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Conférence de presse de M. Raymond Bernier, président de la Commission des finances publiques, M. André Spénard, vice-président de la Commission des finances publiques, M. Nicolas Marceau, vice-président de la Commission des finances publiques, M. Amir Khadir, député de Mercier, et M. Alain Therrien, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’économie

Dépôt du Rapport sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux

Version finale

Wednesday, April 5, 2017, 11 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures douze minutes)

M. Bernier : Alors, bonjour. Raymond Bernier, président de la Commission des finances publiques. Donc, pour nous, c'est une journée importante, une belle journée qui nous permet de déposer un document sur lequel nous avons obtenu l'unanimité des parlementaires qui ont travaillé sur cette commission.

D'emblée, je veux remercier le personnel de l'Assemblée nationale qui nous ont accompagnés tout au long de ces travaux, notre recherchiste, secrétaires et adjoints. Merci du travail accompli.

Alors, merci à la presse d'être ici. Mesdames messieurs, c'est pour mes collègues et moi-même un immense plaisir de vous retrouver aujourd'hui pour vous parler d'un sujet aussi brûlant d'actualité qu'inquiétant. Mon nom est Raymond Bernier, député de Montmorency et président de la Commission des finances publiques. Je suis accompagné de M. Nicolas Marceau, député de Rousseau et représentant de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, et de M. André Spénard, député de Beauce-Nord et représentant du deuxième groupe d'opposition. Tous deux sont vice-présidents de la Commission des finances publiques. Nous avons également des collègues qui se sont joints à nous. Bienvenue à vous tous.

La conférence de presse s'inscrit dans le cadre du dépôt à l'Assemblée nationale du rapport de la Commission des finances publiques sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux. Le but est de vous entretenir brièvement des principales observations et recommandations du rapport.

Comme vous le savez, la commission a entrepris ce mandat en février 2015. Nous avions alors les objectifs suivants : premièrement, explorer, comprendre et expliquer à la population le phénomène du recours aux paradis fiscaux — depuis 2008‑2009 cette problématique prend des proportions inquiétantes partout dans le monde; deuxièmement, prendre la mesure du phénomène au Canada et au Québec et recenser les moyens en place ici pour le combattre; troisièmement, étudier les mesures en place et projetées dans d'autres pays industrialisés et celles qui sont préconisées par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE; quatrièmement, tirer de cette revue les meilleures pratiques applicables ici.

Je dois vous dire que nous avons été bien servis par l'actualité durant l'exercice de notre mandat. En effet, pendant ce temps, plusieurs scandales impliquant des paradis fiscaux ont été mis à jour. Seulement au cours de la dernière année, nous avons eu droit aux révélations sur les Panama Papers, sur les Bahamas Leaks, sur l'affaire KPMG États-Unis et sur l'affaire KPMG Canada. Ces scandales illustrent on ne peut plus clairement que le problème est aussi réel que menaçant. Ce n'est pas pour rien que d'aucuns le qualifient de cancer de l'économie mondiale. Ils appellent aussi des actions concrètes, urgentes et fortes. C'est le sens des observations et des recommandations que nous sommes heureux et fiers de présenter aujourd'hui.

Je passe maintenant la parole à André Spénard, député de Beauce-Sud, pour vous présenter les principaux constats que nos travaux nous ont permis de dégager. M. le vice-président.

M. Spénard : Merci, monsieur. Beauce-Nord.

M. Bernier : Beauce-Nord.

M. Spénard : Juste pour rectifier.

M. Bernier : On est dans le Nord, oui, c'est vrai.

M. Spénard : Merci, M. le président. Je tiens aussi à remercier le comité directeur, Raymond, Nicolas, de même que tous les autres membres qui ont travaillé avec nous sur le phénomène des paradis fiscaux. D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que c'est un mandat apolitique. Il y a toujours eu une unanimité entre nous pour travailler ce mandat. C'est un mandat qui est pour le bien-être collectif de toute la population québécoise et canadienne. C'est pour ça qu'on l'a travaillé, pas pour en faire une partisanerie politique. Et on s'est tenus très loin de ça, je pense, tout au long de notre mandat, et ça, ça a été une belle chose, si je peux m'exprimer ainsi, parce que tous les mandats apolitiques sont toujours de beaux exploits.

Trois, quatre constats. Lorsqu'on a été appelés à travailler là-dessus, premièrement on a été à la fois étonnés et à la fois encouragés par ce que nous avons découvert à l'intérieur de nos travaux. Trois grands constats en ressortent. Le premier, ça a été pour nous une grande surprise, il concerne l'ampleur et la complexité du phénomène, ce qui le rend très difficile à étudier et à comprendre. Trois causes principales peuvent expliquer ces aspects du phénomène.

Premièrement, dans presque tous les pays du globe, les contribuables les plus aisés, particuliers comme entreprises, cherchent à envoyer leur richesse à l'abri de l'impôt dans des territoires à faible fiscalité. Nous, on appelle ça des paradis fiscaux, les banques appellent ça des territoires à faible fiscalité. En tout cas, ça revient au même en ce qui nous concerne.

Deuxièmement, les paradis fiscaux entourent les opérations financières qui s'y déroulent d'un secret soigneusement protégé par des dispositions légales rigoureuses. Qui plus est, il n'est presque jamais possible de connaître l'identité des personnes physiques derrière ces opérations. Elle est souvent protégée par une montagne d'entreprises fictives destinées à brouiller les pistes, la multitude de sociétés-écrans de ce monde.

Troisièmement, le recours aux paradis fiscaux est alimenté par la concurrence fiscale internationale. En effet, la fiscalité est l'outil par lequel les pays essaient d'attirer les investissements étrangers puis les multinationales aussi, d'où une surenchère sur les avantages fiscaux à offrir. En outre, la fiscalité internationale — comme la fiscalité nationale, d'ailleurs — est un domaine très pointu et bien souvent sujet à interprétation.

Voici pour les trois causes de notre premier constat.

Le deuxième constat, là c'est un peu plus encourageant, c'est la mobilisation quasi mondiale contre le phénomène. Plusieurs pays, parlementaires et citoyens sont de plus en plus conscients des conséquences associées au recours aux paradis fiscaux, notamment les pertes fiscales des gouvernements, l'injustice envers les autres contribuables qui paient leur dû au fisc. Et, avec tous les programmes sociaux qui en découlent, dépendamment du pays, on s'aperçoit que toute cette couverture sociale est de plus en plus en péril, considérant le vieillissement de la population, considérant aussi l'évasion fiscale et l'évitement fiscal abusif.

Concernant les pertes fiscales, il n'est pas possible de les estimer avec précision. Pour le Québec, on estime qu'elles se situent entre 800 millions et 2 milliards annuellement et entre 8 milliards et 15 milliards pour le Canada, et ce, annuellement, en termes de pertes fiscales.

