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Point de presse de Mme Stéphanie Vallée, ministre de la Justice

Version finale

Friday, June 16, 2017, 12 h 40

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures six minutes)

Mme Vallée : Alors, aujourd'hui, je pense que ça a été un beau moment, à l'Assemblée nationale il y a quelques minutes, pour l'adoption du projet de loi sur l'adoption. C'est un moment historique à bien des égards parce qu'on vient revisiter sur le corps ce qui encadrait l'adoption telle qu'on la connaissait auparavant. On sait à quel point la culture du secret était derrière l'adoption. Les adoptions avaient lieu dans des contextes très particuliers à l'époque.

Ça a pris beaucoup de temps, ça a pris beaucoup de persévérance, ça a pris beaucoup d'efforts pour qu'on vienne à bout de modifier les dispositions du Code civil, d'apporter de nouveaux éléments dans le droit de l'adoption au Québec, de reconnaître aussi, et ça, je pense qu'on ne le dira jamais aussi... autant, d'une part, oui, on revoit le droit de l'adoption, on permet aux gens de connaître leurs origines, on va permettre des contacts aussi, des communications entre l'enfant, entre ses parents d'origine, on permet... on va faciliter les retrouvailles de la fratrie, on va permettre un accompagnement de l'enfant qui va souhaiter... l'enfant de 14 ans ou plus qui souhaitera renouer avec ses parents d'origine, on va lui assurer un accompagnement, mais au-delà de ça, on vient introduire, dans notre Code civil, des notions relatives à la reconnaissance de l'adoption coutumière autochtone, à la reconnaissance de la tutelle coutumière autochtone. Et ça, ça amène à l'introduction, dans notre droit civil... le principe de la tutelle supplétive. Donc, c'est du droit nouveau qui s'inspire de la réalité autochtone.

Je pense qu'aujourd'hui c'est un beau moment parce qu'en souhaitant moderniser le droit de l'adoption, et, derrière moi, il y a des femmes, puis ça a été... oui, il y a eu des hommes dans ce projet-là, mais ça a été un projet porté par Mme Fortin et l'équipe du Mouvement retrouvailles d'abord et avant tout. Un long cheminement, un long pèlerinage qui vous a menés jusqu'ici aujourd'hui où on souhaitait moderniser le droit de l'adoption. On a martelé haut et fort à désuétude des dispositions du Code civil, et ça, bien, ça nous a amenés dans une réflexion beaucoup plus grande qui nous a amenés à aussi reconnaître la réalité des communautés autochtones au Québec, a amené le gouvernement du Québec à entrer en étroite communication pour ces modifications à notre Code civil. C'est une première. C'est la première fois que des modifications au Code civil apportent une reconnaissance de la coutume, du droit traditionnel autochtone. J'en suis très fière.

Tout ça, évidemment, n'aurait pas été possible sans ceux et celles qui m'ont précédé à la Justice parce que, vous le savez, ce projet-là, c'est l'aboutissement de trois rapports, de trois comités qui se sont succédé, qui ont réfléchi. Je pense, entre autres, au rapport de Mme Lavallée, mais je tiens à remercier aussi ma collègue Kathleen Weil, qui était la première à déposer un avant-projet de loi sur l'adoption en 2009, s'en est suivi... par un projet de loi déposé par M. Jean-Marc Fournier. En 2012, élections générales, le projet de loi est mort au feuilleton. Notre ex-collègue Bertrand St-Arnaud avait déposé un projet de loi en 2013. Encore une fois, élection en 2014, le projet de loi est mort au feuilleton. Donc, quand je suis arrivée à la Justice, j'ai pris le bâton du pèlerin, et on a continué le cheminement pour améliorer et pour déposer un projet de loi qui a été bonifié jusqu'à la toute dernière minute, jusqu'à hier, en toute dernière minute en commission parlementaire, on y a apporté des amendements, des bonifications.

