(Neuf heures dix-sept minutes)
La Modératrice
: Alors,
bonjour à toutes et à tous. M. Dave Turcotte, porte-parole du Parti
québécois en matière de services sociaux et protection de la jeunesse, va faire
une déclaration. Ensuite, M. Denis Cadieux, qui est le père de Jonathan,
pour qui on dépose une pétition aujourd'hui, et Mme Anik Larose, directrice
générale de l'Association du Québec pour l'intégration sociale, vont parler. M. Turcotte,
la parole est à vous.
M.
Turcotte
:
Bonjour. On est réunis ici aujourd'hui parce que je vais déposer une pétition,
une pétition qui totalise plus de 6 000 pétitionnaires, 6 000
pétitionnaires qui dénoncent la situation que la famille Cadieux vit
actuellement, vit depuis le 26 novembre dernier. Quand on cherche des
conséquences de la réforme du ministre Barrette, on en a une devant nous.
Ce qui est arrivé, c'est que la famille
Cadieux avait la chance de pouvoir vivre heureuse, paisiblement avec Jonathan,
avec leur enfant. Elle avait... pas le privilège, mais avait l'occasion d'avoir
du répit pour pouvoir... permettre de vivre ces moments avec leur enfant, et,
suite à la réforme du ministre Barrette où il y a eu un mélange de structures,
bien, pour le prétexte d'uniformiser les services, donc une approche plus de
mur-à-mur plutôt qu'un service en fonction des besoins réels des familles et
des besoins, mais on a enlevé Jonathan à la famille, et maintenant Jonathan est
placé. Donc, ça faire en sorte que la famille ne peut pas être aux côtés de
Jonathan, de leur enfant.
Nous, on croit qu'il faut s'assurer au Québec,
il faut favoriser, au Québec que les enfants, que les parents puissent vivre le
plus longtemps possible ensemble, bien entendu lorsque la santé le permet. Dans
ce cas-ci, les parents ont la santé, ont la capacité de le faire, mais malheureusement,
pour un choix de mur-à-mur administratif, ils ne peuvent pas avoir le répit suffisant
pour pouvoir s'occuper amplement de Jonathan, ce qui fait en sorte que Jonathan
est placé.
Donc, pour la société, c'est un choix beaucoup
plus onéreux, ça coûte plus cher aux contribuables, mais en plus ce n'est pas
un choix humain puis ce n'est pas un choix logique pour la famille puis pour
que Jonathan soit le plus épanoui possible, le plus heureux possible. Donc aujourd'hui,
je vais déposer une pétition qui a été signée depuis plusieurs semaines par
plus de 6 000 personnes pour dénoncer cette situation.
M. Cadieux va pouvoir vous expliquer davantage
ce qu'il vit, ce que la famille vit actuellement.
M. Cadieux (Denis) :
Merci. Oui, bonjour, M. le ministre et M. Charest. Premièrement, je tiens
à remercier M. le député Dave Turcotte d'appuyer notre pétition, de la
présenter. Le fait de ne pas avoir notre fils chez nous, c'est vital. Je veux
dire, on est actuellement, depuis le 26 novembre, malheureux. On ne sait pas ce
qui se passe avec Jonathan. Il est tellement vulnérable. Jonathan, il ne parle
pas. Il faut toujours le surveiller, le faire manger. Il n'est pas propre. Avec
ses parents... on a l'habileté, avec Jonathan... et qu'il soit heureux, tandis
que, là, Jonathan est en contention.
C'est quoi, la contention? C'est être
attaché. C'est quoi être attaché? Jonathan n'a rien fait de mal dans la vie.
Chez nous, il n'est pas attaché, Jonathan. Il est heureux. Il circule de maman
à papa et il circule... c'est des enfants tellement affectueux, ces enfants-là.
Il veut des caresses sans cesse, et on comprend très bien... on décèle les
signes que Jonathan... s'il a soif, s'il veut quoi que ce soit, on le comprend
très bien.
