(Seize heures quarante-six minutes)
Mme Massé : Bien, bonjour,
tout le monde. Merci d'être là. Désolée pour ce petit retard. Merci à M. Saint-Denis
aussi d'être présent.
M. Denis (Jean) : M. Denis.
Mme Massé : Denis.
Excusez-moi, j'ai rajouté un «Saint».
M. Denis (Jean) : Je suis
habitué. La dernière fois que je suis allé à Montréal, j'ai pris le train, ça a
pris quatre heures et demie, m'en venir à Québec.
Mme Massé : Ah oui? Bon.
Alors, moi, c'était la première fois, puis il fallait que ça tombe aujourd'hui.
Bref, vous le savez, hein, deux ans pas de
négociation; dernier 18 mois, peu de moments de négociation. En fait, moi personnellement,
ça fait trois ans, ça va faire trois ans dans quelques semaines où je vais être
élue, et c'est le cinquième bâillon en trois ans. Il me semble que ce n'est pas
une façon de faire de la politique. Il me semble que ce n'est pas une façon
d'utiliser une loi d'exception quand il s'agit de négociation avec des travailleurs,
travailleuses. Je pense que ce gouvernement-là ne nous a pas habitués, depuis
le début, à utiliser des moyens simples qui s'appellent la discussion,
l'échange, la bonne foi, hein? Négocier de bonne foi, ça veut dire quelque
chose, ça. Et, pour nous, c'est évident que le 6 millions que ça prendrait
pour régler la situation, ce petit 6 millions là est trouvable. On est
dans des surplus budgétaires importants, massifs. Pourquoi? Pourquoi on n'y
arrive pas? Pourquoi on ne permet pas aux notaires et aux avocats d'avoir le
même niveau que les autres employés de l'État qui sont procureurs, hein? Depuis
quand que, dans une même entreprise, deux corps de métier ont deux salaires
différents, hein? Il n'y a personne qui accepterait ça, d'avoir sensiblement le
même métier que quelqu'un dans son entreprise puis ne pas avoir l'équité par rapport
à ça.
Alors, c'est sûr que, bon, le gouvernement
nous appelle à venir voter cette loi-là pour forcer ce qui n'est pas une
entente. On a vu les techniques du gouvernement libéral. On a vu M. Moreau
répéter que c'était de la faute des notaires et des avocats si on ne
s'entendait pas, s'ils n'arrivaient pas à une entente, mais il passe sous
silence des choses très simples comme... Bien, négocier veut dire discuter,
discuter veut dire, premièrement, s'asseoir à la table et, deuxièmement, quand
on est assis, bien, c'est d'avoir une certaine ouverture. Même M. Denis me
disait que la négociation de la dernière heure n'a rien donné.
Et, pendant ce temps, pendant ce temps, le
gouvernement du Québec a signé pour plus de 868 millions de contrats de
tout acabit, et ça, c'est des signatures qui engagent le portefeuille
collectif. Et ces contrats-là, généralement, sont bien sûr scrutés à la loupe
par nos avocats, nos notaires, et par des gens, donc, qui ont un regard qui
nous font ultimement sauver beaucoup d'argent. Et là, donc, ce
868 millions là qui a été signé, qu'est-ce que c'est qui va sortir au fur
et à mesure que ces contrats-là vont se réaliser? Combien ça va nous coûter
parce qu'on n'est pas allés chercher l'expertise, parce qu'on n'a pas voulu régler
la situation de nos avocats et de nos notaires? Nous le verrons par l'avenir.
Deux demandes simples, hein : une
vraie parité avec les procureurs de la couronne et, deuxièmement, un comité
d'arbitrage qui, dès 2011, le gouvernement Charest, un gouvernement libéral
aussi, s'était engagé à au moins regarder. Mais là même, tu sais, ni un ni
l'autre, c'est vraiment insultant pour les employés de l'État. Alors, je laisse
M. Denis y aller plus dans le détail. Je veux juste vous dire que, bien
sûr, sous un Québec solidaire, ce n'est pas comme ça qu'on va gérer nos
employés et les négos avec nos employés.
