(Treize heures quarante-sept minutes)
Mme Massé : Alors,
bonjour, tout le monde. Dans quelques instants, mon collègue va s'adresser à
vous concernant l'arrêt Jordan et l'utilisation de la clause dérogatoire, mais
je vais commencer par vous parler deux instants de la motion sans préavis qu'on
va déposer tantôt.
En fait, on est plus que jamais préoccupés
du fait que le gouvernement, le ministre de l'Éducation nous met encore devant
une situation où, devant l'urgence d'avoir enfin des cours d'éducation sexuelle
et aux saines relations s'appliquer à l'ensemble des élèves du Québec à partir
de l'automne 2017, on se retrouve dans la situation où le travail n'est
pas achevé, et il veut amener le corps professoral à faire ces interventions-là
sans avoir une bonne finalité des choses.
Je nous rappelle, ça fait plus de 15 ans...
autour de 15 ans maintenant qu'on n'a plus ce type de formation auprès de
nos enfants, alors que, systématiquement, depuis plusieurs années, on déplore
les agressions sexuelles, l'exploitation sexuelle, on déplore les suicides ou
les tentatives de suicide chez les jeunes gais, lesbiennes ou transsexuels,
qu'on reconnaît collectivement qu'on a à faire plus de prévention pour
s'assurer que nos enfants arrivent à l'âge adulte, à l'âge adolescent avec le
bagage nécessaire pour être capables de se protéger et, je dirais, d'avoir des
saines relations avec leurs partenaires.
Ceci étant dit, à quelques semaines, hein — parce
qu'on est rendus au moins d'avril — du début d'une nouvelle année, on
se retrouve avec un projet pilote qui est en marche déjà depuis 2015, septembre
2015. On n'a pas le bilan, le comité consultatif qui a été mis sur pied s'est
rencontré à raison d'une fois par année dans le cadre de ses travaux. Les
professeurs et les syndicats qui les représentent ont sonné l'alarme
dernièrement pour dire : Écoutez, ça n'a pas de bon sens, on n'est pas
équipés pour appliquer, pour donner cette formation-là, il faut donc y aller
mollo.
Alors, bien, nous, à Québec solidaire, on
dit : Bien, c'est vrai qu'on ne va pas retourner dans le champ avec un
projet pilote dont on n'a pas l'assurance que c'est ce qu'on a besoin, mais
ceci étant dit, il existe des groupes qui, depuis des décennies, offrent ce
type d'atelier là et de formation là, et ce sont des groupes communautaires. Et,
s'ils avaient eu, l'an dernier d'ailleurs, et s'ils avaient eu cette année, et
s'ils auraient... s'ils auraient, hein?
Une voix
: ...
Mme Massé : ...s'ils
avaient — voilà, on ne se fera pas prendre deux
fois — s'ils avaient la possibilité de pouvoir intervenir auprès des
enfants à l'école à la session prochaine, ils sont prêts. Ceci étant dit, ça
prend un signal.
Alors, notre position, c'est de dire :
C'est clair, puisque le bilan n'est pas finalisé, il faut qu'il soit finalisé
et bien fait, et ça presse. Il faut que le corps professoral et l'ensemble des
intervenants soient prêts à accueillir ces cours-là. Ça prend des gens formés
aussi pour être en mesure d'aborder ces questions-là. C'est de la prévention
qu'on parle, c'est de la sécurité de nos enfants dont on parle et, pour ce
faire, si le ministre n'est pas prêt, bien, on maintient qu'en septembre 2017
il y a des groupes communautaires qui seraient prêts à être au rendez-vous.
M. Khadir
: Merci,
Manon. Alors pour ce qui est du recours à la clause dérogatoire, pour faire
court, c'est un petit oui et un gros mais. Qu'est-ce que nous entendons par là?
D'abord, il faut dire que, sur le fond, l'arrêt Jordan, sur le fond, est une
réponse salutaire d'un juge qui, s'inquiétant devant des délais déraisonnables,
demande aux gouvernements qui ont mal agi, qui ont peu agi, qui ont peu investi,
qui ont laissé faire, de se grouiller et de faire quelque chose pour rendre la
justice plus accessible, une justice avec des délais plus courts, plus
raisonnables. Parce qu'une justice qui est trop longue à être appliquée, à
procéder, est une injustice.
Maintenant, il faut souligner que le
problème qu'on vit est d'abord un problème dont la responsabilité revient aux gouvernements
successifs qui ont si peu investi pour, souvent, des positionnements
idéologiques. C'est l'austérité. C'est un exemple d'austérité parmi d'autres.
