(Quatorze heures trente-trois minutes)
M. Pagé
: Alors,
bonjour à tous et à toutes. Donc, aujourd'hui, après plusieurs mois d'attente,
le fédéral a finalement déposé son projet de loi sur le cannabis. Vous
comprendrez qu'on n'aura pas eu le temps d'en prendre connaissance dans sa
totalité, dans son entièreté, parce qu'il contient 141 pages. Ce qu'on nous dit
par ailleurs, c'est que ce projet de loi laisse place à beaucoup de règlements.
Donc, il y aura certainement matière à continuer le débat suite au dépôt du projet
de loi.
Ce qui est assez particulier, c'est de
constater qu'après 18 mois de préparation Québec n'a jamais été
véritablement consulté. On a entendu comme vous hier la ministre Lucie
Charlebois nous dire qu'elle n'avait jamais eu de contact direct sur le sujet,
et ça, on le déplore parce que cette décision-là, elle est prise à Ottawa, mais
les conséquences vont être essentiellement dans la cour du Québec, du
gouvernement du Québec et de nos autorités.
Alors, bien sûr, certains diront : Il
y a un marché lucratif lié effectivement à la vente, à la légalisation de la
marijuana, mais ce qu'il faut avoir comme réflexion, et c'est ce qui guide
notre réflexion, c'est une question de santé publique. Avant de revenu public,
il faut penser santé publique et penser sécurité, et c'est vraiment à cet
égard-là que nous devons... c'est vraiment sous cet angle-là qu'il faut
réfléchir quand on pense à la légalisation et à la mise en place de tout le
processus qui va permettre la vente, la possession de la marijuana.
Et nous avons eu un débat au caucus. Nous
avons eu un débat au caucus. Nous nous sommes tous exprimés et nous nous sommes
rapidement rendu compte que, les pères et les mères de famille que nous sommes,
nous vivons exactement les mêmes inquiétudes que la population nous confie dans
nos bureaux de circonscription, nous envoie comme courriels, comme téléphones.
La population est inquiète. Pourquoi? Parce que ce débat de société n'a pas eu
lieu, et c'est la raison laquelle nous avons justement demandé hier, avec notre
chef Jean-François Lisée, qu'il y ait un débat public sur la question et rapide
parce qu'on sait que la mise en application de la loi qui entrera en vigueur à
partir de 1er juillet 2018 donne peu de temps à Québec pour se
préparer pour les endroits entre autres où sera distribuée la marijuana.
Alors, on veut que ce débat ait lieu, ait
cours très rapidement. Une lettre est signée depuis aujourd'hui demandant au
gouvernement de statuer sur une commission parlementaire qu'on appelle un
mandat d'initiative pour réfléchir, d'une part, avec les experts, mais entendre
aussi les préoccupations de la population et voir où la population est rendue à
l'égard de la légalisation de la marijuana et la façon dont on devrait le
permettre et le mettre en place. Voilà.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Il y a un petit détail intéressant dans le projet de
loi qui concerne l'alcool au volant. Les policiers n'auront plus besoin d'avoir
des soupçons raisonnables pour demander un échantillon d'haleine. Est-ce que c'est
une bonne ou une mauvaise nouvelle, selon vous?
M. Pagé
: C'est un
détail que je n'ai pas. Alors, j'aimerais bien vous répondre clairement, mais
je n'ai pas ce détail. Ce que j'ai lu aujourd'hui, c'est que tout simplement à
partir d'un soupçon on pourrait demander à la personne de passer le test. Mais,
encore là, nous sommes dans la zone grise où on sait encore peu de choses, et probablement,
par les règlements, on aura plus de précisions, mais ce ne sont des règlements,
évidemment, qui ne viendront qu'après l'adoption du projet de loi, à moins que
les oppositions exigent que les règlements soient déposés simultanément. Mais,
à ce moment-ci, on n'a pas les détails.
M. Boivin (Mathieu) : M.
Pagé, quelles sont les questions les plus importantes qui restent encore à
régler dans cette affaire-là? Qu'est-ce qui vous vient en tête spontanément,
là, comme inquiétude, mettons?