M. Denis (Jean) : Merci.
Simplement vous dire... puis j'entends le mot souvent dernièrement, mais,
depuis que M. Moreau est arrivé en poste, ça ne fait pas longtemps, ça
fait quatre semaines — je vous rappelle qu'on est dans la
19e semaine de grève — il nous traite d'intransigeants, et, moi,
il a dit de moi, même, que j'étais buté. Mais il faut se rappeler qu'il y a eu
14 semaines avant qu'il arrive, 14 semaines où il y a eu un silence
total, silence radio de la part de M. Leitão. Il ne nous a jamais donné de
nouvelles. Il a même prétendu qu'on ne voulait pas aller s'asseoir à la table
de négociation alors qu'on a toujours été prêts.
On a eu 18 séances de négociation
avant même d'arriver à la grève, là, cinq séances de médiation. J'entendais, ce
matin, M. Moreau dire que la médiation, ça ne donne rien parce qu'on a eu
cinq séances de médiation. Il devrait être un peu mieux au courant de son
dossier parce que la médiation en matière de la Loi sur la fonction publique, c'est
cinq petites séances de médiation où le médiateur n'a aucun pouvoir. Il n'a pas
de pouvoir coercitif et il n'a pas de pouvoir de recommandation non plus. C'est
un peu une médiation bidon. C'est quoi, en plus? Cette médiation-là est un
ticket pour la grève. Donc, s'il connaissait son dossier, il saurait que ce n'est
pas la même médiation que le Barreau a offerte avec deux juges, des juges spécialisés
en droit du travail. Ça, c'est une chose. Donc, l'intransigeance, je me demande
d'où elle vient.
Et, quand M. Moreau arrive en poste,
et à un moment donné moi, je dis : Quand est-ce qu'on va avoir des offres
de la part de M. Moreau? Son chef de cabinet me dit ceci :
Donnez-nous une chance, on vient d'arriver. Nous, ça faisait 14 semaines
qu'on était dans la rue, on n'avait même plus d'indemnité de grève, et on se
fait dire : Donnez-nous une chance, on vient d'arriver. Et là M. Moreau,
je l'entends encore, j'ai encore lu ce matin qu'il était content de faire
avancer les négociations et qu'il dirigeait les négociations. Les négociations,
ça ne se dirige pas, ça se fait, ça se fait avec un respect mutuel pour arriver,
évidemment, à des conclusions, puis c'est toujours gagnant-gagnant, hein, on en
laisse un peu, on en donne un peu.
Et là ils ont essayé encore une fois, parce
qu'ils savent très bien que la loi s'en vient cet après-midi... le négociateur
du gouvernement a appelé mon négociateur, Me Luc Bruno. Il est parti de
Montréal, il s'en est venu ici. Il y a une réunion avec lui avec le comité de
négociation à 4 heures cet après-midi. Et ils ont dit quoi? On n'est pas
d'accord avec ça, ce que je vous ai déjà dit, d'ailleurs, Me Denis. Parce que
je l'ai rencontré. Il m'avait dit : On va faire un comité, un comité pour
évaluer votre statut, pour évaluer vos tâches, pour évaluer l'indépendance que
vous avez, on pourrait peut-être nommer un juge d'une cour supérieure. Moi,
j'avais dit : Bien, la Cour d'appel ou la Cour supérieure? Il m'avait dit :
Bien, pourquoi pas la Cour suprême, un ancien juge? J'ai dit : Oui, mais
est-ce que ce juge-là, quand il va prendre sa décision, ça va être exécutoire?
Il m'avait dit oui.