Alors, je suis très fière. C'est un beau moment. Ça a été un beau moment de grâce à l'Assemblée nationale, au salon bleu, un moment touchant. Mais je suis aussi fière de tout ce travail qui a été fait pour améliorer la qualité de vie des citoyens et des citoyennes du Québec.

Alors, je tenais à faire le point parce qu'on a eu quelques moments pour s'exprimer en Chambre plus tôt, mais je tenais à vous remercier, mesdames, à vous remercier d'avoir été présentes, de nous avoir accompagnés, d'avoir été présentes aussi tout le long des... les gens du Mouvement Retrouvailles ont été là vraiment tout au long du processus parlementaire, tant dans les consultations que dans l'étude article par article. Elles nous ont fait part de leurs commentaires, elles ont alimenté notre réflexion, et c'est un bel exemple de l'implication citoyenne. C'est un bel exemple aussi du travail parlementaire parce qu'au-delà de nos différences je pense qu'on été à même, ensemble, avec Véronique, avec Simon, d'apporter à terme un projet de loi fort attendu.

Alors, je vous remercie. Je vous remercie de l'intérêt aussi que vous manifestez pour ce dossier-là parce que, tout au long, j'ai senti qu'il y avait aussi un intérêt de la part de certains d'entre vous, et je m'adresse aux journalistes de la colline, pour le projet de loi et les suites que nous entendions donner. Alors, je vous remercie d'avoir suivi ces travaux-là également.

Mme Plante (Caroline) : Mme Vallée, comment le projet de loi a-t-il changé entre son dépôt et l'adoption aujourd'hui? Comment a-t-il été amélioré?

Mme Vallée : En fait, le projet de loi reconnaissait l'adoption coutumière autochtone, mais, lors des consultations, certaines communautés, notamment les Attikameks, nous ont exprimé qu'au sein de leur communauté l'adoption, c'est-à-dire l'acte juridique qui met un terme à la filiation d'origine des parents pour remplacer par une nouvelle filiation, ça, ce n'était pas un concept qui se vivait. On parlait plutôt d'une garde coutumière autochtone. Mais, à lire les mémoires, à échanger avec les communautés, cette garde coutumière autochtone s'apparentait davantage à une tutelle puisqu'elle permettait aux parents titulaires, tuteurs, d'exercer tous les pouvoirs de l'autorité parentale, c'est-à-dire, pour donner un bel exemple, de signer les passeports, les demandes de passeport, de signer toutes les autorisations, et de prendre des décisions importantes dans la vie d'un enfant au même titre que les parents le feraient.

Alors, s'en est suivi un travail de réfection, un travail d'échange pour en arriver avec le concept de tutelle coutumière autochtone qui a été repris parce que, dans notre droit commun à nous, on avait aussi un vide. C'est-à-dire que, parfois, les familles se tournaient vers l'adoption faut d'alternative. Prenons l'exemple d'un couple dont l'un ou l'autre décède. Le parent survivant refait sa vie, souhaite que le nouveau conjoint, la nouvelle conjointe puisse prendre des décisions importantes pour l'enfant, mais faute d'alternative devait se rabatte sur l'adoption, qui avait pour effet d'effacer le lien de filiation d'origine avec le parent décédé. Ce n'était pas souhaité, ce n'était pas souhaitable.

Alors, pour permettre à ces réalités... et de combler ces manques qui existaient dans notre droit actuel, la tutelle supplétive s'est avérée une alternative intéressante, et puis c'est pour ça que je vous disais : Dans ce contexte-là, c'est la réalité autochtone qui nous a amenés à apporter des modifications au sein de notre code. Et nous reconnaissons également la tutelle autochtone, la tutelle coutumière autochtone. Donc, ça, ce principe-là n'était pas au projet de loi.

L'autre élément qui n'était pas présent au projet de loi d'origine, c'est la possibilité de réunir la fratrie. Et je pense que vous avez plusieurs membres de votre organisation qui souhaitaient faciliter les rapprochements entre frères et soeurs adoptés, qui n'avaient pas été adoptés par une même famille. Alors, on a ajouté des dispositions pour permettre et faciliter la réunion de la fratrie.

