(Quinze heures quatre minutes)
M. Jolin-Barrette :
Alors, bonjour, tout le monde. Je voudrais réagir aujourd'hui à ce que la ministre
de Santis vous a dit tout à l'heure relativement à la nomination aux deux
tiers des personnes désignées par l'Assemblée nationale. Écoutez, la sortie de
Mme de Santis démontre très clairement qu'elle commet une bourde, qu'elle
ne respecte pas elle-même le processus de confidentialité. Et elle nous dit que
c'est uniquement le choix de l'exécutif qui devrait être entériné. Moi, je
pense que le législatif a une partie importante à jouer dans la nomination des
personnes qui sont désignées aux deux tiers de l'Assemblée nationale. Et,
lorsqu'on constate que la ministre de Santis vous relève qui sont les
candidats, elle-même démontre qu'elle n'est pas capable de respecter le
processus. Je trouve ça aberrant que, devant vous, elle dévoile cette
confidentialité-là qui a toujours été respectée entre les partis.
M. Robillard (Alexandre) :
Est-ce que vous êtes d'accord avec elle quand elle dit qu'un contributeur à un parti
politique peut accéder à une fonction comme celle de Commissaire à l'éthique?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
le fait de contribuer à une formation politique de façon financière ne
disqualifie pas les individus à occuper ce genre de charge. Puis c'est un
droit, en vertu de la loi électorale, de contribuer à une formation politique.
Ça ne doit pas disqualifier les gens. Ça, c'est la première des choses.
Ceci étant dit, il faut regarder la
contemporanéité de la donation à une formation politique. Il faut regarder les
liens qui existent. Mais, pour des postes comme ceux qui sont désignés par l'Assemblée
nationale, ça prend quand même un mur de Chine entre les formations politiques
et entre les candidats qui seraient appelés.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais elle parle d'une candidature précise que vous auriez bloquée. Qu'est-ce
que vous pouvez nous dire à ce sujet-là précisément?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, moi, je respecte le processus de confidentialité. La proposition que
j'ai faite, pas vendredi dernier, l'autre vendredi, c'était à l'effet qu'on
voulait qu'il y ait plus qu'un nom qui soit soumis aux formations politiques,
trois noms, de façon à avoir le meilleur candidat possible. Donc, je ne
m'étendrai pas sur les discussions qu'il y a eu entre les formations politiques.
M. Robillard (Alexandre) :
Oui, mais ce que je ne comprends pas, c'est que vous avez l'air de dire que ce
n'est pas grave si quelqu'un contribue, mais elle, elle dit que vous avez
bloqué quelqu'un qui contribuait. Ça fait que je veux juste comprendre, là, où
vous logez exactement.
M. Jolin-Barrette : C'est
la prétention de la ministre de dire que nous avons bloqué. Nous, on ne bloque
pas de nominations. Ce qu'on fait, c'est qu'on veut avoir un processus où on va
avoir trois noms. Mais, comme je vous l'ai dit, le fait d'avoir contribué à une
formation politique, ça ne disqualifie pas un individu parce que c'est un droit
de contribuer à une formation politique.
M. Robillard (Alexandre) :
Vous la contredisez?
M. Jolin-Barrette : La ministre?
M. Robillard (Alexandre) :
Ce qu'elle dit, ce n'est pas vrai?
M. Jolin-Barrette :
Bien, elle peut soulever les interprétations qu'elle veut, la ministre, mais ce
n'est pas parce que, nécessairement, quelqu'un a contribué à une formation
politique que l'on s'oppose à sa nomination à titre d'un des postes désignés à l'Assemblée
nationale aux deux tiers. Donc, ce ne sont pas uniquement les seuls motifs.
Et, nous, ce qu'on dit : Pour avoir
la meilleure personne qui puisse occuper le poste, la personne la plus
compétente, la personne la plus qualifiée, ça prend une liste de trois noms qui
serait soumise aux formations politiques de façon à donner la possibilité... Et
je pense que c'est tout à fait raisonnable, ce qu'on propose. Et d'ailleurs la ministre,
dans sa réponse qu'elle a déposée, elle est très virulente à notre endroit.