Et là on revient... Je veux être bien
honnête, par exemple, il faut vérifier si on n'engage pas le Parlement, par
exemple, parce qu'il fallait faire une loi. On ne peut pas engager le Parlement
d'avance, mais on peut dire, par exemple : Le gouvernement s'engage à
déposer une loi. Ça, on peut le faire, mais il avait dit qu'il fallait qu'il
vérifie ça. Et moi, je peux vous dire, la seule réponse que je lui ai donnée :
Faites la même chose que vous avez faite comme les procureurs de la couronne,
ça va être facile, le modèle est là. Et aujourd'hui, bien, ils nous disent que
la décision de ce comité-là, ça ne serait pas exécutoire. Donc, encore un
recul, toujours des reculs. Apparemment, c'est nous qui sommes intransigeants.
Je ne comprends rien.
M. Lacroix (Louis) :
Alors, ça a duré combien de temps, la réunion, aujourd'hui, là?
M. Denis (Jean) : Bien,
ça vient d'arriver. Mon négociateur m'a appelé, là, il s'est informé :
Jean, est-ce que c'est bien ça que M. Moreau t'avait dit quand tu l'as
rencontré? Oui, c'est bien ce qu'il m'avait dit, c'était exécutoire puis ça
devait être exécutoire. Mais ça ne le sera pas, donc encore un recul encore une
autre fois.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Malgré cette rebuffade-là, entendez-vous rester présents à la table de négociation
toute la nuit?
M. Denis (Jean) : On va
rester à la table de négociation tant qu'il le faudra parce qu'on n'est pas
intransigeants, on cherche un règlement depuis longtemps, depuis le début.
Mais, quand je vous dis : Si vous voulez savoir qui est intransigeant dans
ces négociations-là, quand, dans la négociation, il n'y a rien, rien, rien qui
nous a été accordé, même pas, je le disais tout à l'heure, notre changement de
nom. On a changé notre nom pour l'Association des juristes de l'État pour Les
avocats et notaires de l'État québécois pour enfin dire aux gens qui on était,
et ils ont dit : On ne voit pas pourquoi on changerait ça, on trouve ça
correct. Pourtant, ils n'ont rien à voir avec notre nom, là. Ils ont dit :
Est-ce que vous allez fait vos changements au ministère du Travail? Des trucs
comme ça, aussi ridicules que ça.
M. Lacroix (Louis) :
Mais est-ce que vous allez négocier? Est-ce qu'il y a des séances qui sont
prévues, là, au cours des prochaines heures ou si, pour l'instant...
M. Denis (Jean) : Bien
là, il y avait quand même cette séance-là
M. Lacroix (Louis) :
Oui, mais à part ça?
M. Denis (Jean) : À
chacune des fois, là, M. Lacroix, c'est qu'on a toujours demandé des
négociations, ça prenait des semaines dans un cas puis des semaines, des jours
avant qu'ils nous reviennent. Et là ils nous font une proposition, ils nous
disent en plus : Vous avez 24 heures, ultimatum, pour y répondre.
Moi, je me souviens très bien d'avoir rencontré M. Moreau à Montréal, puis
on a dit : On va avoir une réunion demain. Il a dit quoi? Je ne peux pas,
malheureusement, je suis en activité de financement en fin de semaine. Bon. Qui
n'a pas le temps? Qui est intransigeant? Qui est buté? Bien, ce n'est sûrement
pas nous.
Mme Massé : Puis c'est
sûr que...
M. Lacroix (Louis) : ...
il y avait eu une rencontre à...
Mme Massé : Je veux juste...
C'est sûr que négocier — vous l'entendez, la cloche,
là — avec l'appel pour une loi spéciale, ce n'est pas une
négociation, c'est d'utiliser un argument de force en disant : «Anyway», c'est
nous autres qui a le gros bout du bâton, ça fait que vous autres, hein...
Alors, c'est terrible, négocier comme ça, une très mauvaise attitude.
M. Denis (Jean) : C'est
ça. Mais vous irez voir le fameux arrêt dont on parle tout le temps, l'arrêt Saskatchewan.