Ce n'est pas uniquement par manque d'investissement, bien sûr, mais le manque
d'investissement, le manque de nominations, le gel de l'embauche de juges et de
personnel explique en partie la situation qui est devant nous, la situation
d'engorgement. Il y a d'autres explications, on le sait, par exemple
l'engorgement des cours partout avec des causes commerciales, c'est une autre
forme de congestion dans notre système à laquelle il faut répondre.
Donc, mauvaise administration, sous-financement
chronique. Il faut trouver un problème sur le fond et ces solutions-là sont
urgentes. Mais en attendant, c'est sûr qu'il faut tenir compte des droits des
victimes également, des droits de la population. Donc, dans ces circonstances
exceptionnelles, avec tous ces mais, on dit un petit oui à la clause
dérogatoire. Moi, je n'ai pas de problème particulier, philosophique à invoquer
la clause dérogatoire. Je suis un indépendantiste et, tant et aussi longtemps
que nous agissons dans le cadre d'un système fédéral, d'une constitution qui ne
répond pas aux besoins des aspirations du Québec, je suis prêt à l'invoquer
quand il est nécessaire pour l'avancement de notre société, pour l'avancement des
causes qui nous tiennent à coeur.
Par contre, dans ce cas très particulier,
c'est sûr que nous le faisons en dérogation de droits fondamentaux. Je l'ai
répété, par définition, l'invoquer dans ce contexte précis, c'est une atteinte
à des droits fondamentaux garantis par la charte, notamment le droit à un
procès juste et équitable dans des délais raisonnables. Mais, compte tenu de ce
que j'ai dit, de façon exceptionnelle et temporaire, puisque de toute façon les
clauses dérogatoires ne s'appliquent que pour cinq ans, bien, on pourrait
convenir publiquement que, si on y recourt, c'est vraiment de manière très transitoire,
pour le bref délai d'un, deux, trois ans qu'on a besoin pour restaurer la
capacité du système de justice d'organiser des procès à la fois au criminel
qu'au civil dans des délais raisonnables. Parce qu'actuellement
l'inaccessibilité à ce système à cause de son engorgement, à cause des délais
est une grave atteinte aux droits des personnes qui sont justiciables.
M. Vigneault (Nicolas) :
M. Khadir, dans ce contexte-là, allez-vous appuyer le débat d'urgence?
Est-ce que, pour vous, effectivement, il doit absolument y avoir un débat
d'urgence dans ce cas-ci, compte tenu de la situation actuelle?
M. Khadir
: De
manière très cohérente, avec ce que je viens de vous dire, nous n'avons aucun
problème à appuyer le débat d'urgence fait par l'opposition péquiste. Nous
allons...
Mme Massé : Bien, on va
voir dans quel cadre, là, tu sais. Est-ce qu'il parle de clause... mais, dans
l'ensemble, sur l'esprit, oui.
M. Khadir
: Bien,
on en a parlé tout à l'heure. Une des difficultés dans ces situations-là, c'est
que vous nous demandez de nous prononcer sur un argumentaire qui n'a pas été
encore soumis par le Parti québécois. Cependant, dans le contexte... on
comprend bien l'idée de l'invoquer pour forcer le gouvernement à invoquer la
clause dérogatoire avec les balises que je viens de mentionner en y lançant l'idée.
Nous sommes d'accord.
Mais je rappelle à nos amis péquistes
qu'ils ont été aussi au pouvoir pour le plus clair des 20 dernières
années. Les programmes d'austérité, les gels d'embauche, le sous-financement de
toute notre administration publique, y compris l'administration de la justice,
ça relève de leur responsabilité aussi.
Alors, il y a quelque chose d'un peu,
malheureusement, irresponsable de la part de tous ces politiciens, de la part
du gouvernement Couillard de s'en laver les mains, une espèce de laisser-faire
qu'on reconnaît bien — on reconnaît bien M. Couillard — qui
pourrait être perçu comme une forme de lâcheté dans les prises de
responsabilité qui sont les nôtres. Mais, de l'autre côté, de la part du PQ,
c'est aussi se déresponsabiliser de se dire que, dans le fond, maintenant,
c'est la faute du fédéral. Non, mon ami, M. Lisée. Vous étiez conseiller
de ce même parti pendant des années et des années et vous l'avez conseillé pour
sous-financer toute l'administration publique sous couvert de l'atteinte du
déficit zéro, une idéologie, maintenant, qui a ruiné la plupart des économies
occidentales, et l'Europe, comme nous, en souffre aujourd'hui.
Mme Massé : Merci.
(Fin à 13 h 56)