(Douze heures dix-sept minutes)
M.
Bérubé
:
Bonjour. D'entrée de jeu, je souhaite exprimer, au nom de ma formation
politique, nos pensées les plus sincères suite au drame qui vient de frapper le
Parlement de Westminster, à Londres. Ça nous rappelle l'importance de notre
démocratie, de la protéger contre le fanatisme. Vous savez que, lorsqu'il y a
eu les événements à Ottawa, on a tous été touchés, et que l'Assemblée nationale
a une préoccupation que son parlement, dans ses nouvelles dispositions, soit
accessible, certes, mais également sécuritaire, et qu'on n'est pas à l'abri,
personne, du fanatisme. Alors, en ce sens, notre solidarité à l'égard des
parlementaires, de la population de Londres, du peuple britannique suite à cet événement
malheureux.
Ceci étant dit, aujourd'hui, un message
important qu'on souhaite communiquer à nos compatriotes, à tous ceux qui
suivent les travaux de l'Assemblée nationale, qui suivent la politique, qui
sont en quête de vérité, qui sont en quête de justice, il nous apparaît, à la
suite d'allégations récentes et préoccupantes, qu'il y a lieu de se questionner
sur une potentielle immunité et impunité à l'égard d'acteurs politiques qui
feraient l'objet d'enquêtes, qui feraient l'objet d'allégations très sérieuses.
Ce n'est pas rien. Vous avez été mis au courant récemment du contenu d'un
affidavit signé par un policier sous serment de la Sûreté du Québec, qui
indique qu'il y a des obstacles nombreux à la conduite de certaines enquêtes,
qu'il existerait, au conditionnel, un certain nombre de suivis qui n'existent
pas à partir du moment où ça implique des élus de ce gouvernement.
Alors, on veut aller au fond des choses. La
moindre des choses, d'ailleurs, c'est qu'on puisse questionner les acteurs. Je
vous rappelle que ma collègue porte-parole en matière de justice et moi, on a
demandé, à travers différents mandats d'initiative, de pouvoir questionner, non
seulement nous, mais l'ensemble des parlementaires, les acteurs clés : la Directeur
des poursuites criminelles et pénales, l'Unité permanente anticorruption. Ça,
ça été fait cet hiver, ces deux demandes, refusées à deux reprises par les
comités de suivi, les commissions de suivi où les libéraux sont majoritaires.
Aujourd'hui, ça ne pouvait pas être plus
public que ça. Le symbole est fort. Le chef du Parti québécois a posé des
questions très claires là-dessus. On avait une motion également qui demandait
qu'on fasse la lumière, on a même établi le cadre pour que ça soit accessible à
tous et on se bute à un refus où le gouvernement, le premier ministre en tête,
et le ministre de la Sécurité publique, et potentiellement la ministre de la
Justice, nous disaient : Bien, écoutez, croyez-nous sur parole, il n'y a
pas de système qui permette l'impunité et l'immunité de membres de notre
gouvernement lors des dernières années, notamment dans l'année 2009, mais il
est possible que ça soit le cas dans d'autres années.
Alors, je m'arrête là pour vous dire que,
comme porte-parole en matière de sécurité publique, ça me préoccupe, parce que,
lorsqu'il y a des enquêtes, c'est d'abord des policiers, des enquêteurs, des
fiers officiers de la sécurité publique qui, parfois avec grand risque,
accumulent la preuve, souhaitent que justice soit faite, déposent des dossiers
importants, et on veut avoir l'assurance qu'il n'y a aucune ingérence
politique, et, pour ce faire, il faut faire la lumière. Et vous comprendrez
qu'à partir du moment où les policiers ont fait leur travail l'étape suivante,
c'est la justice, et, en ce sens, ma collègue Véronique Hivon, députée de
Joliette, porte-parole en matière de justice, vous livrera un peu le fruit de
nos réflexions, qui sont, je pense, partagées par plusieurs observateurs
attentifs de la scène politique québécoise.