Ce qui est merveilleux dans cet arrêt-là, quoique c'est souvent aride à lire,
là ce n'est pas aride du tout. Pourquoi? Parce qu'ils font l'histoire du droit
du travail là-dedans. C'est le juge LeBel qui fait l'histoire du droit du
travail. Il dit quoi là-dedans? Le droit de grève, ce n'est pas pour rien, c'est
pour les économiquement faibles. On donne ce droit-là pour qu'eux puissent
arrêter une entreprise de fonctionner ou faire des... mais c'est le seul moyen
qu'ils ont. Imaginez les 1 100 avocats qui luttent contre un État. C'est
encore pire. Et ils sont intransigeants avec nous parce qu'ils ne négocient
rien, rien. Ils négocient comme dans les années 50, c'est-à-dire toujours
en confrontation puis ne jamais essayer de trouver une solution.
M. Dion (Mathieu) : Donc,
il y a eu une rencontre à 16 heures. Juste pour qu'on se comprenne bien,
il y a eu une rencontre à 16 heures, et là il y a un éloignement de la
position initiale du gouvernement sur le groupe de travail.
M. Denis (Jean) : Et ce
que, moi, M. Moreau m'avait dit en séance exploratoire — parce
qu'il y a eu plus de séances exploratoires, comme ils disent, qui n'engagent
pas, que de vraies séances de négociation — et là il nous donne des
choses... Et là c'est pour ça que j'ai dit à un moment donné : Il se fait
rouler dans la farine par ses fonctionnaires. Il va voir ses fonctionnaires,
puis, quand il revient, c'est complètement différent, ce qu'il nous dit :
Oui, ce n'est pas exactement ça que j'ai compris, bon, vous ne m'avez pas dit
ça de la bonne façon. C'est toujours nous autres, le problème, de toute façon.
M. Lacroix (Louis) : Mais,
dans les faits, là, M. Jean...
M. Denis (Jean) : Denis.
M. Lacroix (Louis) :
M. Denis.
M. Denis (Jean) : C'est le
problème de ma vie.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lacroix (Louis) :
Est-ce qu'il y en a d'autres, des séances de négociation prévues au cours des
prochaines heures ou si, dans l'état actuel des choses, là, vous avez... il n'y
a pas de...
M. Denis (Jean) : Bien,
moi, monsieur...
M. Lacroix (Louis) :
C'est ça que je veux savoir, moi. D'ici à demain matin, y a-tu....
M. Denis (Jean) : Bien
oui, mais M. Moreau a dit quoi? M. Moreau à dit ceci : On va
négocier jour et nuit s'il le faut. Bien oui, qu'on négocie jour et nuit s'il
le faut. Je ne sais pas ce que ça donne actuellement. Est-ce qu'on est prêts à
ça? Oui, absolument.
M. Lacroix (Louis) :
Vous êtes prêts, mais à votre connaissance, est-ce qu'il y a des rencontres de
prévues? C'est ça que je veux savoir.
M. Denis (Jean) : Actuellement,
actuellement, actuellement, il y en a une. Ils sont dedans, là. Là, là.
(Interruption)
M. Lacroix (Louis) : O.K.
Bien, parce que tantôt vous avez laissé entendre qu'elle était terminée, là.
M. Denis (Jean) : Bien,
je ne le sais pas si elle est terminée, là.
Journaliste
: Bien, ça
n'avait rien donné. Vous avez laissé entendre que ça n'avait rien donné.
(Interruption)
M. Denis (Jean) : Bien,
ça n'a rien donné, il y a eu un recul. Est-ce que ça continue encore? Je ne le
sais pas. Je ne le sais pas, mais, bon, ce que je peux dire, à ce moment-là, il
y a une séance de négociation.
Des voix
: ...
M. Denis (Jean) : Hein?
Quoi?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Peut-être que si vous répondez au téléphone, vous allez le savoir.
M. Denis (Jean) : C'est
ça.
Des voix
: Ha, ha, ha!
Mme Massé : Tu ne sais
pas si c'est un négociateur.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Si vous répondez au téléphone, peut-être que vous allez le savoir.