Nous, on veut bonifier le processus et on constate que la ministre de Santis
n'est pas capable de comprendre l'opportunité qu'on lui donne d'améliorer le processus.
Elle veut rester sur ses positions, elle veut rester sur les vieilles façons de
faire, puis je pense que ça ne sert pas notre démocratie lorsqu'on agit dans ce
sens-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, pour être clair, M. Jolin-Barrette, la ministre nous a dit plus tôt
que vous aviez bloqué la candidature qu'elle avait retenue, le gouvernement
avait retenue pour le poste de Commissaire à l'éthique et à la déontologie en
raison d'un don fait au Parti libéral, un don de 100 $. Est-ce que c'est
exact? Est-ce que vous avez mentionné au gouvernement que vous étiez pour vous
opposer en Chambre à la désignation de cette personne-là parce qu'elle a donné
au Parti libéral du Québec?
M. Jolin-Barrette : Non.
Et le gouvernement a retiré la candidature de la personne soumise.
M. Lacroix (Louis) :
Vous n'avez jamais fait allusion à ça, à un don. Vous n'avez jamais fait ça. Le
saviez-vous?
M. Jolin-Barrette :
Qu'elle avait contribué?
M. Lacroix (Louis) :
Oui.
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Lacroix (Louis) :
Vous le saviez, mais...
M. Jolin-Barrette : Le
gouvernement a retiré la candidature.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais vous vous étiez opposés à cette candidature-là pour quelle raison?
M. Jolin-Barrette : On
ne s'est pas opposés à la candidature. Le gouvernement a retiré de lui-même la
candidature.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais avez-vous soumis au gouvernement le fait que cette personne-là avait
contribué au Parti libéral?
M. Jolin-Barrette :
Écoutez, ce n'est pas moi qui a eu les échanges directement avec la ministre,
mais il m'apparaît que...
M. Lacroix (Louis) :
C'est qui? C'est le leader?
M. Jolin-Barrette : Il
m'apparaît que le gouvernement a fait ses vérifications et, par la suite...
Journaliste
: Qui a eu
les échanges? Qui a eu les échanges?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
il faudrait qu'on vérifie chez nous, mais... et qu'il apparaît que le
gouvernement a fait ses recherches et qu'il a retiré de lui-même sa
candidature.
M. Lecavalier (Charles) :
Donc, quand la ministre dit que la CAQ a bloqué la candidature, c'est faux?
M. Jolin-Barrette :
C'est faux.
M. Lacroix (Louis) :
Alors, vous en pensez quoi, de la candidature en question, vous?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, sur ça, je ne me prononcerai pas sur la candidature de la
personne publiquement parce que c'est justement le processus que je veux avoir
avec le gouvernement. Avant de rendre un nom public devant tout le monde, je
veux qu'on ait des discussions puis qu'on s'entende sur un nom pour ne pas
qu'il y ait, justement, de marchandage. Et le processus de confidentialité,
c'est important qu'il soit respecté. Lorsque la ministre fait ce qu'elle a fait
tout à l'heure ici, à ce lutrin, de dire qu'elle a visé une personne précise
pour le poste de Commissaire à l'éthique, je trouve ça malheureux. On est
capables, en tant que parlementaires, de garder un serment de confidentialité
envers des candidatures, et le fait qu'elle-même dévoile qui est le candidat ou
la candidate pour occuper ce poste-là, ça démontre une incompréhension. Et je
pense qu'entre parlementaires on devrait être capables de pouvoir échanger et
d'apprécier des propositions qui sont faites afin de bonifier le processus.
M. Lacroix (Louis) :
Oui, mais maintenant que, comment dire, l'identité de la personne est sortie,
là vous pouvez le dire, ce que vous pensez de... Il n'y a plus de
confidentialité, là. C'est levé, la confidentialité, maintenant?
M. Jolin-Barrette :
Bien, je pense que, dans le cadre de la nomination d'un commissaire ou d'une commissaire
à l'éthique, il faut faire preuve de réserve, puis moi, je vais limiter mes commentaires
à ceux que j'ai faits aujourd'hui, à l'effet que... Moi, on en est sur le processus
de nomination, et non pas sur la qualité de l'individu.
