec.
Et finalement maintenir l'exclusion du
commerce de l'eau dans l'accord.
Donc, voici 10 éléments qui feront
une différence importante dans la renégociation de l'accord de libre-échange
avec les États-Unis et le Mexique. Et profitons de cette renégociation pour se
doter d'un accord moderne, en lien avec la réalité de 2017 et qui permettra la
croissance des emplois, des entreprises québécoises à travers les exportations
privées tout en utilisant les marchés publics pour favoriser le maintien et le
développement de notre expertise. Merci.
La Modératrice
: Mme Lajoie.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour. Mme Ouellet, d'abord, à quel titre vous nous parlez aujourd'hui?
Mme Ouellet : À titre de
députée indépendante à l'Assemblée nationale.
Mme Lajoie (Geneviève) :
O.K., parce que, dans les autres partis, on se questionne beaucoup sur,
justement, à quel titre vous alliez parler aujourd'hui. Plusieurs s'interrogent :
Est-ce que ce n'est pas aussi une position que vous prenez dans la course au
leadership du Bloc québécois?
Mme Ouellet : Écoutez, c'est
des positions, c'est des dossiers que je suis déjà depuis plusieurs années, et aujourd'hui
je pense qu'il est important, avec l'arrivée de Donald Trump, que le Québec se
positionne rapidement sur la renégociation. Quelles sont ses demandes dans la
renégociation de cet accord de libre-échange là? Et j'en profite donc, étant
donné que c'est un dossier qui touche les deux paliers de gouvernement, et c'est
ce que j'ai dit, que je souhaitais, comme députée indépendante, indépendantiste
et amie du Parti québécois, de faire le lien entre les deux paliers de gouvernement...
bien, c'est un exemple évident, c'est un exemple vraiment important de ce
lien-là entre les deux paliers de gouvernement.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Encore des critiques qui viennent un peu des autres partis. Est-ce que les
fonds qu'on utilise aujourd'hui, par exemple, ici, à l'Assemblée nationale, le
service de l'Assemblée nationale, vos attachés politiques, tout ça, les gens
qui nous envoient les documents, est-ce que tout ça… c'est payé par qui? De
quelle façon? Comment vous faites depuis que vous êtes députée indépendante?
Mme Ouellet : C'est
exactement la même chose qui s'applique pour moi que ce qui s'applique pour les
autres chefs de parti, pour les autres députés de parti qui font leur travail à
l'Assemblée nationale tout en étant dans un parti, pour les députés, en étant
député, pour les chefs, en étant chef d'un parti. Et on se doit ici, à
l'Assemblée nationale, de faire une distinction entre ce que nous faisons comme
députés de l'Assemblée nationale et nos activités partisanes. Donc, c'est
exactement la même chose qui se passe pour moi aujourd'hui, tout comme mes
autres collègues quand ils interviennent sur des dossiers. C'est exactement
pareil.
M. Lacroix (Louis) : De
quelle façon votre prise de position sur l'ALENA touche directement vos
commettants dans le comté de Vachon? De quelle façon, là, vous êtes capable de
dire : Ces gens-là veulent que moi, je prenne cette position-là?
Mme Ouellet : Écoutez,
j'agis aujourd'hui comme députée indépendante, comme tous mes collègues qui ont
des dossiers, que ce soit à une opposition ou à une autre, qui prennent
position sur des dossiers parce qu'ils portent des dossiers qui touchent
l'ensemble de la population du Québec. Donc, c'est exactement la même chose ici
aujourd'hui. Ce sont des dossiers qui touchent l'ensemble des citoyens du
Québec et aussi les citoyens de Vachon, qui sont concernés par les enjeux du
Québec. Donc, c'est exactement la même chose que… je pourrais vous les nommer
les uns après les autres, là, mais que des collègues qui sont critiques, par
exemple, en matière de transports et qui ont pris position, par exemple, sur le
REM, une discussion que nous avons faite hier après-midi, là, du côté de la
motion du mercredi. Donc, c'est exactement… Les gens qui sont porteurs d'un
dossier, bien, ils sont porteurs de ce dossier-là pour l'ensemble du Québec. Donc,
moi, je porterai aussi certains dossiers et je les porterai pour l'ensemble du Québec,
et les citoyens de Vachon font partie du Québec.