M. Denis (Jean) : Non, ce
n'est pas le bon, ça. C'est quelqu'un d'autre qui va être important aussi aujourd'hui.
M. Bellerose (Patrick) :
Bien, dans le fond, vous préférez vous faire imposer la loi spéciale plutôt que
de reculer sur vos points fondamentaux que vous demandez à la table.
M. Denis (Jean) : Ce n'est
pas qu'on préfère se faire imposer la loi spéciale. S'ils veulent vraiment être
sérieux dans les négociations, bien, qu'ils retardent leur projet de loi, puis
on va négocier. Mais ce ne sera pas le cas. On va encore garder le fusil sur la
tempe, comme ça, puis il va dire : Bien, est-ce que vous êtes d'accord
avec ce qu'on vous propose, malgré... avec le fusil sur la tempe? Mes gens, là,
qui sont dehors depuis 19 semaines, m'arracheraient la tête si je ne me tenais
pas debout comme je le fais là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, Me Denis, là il va y avoir peut-être, dans le projet de loi spécial qui
va être déposé sous peu, des conditions de travail qui vont être précisées dans
ce projet de loi là. Vous, votre objectif comme président du syndicat, c'est de
négocier, d'ici à l'adoption de ce projet de loi là, de meilleures conditions,
même si n'arrivez pas à atteindre votre objectif initial.
M. Denis (Jean) : Il ne
faut pas se leurrer, là. La dernière fois qu'il y a eu un projet de loi, il
concernait les procureurs de la couronne et également nous. Malgré ce projet de
loi là, ça a continué à négocier par la suite, là. Il ne faut pas penser que,
parce qu'il y a le projet de loi, ça ne continuera pas à négocier. Parce qu'une
chose est certaine, là, ils sont condamnés à s'entendre avec nous, parce que
dehors, là, dans les 17 ministères puis les 34 organismes, là, il y a
1 100 avocats qui travaillent avec des cadres puis avec tout le
monde, puis j'imagine qu'il faut qu'il y ait une belle ambiance de travail,
j'imagine... Mais je n'ose même m'imaginer ce que ça va être quand les gens
vont retourner au travail.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Justement, vous avez précisé un peu plus tôt que le retour au travail sera
épouvantable. Pouvez-vous préciser? Est-ce que vous allez demander à vos
membres de ne pas faire d'heures supplémentaires? Parce qu'on peut penser que
le fardeau de travail va être assez important lors du...
M. Denis (Jean) : On n'a
pas le droit de faire ça. On n'a pas le droit de faire ça.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Non?
M. Denis (Jean) : Bien
non, on ne peut pas faire de moyens...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Qu'est-ce que vous voulez dire que «le retour au travail va être épouvantable»?
M. Denis (Jean) : On ne
peut pas faire de moyens de pression. Dans le sens épouvantable, imaginez la
relation. Supposez, moi, comme avocat, comme notaire ou comme avocate, avoir
une relation de confiance avec mon vis-à-vis, mon employeur. Je fais quoi pour
avoir ce lien de confiance là quand lui m'a laissé dans la rue pendant 18 ou 19 semaines?
C'est là, le problème. Moi, j'ai un code de déontologie comme avocat, les
notaires ont la même chose aussi, et l'affaire la plus essentielle de notre
code de déontologie, c'est le lien de confiance avec le client.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais ça ne va rien changer. Vos avis ne seront pas moins rigoureux qu'ils
l'étaient avant la grève.
M. Denis (Jean) : Non
parce qu'on est professionnels, mais on a un code de déontologie, cependant.
Parce qu'on sait ce qui va s'en venir avec les retards qui ont été occasionnés
dans les différents ministères et organismes, ils vont mettre de la pression
pour que les gens travaillent encore plus, et encore plus, et encore plus. On a
un code de déontologie, on n'est pas des machines, nous, hein? Il faut
réfléchir, puis réfléchir, ça prend du temps.
