(Onze heures quarante-six minutes)
M. LeBel : Bonjour, tout le
monde. Ce matin, je veux réagir à l'annonce… Ça a commencé par cette annonce-là
dans le journal, là, l'histoire du CHSLD qui refusait de donner un petit verre
de liqueur aux personnes. Ça a roulé dans les médias sociaux toute la fin de
semaine, les gens étaient outrés, ne comprenaient pas ce genre de situation là.
Mais ce que je dis, c'est que ce n'est pas nouveau. Il y a quelques jours, on
avait, dans un autre CHSLD, un couple où la dame souffrait d'alzheimer, où on a
séparé le couple dans deux CHSLD, et les filles du couple étaient comme…
trouvaient ça vraiment dommage, parce que le monsieur pouvait accompagner sa
conjointe… Et tout le monde est malheureux, et on n'a pas réussi à trouver une
solution pour réunir ce couple-là.
Ça fait que la liqueur, le couple, c'est des
cas qu'on va voir de plus en plus dans l'avenir, puis les gens ne comprennent
pas. Ça n'a pas de maudit bon sens, d'amener ou d'avoir des décisions du genre,
qui manquent d'humanité.
Et pourquoi que ça arrive? Tu sais, le ministre
dit que c'est une décision locale. Ce n'est pas une décision locale. C'est la
formule du Dr Barrette, c'est la formule du ministre de la Santé qui
centralise tout autour de lui les décisions. Et les réseaux, l'administration,
dans le réseau, ont peur, essaient de s'ajuster à l'administration Barrette, à l'administration
du ministre de la Santé, essaient de s'ajuster à sa façon de voir et arrivent
avec des décisions aussi imbéciles que cette décision-là.
Moi, je… Le ministre de la Santé a imposé
une vision mécanique de la santé. Maintenant, on agit d'une façon mécanique. On
prend des décisions sans humanité, on prend des décisions de façon mécanique
comme dans une usine d'autos, et les gens ne se posent plus de question, parce
que c'est la ligne que le gouvernement a donnée, c'est la façon de voir, et on
essaie de s'ajuster, avec une certaine, je le dis… un certain climat de crainte
et de peur dans le réseau.
Moi, j'appelle ça de la maltraitance, de
la maltraitance faite à nos aînés. Actuellement, je suis en commission
parlementaire avec la ministre des Aînés, qui ne parle pas souvent là-dessus,
sur ces cas-là, soit dit en passant. Avec la ministre des Aînés, on étudie les
cas de maltraitance. C'est le projet de loi n° 115. Je suis dès maintenant
à déposer un amendement... on l'a fait récemment. Demain, en commission, on va
discuter de cet amendement-là où je veux m'assurer que, dans ce projet de loi
là, quand on parle de maltraitance, on parle aussi de maltraitance institutionnelle,
la maltraitance organisationnelle, comme la maltraitance de refuser de donner
un petit verre de liqueur à des aînés qui sont en CHSLD, comme la maltraitance
de diviser des couples en CHSLD.
Moi, j'appelle ça de la maltraitance, et,
si le projet de loi qu'on est en train d'adopter, de travailler dessus,
d'étudier, le projet de loi n° 115, ne reconnaît pas ce genre de
maltraitance là, on est à côté de la coche. Et j'espère que la ministre va
accepter mon amendement demain pour m'assurer que, dans la définition de la
maltraitance... il y en a plusieurs, définitions, mais la définition de la
maltraitance organisationnelle, de maltraitance institutionnelle, ça soit là
pour répondre à ce genre de situation là que personne au Québec n'accepte, que
ça n'a pas de bon sens, qu'on ne peut pas accepter. On ne peut pas accepter
qu'on travaille, qu'on prenne soin de nos aînés de cette façon-là. En tout cas,
ce n'est pas de la bientraitance. Il faut réagir, et c'est ce qu'on va essayer
de faire demain.
M. Boivin (Mathieu) : M.
LeBel, qu'est-ce que ça a à voir avec Gaétan Barrette, le ministre de la Santé,
qu'une décision comme celle-là, locale, de gens qui ont peut-être pris une
décision un peu nounoune, là, à première vue, là... Mais pourquoi faire porter
le chapeau à Gaétan Barrette de la sottise de quelqu'un dans un établissement
en particulier?
M. LeBel : C'est parce que le
système qu'il a mis en place est un système très... Il le dit, c'est une
décision locale, mais toutes les décisions sont très centralisées autour de
lui. Je ne dis pas que c'est lui qui a pris la décision de ne pas donner le
verre de liqueur, c'est sûr, mais c'est l'atmosphère qu'il a installée dans le
réseau. Dans le réseau, là, il faut voir, là, partout, dans le réseau, les gens
savent que le boss, c'est le ministre de la Santé, que c'est lui, le grand
boss, puis qu'il a mis des façons de faire qu'il faut respecter. Et les gens
n'ont plus de marge de manoeuvre. La marge de manoeuvre n'est plus là, et ils
ont...
M. Boivin (Mathieu) : C'est
quoi le lien entre la centralisation puis une décision niaiseuse? Si elle ne
vient pas d'en haut, si elle est prise au niveau local, pourquoi blâmer un
«top-down»?
M. LeBel : Parce qu'elle est
prise... entre autres, sur les menus, on a voulu uniformiser les menus. C'est
une façon de centraliser. Le ministre vous a fait un spectacle ici en amenant
tout le monde dîner avec des menus de CHSLD dans le centre de congrès.
Pourquoi? Parce qu'il a dit : On va centraliser, il va y avoir des menus,
là, qui vont répondre, là, puis ça va être centralisé. C'est moi qui a pris la
décision, je mange même le menu devant vous pour vous montrer comment c'était
bon. Et ça, c'est une façon de centraliser.
La marge de manoeuvre n'est plus là pour
nos établissements, et c'est ce qui fait qu'on arrive avec des solutions comme
ça, avec des décisions comme ça. Il n'y a plus de marge de manoeuvre et il y a
une crainte de ne pas respecter la ligne du ministre.
M. Dion (Mathieu) : Vous avez
parlé de la maltraitance aussi. C'est là-dessus que vous avez insisté. Est-ce
que vous dites finalement qu'il a instauré une sorte de culture de la maltraitance?
M. LeBel : Non, non, non. Je
ne dis pas que... Je dis qu'il y a... ses décisions amènent des résultats qui
s'approchent de la maltraitance ou qui deviennent de la maltraitance. Pour moi,
quand on analyse c'est quoi, la maltraitance, refuser ce petit verre de liqueur
là à des aînés, c'est, pour moi, de la maltraitance. C'est de la maltraitance.
Diviser un couple, c'est de la maltraitance et c'est ce que tous les
intervenants nous disent.
Êtes-vous allés voir la chaire ici, de l'Université
Laval, qui étudie la maltraitance envers les aînés? Ils arrivent à cette même
définition là. Pour moi, c'est de la maltraitance. Si on étudie un projet de
loi sur la maltraitance puis qu'on ne parle pas de ça, on est à côté de la
coche.
M. LeBel : Merci.
(Fin à 11 h 51)