M. Lacroix (Louis) :
Est-ce que vous les avez consultés d'une quelconque façon pour savoir si vos
commettants étaient d'accord avec cette prise de position?
Mme Ouellet : Je
travaille de la même façon que mes collègues députés qui travaillent leurs
dossiers. Donc, nous sommes élus et...
M. Lacroix (Louis) : La
question, c'est de savoir : Est-ce que vous les avez consultés, vos citoyens
dans votre comté, avant de prendre cette position-là? Est-ce que avez eu avez
un mécanisme, par exemple, de rencontrer des gens, de leur demander si cette
prise de position là concordait avec le vote qu'on vous a donné?
Mme Ouellet : Je suis
surprise, M. Lacroix, que vous me posiez cette question-là. Est-ce que
vous posez cette question-là à chacun de mes collègues sur leurs dossiers,
quand...
M. Lacroix (Louis) : ...
Mme Ouellet : ...oui,
mais, quand ils sortent, par exemple, sur le REM, si, effectivement, ils ont
posé...
M. Lacroix (Louis) :
C'est une autre partie, là, ce n'est pas la même chose.
Mme Ouellet : Non, mais
c'est la même chose parce que je suis députée indépendante, indépendantiste et
amie du Parti québécois. Donc, c'est la même chose, je travaille des dossiers
dans l'intérêt de l'ensemble des citoyens du Québec et, en particulier...
M. Lacroix (Louis) :
Pour moi, la réponse, c'est non, vous ne les avez pas consultés, c'est ça?
Mme Ouellet : Pas de
façon spécifique, mais, oui, ils ont été consultés lors de l'élection et, oui,
ils connaissent mes positions. Et, oui, dans le passé, j'ai déjà eu l'opportunité
d'intervenir sur ces dossiers-là, soit par des interventions à la course à la
chefferie, soit par des interventions dans des articles sur Facebook. Donc,
oui, ils connaissent ces positions-là, et, oui, il y a de l'interaction à
travers ces médias sociaux là. Mais, comme je vous dis, j'ai l'impression que
vous demandez un double standard. Vous me demandez un standard différent de ce
que vous demandez aux autres députés de l'Assemblée nationale.
M. Lacroix (Louis) : Je
fais juste poser des questions, Mme Ouellet.
Mme Ouellet : Bien oui,
c'est correct, mais je réponds à votre question et je vous donne ma perception
de votre question et ma réception de cette question-là. Et j'agis, comme je
vous dis, comme les autres députés, à l'Assemblée nationale, qui sont porteurs
de dossier. Et donc c'est certain que j'ai l'intention de porter un certain
nombre de dossiers ici, à l'Assemblée nationale, pour faire le lien entre les
deux paliers de gouvernement, et j'avais eu l'occasion de l'annoncer.
M. Lacroix (Louis) :
Alors, vous ne trouvez pas que ça amène une certaine ambiguïté? Vous allez tout
le temps être obligée... Pardon?
La Modératrice
:
J'aimerais vérifier si vous avez des questions sur le sujet d'abord, sur l'ALENA.
M. Lacroix (Louis) : ...
Mme Ouellet : Oui, ça va
aller, ça va aller.
La Modératrice
: O.K.
Merci.
Mme Ouellet : Ça va
aller.
M. Lacroix (Louis) :
...que ça va amener une certaine ambiguïté à chaque fois que vous allez faire
une conférence de presse, qu'il va y avoir toujours cette question-là? Parce
que vous dites que vous ne voyez pas le problème de la double fonction, alors
que, deux jours de suite dans des conférences de presse, la même question
resurgit tout le temps.
Mme Ouellet : Ce qui me
surprend, c'est que c'est exactement... la même question, vous pourriez la
poser exactement aux autres chefs de parti ici, à l'Assemblée nationale. Donc,
moi, je crois que...
M. Lacroix (Louis) : Les
autres chefs de parti ne se présentent pour la chefferie du Bloc, à ce que je
sache.
Mme Ouellet : Oui, mais
est-ce qu'ils agissent en tant que députés à l'Assemblée nationale? Les autres
chefs de partis, ils sont chefs parlementaires ici, à l'Assemblée nationale,
mais ils sont aussi élus ici à titre de députés de l'Assemblée nationale. Donc,
la même logique s'applique. Je ne comprends pas pourquoi vous faites une
distinction de logique.