La contention de Jonathan... il est
attaché là-bas jour et nuit. Jour et nuit, là, on parle de gros bracelets en
cuir noir qui tiennent ses poignets et qui sont fixés à sa ceinture en cuir par
un anneau, ce qui rend Jonathan incapable de fonctionner, d'après nous, parce
que, chez nous, il n'est pas attaché, il circule. Et, en plus d'être attaché,
Jonathan porte un chapeau, un chapeau sur la tête, et jour et nuit. Chez nous,
Jonathan ne porte pas de chapeau. Alors, comment on peut savoir que Jonathan
est heureux?
Quand je vais chercher Jonathan, je vois tout
de suite ce qui se passe. Il fait le signe «fini». Je vois que les intervenants
ne comprennent pas. C'est moi qui leur dis : Ah! Jonathan, tu es content,
c'est fini. Il veut dire que c'est fini. Ah! Jonathan, tu veux dire qu'on s'en
va à la maison. Là, il est tellement content dans l'auto, il touche ses cheveux.
C'est un manque, là, qu'il a eu. Il touche ses cheveux, son visage. Il cherche
à agacer. Il sait que papa, quand je conduis, il ne faut pas qu'il me touche.
Mais il se rappelle de ça, puis il essaie de m'agacer, de me toucher. Puis là
je lui dis : Papa, il ne veut pas, Jonathan, c'est dangereux. Il trouve ça
drôle. Et tout le long du trajet, c'est 45 minutes, à peu près... mais
normalement, quand on est heureux, on va le démontrer, ça dure, quoi, cinq
minutes? Mais Jonathan, c'est 45 minutes, tout le long. Je vois qu'il y a eu un
manque. Et ça, ça vient nous déchirer surtout quand il faut aller le
reconduire. Le fait d'être attaché, ça me fait penser comment Jonathan est
impuissant face à ça, hein, c'était quoi, l'exemple qu'on me disait?
Une voix
: S'il y a une
mouche qui vole ou un maringouin qui arrive sur son front ou sur son visage,
Jonathan, il n'est pas capable de l'enlever, il a les mains attachées.
M. Cadieux (Denis) :
C'est terrible, ça, en réalité, quand on pense qu'il est tellement vulnérable,
cet enfant-là, qu'avec les autres enfants il peut être poussé. Là, à ce
moment-là, il se trouve à être en danger. Et tellement qu'il est là, Jonathan,
il faut se rappeler que depuis 20 ans, plus de 20 ans, il y a toujours eu du un
pour un. Alors, comment ça peut être demandant pour les intervenants! Alors,
imaginez l'énergie que ça demande à la maison, mais on ne se plaint pas tant et
aussi longtemps qu'on va être en santé et on fait pour. On fait des exercices à
tous les jours, puis tout fonctionne bien. Alors, à ce moment-là, Jonathan, il
n'a pas demandé pour être au monde, lui. Il a demandé d'être heureux, puis
c'est notre devoir. Si on a décidé de l'amener, de le garder à sa naissance,
bien, on assume. On ne prend pas le chemin le plus court. On assume et on veut
qu'il soit heureux toute sa vie. Quand on ne sera plus en santé, un de nous
deux, bien là, à ce moment-là, ça sera notre décision, qui sera déchirante à ce
moment-là... ça sera notre volonté. Voilà le but de la pétition. Et je remercie
sincèrement les supporteurs de la pétition. 6 000 fois merci! Mon épouse
et moi, on n'a pas Internet, mais on a cumulé à la main 4 500 signatures.
C'est la preuve d'amour pour Jonathan.
Une voix
: Et tout le
monde qui a signé la pétition, un gros merci.
M. Cadieux (Denis) : Oui.
Voilà.
La Modératrice
: Merci.
Mme Larose.