Mme
Hivon
: En
fait, ce qui est très, très troublant, c'est, d'une part, ce qu'on apprend à la
lecture de l'affidavit qui fait clairement état de tensions, dans l'enquête
Diligence, entre les policiers, donc, de la Sûreté du Québec et les procureurs
qui étaient affectés au dossier. Donc, ça, ce n'est rien pour rassurer, je
pense, la population quand on veut que la justice se fasse le mieux possible,
soit rendue le mieux possible.
Et l'autre élément qui est troublant, c'est
qu'on veut aller au fond des choses. Tous les acteurs du gouvernement, donc le premier
ministre et les ministres concernés, nous disent que ce qui est présenté dans
l'affidavit, donc la notion d'immunité diplomatique, qui est alléguée dans un
affidavit signé donc sous serment par, donc, un lieutenant de la Sûreté du
Québec serait une vue de l'esprit, sans bien sûr étayer rien en lien avec ça.
Alors, puisque ces acteurs-là nous donnent
ces réponses-là, je pense que c'est très important, comme démocratie, comme parlementaires,
d'être capable d'aller au fond des choses, d'où la motion que nous avons
présentée aujourd'hui pour entendre à la fois la direction de la Sûreté du
Québec et la direction du Directeur des poursuites criminelles et pénales, pour
pouvoir comprendre d'où vient cette immunité et quel est, je dirais, les
interfaces en lien avec ça entre la police et la justice, entre la police SQ et
donc la justice, le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
Et je dois vous dire que le gouvernement
refuse que nous allions au fond des choses et que nous soyons capables de faire
la lumière avec les principaux acteurs concernés. C'est excessivement grave.
Donc, on leur demande de revenir sur leur décision et de permettre la tenue de
cette commission parlementaire. Comme le disait mon collègue, ce n'est pas la
première fois, pour toutes sortes de sujets, qu'on essaie de pouvoir avoir une collaboration
du gouvernement pour pouvoir entendre autant le DPCP ou la direction des corps
policiers. Ce sont des refus systématiques. Là, on pense que le sujet est assez
grave, que c'est notre responsabilité à tous d'aller au fond des choses, et on
leur demande de collaborer.
M.
Bérubé
: Peut-être
ajouter que, de façon générale, en matière de sécurité publique, le
gouvernement est particulièrement insécure. Suffit d'observer les réponses qui
ont été apportées par le premier ministre à nos questions, des réponses
évasives, courtes, qui allaient vers la diversion. C'est un indice
habituellement assez fiable pour noter le degré d'inconfort du premier ministre
et le degré aussi d'inconfort potentiel de ses collègues qui ont siégé dans le
gouvernement de Jean Charest.
Alors, faire la lumière, c'est une des
raisons pour lesquelles on est entrés en politique, s'assurer d'avoir toute
l'information et s'assurer que justice soit faite, qu'il n'y ait pas d'immunité
ou d'impunité lorsque quelqu'un fait l'objet d'enquête, qu'il n'y ait pas de
sabotage, qu'il n'y ait pas d'obstacle. C'est très important. Et ce n'est pas
d'hier qu'on entend ce genre d'allégations, mais il y a une différence
aujourd'hui. Là, c'est la parole d'un officier important de la Sûreté du
Québec, sous serment, avec un affidavit, qui engage sa respectabilité, son honneur,
sa profession, versus une réponse évasive du premier ministre qui dit :
Regardez ailleurs, il n'y a rien à voir.
M. Bovet (Sébastien) :
Pourquoi, selon vous, le premier ministre répond ça? A-t-il des choses à
cacher?
M.
Bérubé
:
Bien, en fait, où réside son intérêt à ce qu'on n'aille pas au fond des choses?
Alors, parce qu'il nous dit que ça n'existe pas... Ce n'est pas le cas.
Écoutez, en matière de sécurité publique, je vous rappelle un certain nombre de
questions qu'on lui a posées. Quand je lui ai posé la question : Est-ce
que vous discutez avec l'UPAC?, et de nous dire : Non, finalement, oui
pour les habilitations sécuritaires des ministres, il s'avère que c'est le
travail de la Sûreté du Québec. Alors, il faut trouver une meilleure réponse.
On ne l'a jamais eue. Sur tous ces enjeux-là, il y a un malaise persistant qui maintenant,
quant à nous, repose sur des allégations très sérieuses, notamment d'un
officier de la Sûreté du Québec sous serment.