C'est certain que ce n'est pas le même
parlement. On s'entend, hein? Il y a un lieu physique qui est différent.
Toutefois, ce sont les mêmes dossiers, ce sont les mêmes territoires, et, entre
les gouvernements, les décisions ont beaucoup d'influence. Et donc j'agis comme
indépendantiste ici, à l'Assemblée nationale, faire le lien entre les dossiers.
Et, oui, c'est peut-être nouveau pour le Québec, mais malgré que ce n'est pas
un précédent. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, il y a Marcel Léger qui
l'a fait, là, dans le milieu des années 80. Ce n'est pas un précédent. Puis
peut-être que ça dérange certaines personnes, je constate ça avec tous les
commentaires qui sont sortis, mais je dois vous dire qu'il y a d'autres
exemples qui se passent à travers le monde. Dans le parlementarisme britannique
très précisément, je vous dirais, par exemple, du côté de l'Écosse, bien, en
Écosse, ils ont un seul parti, et c'est un peu différent, là, on s'entend, mais
un seul parti avec des représentants sur les deux paliers de gouvernement...
Une voix
: ...
Mme Ouellet : Non, mais
avec une seule, c'est une femme d'ailleurs, une seule chef de parti, qui est Nicola Sturgeon, qui est chef des parlementaires dans chacun des
parlements. Et c'est sûr que, pour le parlement où elle n'est pas présente, ils
se sont donné un chef parlementaire qui fait le travail parlementaire. Et donc
je pense qu'il n'y a pas de...
Mme Lajoie (Geneviève) :
Juste une précision : Est-ce que vous n'allez qu'aborder des sujets qui
touchent les deux Parlements ou vous allez aussi prendre des positions qui
concernent peut-être juste le Parlement ici, à l'Assemblée nationale, à Québec?
Mme Ouellet : Écoutez,
je ne me suis pas fait une liste de l'ensemble des sujets, mais l'intention, c'est
d'aborder le plus possible les sujets qui ont un lien entre les deux paliers de
gouvernement, et c'est ce que nous avons fait, là, depuis que je suis députée
indépendante. Donc, avec la motion à l'Assemblée nationale, malheureusement,
dont le gouvernement a refusé son consentement, qui demandait de retirer le
chapitre XI, qui est extrêmement contesté puis même encore dans... parce
qu'il a été repris, là, en partie dans l'accord Canada-Europe. Et c'est là
qu'il y a les plus grandes résistances pour la signature de l'accord
Canada-Europe.
Donc, je pense que c'est dommage de voir
que le gouvernement libéral du Québec, ici, refuse de discuter et de prendre
position sur le retrait de l'article 1, qui réduit la souveraineté des
États et qui permet à des entreprises étrangères, pas des entreprises
québécoises... hein, ce qui est assez paradoxal, là. Si, par exemple, on décide
de prendre une mesure environnementale, de protéger un territoire, et qu'il y a
des entreprises québécoises et des entreprises étrangères qui sont sur ce
territoire-là, bien, seules les entreprises étrangères pourront poursuivre le
gouvernement. Donc, c'est une mesure qui défie la souveraineté des États et qui
est complètement inéquitable envers les entreprises québécoises.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Cette position-là que vous défendez aujourd'hui sur l'ALENA, est-ce que c'est
aussi la position du Parti québécois?
Mme Ouellet : Écoutez,
il y a plusieurs éléments qui rejoignent le Parti québécois, je crois, sur le
bois d'oeuvre, très clairement. Sur le retrait du chapitre XI, ça a été
voté au dernier conseil national. Sur la question de la culture, c'est en lien
avec les positions de Louise Beaudoin dans le passé. Les positions sur le
commerce électronique, j'avais déjà eu l'occasion de les prendre, là, avec
Jean-François Lisée.
Écoutez, il faudrait, là, voir dans le
détail, mais je pense que ça rejoint, là, en très grande partie des positions
déjà exprimées, là, par le Parti québécois. Sur certains éléments, peut-être,
le Parti québécois ne s'est pas encore prononcé publiquement, mais j'ai
l'impression que c'est assez proche.
Journaliste
: Est-ce
que ça rejoint aussi les positions du Bloc québécois, à votre connaissance?
Mme Ouellet : À ma
connaissance, aussi. Merci.
(Fin à 13 h 46)