Mme Massé : Puis on
aimerait que, du côté patronal, du côté, donc, du gouvernement du Québec, cette
même éthique du travail qu'ont nos juristes de l'État, ils l'aient du côté
aussi patronal. Parce que, là, qu'est-ce qui arrive? C'est : si le
contexte de tension qui va se retrouver dans les ministères puis dans les
organismes est là, bien, il y en a qu'il va falloir qui se regardent puis qui
se disent : Voyons, comment ça se fait que je ne me suis pas assis pour
négocier? Comment ça se fait? Il n'y a pas personne qui veut se retrouver dans
le contexte de travail dans lequel le gouvernement est en train de mettre les
juristes au retour du travail. Il n'y a pas personne qui veut ça, sauf les
médecins peut-être, hein?
M. Denis (Jean) : Ah oui!
Les médecins, eux autres, il n'y a jamais de problème pour eux. Mais ce que ça
démontre, en tout cas, d'une part, c'est que nous, on est des gens de principe.
D'autre part, on est des gens professionnels. On va le faire, notre travail, on
l'a toujours fait. Mais ça démontre que ce gouvernement-là ne veut pas régler
avec nous. Il veut, comme j'ai dit depuis le début, nous humilier. Il pensait
nous humilier en nous laissant longtemps dehors. La première fois qu'on a voté
à 96 %, 97 %, à 83 %, j'avais dit, à l'époque, au chef de cabinet
de M. Leitão, M. Caudron, qu'il avait créé un monstre.
Vous savez, j'ai parlé avec Mme Laurent,
qui est la présidente du syndicat des infirmières, Québec, puis j'ai dit :
Regardez, moi, Mme Laurent, j'ai 67 % de femmes dans mes membres, c'est
incroyable comment elles peuvent être. Puis elle m'a dit : Je vais vous en
parler des femmes, moi; c'est juste ça que j'ai, j'en ai 66 000. Puis elle
dit quoi? C'est long à partir, une femme, quand ça revendique, mais, quand
c'est choqué, c'est pas mal plus choqué qu'un homme.
Et, moi, ce que je vois, là, c'est ça,
dans la gang que je représente. On est presque maintenant 70 % de femmes,
et ces femmes-là ont du ressort comme ça ne se peut pas. Il y en a une qui est
venue me voir à un moment donné, grosse comme ça, toute petite, qui me dit :
Hé, Jean Denis! As-tu compris? On a besoin d'avoir la même chose que la
couronne. Ce n'est pas vrai qu'on va rentrer à genoux ou bien à plein ventre,
tu as besoin de garder le cap, as-tu compris? J'ai dit : Oh! oui, j'ai
compris.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce que vous...
M. Denis (Jean) : On
rentre la tête haute, on rentre la tête haute. Tous les gens que je
représente... J'en ai, des gens qui me parlent, qui m'appellent, qui me
textent, qui disent : Jean, on est fiers de toi parce qu'à cause de toi on
reste debout, on reste debout devant un gouvernement aussi intransigeant. Il
faut le faire, là, on est seulement 1 000 personnes, et ces
1 000 personnes là ont fait en sorte que tous les syndicats sont
derrière eux. La population est maintenant derrière nous. On est des
fonctionnaires qui gagnons, en moyenne, 100 000 $ par année et les
gens sont derrière nous. Les radio-poubelles de Québec disent de nous :
Wow! On respecte ces gens-là. Pourquoi on respecte ces gens-là? Parce qu'ils
ont fait la grève correctement, c'est peut-être ça pourquoi ils n'ont pas
réussi à obtenir ce qu'ils voulaient, ils l'ont fait correctement, ils n'ont
pas bloqué de pont, ils n'ont pas bloqué de route puis ils ont fait ça
correctement, on les applaudit. Wow! Bien, c'est ça maintenant, Les avocats et
notaires de l'État québécois. On était dans l'ombre, on ne l'est plus maintenant.