La troisième observation est qu'heureusement depuis 2013 de nouveaux moyens de lutte émergent. Ils proviennent notamment des initiatives de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, de propositions d'experts indépendants et de l'audace de certains gouvernements. Les recommandations contenues dans notre rapport s'inspirent de ces nouveaux outils.

Maintenant, c'est à mon tour de passer la parole au codirecteur avec qui j'ai eu le plaisir de travailler depuis deux ans, alors, M. Nicolas Marceau.

M. Marceau : Bien, merci, André. Alors, bonjour, tout le monde de la presse, les gens de la commission et les collègues, Amir et Alain. Merci d'être là.

M. Bernier : Jean-René.

M. Marceau : Jean-René aussi. Alors, simplement dire d'entrée de jeu que moi, en tout cas, je suis très satisfait du travail abattu par la commission et très heureux aussi des recommandations auxquelles nous sommes parvenus. Alors, simplement rappeler que, depuis 2009, le Québec a adopté un certain nombre de mesures de lutte à l'évasion fiscale et à l'évitement fiscal abusif. Toutefois, nous pensons, à la commission, qu'on doit entrer encore plus fermement dans la mouvance qui a été enclenchée depuis 2013 dans les pays développés. Et, du côté fédéral, c'est la même chose. Il y a eu quelques premiers pas timides dans le budget 2016‑2017 en rapport avec la fiscalité internationale, mais nous croyons qu'il faut aller beaucoup plus loin que ce qui a été fait à ce jour. Alors, ça, c'est le but, donc, des recommandations que nous mettons de l'avant.

La Commission des finances publiques ne peut pas faire des recommandations directement au gouvernement fédéral, en tout cas dans le cadre constitutionnel actuel. Il pourrait en être autrement si les Québécois choisissaient de le faire, mais, pour l'instant, on ne peut pas. Alors, c'est pourquoi nous allons adresser…

M. Bernier : Pour l'instant, ça ne fonctionne pas comme ça.

M. Marceau : Pour l'instant, ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce qui fait que nous adressons…

Une voix :

M. Marceau : C'est ça. Alors, c'est pour ça que, donc, nous adressons nos recommandations au gouvernement du Québec. Il y a des recommandations qui s'adressent directement au gouvernement pour qu'il les mette en oeuvre lui-même, au gouvernement du Québec lui-même, et d'autres que nous invitons le gouvernement du Québec à porter auprès du gouvernement fédéral. Au total, donc, on a 38 recommandations : 27 à mettre en oeuvre par le gouvernement du Québec, 11 qui seront portées par le gouvernement du Québec auprès du gouvernement fédéral, qui pourra éventuellement les appliquer.

Alors, quant aux 27 recommandations s'adressant directement au gouvernement du Québec, nous en avons plusieurs. J'ai fait un choix, nous avons fait un choix parmi celles-là.

Tout d'abord, première recommandation, c'est la recommandation 1 de notre rapport, nous demandons, donc, l'estimation et l'imposition des profits réalisés au Québec et détournés vers les paradis fiscaux. Dans le langage courant, certains appellent ça la Google Tax. Et soyons clairs, il s'agit d'une taxe sur les profits détournés de toutes les multinationales dans tous les secteurs économiques pas seulement dans le secteur numérique. Donc, ça s'appelle Google Tax parce que ça a été introduit à la suite de travaux puis de discussions sur le cas de Google, mais ça s'applique à tous les secteurs, donc, taxe sur les profits détournés, et ce genre de taxe existe en France, au Royaume-Uni, en Australie, et nous demandons la réalisation d'une étude à être faite par le ministère des Finances du Québec qui serait déposée à la Commission des finances publiques d'ici septembre 2017.

Deuxième chose dont je veux vous parler, la recommandation 3, nous demandons à ce que soit changé le cadre législatif pour permettre l'imposition des transactions en ligne sur la base des cartes de crédit utilisées pour payer les achats.

Troisièmement, notre recommandation 7, nous demandons d'obtenir un avis juridique sur le règlement 5907 de l'impôt sur le revenu qui permet actuellement de rapatrier au Canada des revenus des paradis fiscaux en franchise d'impôt. On parle ici d'un règlement fédéral, soyons clairs, et nous demandons à ce qu'un avis soit remis à la Commission des finances publiques d'ici septembre 2017.

Quatrièmement, c'est notre recommandation 8, nous demandons la réalisation d'une étude sur la possibilité pour le Québec de se soustraire à certaines conventions fiscales canadiennes, et sur l'impact économique de cette soustraction, et sur les modalités pour le faire, le cas échéant. Et l'étude devrait, encore une fois, être remise à la Commission des finances publiques, au plus tard en septembre 2017.

Cinquièmement, c'est notre recommandation 9, la constitution d'un registre central public des entreprises du Québec, qui permettrait de remonter aux ultimes bénéficiaires physiques des entreprises.

Sixièmement, notre recommandation 17, la restriction du champ du d'application du mécanisme de divulgation volontaire, en particulier aux cas de divulgation de faible valeur.

Septièmement, recommandation 18, l'octroi des crédits d'impôt pour la recherche et le développement à la condition de ne pas transférer les brevets qui en découlent dans les paradis fiscaux, ce qui est une pratique fréquente, actuellement.

Huitièmement, nous demandons que le choix par le gouvernement et ses entreprises de partenaires propres en matière d'évasion et d'évitement fiscal abusif... Autrement dit, nous demandons à ce que soient établies des relations d'affaires différentes pour le gouvernement. Et là je vous donne quelques détails, je vais essayer d'aller rapidement, mais je pense qu'ils sont importants, ce sont nos recommandations 19 à 24 dans le rapport. Recommandations 19 et 20 : Pour la Caisse de dépôt, donc, premièrement, que la caisse réduise progressivement ses investissements dans des entreprises qui font de l'évitement fiscal abusif ou de l'évasion fiscale et qu'elle fasse état de ses progrès dans son rapport annuel, et notre recommandation 20 : Que la Caisse de dépôt exige des entreprises dans lesquelles ses placements sont significatifs et qui lui permettent, donc, d'influer sur la gouvernance, de cesser d'avoir recours aux paradis fiscaux. La recommandation 21 s'adresse au gouvernement, on lui demande d'éliminer de ses fournisseurs ceux qui ont été reconnus coupables de faire de l'évitement fiscal abusif ou de l'évasion fiscale. La recommandation 22 : Nous demandons au gouvernement de disqualifier les entreprises candidates à des subventions gouvernementales qui ont été reconnues coupables de faire de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal aussi. Recommandation 23 : Qu'on prive de contrats gouvernementaux les cabinets professionnels qui ont été reconnus coupables de faire de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal abusif. Et recommandation 24 : Qu'on reconnaisse que l'aide professionnelle pour faire de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal abusif... qu'on reconnaisse, donc, que c'est une activité criminelle.

M. Bernier : ...

M. Marceau : Oui, c'est ça, il m'en reste deux. Donc, c'est la recommandation 26 : La protection et la rémunération éventuelle des lanceurs d'alerte en matière d'évasion et d'évitement fiscal abusif. Recommandation 14 : L'augmentation des ressources à l'Agence du revenu du Québec affectées à la lutte contre l'utilisation des paradis fiscaux. Ça, c'est la recommandation 14.

