(Quinze heures trente et une minutes)
M. Fournier : Alors, j'ai
réservé ce moment dans cette pièce pour présenter un rapport d'étape sur
l'immigration francophone suite à la tenue du premier Forum sur l'immigration
francophone qui s'est tenu jeudi et vendredi derniers.
Aujourd'hui, 94 % des Québécois sont en
mesure de s'exprimer en français. La fréquentation scolaire obligatoire en
français des immigrants et le choix des jeunes anglophones d'apprendre le
français expliquent ce résultat. Ailleurs au pays, c'est plus difficile.
Le Canada s'appuie sur l'immigration pour
relever son défi démographique. Et, jusqu'ici, il n'avait que des cibles
fuyantes à l'égard de l'immigration francophone et ne disposait pas des outils
nécessaires pour maintenir la proportion de francophones au pays. Un choix
s'imposait donc : assumer un véritable leadership pour le progrès du
français et agir véritablement pour augmenter la proportion d'immigrants francophones
à l'extérieur du Québec.
C'est ce que les 13 premiers
ministres des provinces et territoires ont fait en juillet 2016 lors de la
réunion du Conseil de la fédération. Ils ont fixé une cible de 5 %
d'immigration francophone, une première en 150 ans. C'est 1 % de plus
que les citoyens de langue maternelle française hors Québec.
Dans la suite de cette décision, les 30 et
31 mars dernier, jeudi et vendredi derniers, se tenait le premier forum
réunissant les ministres de l'Immigration et ceux de la Francophonie. Un
premier consensus s'y est forgé : établir une nouvelle relation entre le
fédéral, les provinces et territoires, ainsi que les communautés francophones
et acadiennes à l'extérieur du Québec afin de créer une véritable collaboration
pour la prospection, la sélection, l'accueil, l'intégration et la rétention.
Il a été décidé d'organiser un symposium
réunissant les membres du forum et les milieux communautaires francophones pour
jeter les bases de cette nouvelle collaboration. Les provinces et territoires
ont manifesté leur intention d'inclure l'enjeu de l'immigration francophone
dans leurs ententes bilatérales avec Ottawa. Un comité mixte immigration-francophonie
verra à préparer un plan d'action concret concernant le recrutement, l'accueil,
l'intégration et la rétention. Ce plan sera soumis au deuxième forum, qui lui
doit se tenir dans les 12 prochains mois. Notons que, dans l'intervalle, le gouvernement
fédéral a annoncé qu'à compter du 6 juin 2017 les candidatures à l'immigration
connaissant le français seront favorisées en recevant plus de points.
La Fédération des communautés francophones et
acadienne a salué ce premier forum sur l'immigration francophone, je les cite :
«Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont reconnu
l'importance d'agir en partenariat avec les communautés pour enfin atteindre
les cibles en immigration francophone, et ils ont pris des engagements en ce
sens. Maintenant, le temps presse et il importe qu'on travaille ensemble pour
concrétiser ces engagements le plus rapidement possible.» Fin de la citation.
Ce forum historique et ses conclusions
témoignent d'une volonté réelle de multiplier les espaces francophones au
Canada. De plus en plus, au Canada, on réalise l'avantage de la francophonie.
Il y a 275 millions de francophones dans le monde, il y en aura
700 millions en 2050. À notre accès au monde anglophone, les francophones
du Québec et du Canada ajoutent une fenêtre sur le monde francophone, une
fenêtre que les dirigeants politiques du pays veulent enfin ouvrir. Nous avons
un avantage économique, diplomatique, social et culturel dont peu de pays peuvent
bénéficier.
Et pourquoi le Québec est-il si engagé
dans le progrès du français au Canada, incluant le déploiement d'outils pour
favoriser l'immigration francophone? Parce que le français est l'élément
fondamental de notre identité. Nous le voulons fort au Québec et dans le monde,
alors nous le voulons fort au Canada aussi. Et puis une plus grande résonnance
du français au Canada permet aux Québécois une meilleure appartenance au
Canada. Une vaste majorité de Québécois, surtout les jeunes, veulent affirmer
leur allégeance québécoise et raffermir leur appartenance canadienne, ils ne
veulent pas les opposer. Ces appartenances plurielles constituent leur
identité. Le Canada qui ferme la porte au français nous repousse, le Canada qui
ouvre la porte au français nous accueille et nous dit : Québécois, le
Canada, c'est aussi un peu chez vous.
L'éducation en immersion française au
Canada est en progression constante depuis 30 ans. Pour l'illustrer, soulignons
que 50 % des enfants au Yukon fréquentent soit l'école française ou soit
une classe d'immersion française. Sous l'impulsion des 13 gouvernements
provinciaux et territoriaux et avec le gouvernement fédéral, nous aurons
bientôt un circuit touristique de la francophonie canadienne. L'Ontario est
devenue membre de l'Organisation internationale de la Francophonie en novembre
2016. Il faut voir ces progrès.
Et maintenant on constate le choix de tous
les gouvernements pour favoriser l'immigration en français au Canada. Il y a un
nouvel élan, une porte qui s'ouvre pour le français, un nouvel accueil. La
marche sera longue. Il y aura encore bien des batailles, et puis on nous
parlera de Brockville, du règlement 17, ou même du rapport Durham. Mais
au-delà de chacune de ces photographies, il faut dérouler le film et voir les
autres séquences. On voit alors le progrès, le changement et la nouvelle
légitimité du français. On voit alors une histoire complète, pas une seule
image statique qui voudrait nous dire : Voilà deux solitudes. On voit une
série d'images et de séquences qui donnent une autre interprétation et qui
démontrent qu'il y a aussi des solidarités. Le Canada de la diversité, celui
qui reconnaît la diversité individuelle, doit ajouter à celle-ci la
reconnaissance de la diversité collective, la diversité de nos communautés
linguistiques francophones et anglophones, la pluralité de nos diversités
nationales, celles du Québec et des Premières Nations.
Au monde en repli identitaire qui oppose
les appartenances, qui choisit l'antagonisme et la crainte de l'autre, il y a
un autre modèle à bâtir, un autre modèle à offrir, celui de la reconnaissance
de toutes les dimensions de la diversité, celui de l'appartenance commune qui
découle de l'ouverture aux appartenances de chacun et donc aux appartenances
plurielles.
À Moncton, jeudi et vendredi derniers,
cette histoire d'ouverture patiente au français a pris une nouvelle vitesse. Cette
solidarité naissante demande maintenant à être cultivée. C'est un autre signal,
celui que l'on choisit maintenant de s'enrichir de toutes les dimensions de
notre identité pour faire un monde meilleur. Voilà un projet d'avenir. C'est un
projet emballant. Il est bon pour le français, il est bon pour le Québec, il
est bon pour le Canada, il est bon pour le monde.
Le défi restera de partager ces nouveaux
développements à nos concitoyens. Le rapport que je fais aujourd'hui va dans ce
sens : partager cette bonne nouvelle, se rappeler qu'il y aura encore des
luttes à mener, mais qu'en ce moment les développements nous donnent espoir et
que nous devons continuer la route. C'est le but de cette présentation, de ce
rapport d'étape sur l'immigration francophone. Il me reste à espérer que les
médias trouveront opportun de communiquer ces progrès qui témoignent du choix
des leaders du pays de dire : Maintenant, on veut être ensemble pour le
français. Merci beaucoup.
Et, devant l'absence de questions, eh bien,
nous avons terminé. Merci.
(Fin à 15 h 39)