M. Dion (Mathieu) : Mais
vous êtes les seuls à ne pas avoir eu d'entente négociée de toutes les négociations
depuis 2014. Est-ce que vous n'avez peut-être pas fait assez de part de
compromis dans tout ça? Est-ce qu'il n'y a pas... Vous n'êtes pas du tout à
blâmer là-dedans?
M. Denis (Jean) : Ce
n'est pas une question de compromis du tout. On veut la même chose que nos...
On est des avocats, je l'ai dit tout à l'heure. On va prendre le cas des
médecins. On va prendre un neurochirurgien, hein, qui fait des études en
neurochirurgie, un autre qui fait des études en radiologie. Est-ce que les deux
sont moins médecins que l'autre? Il y en a un qui regarde des radios puis
l'autre, il opère des cerveaux. Est-ce qu'il est plus important, celui qui
opère des cerveaux? On pourrait penser. Moi, je vous dis que non. C'est des
médecins.
Moi, je suis un avocat, je fais du droit
civil, je fais du droit administratif, je fais du droit pénal. Il y a des
notaires parmi nous. On est autant des avocats que les procureurs de la
couronne, on est des avocats de l'État. C'est tellement vrai, ce que je vous
dis là, que partout ailleurs au Canada, tous les avocats, qu'ils soient de la
couronne criminelle ou de la couronne civile, sont traités de la même façon.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mme Massé, dans un autre dossier — je ne sais pas si Me Denis veut se
mettre à l'écart — concernant la carte électorale. Donc, on comprend
que le Directeur général des élections... en fait, la Commission de
représentation électorale va déposer mercredi la nouvelle carte électorale.
Est-ce que vous avez pu exprimer tout ce que vous souhaitiez exprimer depuis le
dépôt de la proposition qui incluait la disparition, l'abolition de la
circonscription de Sainte-Marie—Saint-Jacques?
Mme Massé : Oui, bien, je
pense qu'on a vraiment réussi à se faire entendre, à faire entendre la parole
citoyenne, la parole des groupes, la parole des élus, pas seulement moi, mais
aussi des élus municipaux, des dirigeants d'organisation. C'est sûr que ça ne
s'est pas passé dans un contexte favorable. Ce qu'on aurait souhaité tout le
long, c'est une consultation publique, qu'on puisse savoir, les unes, les
autres, ce qu'on dit pour pouvoir développer cette cohésion qui a toujours été
la nôtre, de pouvoir la développer à la face de la CRE. Ceci étant dit, je
pense que nous avons dit tout ce que nous avions à dire et j'espère que les
quelques heures qu'il restait à la CRE pour réenligner leurs flûtes, bien,
auront servi à sauvegarder Sainte-Marie—Saint-Jacques, sauvegarder le Centre-Sud
de Montréal.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous allez vous soumettre à la décision de la commission?
Mme Massé : Oui, absolument.
Bien, écoutez, c'est...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Il n'y a pas de matière à contestation devant les tribunaux?
Mme Massé : D'où
l'intérêt d'une commission indépendante, d'où l'intérêt d'une commission
indépendante, c'est clair. On va regarder ça avec attention. Ça va être dans la
Gazette officielle ce mercredi, j'imagine. Alors, on va étudier ça avec
attention.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous écartez, à ce moment-ci, toute demande de révision, de recours
devant les tribunaux?
Mme Massé : Bien, on n'a
pas été jusque-là. Mais l'objectif, c'est... C'est clair que, si ça revient exactement
comme c'était et que ça veut dire que la CRE, le DGE n'a pas entendu ce qui
s'est dit, même si ce n'était pas dans un contexte favorable, même si c'était
fait souvent avec les moyens du bord... Parce qu'on avait des arguments de
droit là-dedans, là. Les mêmes arguments qui ont été utilisés pour ne pas
fusionner ville Mont-Royal et Outremont, nous en avons fait la démonstration
que ça s'applique à Sainte-Marie—Saint-Jacques. Alors, on verra puis on verra
en temps et lieu.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Merci.
(Fin à 17 h 7)