On a aussi, par amendement, introduit une modification permettant à l'enfant de recevoir un accompagnement de la protection de la jeunesse. Donc, l'enfant de 14 ans et plus qui souhaite rejoindre, qui souhaite faire les liens avec ses parents d'origine, bien, souvent, aura besoin d'un accompagnement. Alors, lors des consultations, certains organismes, dont les directeurs de la protection de la jeunesse, nous ont dit : Un jeune de 14 ans, 15 ans a peut-être besoin d'un accompagnement qui n'est pas nécessairement un accompagnement familial parce qu'on sait que, parfois, un enfant va être tiraillé par des conflits de loyauté entre ses parents biologiques et... le désir de renouer avec ses origines et l'amour, l'affection qu'il porte pour ses parents adoptants. Donc, avoir un tiers professionnel qui accompagne l'enfant dans le processus, ce serait important. Donc, ça s'est ajouté au projet de loi.

On a aussi réduit le délai après lequel on pourra faire une recherche d'origine pour ceux et celles qui ont été adoptés avant la modification du code. Donc, le projet de loi prévoyait un délai de 18 mois entre l'entrée en vigueur de la loi et la possibilité d'obtenir l'information. Maintenant, ça a été réduit à 12 mois, 12 mois pour permettre de préserver le pacte social parce que tout ce projet de loi là a été un jeu d'équilibriste, je vous dirais, entre l'importance de préserver le droit à la vie privée de celles et de ceux qui ont fait le choix de l'adoption à un moment de leur vie qui n'est pas toujours simple, qui est parfois chargé d'émotion et chargé parfois de souvenirs très difficiles, et ce besoin, cette quête identitaire qui est si chère à plusieurs hommes et plusieurs femmes qui ont été adoptés. Donc, en arriver à concilier ces deux concepts-là, ce n'est pas simple. La jurisprudence... parce que l'expérience des autres provinces a été aussi à la base de notre réflexion, et donc, de ramener ce délai-là à 12 mois, on pense que ça permettra de faire un pas de plus vers la reconnaissance des origines.

Mme Plante (Caroline) : Pourquoi les groupes autochtones ne sont pas présents avec vous ici, là?

Mme Vallée : Bien, on a des représentants qui les représentent, il y a des gens qui n'étaient pas disponibles parce que, vous savez, on a terminé l'étude article par article hier après-midi. Mais je vous invite... J'ai vu certains communiqués passer. J'ai présenté les amendements aux communautés autochtones lors des premières journées de l'étude article par article. Le chef Picard était présent avec nous à ce moment-là. Le travail s'est fait en étroite collaboration avec les communautés autochtones. Je vous dirais, à quelques heures d'avis, ce n'est pas toujours simple de se déplacer sur Québec, mais je sais qu'ils sont avec nous de tout coeur et je sais qu'aujourd'hui c'est un grand pas dans ce travail d'interaction de nation à nation qu'on a amorcé.

Donc, ça paraît... Ce n'est peut-être pas évident aux yeux de bien des gens, mais aujourd'hui on met une pierre de plus et on... c'est-à-dire, on franchit un pas de plus dans nos relations avec les premières nations et les Inuits ici, au Québec.

M. Vigneault (Nicolas) : Mme Vallée, on a vu beaucoup d'émotion à l'Assemblée nationale. Vous sembliez également émue. Je pense que tout le monde l'était. Comment vous avez vécu ce moment-là? Parce qu'il y a un mois à peine, c'était le projet de loi n° 62 qui venait, et ça vous rappelle des souvenirs certainement.

Mme Vallée : Oui!

M. Vigneault (Nicolas) : Comment vous avez vécu, on peut dire, tout ce débat-là au cours du dernier mois? Et comment vous avez vécu le moment à l'Assemblée nationale?