Alors, maintenant, il me reste à vous parler de ce que nous demandons au gouvernement du Québec de porter vers le gouvernement fédéral. Il y en a 11, elles recoupent certaines des recommandations que nous avons adressées directement au gouvernement du Québec, comme celle qui concerne la Google Tax, comme celle qui concerne les crédits d'impôt pour la recherche et le développement, comme celle qui concerne le registre central public des entreprises.

Alors, il y en a d'autres, je vous en dis deux : L'inclusion, dans le Code criminel, de certaines activités liées à l'évitement fiscal par le biais des paradis fiscaux, c'est la recommandation 34; et finalement les recommandations 36 et 37, c'est la réduction du seuil d'assujettissement des entreprises à la déclaration pays par pays et l'accès du public à ces déclarations.

Alors, voilà. Évidemment, c'est rapide, mais il y a beaucoup de recommandations, 38. J'ai tenté de faire un bref portrait. Je redonne la parole à mon collègue Raymond.

M. Bernier : Merci, Nicolas. Donc, comme vous voyez, c'est un rapport qui contient plusieurs éléments, beaucoup d'éléments, tant au niveau du Québec que des recommandations concernant le gouvernement fédéral dans son application.

Nous venons de vous brosser à grands traits les principales observations et recommandations de la Commission des finances publiques au terme de ses travaux sur le recours aux paradis fiscaux. Les membres de la commission sont fiers et heureux des propositions contenues dans le rapport. Ils espèrent qu'elles retiendront l'attention des gouvernements et les amèneront à poser des gestes concrets pour contrer l'évasion et l'évitement fiscaux. Ils estiment que de telles actions placeront le Québec et le Canada dans le peloton de tête des pays du monde en matière de lutte contre l'utilisation des paradis fiscaux.

Nous vous remercions de votre attention, et j'invite... si certains collègues qui ont eu le plaisir de travailler avec nous, s'ils veulent donner des commentaires sur le travail qui a été fait durant cette commission, à le faire.

M. Khadir : Alors, merci. Je voudrais d'abord remercier Raymond pour m'accorder un bref moment pour dire pourquoi un parti comme le nôtre, qui est rarement satisfait du travail de ses collègues, qu'on entend habituellement trouver toujours à redire sur les projets de loi, sur les décisions gouvernementales et aussi sur les positions des collègues de l'opposition, on en est venus à être très satisfaits et à joindre, de manière unanime, tous les membres de la Commission des finances publiques pour appuyer, donc, ce rapport.

Donc, d'abord, parce qu'on le fait depuis si longtemps, à en être venu même à être perçus comme devant parfois radoter là-dessus tellement depuis si longtemps on insiste, à Québec solidaire, sur l'importance de mener une lutte efficace. Et enfin, pour une fois, parce que, dès 2009, dans certains budgets qui ont été annoncés, on a annoncé l'intention du gouvernement de mener la lutte à l'évasion fiscale, mais, sur le terrain, ça s'est concrétisé malheureusement par des mesures qui n'ont visé que — je donne quelques exemples — la coiffeuse de sous-sol, les chauffeurs de taxi, les petits commerces de pizza, etc. Mais, avec ce rapport-là, enfin, on vise là où le problème fait le plus mal à notre économie, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs sociaux d'importance qui peuvent avoir recours à des stratagèmes pour ne pas payer d'impôt et donc d'échapper à l'impôt via différentes modalités, l'évasion fiscale, les juridictions de complaisance comme le Delaware ou simplement l'évitement fiscal agressif.

Maintenant, une autre raison pour laquelle je veux appuyer absolument ce rapport, c'est la sincérité de la démarche de son président, que j'ai appris à connaître à travers cette commission. Bien des choses nous ont opposés dans le passé, quelques-uns s'en souviennent, notamment M. Bouchard, mais aujourd'hui, ensemble, on est capables... enfin, je suis capable de dire que le président de cette commission, avec évidemment l'aide de ses collègues — et ce que je dis pour M. Bernier concerne les autres — ont installé un climat de collaboration qui a fait qu'on est allés beaucoup plus loin que, moi, ce que je me serais attendu, je dois vous l'avouer, au départ de la commission.

Bon, il reste, bien sûr, des choses à améliorer. Et je rappelle à l'auditoire que, si on en est rendus là, c'est grâce à un travail qui a été fait par des journalistes mais aussi par des groupes comme ATTAC-Québec, comme Tax Justice Network, comme plein d'acteurs sociaux qui ont attiré notre attention, qui ont certainement achalé autant le Parti libéral, le Parti québécois, la CAQ que nous pour rappeler les importantes considérations économiques qu'entraînent, donc, l'évasion fiscale.

Et je voudrais terminer pour dire le travail impressionnant… à chaque fois, moi, j'ai été impressionné par le travail de l'équipe de recherche et de celui qui a été l'auteur des premières versions de ce rapport, M. Samuel Houngué, qui est ici, qui montre à quel point, quand on est capables de s'entendre entre les partis pour travailler sur un dossier qui est important, qui est capital, on l'a vu avec la commission sur le droit de mourir dans la dignité, l'Assemblée nationale du Québec peut vraiment déboucher sur des réalisations très importantes. Parce que, si ces recommandations-là sont appliquées par les différents niveaux de gouvernement, c'est une avancée considérable. Pensez uniquement à la criminalisation de ces pratiques, qu'on demande, pensez à la disqualification par le gouvernement, ça entraînerait des conséquences inouïes dans l'économie et, à mon avis, renforcerait notre économie, la disqualification des fournisseurs qui ont été démontrés pratiquant l'évasion fiscale. Merci beaucoup.

M. Bernier : Merci, Amir.

Le Modérateur : Alors, est-ce que les gens ont des choses à ajouter?

M. Therrien : Très, très rapidement, juste vous dire qu'on parlait d'une commission qui était apolitique, et je dois vous dire que c'est grâce au travail du président si ça a pu se réaliser de cette façon-là. On a été en Europe rencontrer les gens, justement, pour nous donner des idées, pour aller voir ce qui se passait à l'étranger, et, tout le long, le président puis aussi les deux vice-présidents ont agi de façon très, très intègre et très, très apolitique. Et je dois vraiment saluer le travail de Raymond à ce niveau-là parce qu'il a permis, justement, d'arriver avec un rapport qui est de qualité et dont on peut être fiers. Voilà.

M. Bernier : Alors, merci, donc...

Le Modérateur : Merci beaucoup, messieurs. Donc, on est prêts pour la période de questions. Jean-Marc Salvet, du Soleil.

M. Salvet (Jean-Marc) : Bonjour à tous. M. Bernier, la première question s'adresse à vous parce que vous êtes le président de la commission, vous êtes également membre du groupe parlementaire libéral. Est-ce que le gouvernement va s'emparer de ces recommandations-là?