M. Pagé
: Beaucoup par
rapport aux jeunes, beaucoup... bon, l'association des psychiatres, hier, se
prononçait à savoir qu'on ne devrait pas permettre la consommation ou l'achat à
moins de 21 ans. Est-ce qu'au Québec on pourrait avoir l'alcool à 18 ans et
légaliser la possession, la consommation de cannabis à partir de 19, 20, 21
ans? Je pense que ça fait partie du débat de société que nous devons avoir,
parce qu'on sait que consommer et consommer tôt pourrait avoir un impact
important. Et c'est la raison pour laquelle l'association des psychiatres
suggère 21 ans, parce que le cerveau est en développement jusqu'à l'âge de 25
ans. Alors, c'est le genre de débat qu'il faut faire.
Sur la distribution aussi, je pense qu'il
faut faire le débat. Est-ce que la SAQ pourrait devenir la SCQ, la société du
cannabis du Québec? La question se pose. Est-ce que ça devrait être la SAQ,
mais dans des locaux complètement indépendants ou à même les locaux de la SAQ?
Ça aussi, la question se pose.
Bon, il y a la possession de quatre plants
à la maison. Certains disent... Est-ce que c'est trop, ce n'est pas assez?
Jusqu'où devons-nous aller? Il y a une question aussi de production qui revient
souvent sur le sujet. Alors, il y a plusieurs questions.
M. Authier (Philip)
:
Le fédéral parlait d'un groupe de travail itinérant qui va faire des consultations
à travers le pays, maintenant, là. Ça, ça ne suffit pas, selon vous, comme
consultations? Bien sûr, ils vont venir au Québec. Je veux dire, est-ce que ça
peut suffire, comme consultation du peuple ou vous voulez quelque chose
parallèle ou...
M. Pagé
: Je suis
heureux d'entendre que le fédéral ait compris l'importance d'aller consulter la
population, mais j'aimerais que mon gouvernement, à Québec, entende la même
chose et comprenne la même chose : que la population est inquiète, la
population souhaite se prononcer, la population souhaite proposer également. Et
ça, je ne l'ai pas encore entendu de la part de mon gouvernement, et c'est ce
que je veux entendre, parce que, même s'il y a une consultation avec les
autorités fédérales, ça ne sera pas celle du gouvernement du Québec, et il y
aura des lois qui devront être présentées à Québec et non à Ottawa.
M. Croteau (Martin) : M.
Pagé, le gouvernement fédéral dit présenter ce projet de loi afin de protéger
les jeunes et de retirer le commerce du cannabis des mains du crime organisé.
Ce que vous voyez aujourd'hui, est-ce que vous pensez que ça va atteindre ces
objectifs-là?
M. Pagé
: Bien, on
souhaiterait. Je vous dirais que ça fait souvent partie des arguments pour et
des arguments contre parce qu'on dit qu'effectivement… Vous avez entendu Robert
Poëti, hier, nous dire qu'il y aura toujours une place, malheureusement, pour
le crime organisé, pour la contrebande. Alors, il y a là aussi la fluctuation
du prix qui peut jouer un peu, comme pour la cigarette. Quand on augmente trop
les taxes sur la cigarette, on favorise la contrebande. Ça peut être un peu la
même chose avec le crime organisé et la contrebande de cannabis.
M. Croteau (Martin) : Oui,
mais là vous l'avez, le projet de loi, il est devant vous. Vous avez l'âge
minimal, vous avez la quantité prescrite par la loi, vous avez le nombre de
plants qui est permis, vous avez la certitude que ce sont les provinces qui
vont distribuer. Est-ce que ce sont des éléments qui vous rassurent ou, au
contraire, qui vous inquiètent?