Là, on vient d'atteindre une autre étape importante,
où là c'est plus que sérieux. Et ce genre de question, ce n'est pas pour rien
qu'on l'a posée en tout début de période de questions, c'est extrêmement grave.
La Coalition avenir Québec a eu le même réflexe que nous de questionner sur cet
enjeu. Il en va de notre démocratie.
Écoutez, on avait compté beaucoup sur la commission
Charbonneau pour apprendre sur des systèmes organisés qui favorisaient
notamment le gouvernement libéral. On a été déçus; dissidence d'un des deux
commissaires. Mais là il nous reste quoi? Il nous reste la police puis il nous
reste la justice, et, dans les deux cas, on a des inquiétudes très sérieuses.
M. Bovet (Sébastien) : Il y
aura une étude de crédits bientôt. Est-ce que vous avez l'intention, à ce
moment-là, de questionner les dirigeants de la SQ, le DPCP, UPAC et autres?
Mme
Hivon
:
Bien, c'est certain. Mais, vous savez...
M. Bovet (Sébastien) : Sur
des sujets bien précis, là.
Mme
Hivon
: Bien,
ce n'est pas ce qu'on... Ce qu'on souhaiterait, c'est d'être capables d'avoir
une commission en bonne et due forme sur ce sujet-là, parce que malheureusement
les députés ministériels nous renvoient toujours à l'étude des crédits pour dire :
Vous allez avoir tous ces gens-là. Ça arrive une fois par année, avec un nombre
d'heures limité et pour l'ensemble des sujets. Vous savez que cette année, en
justice notamment, il y a eu énormément de sujets.
Donc, oui, c'est certain qu'on va vouloir
revenir là-dessus, mais nous, ce qu'on voudrait, c'est d'être capables d'aller
au fond des choses dans une réelle commission sur ce sujet-là.
M.
Bérubé
: Pour
ce qui est de la sécurité publique, évidemment, c'est le seul moment dans
l'année où on peut questionner notamment le patron de la Sûreté du Québec et le
patron de l'Unité permanente anticorruption. Je vous ramène à l'étude des
crédits de l'an dernier, où je demande à ce que le commissaire de l'Unité
permanente anticorruption puisse s'asseoir à côté du ministre, avec son
autorisation, je vous le rappelle, et d'avoir posé la question suivante au
ministre : Réalisez-vous que l'homme à votre droite enquête
potentiellement sur votre formation politique et que vous êtes son patron?
Et ça démontre que l'indépendance des
institutions, ça doit être au coeur de notre démocratie. D'ailleurs, lors du
projet de loi n° 63, hier, sur les empreintes digitales dans les centres
de détention, je me suis permis de poser la question au ministre : Qu'en
est-il de votre intention, par exemple, de répondre à la demande de l'UPAC, qui
veut devenir un corps de police indépendant, le projet de loi n° 107,
déposé en juin 2016? Silence radio. Sur la fusion des Affaires municipales avec
la Sécurité publique, on n'en sait pas plus.
Donc, en matière de sécurité publique, on
ne connaît pas la direction qu'on entend prendre pour assurer une plus grande
indépendance, un plus grand souci de la vérité, mais on connaît clairement l'orientation
journalière du premier ministre pour créer de la diversion sur l'ensemble de
ces questions qui, manifestement, l'embarrassent, l'ont embarrassé et vont
encore l'embarrasser.
M. Bovet (Sébastien) : Est-ce
que, selon vous, la SQ est une police politique?
M.
Bérubé
:
Allons au fond des choses. On ne jugera pas de la Sûreté du Québec comme institution,
une institution très importante au Québec. L'ensemble des policiers... Dans le
cas du SPVM, moi, j'ai noté constamment les 4 000 fiers policiers et
policières qui font un travail chaque jour au service de la population. C'est
la même chose pour les beaucoup plus nombreux policiers de la Sûreté du Québec.
Mais est-ce qu'il existe des entraves au
travail d'enquête qui toucheraient des politiciens en matière d'enquête
politique, malversation potentielle? On ne le souhaite pas, mais là on a un
document qui nous invite à aller au fond des choses, et c'est notre souhait.