M. Bernier : Oui, le gouvernement va s'emparer de ces recommandations-là. Je pense que le mandat d'initiative a été accordé sans partisanerie, et j'ai accepté ce mandat-là en autant que les retombées ou les recommandations, dans leur application, seront considérées par le gouvernement, d'une façon ou d'une autre. Dans la période actuelle, c'est le Parti libéral qui forme le gouvernement, donc c'est eux qui vont se l'approprier.

M. Salvet (Jean-Marc) : Mais ce que vous me dites, c'est qu'à ce stade-ci vous avez déjà des garanties que le gouvernement en place, donc, va mettre en oeuvre les recommandations contenues dans le rapport.

M. Bernier : Ce que je vous dis, c'est qu'avec l'appui qu'ils nous ont donné pour qu'on puisse réaliser ce travail-là, c'est... Aujourd'hui, ils prennent connaissance des recommandations. Je dois vous dire que le travail s'est fait à l'intérieur de la commission, nous le déposons aujourd'hui. Et moi, je suis très confiant et persuadé que le gouvernement va s'en approprier parce qu'il y va pour l'ensemble des Québécois dans les répercussions économiques que cela peut avoir dans les services, et ça permet également au gouvernement du Québec, au Québec de se positionner sur le plan international. Alain l'a mentionné, on est allés à l'extérieur, et le Québec est regardé, présentement, dans son travail.

M. Salvet (Jean-Marc) : Sans briser le transpartisme que vous véhiculez en étant tous ensemble, la même question, rapidement, aux trois autres. M. Marceau, M. Spénard, M. Khadir, vous avez confiance que le gouvernement va s'emparer, donc, pour employer ce verbe à nouveau, de ces recommandations-là?

M. Marceau : Écoutez, je suis optimiste, et on aura un premier test, si vous voulez, avec ces demandes que nous adressons au gouvernement de produire des études, des études importantes, en passant, là. De notre côté, on est tous ouverts à l'idée, par exemple... pas ouverts à l'idée, on aimerait ça pouvoir mettre en place une Google Tax, une taxe sur les profits détournés, et on aimerait savoir comment ça peut se faire, quel serait l'impact, même chose pour le retrait de certaines conventions fiscales qui sont extrêmement irritantes, là, même chose pour l'avis juridique sur le règlement 5907 fédéral, qui permet le transfert de... enfin, le rapatriement de profits sans taxation de la Barbade.

Alors, septembre est une échéance qui va permettre de mesurer la volonté gouvernementale. À ce stade-ci, j'espère qu'ils vont recevoir et puis mettre les gens au travail pour qu'on puisse avoir ces travaux-là pour septembre.

M. Spénard : Vous attendez mon côté, de la coalition. Alors, oui, nous avons confiance que le gouvernement... Je ne vous dis pas que les 38 recommandations, les 27 au provincial puis les 11, vont être appliquées d'ici septembre. Je pense c'est un travail de longue haleine. Maintenant, écoutez, le gouvernement... Nous, on a travaillé pour l'ensemble de la population québécoise. On a travaillé pour améliorer le bien-être collectif de l'ensemble. On cherche toujours de l'argent, et puis je pense que ça, ça peut être une source de revenus qui est très abordable et qui est faisable, sans piger toujours dans la poche du contribuable, qui lui paie son juste dû au fisc. Alors, moi, j'ai confiance que le gouvernement va analyser notre rapport et qu'il va regarder notre rapport dans l'intérêt de tous les contribuables. Maintenant, si jamais, il ne le fait pas, bien là le mandat ne sera plus apolitique, il va devenir politique, ce que je trouverais regrettable pour un mandat comme ça. J'espère qu'il va continuer d'être apolitique jusqu'au dénouement, jusqu'à la conclusion finale de ce mandat-là.

M. Khadir : Une des raisons de notre appui à ce rapport et qu'on n'ait pas posé de condition, on n'a même pas trop poussé pour certains éléments... Par exemple, à Québec solidaire, on aurait souhaité qu'on puisse un jour aller aussi sur les niches fiscales ici même, hein? Par exemple, les rachats d'options, les crédits d'impôt pour rachats d'options, c'est une niche fiscale que nous-mêmes, on accorde inutilement, ça profite juste aux ultrariches. Bon, on n'est pas allés là pour que ça soit le plus unanime possible, pour que le gouvernement reçoive cette unanimité comme une nécessité d'action.

Mais je dirais qu'il y a un intérêt particulier, étant donné le contexte récent. Ce qui arrive à Bombardier soulève des questionnements qui entraînent des perceptions sur là où se situe le gouvernement. Si le gouvernement, maintenant, répond par des actions énergiques qui sont en lien avec les propositions qui sont faites, ça vient, à mon avis, corriger largement ces perceptions-là et montrer que le gouvernement ne se positionne pas toujours en faveur des ultrariches ou des très riches.

Le Modérateur : Merci. Maintenant, Marco Bélair-Cirino, du Devoir.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui. Bonjour à vous tous. M. Bernier, pour faire écho aux questions de mon collègue, est-ce que vous avez bon espoir que les mesures que vous proposez pourraient être mises en vigueur d'ici la fin de la législature, d'ici les prochaines élections générales? Est-ce que ce serait réaliste?

M. Bernier : Bien, on espère que ça va se faire d'ici la fin de la présente législature, c'est pour ça qu'on le dépose 18 mois avant les élections, pour que les mesures soient prises dès maintenant. C'est ce qu'on souhaite parce que c'est à chaque jour, malheureusement, que ça se produit, ça, en ce qui regarde les placements dans les paradis fiscaux. Donc, il faut agir, il faut agir rapidement et il faut être capables de mettre en place ce qu'il faut sans égard à ce qui va se passer au niveau des élections générales. Mais je pense qu'il faut déjà enclencher dans ce processus-là.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce que le Québec peut faire cavalier seul, mettre en oeuvre les différentes recommandations que vous suggérez tout en ne nuisant pas à son attractivité? Est-ce que vous comptez sur… Est-ce que vous espérez que les autres provinces vont aussi emboîter le pas?

M. Bernier : Bien, c'est ce qu'on souhaite parce qu'en ce qui nous concerne, nous autres, vous avez vu, au niveau des 38 recommandations, il y en a 27 qui concernent le Québec, 11 versus le fédéral. C'est ce qu'on souhaite, c'est que les autres provinces puissent emboîter le pas. On a également eu des demandes de la part d'organisations internationales qui veulent avoir copie de ce rapport-là. Donc, ce qu'on souhaite avant toute chose, c'est de nous positionner comme étant un joueur important, là, pour combattre ce fléau. Et d'ailleurs les organismes qui sont venus nous rencontrer, plusieurs personnes qui sont venues témoigner, dont Mme Alepin, ont mentionné l'importance de ces travaux-là par rapport à leur application. Donc, sur ça, on le souhaite.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter sur l'attractivité du Québec si ces mesures-là sont mises en oeuvre et pas dans les autres provinces canadiennes?