Mme Vallée : Ça a été un moment très spécial, je vous dirais, parce que, lorsqu'on dépose un projet de loi, c'est parce qu'on y croit. Puis lorsque j'ai déposé le projet de loi, en octobre dernier, je le déposais, j'y avais mis beaucoup d'énergie, beaucoup d'efforts, et c'est quelque chose auquel je croyais parce que j'étais aussi présente en 2009, en 2012, en 2013, donc je me souviens d'avoir talonné Bertrand St-Arnaud, à l'époque, en lui disant... en prenant le projet de loi que Jean-Marc avait initialement déposé, en disant : Il est écrit, là, M. le ministre, là, c'est facile, déposez-le. Alors, les choses qu'on dit lorsqu'on est dans l'opposition.

Mais tout ça pour dire que j'y tenais beaucoup. Je suis très heureuse du dénouement et de l'issue de tout ça. Ça a commandé des efforts, effectivement, ça a commandé une mobilisation des équipes parce qu'on l'oublie souvent, moi, je porte ce projet de loi là à titre de ministre, mais, derrière ce projet de loi, il y a des hommes et des femmes, il y a des juristes qui ont travaillé très fort pour arriver, au moment du début de l'étude par article, à présenter les amendements sur lesquels on travaillait depuis la fin des consultations. Donc, il y a eu un travail incroyable de la part des équipes du ministère de la Justice, de la part des équipes du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Puis, personnellement, je vous dis, aujourd'hui, c'est un beau moment, c'est un beau projet de loi. Je suis fière, je suis fière du travail qui a été fait collectivement, je suis fière du travail parlementaire. Oui, je l'ai déposé, mais j'ai aussi des collègues qui ont travaillé avec moi à l'amener à terme. Notre volonté, c'était de l'adopter d'ici la fin de la session, et c'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous avons réussi, tout en faisant aussi un travail extrêmement minutieux, d'assurer que nous en arriverions au meilleur projet de loi possible. Mais ça, ça ne se fait pas seul.

M. Vigneault (Nicolas) : J'aimerais entendre mesdames, si vous permettez, Mme la ministre.

Mme Vallée : Oui, oui, oui, tout à fait, tout à fait. 

M. Vigneault (Nicolas) : Mme Fortin, Mme Binette, toutes celles qui veulent s'exprimer, comment vous vivez ce moment-là?

Mme Fortin (Caroline) : Je pense que vous l'avez tous vu, c'est...

Une voix : Ah! on manque de mots, on manque de mots. C'est tellement important pour nous autres!

Mme Fortin (Caroline) : C'est un grand jour, c'est sûr, c'est certain. Puis, comme Mme Vallée le sait, comme Mme Hivon le sait, M. Jolin-Barrette l'a mentionné aussi, ce n'est pas parfait, mais c'est un très grand pas. Vraiment, il y a énormément de personnes qui vont réussir à trouver... à avoir leur identité. Je ne dis pas «à trouver» parce que, dans le fond, elle existe, cette identité-là. Maintenant, bien, ils vont avoir l'opportunité d'y avoir accès. Alors, juste ça, c'est vraiment un très, très grand pas.

Et, bon, il y a eu des améliorations, comme Mme Vallée vient de le mentionner, c'est très apprécié. On est vraiment contents, mais notre travail va continuer, et je suis certaine que Mme Vallée en est très consciente. On n'a pas lâché depuis toutes ces années. Moi, personnellement, je suis sur le dossier depuis près de 20 ans et je suis prête à continuer, mais je vais vous dire qu'aujourd'hui on va prendre ça un peu plus relax. On va vivre le moment présent, et je suis certaine que les personnes que ça va toucher, la majorité vont trouver satisfaction dans le projet de loi, puis on va continuer à travailler pour eux.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Qu'est-ce que ça voulait dire par : On va continuer à travailler?