M. Pagé
: Bien, nous
sommes toujours inquiets parce que nous sommes dans du droit nouveau et… un peu
comme quand on a légiféré en matière d'alcool. Ça a été un peu la même chose,
et on s'est ajustés avec le temps. On s'est tellement ajustés avec le temps
que… Souvenez-vous, dans les années, à peu près, 70, ça prenait l'âge de 21
ans. Avec le temps, on s'est rendu compte qu'avec 18 ans c'était correct. Je
pense que c'est du droit nouveau, qui fera en sorte qu'on s'ajustera au fil du
temps et qu'on pourra constater les effets positifs ou négatifs.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que vous pouvez concevoir, à la lumière de ce que vous avez compris du projet
de loi, là, que le Québec pourrait se soustraire à la légalisation ou, à tout
le moins, rendre ça tellement difficile d'accès qu'il n'y aura pratiquement pas
de cannabis qui va se consommer légalement?
M. Pagé
: Bien, ce
n'est pas ce que j'ai entendu des intentions gouvernementales présentement.
Quand j'entends ce que M. Couillard nous dit, il semble voir même des effets
plutôt positifs, donc j'ai l'impression que nous allons aller de l'avant.
Maintenant, comment allons-nous aller de
l'avant? Je suis heureux qu'enfin M. Couillard s'en saisisse, parce qu'il y a
quelques mois à peine, quand on posait la question à M. Leitão, il badinait sur
la question et, au lieu de faire des farces sur la question, il aurait dû
interpeller très rapidement sa collègue qui est à la prévention et lui dire :
Commençons à réfléchir à la question. Et soudainement, cette semaine, tout le
monde dit : Il faut faire quelque chose. Alors, on trouve qu'on a perdu un
peu de temps, là.
M. Croteau (Martin) : …juste
une dernière. Le gouvernement lui-même souffle un peu le chaud et le froid. M.
Couillard voit des côtés positifs, mais à peu près tous ses ministres ont
présenté les inconvénients de l'affaire. Aucun des partis d'opposition n'a une
position établie sur la question.
Dans ces circonstances, est-ce que le
Québec va être capable de réglementer la distribution, toutes les modalités de
légalisation avant juillet 2018, selon vous?
M. Pagé
: Bien, le
Québec n'a pas le choix de réglementer, et là nous sommes confinés à un temps
qui est très, très court, alors il faudra agir rapidement. Et ce qu'on reproche
au gouvernement, c'est de ne pas avoir agi plus rapidement en amont. Pourtant,
on l'annonce déjà depuis des mois que cela allait arriver très bientôt.
Alors, comment se fait-il que cette
semaine tout le monde réagisse quand pourtant, depuis des mois, on l'annonce et
quand on comprend qu'il y aura des conséquences qui peuvent être importantes
pour les jeunes et pour l'ensemble de la population? Parce qu'on parle souvent
des jeunes, oui, c'est important, mais sur l'ensemble de la population.
M. Bovet (Sébastien) : ...que
le gouvernement va aller de l'avant, de toute évidence. Est-ce que c'est une
bonne idée? Si oui, pourquoi? Sinon, pourquoi?
M. Pagé
: Bien, de
toute façon, la décision ne s'est pas prise à Québec. La décision, elle se
prend à Ottawa. Donc, nous, nous vivons avec les conséquences de ce projet de
loi. Si vous demandez : Est-ce que le Parti québécois, il est pour? M.
Lisée a répondu hier à cette question. Je dirais majoritairement, peut-être pas
avec une forte majorité, mais majoritairement, les députés du Parti québécois,
si nous avions à nous prononcer, nous voterions pour, mais ça serait un vote
libre.
Pourquoi? Parce qu'un peu comme mourir
dans la dignité, ça peut confronter certaines valeurs, et il y a des gens qui
sont pour, qui sont contre. Il n'y a aucun député ici, à l'Assemblée nationale,
qui a été élu sur cette question-là. Alors, ça serait un vote libre. Ça serait
un vote libre, mais, à partir du moment où le fédéral va de l'avant, il faut
que, nous, nous agissions sur les champs de compétence que nous avons.
M. Bovet (Sébastien) : Mais,
si j'ai bien compris, et je reprends la balle au bond de Martin, il y a comme
une espèce d'«opting out» dans la loi fédérale, où, si des provinces veulent
tellement restreindre l'accès à la marijuana, le gouvernement fédéral se
propose lui-même d'envoyer ou de shipper les quantités que des résidents d'une
province qui ne voudrait pas vendre de marijuana voudraient, désireraient.