M. Bernier : Bien, écoutez, si je vous donnais une réponse… Vous savez, demain matin on viendrait mettre fin à toute évasion ou évitement fiscal, il y a toujours un complément — puis ça, on l'a vu quand on a rencontré nos gens en Europe — qui doit être fait entre les pays au niveau de l'attractivité, O.K.? Ce n'est pas seulement pour le Québec, c'est pour l'ensemble des pays. Tu sais, il faut s'assurer, là, que ces gens-là vont se parler puis qu'ils vont être capables d'avoir une certaine base au niveau de l'attractivité en tant que telle. Sinon, on retombe dans la compétition. Et c'est ce cheminement-là qui est en train de se faire dans les pays européens et dans les pays américains parce que ça doit se faire.

M. Marceau : Deux choses : la première, le régime fiscal québécois n'est pas parfaitement harmonisé au régime fiscal canadien. Il existe déjà des différences. À chaque fois que le gouvernement fédéral fait un budget, il y a une décision qui est prise au ministère des Finances à Québec quant aux mesures sur lesquelles on va s'harmoniser et celles sur lesquelles on ne s'harmonisera pas. Donc, ça, ça existe déjà. Il y a déjà des différences, et donc l'attractivité n'est pas identique.

Deuxièmement, le fait d'imposer, par exemple, une taxe sur les profits détournés, bien sûr ça peut faire fuir certains contribuables dont on ne souhaite peut-être pas leur présence, en passant, mais ça n'a pas empêché le Royaume-Uni d'aller de l'avant, la France d'aller de l'avant, l'Australie d'aller de l'avant. Et, à partir du moment où ça… Moi, je pense que le Québec devrait devenir un exemple pour le reste du Canada et non pas craindre des effets comme ceux-là.

Cela étant, à la commission, on a convenu de demander au ministère des Finances de faire une évaluation plus claire des impacts parce qu'effectivement on entend la crainte que vous dites. Maintenant, moi, je pense qu'il faut quand même oser dans certains cas puis, encore une fois, il y a des contribuables, peut-être, qu'on aimerait mieux ne pas avoir sur notre territoire.

M. Khadir : J'aimerais juste ajouter une chose, parce qu'on a toujours cette... Quand, dans une société, on prend une orientation différente à concevoir les choses, un peu comme Commission mourir dans la dignité, on envisage, par exemple, l'aide médicale à mourir non pas comme l'euthanasie, mais comme une aide, comme une manière d'apporter un soin à une étape particulière de la vie, c'est toujours très difficile de sortir de l'ancien cadre. Le bilan de l'attractivité, là, qu'on nous assène comme cadre conceptuel pour envisager la fiscalité d'un pays, ça fait 30 ans qu'on nous l'assène. Il faudra quand même faire le bilan de ça. Le bilan de l'attractivité comme cadre conceptuel pour dessiner notre cadre fiscal est une ruine pour nos économies. Alors, moi, je nous invite collectivement à sortir de ce schéma qui nous a été imposé par ces dirigeants qui aujourd'hui profitent si allègrement de ce système.

M. Bernier : Chaque État a à souffrir présentement, dans ses budgets, de ce fléau actuellement, chaque État.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Justement, M. Bernier, une dernière question. Vous évaluez les pertes fiscales liées aux paradis fiscaux à entre 800 millions et 2 milliards de dollars pour le Québec par année. Le gouvernement dont vous faites partie a, selon certains, imposé un régime d'austérité, selon vos collègues seulement, disons, de la rigueur budgétaire.

M. Bernier : J'aime mieux ça.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Pourquoi les mesures qui figurent dans votre rapport n'ont pas été mises en oeuvre au cours des dernières années?

M. Bernier : Bien, écoutez, je pense qu'on a décidé ici de se pencher sur le sujet et d'apporter un éclairage important. Je pense que si on regarde au cours des dernières années, ce qu'on voyait apparaître, bon, il y avait certains chiffres quand il arrivait un événement qui était lancé dans les journaux, où il y avait certains commentaires, mais là ce que… Au cours des dernières… On l'a mentionné, au cours même de notre étude, c'est là que les cas ont apparu, hein? Pensons aux Panama Papers, pensons à KPMG, bon, toutes ces choses-là. Je pense que, de plus en plus, puis ça, c'est ça qu'on a constaté, les gens sont sensibles à ça partout dans le monde. Et ce qu'ils veulent, c'est que les gouvernements puissent prendre action. Il y a également les lanceurs d'alerte qui sont importants. On a vu, là, que les lanceurs d'alerte ont un rôle extrêmement important là-dedans. On veut que ça se poursuive. Donc, je pense que l'élément de conscientisation par rapport à ce phénomène-là est davantage présent, là, au cours des dernières années, et la sensibilisation du public est très, très importante là-dessus. C'est pour ça qu'on se devait d'avoir un rapport, pour être capables de mieux les renseigner, capables de poursuivre dans ce sens-là. Le public veut qu'on agisse dans ce domaine-là.

M. Spénard : Moi, j'aimerais revenir sur : Avons-nous peur de déraciner certains contribuables ou ça par l'imposition? N'oubliez pas une chose, c'est que, s'ils font de l'argent au Québec, ils vont rester au Québec. Ça dépend. C'est pour ça, quand on parle de la Google Tax ou de l'estimation des profits faits par pays pour pouvoir les imposer, je pense que, s'ils font des profits au Québec, ils vont rester au Québec, là, peu importe, peu importe. Ils vont aller ailleurs, ça va être la même affaire. Et, comme disait Raymond, plus ça va, plus la mobilisation générale des citoyens fait en sorte que tu ne peux pas déménager, là, pour dire : Je m'en vais dans un pays à faible taux d'imposition, puis, si ça ne fait pas là, ça va faire ailleurs. Ça, ça me marchera plus, ça, bientôt. Ça ne marchera plus, ça. Puis il y a des actions concrètes qui se font par l'OCDE, par les États-Unis, avec le FATCA. Une multitude d'études le démontrent aussi. Et puis, tu sais, lorsqu'on regarde, là, juste deux exemples, là, tu sais, les investissements directs canadiens à l'étranger, là, 80 milliards à la Barbade en 2015, 80 milliards d'investissements canadiens à la Barbade en 2015. Ça compte 285 000 habitants, la Barbade, puis le PIB est de 6 milliards. Alors, expliquez-moi qu'est-ce que 80 milliards d'investissements canadiens à la Barbade font sinon blanchir de l'argent des paradis fiscaux. La même affaire pour les îles Caïmans. Les îles Caïmans, en 2015, écoutez, ça a été 49 milliards investis directement à l'étranger par le Canada aux îles Caïmans en 2015. Il y a 56 000 habitants, puis ils ont un PIB de 3 milliards. Qu'est-ce qu'il fait là, le 49 milliards? Posez-vous la question. C'est ça qu'on veut toucher. C'est ça qu'on veut que le monde nous explique. Qu'est-ce qu'ils font, tes 80 milliards, là, tes 49 milliards à la Barbade, puis tes… Qu'est-ce que tu fais avec ça?