Mme Fortin (Caroline) : Bien, parce qu'il y a des petites choses encore, là, qui, selon nous... a place à amélioration, là, donc là... on on ne dévoilera pas ici aujourd'hui tout ce qu'on veut faire, mais il y a encore des petites choses qui pourraient être améliorées pour élargir un peu plus. Bien, notamment, peut-être l'information des adoptés pour les parents. Actuellement, le projet de loi garde la loi comme elle est actuellement, les façons de faire. Alors, on aurait aimé que ce soit un peu le même pendant que l'adopté vers le parent. Alors, ça, ça sera possiblement une autre étape. Puis, bon, les choses administratives, bien là, ça, il y en a tellement. Alors, ça, on pourra discuter avec les ministères, et tout ça, en conséquence.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Ça reste un grand pas.

Mme Fortin (Caroline) : C'est un grand pas.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Et là je m'excuse de m'immiscer dans votre vie personnelle...

Mme Fortin (Caroline) : Il n'y a pas de problème...

Mme Lamontagne (Kathryne) : Sentez-vous à l'aise ou pas de répondre.

Mme Fortin (Caroline) : ...sinon je ne serais pas ici.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Pour vous, personnellement, qu'est-ce que ça va changer, concrètement, là, d'hier par rapport à aujourd'hui?

Mme Fortin (Caroline) : Bien, personnellement, moi, ça ne change rien parce que moi, j'ai trouvé ma mère, je connais le nom de mon père, j'ai mes origines. Ce que je fais aujourd'hui, ce que j'ai fait pendant toutes ces années, c'est pour des gens qui sont derrière moi, pour des milliers de membres que l'on a. Et je veux que ces gens-là aient accès, tout comme moi, à leur identité. C'est un droit fondamental, et c'est pour ça que je suis là, pour lutter et les aider dans leurs retrouvailles et dans leurs démarches.

Mme Plante (Caroline) : Est-ce qu'il y a quelqu'un ici pour qui ça change concrètement quelque chose dans sa quête identitaire?

Mme Poitras (Diane) : Oui, oui, oui. Bon, alors, il y a 25 ans, j'ai appris que j'avais une maman polonaise d'origine arrivée ici, au Canada, comme réfugiée. Ça a été toute une surprise pour moi parce que j'ai été élevée en Gaspésie par des parents merveilleux. Alors, dès que j'ai eu mes antécédents sociobiologiques... C'est toute une découverte, d'apprendre ça. Alors, ça a été le coup d'envoi pour moi de savoir qui est cette personne qui a eu le courage de me donner la vie, qui a traversé l'océan Atlantique, elle était enceinte de moi. Alors, c'est toute une histoire. Elle a vécu la guerre, et tout ça. Alors, moi, quand je me regarde dans le miroir, je ne sais pas à qui je ressemble, je suis toute seule, je n'ai pas de référence, je n'ai pas de repères, même si j'ai une belle vie. Alors, c'est très important.

Puis c'est une très belle journée pour moi. Je vous remercie, Mme la ministre. Et je tiens à remercier Mme Hivon et M. Jolin-Barrette. Qu'est-ce que j'ajouterais de plus?

Mme Plante (Caroline) : Qu'est-ce que ça va vous permettre de faire à compter d'aujourd'hui?

Mme Poitras (Diane) : À compter d'aujourd'hui? Bien là, c'est attendre, attendre.

Mme Lamontagne (Kathryne) : La mise en oeuvre... dans sa mise en oeuvre...

Mme Plante (Caroline) : Donc, une fois la mise en oeuvre de la loi, une fois la sanction, et puis, dans 12 mois, etc., qu'est-ce que ça va vous permettre de faire?

Mme Poitras (Diane) : Bien, je vais pouvoir demander et avoir accès à l'identité de ma maman d'origine, l'historique de son arrivée au Canada et de... l'historique de ma naissance, l'historique de sa famille. Je ne sais pas s'il y a d'autres détails, d'où elle venait en Pologne, où elle est restée en Allemagne. Je ne sais rien de tout ça, là. Puis, bien sûr, c'est découvrir qui elle était, l'année de sa naissance, si j'ai des frères et soeurs, si les frères et soeurs sont vivants.