M. Bovet (Sébastien) : Je
fais un aparté, Mme Hivon. Il est question de l'élargissement de l'aide
médicale à mourir pour inclure plus de monde, là, à défaut de meilleurs termes.
Ce matin, quand on demandait à M. Barrette s'il avait l'intention de vous
inclure dans la réflexion, il a dit : On n'en est pas là.
Est-ce que vous souhaitez, vous, reprendre
la démarche qui avait été faite pour mener à la loi qui est actuellement en
vigueur dans le but d'élargir la loi?
Mme
Hivon
:
Bien, en fait, la première étape, c'est d'accepter qu'on s'y penche à nouveau
dans un forum qui va maximiser les chances d'être capable d'avoir un débat
respectueux et qui va permettre d'aller au fond des choses avec l'ensemble des
acteurs pour que nous, comme parlementaires, on soit très bien éclairés. C'est
exactement comme ça qu'on avait agi au début du processus sur la commission spéciale
Mourir dans la dignité.
Là, ça pourrait être un mandat beaucoup
plus circonscrit parce que le premier grand pas a été franchi avec la Loi sur
les soins de fin de vie. Donc, moi, oui, j'invite le gouvernement à accepter ce
que tous les autres partis demandent, c'est-à-dire qu'on ait une commission
avec un mandat d'initiative dédié à cette question-là, sur l'élargissement
potentiel de la loi, par exemple, pour les personnes qui sont atteintes d'une
forme de démence et qui pourraient le demander de manière anticipée. Et moi,
j'ai juste envie de dire qu'il faut continuer à travailler dans le climat le
plus serein possible, le moins partisan possible et je pense que la manière de
le faire, c'est de se dire oui entre nous, sans présumer des conclusions, mais
juste de se dire oui à faire le débat pour que le débat ne se fasse pas à
l'extérieur, donc par médias interposés, par déclarations fracassantes des
tenants d'un côté ou de l'autre, mais dans un contexte serein, respectueux,
compétent. On est capable d'aller au fond des choses.
M. Bovet (Sébastien) : Quand
vous énoncez cette suggestion, on vous répond quoi?
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, ce qu'on comprend, c'est que… de ce matin, de ce qu'on peut lire
dans le journal, c'est qu'au caucus du Parti libéral il n'y a pas consensus. On
sait qu'à l'époque il n'y avait pas consensus sur la loi non plus. Il y avait
une vingtaine de députés qui avaient voté contre, plusieurs membres du Conseil
des ministres.
Mais moi, ce que je leur dis, c'est que
vous pouvez avoir la position que vous souhaitez avoir maintenant, mais cela ne
devrait pas nous empêcher de faire le débat. Ça ne présume de rien, ça fait
juste en sorte qu'on répond à une demande, je pense, assez pressante et
récurrente de la population qui souhaite qu'on regarde cette question-là.
M. Bovet (Sébastien) :
Avez-vous l'impression que le gouvernement se dirige vers une décision gouvernementale
ou une consultation transpartisane?
Mme
Hivon
:
Bien, en fait, je ne sais pas parce que je ne suis pas dans la tête du gouvernement,
mais ce que je leur...
M. Bovet (Sébastien) : Vous
n'avez pas eu de contact là-dessus.
Mme
Hivon
:
Bien, on leur a fait part de notre volonté, formellement et informellement, de
pouvoir avoir ces travaux-là qui se fassent, qui regardent ça, donc qui
regardent ça. Mais moi, ce que je souhaite, c'est qu'on le regarde tous ensemble.
Ce n'est pas l'apanage du gouvernement de regarder ces questions-là, et, à
l'époque, on avait travaillé tous ensemble, et je pense qu'il ne faut surtout
pas mettre un frein à cette collaboration-là quand il y a d'autres questions
qui se posent.
Alors, moi, je dis : Ça ne présume de
rien, tout le monde peut venir débattre de ça avec les représentants de chacun
des partis pour qu'on puisse montrer à la population qu'on se préoccupe des
questions qui la préoccupent.
Des voix
: Merci.
(Fin à 12 h 32)