M. Bernier : C'est ces argents-là qu'on veut qu'ils soient suivis par les gouvernements pour être capables de les rapatrier puis être capables de les contrer. C'est ça qu'on veut. C'est ça qu'on souhaite parce que ça fait des années et des années que ces choses-là sont en croissance, malheureusement. Donc, ce qu'on veut, on veut prendre les moyens pour cesser cette chose-là. Je suis d'accord avec vous, ça ne se fera pas tout seul. D'ailleurs, c'est ce que l'OCDE nous a dit quand on est allés en Europe. C'est ce que les différents organismes qu'on a rencontrés également… Il y a des ententes à venir. C'est en implantation un peu partout dans le monde au niveau des mesures nécessaires.

Le Modérateur : Caroline Plante, Presse canadienne.

Mme Plante (Caroline) : Juste une petite question : Quand on parle de la Caisse de dépôt, on invite la Caisse de dépôt à réduire progressivement ses investissements dans les entreprises qui font de l'évasion fiscale, est-ce qu'on les connaît très bien, ces entreprises? C'est facile de les identifier? On sait c'est qui?

M. Bernier : Vas-y, moi, je vais...

M. Marceau : Je vais peut-être faire un petit bout là-dessus. Écoutez, il y a du gris là-dedans, comme dans tout. Il y a des entreprises qui ont été condamnées, sanctionnées par les tribunaux puis dans lesquelles la caisse a encore des placements. Il y a des entreprises pour lesquelles on a des soupçons et il y a des entreprises dans lesquelles la caisse a des placements qu'elle ne soupçonne pas peut-être d'avoir des activités dans les paradis fiscaux. Alors, la caisse a des informations précises sur un certain nombre de placements plus directs qu'elle effectue, mais la caisse possède aussi des placements à travers des fonds qui, eux, investissent dans des entreprises. Et là, en tout cas, il y aura un travail à faire du côté de la caisse, c'est certain. Dans certains cas, ça sera blanc, dans d'autres cas ça sera gris, dans d'autres cas ça sera noir et... Alors, voilà. C'est ça, la réponse. Mais la réponse, c'est qu'il y a du travail à faire pour arriver à effectuer cette réduction progressive.

Mme Plante (Caroline) : Ils détiennent quand même certaines informations. Vous, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples d'entreprises aujourd'hui?

M. Marceau : Bien, regardez, un exemple simple, la caisse a des placements de plusieurs milliards de dollars dans les banques canadiennes. Bon, est-ce que ça veut dire que la caisse devrait arrêter? Là, je pense qu'il faut se poser la question. Il y a une réflexion à faire. Mais c'est un exemple parmi plusieurs, là. La caisse possède, donc, des titres dans les banques.

Mme Plante (Caroline) : Pour faire ce travail de recherche, est-ce que vous vous attendez à ce que la caisse mette du personnel là-dessus, embauche des ressources?

M. Marceau : Je crois que la caisse fait déjà du travail là-dessus puis qu'elle a déjà du personnel là-dessus. Évidemment, ce que nous appelons de nos voeux, c'est qu'elle intensifie ce travail, qu'elle devienne exemplaire. Et, encore une fois, il y a deux choses qu'on demande à la caisse, c'est, d'une part, de réduire ses investissements dans les entreprises qui ont recours aux paradis fiscaux puis qui font de l'évitement fiscal abusif puis, d'autre part, la caisse exerce des droits de vote dans les assemblées d'actionnaires des entreprises dans lesquelles elle détient des actions ou même des fois est présente au conseil d'administration de certaines entreprises, et là elle peut exercer une influence positive et la caisse va pouvoir faire ce travail-là aussi. Je pense, encore une fois, que la caisse fait déjà du boulot, mais on l'appelle à intensifier ce travail-là puis a réduire ses investissements là-dedans.

Mme Plante (Caroline) : Merci.

M. Bernier : C'est ce qu'on leur demande, on leur demande d'intensifier le travail qui se fait par rapport à ça. Elle le fait déjà, comme Nicolas le mentionne, sauf qu'on veut qu'elle soit beaucoup plus attentive puis qu'elle soit beaucoup plus... Parce que ça demeure un joueur important dans ce domaine-là, en tout cas en ce qui concerne le Québec.

Mme Plante (Caroline) : C'est l'argent des Québécois.

M. Bernier : Et c'est l'argent des Québécois qui est là, donc, à ce moment-là, si on réussit à identifier ces entreprises-là puis à éviter d'investir dedans, bien, ça nous permet de les contrôler aussi par l'entremise de Revenu Québec ou Revenu Canada aussi. Merci.

Le Modérateur : Pascal.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Pascal Dugas, de l'Agence QMI. Est-ce que vous avez une idée du taux d'imposition auquel les profits détournés devraient être taxés? Votre Google Tax, dans le fond, elle devrait être établie à combien?

M. Bernier : Je vais laisser répondre Nicolas parce qu'il a déjà eu l'occasion, comme ministre des Finances, de regarder ce dossier-là. Écoutez, je pense qu'il y a déjà, présentement, un phénomène où des gens, des individus qui ont des argents dans des paradis fiscaux ont commencé à déclarer, hein? Ils viennent déclarer, que ça soit par l'individu ou que ça soit par les successions. Ça arrive aussi par les successions parce que les gens veulent rapatrier les fonds, exactement. Donc, ça s'est fait par des mesures importantes. On a vu aux États-Unis, où les banques doivent déclarer les clients américains qui ont des comptes dans des paradis fiscaux. On l'a vu également en Europe. D'ailleurs, au moment où on était là, même, le Sénat français avait voté une demande auprès de la Suisse pour qu'ils puissent déclarer les clients Français dans leurs banques, ainsi de suite. Mais ce qu'on veut, c'est que ça soit établi clairement, cette chose-là. C'est ce qu'on souhaite.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Mais vous n'avez pas de chiffres, là, sur un taux d'imposition des fonds détournés?

M. Marceau : Je suis en train de regarder, pendant que vous parliez, là, le taux auquel la taxe en question a été établie au Royaume-Uni. De mémoire, c'est semblable au taux statutaire, là, de taxation des profits dans ces pays-là, mais je pourrais vous répondre plus précisément après la rencontre, si vous le voulez. C'est sûr que le taux doit être dans le même voisinage que celui auquel on taxe les profits normaux maintenant si ça peut incorporer une pénalité ou une sanction de manière à avoir un effet dissuasif.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : La stratégie, ça ne serait pas justement d'avoir un niveau d'imposition plus élevé pour que les profits ne soient pas détournés?