Justement, j'entendais la ministre nous
dire : Écoutez, il ne faut pas que ça disqualifie certains individus puis
il ne faut pas enlever le désir de certains individus d'appliquer sur ce genre
de poste là. Mais ce que la ministre a fait, tout à l'heure, ici, c'est exactement
ça, en dévoilant publiquement. Donc, moi, je ne veux pas dévoiler publiquement
les candidats, je veux juste qu'on s'entende pour qu'on ait un processus qui va
permettre de bonifier. Donc, je ne commenterai pas la qualité des candidatures
qui ont été soumises par le gouvernement.
M. Robillard (Alexandre) :
Sur le plan des perceptions, disons, là, qu'un candidat ferait une contribution
après avoir déposé sa candidature, est-ce que ça, sur le plan des perceptions,
selon vous, ça pourrait être quelque chose qui ne soit pas souhaitable?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, le Commissaire à l'éthique, par ses fonctions, doit interagir de
façon très proche avec les parlementaires, doit rendre des avis, doit
conseiller les parlementaires sur plusieurs points en matière d'éthique et
d'intégrité, donc c'est sûr que, s'il existe une proximité, une proximité entre
une formation politique et l'individu qui est candidat, peut-être que ce n'est
pas la personne la plus... que ce n'est pas opportun de désigner cette
personne-là à ce poste-là. Comme je vous le disais tout à l'heure, le fait de
contribuer à une formation politique, ça ne vous disqualifie pas, mais il y a
une question aussi de contemporanéité par rapport au don qui a été effectué par
rapport à l'implication dans une formation politique.
M. Lacroix (Louis) :
Oui, mais, suivant ce que vous dites, là, une personne qui donne à un parti
politique, c'est parce qu'il y a des affinités avec ce parti politique là, non?
Alors, est-ce qu'une personne qui, par la suite, voudrait se faire le chien de
garde de l'éthique, par exemple, des députés, toutes formations confondues, aurait
la liberté de faire ça, s'étant prononcé, si on veut, par le don, sur une
formation politique?
M. Jolin-Barrette :
Bien, il pourrait le faire, il pourrait le faire, on n'exclut rien, mais, comme
je vous disais, est-ce que c'est...
M. Lacroix (Louis) :
Bien, c'est comme si un arbitre de la Ligue nationale se promenait, en dehors
des matchs, avec un gilet des Canadiens. Est-ce qu'il est capable d'être neutre
quand il y a une partie entre Canadiens puis Toronto, mettons?
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous dirais, ça dépend de ça fait combien de temps qu'il porte son
chandail du Canadien.
M. Robillard (Alexandre) :
Combien de temps? C'est combien de temps, le délai, selon vous, qui est
acceptable entre un don puis une candidature?
M. Jolin-Barrette : Moi,
je pense qu'un délai raisonnable serait applicable...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Puis raisonnable, c'est quoi?
M. Jolin-Barrette : Aussi
dans l'opinion des gens, dans l'opinion des parlementaires mais dans l'opinion
de la population aussi, parce que ce qu'on veut, c'est des institutions fortes
à l'Assemblée nationale. On veut un commissaire à l'éthique qui va être capable
de développer de la jurisprudence pour mettre en application des blâmes ou de
suggérer qu'il y ait des blâmes lorsqu'un député contrevient au code d'éthique.
On veut un vérificateur général qui ait toute la liberté nécessaire de prendre
les actions qu'il souhaite. On veut des personnes fortes dans le cadre de ces
postes-là. On veut des personnes qui ont l'appui du deux tiers de l'Assemblée
nationale et même de l'unanimité des députés. Donc, on veut des gens forts
comme ça. Et le fait de contribuer à une formation politique, comme je vous le
dis, ça ne disqualifie pas l'individu.
M. Robillard (Alexandre) :
Oui, on comprend que vous faites une nuance par rapport au temps, oui.
M. Jolin-Barrette : Par
contre, si le don est de façon très contemporaine, ça peut soulever des
questions dans la population, puis on n'y gagne rien.
M. Robillard (Alexandre) :
Et, après sa candidature, par exemple, selon vous, là, que quelqu'un fasse un
don à un parti politique après avoir posé sa candidature, est-ce que, vous, la
CAQ, vous accepteriez cette candidature-là?