Mme Larose (Anik) :
Bonjour. Je suis la directrice générale de l'Association du Québec pour l'intégration
sociale, qui est une fédération qui regroupe des associations en défense de
droits des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle. Pour
l'AQIS, il s'agit bien là d'une aberration, d'une aberration du système qui,
disons-le, n'a pas de coeur, qui a plutôt une vision de gestionnaire, une
vision d'équité, semble-t-il, par rapport à certains besoins, par rapport à
faire une espèce d'iniquité ou de... comme disait M. Turcotte, un
mur-à-mur, mais ça n'a pas de sens. Ça n'a pas de sens parce que les besoins ne
sont pas les mêmes. Ici, on parle de quelqu'un qui a de grands besoins, qui a des
problèmes de comportement également.
Manifestement, la solution qui a été
présentée pour on ne sait pas trop quoi, parce qu'on s'imagine que ça peut
coûter plus cher que la situation qui était là préalablement, mais cette
situation-là n'est pas adéquate pour Jonathan. La preuve en est qu'il doit être
attaché pour qu'il puisse rester là.
Donc, on trouve que ça n'a aucun sens. On
considère, nous... L'AQIS a été formée, a été créée par des parents. Donc, on
revendique l'expertise des parents à s'occuper de leur enfant. De plus est,
cette famille-là souhaite garder leur enfant. Dans les années 60, la société
québécoise a pris la décision et a pris le virage de sortir les personnes qui
avaient une déficience intellectuelle des institutions. Est-ce qu'en 2017 à
cause des coupures, à cause d'une réorganisation du réseau qui milite plus sur
une intervention médicale, on va revenir en arrière? Est-ce qu'on va reculer et
on va remettre dans les institutions des personnes qui ne demandent qu'à vivre auprès
de leurs parents? C'est une préoccupation que nous avons à l'AQIS, c'est une
préoccupation que nous avons aussi dans la foulée de tout le questionnement par
rapport à la maltraitance des personnes qui vivent avec une déficience
intellectuelle. Nous sommes extrêmement préoccupés.
Alors, nous interpellons le premier
ministre, nous interpellons le ministre de la Santé, nous interpellons la
ministre déléguée aux Services sociaux, dont nous connaissons la grandeur d'âme
et la grandeur de coeur, d'intervenir personnellement dans cette situation-là
afin que Jonathan puisse revenir dans sa famille adéquatement. Quand viendra le
temps de prendre ces décisions-là, elles seront prises par la famille et non
pas par des gestionnaires et pour des considérations d'organisation de
services. Je vous remercie.
La Modératrice
: Merci.
M. Turcotte.
M.
Turcotte
:
Je crois qu'on a eu un témoignage très touchant de la part de M. Cadieux.
On ne peut pas rester insensible face à de tels propos lorsqu'on les entend et
lorsqu'on s'imagine ce que Jonathan peut vivre, lorsqu'on s'imagine ce que M.
et Mme Cadieux peuvent vivre au quotidien, d'être éloignés, hein, mis à
distance de leur enfant qu'ils ont pourtant eu l'occasion de s'en occuper
pendant toutes ces années, après de chaudes luttes, d'avoir obtenu ce service
de répit là. Aujourd'hui, ce qu'ils demandent, ce n'est pas grand-chose, c'est
d'être avec leur enfant, de pouvoir s'occuper de leur enfant, de pouvoir
s'occuper de Jonathan, de vivre avec Jonathan et d'avoir un service de répit
qu'ils avaient et qu'ils ont perdu suite à une décision purement administrative
de la part du ministre de la Santé de tout centraliser et d'avoir une approche
mur à mur plutôt que des besoins réels des personnes.
Donc, c'est pour ça qu'on dépose la
pétition, et j'espère que le message lancé de nous tous à l'endroit du premier
ministre, du ministre de la Santé, de la ministre déléguée soit enfin entendu
pour que la famille Cadieux puisse enfin vivre heureuse comme elle était avant.
Est-ce qu'il y a des questions? Je vous remercie.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 9 h 29)