M. Marceau : Voilà, on s'entend, on s'entend, c'est ça. Mais je vais vous dire... je vous dirai les formes que ça peut prendre. Cela étant, le Québec pourrait innover et puis appliquer une taxe sur les profits détournés à la manière qui lui semble la plus appropriée. Par exemple, pour tenir compte du fait qu'on est dans un contexte canadien, bon, il y a un paquet de considérations qui devront être prises en compte. Cela étant, moi, j'aimerais bien que, premièrement, on récupère les sommes qui sont dues au fisc et puis qui sont donc injustes, donc, parce que les autres contribuables doivent payer pour ça. Deuxièmement, j'aimerais qu'il y ait un côté exemplaire. J'aimerais ça qu'il y ait quelque chose qui amène les contribuables à éviter de détourner les profits. Alors, moi, ça m'apparaît que ça devrait entrer en ligne de compte.

M. Bernier : Il y a la carotte et le bâton, là-dedans. Donc, il faut s'assurer, là, qu'on vient récupérer les sommes puis qu'on est capables de mettre des barrières suffisantes pour éviter que ça se fasse. C'est ce qu'on souhaite, mais bien entendu, au niveau de l'ensemble de cette fiscalité-là, ce n'est pas la Commission des finances publiques, là, qui peut établir un montant exact, là, un taux exact par rapport à ça. Il y a de la réflexion à faire, il y a de la recherche, il y a des choses à discuter au sein des organismes, que ce soit Revenu Québec ou Revenu Canada.

M. Vigneault (Nicolas) : Je vais me permettre deux questions. Peut-être regarder la caméra à l'avant, là, plutôt que de me regarder en répondant.

M. Bernier : On ne vous regarde pas.

M. Vigneault (Nicolas) : Exactement. D'abord, sur les lanceurs d'alerte, est-ce que vous avez évalué quelle forme ça pourrait prendre, une récompense? Est-ce que c'est financier? Est-ce que ça pourrait prendre une autre forme? Comment vous l'évaluez, cette récompense-là?

M. Bernier : Bien, présentement, il y a des récompenses financières qui sont accordées dans certains États pour ces lanceurs d'alerte là. Je pense qu'il faut regarder, là, les possibilités. Il faut tout mettre sur la table puis être capables de savoir quels sont les meilleurs moyens pour inciter ces gens-là à le faire. Mais effectivement ça pourrait prendre une forme financière selon les circonstances. Ça peut être également des gens qui ont déjà des argents dans des paradis fiscaux qu'on doit considérer. Donc, je ne sais pas. Nicolas, as-tu d'autres choses à ajouter là-dessus?

M. Marceau : Bien oui. Effectivement, je pense que ça existe déjà au niveau fédéral, là, l'idée de récompenser. Par ailleurs, la récompense, évidemment, c'est une chose. Je pense que la protection des lanceurs d'alerte, c'est quelque chose d'encore plus fondamental, là. Évidemment, le frein au fait de lancer une alerte, c'est habituellement la peur de perdre son emploi, de faire l'objet de harcèlement, de pressions. Alors, ça, c'est le bout le plus important, quant à moi. Mais que ça soit accompagné de récompenses, là, moi, je suis très ouvert à ça. Évidemment, on est tous ouverts à ça, puisqu'on l'a mis dans notre rapport. Mais, encore une fois, moi, il m'apparaît plus fondamental de protéger correctement les lanceurs d'alerte.

M. Vigneault (Nicolas) : Il y a seulement une petite... Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent ajouter?

M. Spénard : Non, c'est beau.

M. Vigneault (Nicolas) : Sur la divulgation volontaire, et tout ça, on sait, ce programme-là, quand même, porte fruit, là. Du côté de Revenu Québec, l'an dernier, si je ne m'abuse, c'est 110 millions de dollars qu'on a récupérés. Certains disent qu'on récompense les fraudeurs avec ce programme-là, et tout ça. Votre rapport en parle un peu, mais vos pensées là-dessus... Est-ce qu'on devrait, par exemple, revoir ce programme-là en profondeur, là, le programme de divulgation volontaire qui est en place actuellement?

M. Bernier : Bien, c'est ce qu'on mentionne. Mais il y a aussi le fait, là, qu'il y a une différence entre de l'évasion et de l'évitement fiscal, hein? Il faut bien faire la différence entre les deux. Donc, à ce moment-là, l'évasion doit être traitée d'une autre façon que l'évitement en ce qui concerne les possibilités, ce que j'appellerais, de négociation. Sauf que ce qu'on veut, c'est qu'il y ait vraiment quelque chose de beaucoup plus transparent, qu'on soit capables de savoir exactement à quoi s'attendre et qu'est-ce qui se passe. Il ne faut jamais oublier qu'au moment où on est un contribuable ou une entreprise qui paie ses dus dans les périodes données, il faut être capables de… Il ne faut pas récompenser ceux qui ne le font pas, au contraire. Mais, encore là, c'est des choses qui ne sont pas nécessairement transparentes. Dans les discussions et dans les auditions qu'on a eues, on n'a pas eu d'informations très, très claires par rapport à ça. On veut que ça soit clarifié, c'est pour ça qu'on l'inclut dans notre rapport.

M. Vigneault (Nicolas) : Parce que certains disent qu'on devrait maintenir les pénalités, là.

M. Marceau : Bien, en fait, c'est ce qu'on propose, là.

M. Bernier : C'est ce qu'on propose.

M. Marceau : C'est ce qu'on propose. Nous autres, on dit : On abolit ça, on abolit la divulgation volontaire, sauf, premièrement, quand la bonne foi est démontrable puis, deuxièmement, quand on parle de faibles valeurs. Évidemment, on n'a pas introduit de seuil, là, mais je pense qu'on s'entend tous ici pour dire qu'on ne veut pas les multimillionnaires qui cachent leurs sous dans les paradis fiscaux, là.

M. Khadir : Parce que ça entraîne des problèmes d'inéquité importants. Les contribuables n'ont jamais pu bénéficier de ça. Et surtout le programme n'avait pas prévu un délai, là. Ça ne peut pas continuer ad vitam aeternam dans un cycle où on ouvre cette... À partir du moment où on s'entend d'accorder un délai, bien, il faut que le délai soit limité dans le temps, et je pense qu'on est rendus là.

Le Modérateur : On est prêts pour les questions en anglais? Il n'y a plus de question en français? Ça va? Ryan Hicks, CBC.

M. Hicks (Ryan) : Hello. For any of you, what kind of message are you trying to send, given the fact this is an all-party report? All parties have agreed to these recommendations. What kind of message are you trying to send?

M. Marceau : Well, I'll take that one, if you want, or with others. Well, the first message is that the phenomenon of tax avoidance, and tax evasions, and tax havens is something that is a concern for everybody on the stage and, I think, for everybody at the National Assembly of Québec. And we have put forward 38 recommendations that would change significantly, in an important way the manner in which these problems have been addressed in the past. These are strong recommendations that will require actions that are quite different from those of the past.