Est-ce que vous pensez que le Québec doit
lui-même encadrer ou s'il doit se retirer et laisser au fédéral le soin
d'envoyer aux Québécois la marijuana?
M. Pagé
: Vous savez,
j'aime beaucoup votre question parce que c'est justement la question qu'on
aimerait également soumettre à la population lors de ce mandat d'initiative que
nous demandons au gouvernement. Et, s'il avérait que le gouvernement décidait
d'aller de l'avant, dès les prochaines semaines, pour qu'on puisse déposer un
rapport dès septembre ou octobre, nous aurions des réponses à ces questions-là.
Parce qu'on le sent, on l'entend, on a vu des sondages, la population est quand
même relativement divisée sur la question. Et je pense qu'il faut la soumettre,
cette question-là, parce qu'il y a un débat de société autour de cette
question.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que vous auriez souhaité plus de clarté sur tout ce qui touche la taxation de
marijuana et le partage des revenus que ça va engendrer pour les deux paliers
de gouvernement, peut-être même les trois, avec les municipalités?
M. Pagé
: Oui, effectivement,
parce que les municipalités peuvent être interpellées aussi à certains égards
par rapport à cela. Écoutez, on est encore dans des questions qui sont très,
très hypothétiques, et, à ce moment-ci, c'est difficile d'y répondre.
M. Croteau (Martin) :
Êtes-vous déçu qu'il n'y ait pas plus de clarté? Je veux dire, depuis le temps
que... ça fait un an et demi que le gouvernement fédéral est élu sur cette
promesse-là. Vous n'auriez pas préféré que tout soit présenté en même temps :
les règles, la distribution des revenus, tout ça? Est-ce que c'est une façon de
protéger... de procéder, pardon, qui est adéquate, de la part du gouvernement
fédéral, selon vous?
M. Pagé
: Mais où était
le gouvernement du Québec pour poser ces questions? Où était le gouvernement du
Québec? C'est des questions fort pertinentes, que M. Leitão, que Mme
Charlebois, que M. Barrette auraient dû poser. On les a à peine effleurées, et aujourd'hui
c'est comme si tout le monde était surpris.
M. Boivin (Mathieu) : Au net,
M. Pagé, avez-vous l'impression que Justin Trudeau fait payer sa promesse
électorale par les provinces?
M. Pagé
: Est-ce qu'il
fait payer sa promesse électorale par les provinces? Il y aura un coût. Certains
disent : Il y aura des revenus également. Alors, nous, ce que l'on dit :
Oui, il y aura un coût, mais nous souhaitons, nous souhaitons sincèrement que,
si nous allons de l'avant à Québec, avec cette possibilité de distribuer, nous
souhaitons sincèrement qu'une grande partie des profits aille rapidement en
prévention et même dans une caisse qui pourrait engendrer des montants mis de côté
pour ce qui pourrait arriver éventuellement. Alors, prévention doit être
vraiment la ligne qui doit guider les interventions. Et, quand on parle de
profit potentiel, il faut que cet argent-là soit bien engrangé pour prévenir.
M. Bovet (Sébastien) : À
votre connaissance, est-ce que ce que rapporte l'alcool, par exemple, en taxes
et revenus, ou si l'alcool va à des programmes de toxicomanie, est-ce qu'on
peut dédier comme ça des sommes directement à la base de la perception?
M. Pagé
: Je vous
dirais, c'est ce qu'il faut et c'est ce que l'on souhaite. C'est ce que l'on
souhaite. Il y a une responsabilité déjà que la SAQ a, et cette SCQ, je pense,
aurait cette responsabilité-là également. C'est la raison pour laquelle nous
sommes plutôt favorables à ce que ça soit une société d'État, un peu à l'image
de la SAQ, qui contrôle sa distribution, si jamais distribution il y a.
La Modératrice
: Merci.
M. Pagé
: Merci, tout
le monde.
(Fin à 14 h 47)