M. Jolin-Barrette :
Bien, il faut évaluer au cas par cas. Ça dépend à partir de quel moment la
personne est désignée, après combien de temps aussi.
Mais, ce que je veux dire, il y a quand
même une question d'apparence aussi par rapport à la contribution politique,
bien qu'elle soit légale aussi. Mais, vous savez, le commissaire, là, il se
prononce sur des questions d'éthique, mais il se prononce aussi parfois sur des
questions de moralité, il fait des commentaires aussi. Donc, c'est sûr que,
pour lui, pour qu'il soit placé dans une situation confortable, c'est important
qu'il fasse preuve de la plus grande objectivité possible. Et l'objectivité
puis l'apparence d'objectivité, c'est important aussi.
Le Modérateur
: Une
dernière question.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Bien, deux dernières questions, si vous me permettez. Est-ce que le
gouvernement a bien fait en écartant cette candidature-là?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, ça appartient au gouvernement, ce choix-là, de retirer cette
candidature-là, mais il y a une chose qui est certaine, la bonne chose à faire
pour le gouvernement, ça serait de soumettre trois candidats exceptionnels aux
partis de l'opposition avec lesquels ils sont à l'aise pour dire :
Écoutez, voici les candidats les plus qualifiés pour occuper un poste d'une
personne désignée à l'Assemblée nationale, êtes-vous en accord avec un de ces
candidats-là? Et là on pourrait s'entendre préalablement et avoir le meilleur
candidat possible.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Dans cette même salle, Mme de Santis a regardé la caméra tantôt puis a
lancé un appel, pratiquement, à la population : Ceux qui sont intéressés
par le poste de Commissaire à l'éthique, envoyez vos CV, a-t-elle dit. Comment
expliquez-vous la difficulté du gouvernement et de l'Assemblée nationale à
trouver un remplaçant à M. Saint-Laurent?
M. Jolin-Barrette :
Écoutez, je sais que le poste est affiché. Il y a plusieurs individus dans des
domaines universitaires, dans le domaine privé, dans le domaine public qui pourraient
combler ce poste-là, encore faut-il qu'ils soient intéressés. Mais, ceci étant
dit, nous, on ne reçoit pas les candidatures non plus. C'est géré par le
secrétariat à la nomination aux emplois supérieurs, qui, par la suite, font une
recommandation à la ministre. Je pense qu'il y a plus qu'un candidat intéressé
à ce genre de poste là, et il y a des gens qui ont des parcours aussi qui leur
permettraient de se qualifier à ce genre de poste là. Vous savez, on est 8 millions
au Québec, je pense bien qu'il y a quelqu'un de qualifié et de compétent qui
peut occuper ce poste-là.
M. Robillard (Alexandre) :
Mme de Santis a dit : Au moment où la candidature avait été reçue,
aucun don au PLQ n'avait été fait. Il s'agit d'un don unique. Donc, on comprend
que c'est un don qui est arrivé après, hein?
M. Jolin-Barrette :
C'est ce qu'elle dit, là, vous me le dites.
M. Robillard (Alexandre) :
Oui, oui. Non, mais c'est pour ça que moi, je vous demandais : Vous, sur
la base factuelle de ça, est-ce que faire un don après avoir posé sa
candidature, c'est quelque chose qui envoie un signal positif concernant
l'exercice de la neutralité que les fonctions de Commissaire à l'éthique
exigent?
M. Jolin-Barrette : Ce
n'est peut-être pas le geste le plus approprié considérant le poste que la
personne souhaitait occuper. Vous savez, les fonctionnaires et, supposons, les
procureurs de la couronne doivent faire preuve de réserve dans le cadre de
leurs fonctions. Je pense que, lorsqu'on applique à une telle fonction et qu'on
a soumis sa candidature, on doit faire preuve d'une certaine réserve aussi.
M. Robillard (Alexandre) :
Les libéraux ont bien fait?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, le gouvernement a décidé de retirer la candidature. Nous, nous
souhaitons qu'il nous soumette plus qu'un nom la prochaine fois. Merci beaucoup.
(Fin à 15 h 17)