So, we want to introduce, for example, a Google Tax, we want the Government to think about getting out of fiscal conventions with tax havens, the taxation of electronic commerce through the credit card... I'm looking for my words, here. Anyways, so, we have a number of very strong recommendations that are clearly a break compared to the past and the message is that this is an important problem and that doing nothing is not an option. We have to move forward and we have proposals for both the Québec Government and the federal Government.

M. Bernier : Take the leadership for this subject. It's important to take the leadership, Québec and Canada, in this situation.

M. Spénard : And, to resume Nicolas and Raymond, it's very serious. We are there and just tell everybody that we're coming. Be careful, because we're coming on that, that's for sure.

M. Khadir : So, the tax evasion is really causing very big damage to our societies. It's unfair for millions of honest taxpayers. It's just profiting ultra rich and it's time to act. There is enough consensus that nobody in Ottawa or in Québec, at power in government, can pretend that we don't know what to do. We know what to do.

M. Hicks (Ryan) : M. Bernier, je vais poser la question en français, puis si vous voulez répondre en français, ça va. Est-ce qu'il y a de la volonté politique du gouvernement libéral de passer un projet de loi, d'adopter des mesures comme les mesures qui sont dans ce rapport?

M. Bernier : Oui, yes. It's important for the Gouvernement libéral to take a decision, to take action on this subject. It's very important.

Le Modérateur : Yes, Phil.

M. Authier (Philip) : Good afternoon. I have one basic question. You say tax evasion is costing Quebeckers between 800 million and 2 billion a year, cost Québec. On page 24 in the book, Québec's revenue… sorry, page 22, ministère des Finances says it's 800 million. Could you tell me how you establish your 2 billion… how you got to that number? Because, I'm sorry, I've also seen, in previous years, Québec Finance Department estimating that evasion cost 3.5 billion a year. I've seen… I saw that a few years ago. How do you get to your number?

Des voix :

M. Houngué (Samuel) : Si je peux répondre. Alors, évidemment, le 800 millions et le 2 milliards, c'est un condensé. On dit : Varie selon les sources. Ça varie de 800 millions à 2 milliards de dollars selon les sources parce qu'effectivement le ministère des Finances a fait une évaluation à 800 millions de dollars, mais l'IREC a fait une évaluation de 1,5 à 2 milliards. Alors, quand on... j'ai pris les deux bonnes... Oui, de 800 millions à...

M. Marceau : Just to add, as for tax avoidance, which we call abusive tax avoidance, I mean, there are no estimates of that, none. As André was saying earlier, there are billions of dollars invested in Caiman Islands, in Barbados. So, billions, and there's no estimate that was performed by the Québec Government or by anyone, but all we know is that there are billions of dollars in those islands that, physically, they cannot be used productively. I mean, there's no way this money is used to produce goods or services, no way, it's impossible. So, it's serving some other purpose, and the purpose is tax avoidance.

Now, how much of that money would go back to Québec for revenue? I mean, it's hard to estimate right now. All we know is that the amounts are quite clearly significant. We don't have those numbers. What we have is exactly what Samuel told us.

M. Authier (Philip) : OK. And I did not cover, I did not see all of the consultations and the hearings that you had, but I see that, on page 10, you've deplored the attitude of the banks and accounting companies, and you say : They say that the problem does not exist, and…

Une voix :

M. Authier (Philip) : Let me finish my question. But the people who came and told you there is a real problem, and everybody knows there's a problem… But how do you qualify the attitude of the banks on this issue? What was the tone of those hearings? Can you give us a… because we weren't there.

M. Marceau : Frustrating. I mean, I was frustrated.

M. Spénard : They don't even recognize tax havens, you know. They only recognize countries with little bit smaller taxes for the profit, you know, but they don't even recognize tax havens, you know, that they exist.

M. Khadir : I'm sorry, I was not frustrated, I was insulted because they take us like idiots. They behaved… they come here to the Parliament to address a commission and they act like : Listen, we can say things as if these guys are idiots, perfect idiots unaware of what's happening in the world. So, it takes some level of arrogance, and I think it's really shameful on the part of big companies like that.

M. Bernier : Invitation and negotiation is very difficult for… to participate banks, is very difficult. I negotiated during one month for…

M. Authier (Philip) : But the banks are a key area of how you can fight because they're handling the money.

M. Bernier : Yes. Exact.

M. Marceau : Exact.

M. Authier (Philip) : And have you spoken to Mr. Couillard, Mr. Bernier, about this report and what is… What is your feeling of his attitude?

M. Bernier : I gave Mr. Couillard this report immediately.

M. Spénard : Just have it since this morning, I think.

M. Authier (Philip) : OK, yes, I know, I'm just checking.

M. Bernier : You received, the first, this report.

M. Spénard : At the same time. About the banks, you know, just explain to me why the Royal Bank of Canada got eight «succursales»…

M. Marceau : Branches.

M. Spénard : …eight branches in Jersey Island. You know, they have eight branches in Jersey Island, and I asked the vice-president of the Royal Bank : Explain me that. That's for the co-insurance between branches and between banks.

M. Khadir : One is there to ensure the other.

M. Spénard : Co-insurance!

M. Khadir : They really take us for idiots.

M. Spénard : I even don't understand yet what it's really…

M. Authier (Philip) : Merci beaucoup.

M. Bernier : Merci.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Juste une question de précision. Bon, on a vu quelques extraits de vos échanges avec les représentants des institutions financières et bancaires. Est-ce que, comme élus, vous avez fait l'objet de... je ne dirais pas de pressions, mais de... disons, est-ce qu'on vous a appelés par la suite? Est-ce que des lobbyistes ont tenté d'influencer...

M. Marceau : Mon compte de banque est intact.

M. Bernier : Non. Il n'y a absolument rien qu'ils ont...

M. Spénard : Moi aussi.

M. Bernier : Il ne s'est pas passé d'enveloppes puis il ne s'est pas passé d'intimidation.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Non, mais pas d'enveloppes, mais des pressions ou des...

M. Bernier : Non, non. On n'a pas eu de pressions. On a fait notre travail comme commission, mais ça a été difficile.

M. Marceau : Mais ils ont été très récalcitrants. Ils n'ont vraiment pas voulu.

M. Bernier : Il y a des organismes, il y a des entreprises qu'il a fallu convoquer par subpoena. Donc, il a fallu le faire. Il y a des entreprises qui ont été convoquées par subpoena. On a pris la décision de le faire. J'étais, bien sûr, en concertation avec... La commission s'est réunie puis on a dit : O.K., on va y aller dans ce sens-là. Les banques sont venues. Les banques, j'ai négocié pendant un mois, un mois et demi avant de réussir à les convaincre. Mais par la suite on n'a pas eu aucun contact et aucune pression. D'ailleurs, le travail, puis ça, les gens l'ont mentionné, s'est fait à l'intérieur de la commission avec les membres de la commission, O.K.? C'est comme ça que le travail s'est fait.

Le Modérateur : Est-ce que c'est complet pour tout le monde? Oui? Merci beaucoup. Bonne journée, tout le monde.

(Fin à 12 h 9)