Alors, mettre tout ça ensemble, étudier ça. Mais la première chose, là, c'est avoir le nom de ma mère. Puis je pense que je vais le mettre sur mon cœur puis je vais me bercer avec. Puis j'ai tellement hâte de le savoir. Mme la ministre, il n'y a pas... ah! tout le monde a hâte, je le sais. Mais, en tout cas, moi, ça fait 25 ans que je cogne à la porte du gouvernement, puis vous l'avez ouverte, la porte. Puis je vous remercie. Puis je remercie toute l'équipe parlementaire. J'ai vu ce que c'était, l'étude détaillée d'une loi. Puis j'ai vu que les gens travaillaient, les légistes, et tout ça. Puis j'ai essayé d'apporter, sur le plan humain, mon histoire...

Mme Lamontagne (Kathryne) : Au quotidien, comment c'était de vivre en ne sachant pas tous ces éléments-là que vous apprenez à découvrir?

Mme Poitras (Diane) : Bien, je peux me centrer aussi sur le présent parce que je suis mariée, j'ai une belle-famille, j'ai des petits-enfants, je ne fais pas que ça. Mais disons que c'est une passion. Il y a des gens qui sont passionnés par la généalogie, par l'histoire, puis qui font des recherches incroyables sur leurs ancêtres. Mais, moi, ce n'est rien. Puis ça veut dire aussi : Mon identité, quelle valeur elle a? Ce n'est pas vrai que je ne viens de rien ni de nulle part puis que c'est une personne quelconque à quelque part. C'était une personne, ma mère. J'ai reçu... J'ai su qu'elle était décédée. Mais on marque : Est décédée à 84 ans de telle, telle, telle maladie. Est-ce que c'est humain, recevoir ça comme individu? Alors, je pense 'on a retrouvé plus d'humanisme au niveau du gouvernement, sous votre gouvernement, et de la part de tous les partis, de la part de beaucoup de députés, de la part de ministres.

En tout cas, c'est un grand moment aujourd'hui. Je ne pensais jamais de partir... de la réparation de la porte de la crèche à la porte du parlement, où c'est marqué Je me souviens. Puis le Je me souviens, il n'était pas pour moi. Mais je veux me souvenir puis je veux transmettre ma propre vérité à mes enfants, mes petits-enfants, aux descendants qui suivront. En tout cas, je pense que j'ai dit ce que j'avais à dire. Et les deux jours les plus importants de votre vie, c'est le jour de votre naissance et le jour où vous comprendrez pourquoi. Merci.

Une voix : Alors, merci à tous.

M. Vigneault (Nicolas) : Mme Binette...

Mme Binette (Carole) : Oh! mon Dieu! Qu'est-ce qu'on peut dire après, Diane? Bien, moi, mon histoire, elle ressemble un peu à celle à Diane parce que moi, je suis d'origine hongroise, et donc je ne connais pas du tout mon histoire. Je sais que ma mère biologique, elle était, elle aussi une refugiée de la guerre. Elle a fait les DP camps, les camps pour les personnes déplacées. Elle est arrivée, bon, à Montréal, en 1949. Elle a accouché de moi en 1955. Qu'est-ce qui s'est passé pendant six ans? Je n'ai pas d'information à ce niveau-là. Bon, les antécédents médicaux, je ne les connais pas.

Alors, c'est certain qu'à partir d'aujourd'hui, oui, il y a de l'espoir, il y a une porte qui s'ouvre. Je vais connaître mon histoire. C'est drôle, parce qu'en 2000 j'étais allée à Budapest avec mon mari, j'accompagnais mon mari à un congrès, et je ne sais pas si nos gènes ont une mémoire, mais il y a eu des endroits où est-ce que j'ai parti à pleurer, et je ne sais pas pourquoi. Puis là je me disais : Bien, voyons! Qu'est-ce qui m'arrive? Je ne sais pas.

Alors, j'ai hâte de connaître mon histoire. J'ai hâte de retourner en Hongrie pour essayer de découvrir si j'ai de la famille. Je sais que ma mère naturelle avait trois frères, mais je doute qu'ils soient encore vivants, mais il peut y avoir des cousins, des cousines. Ça permet de... Je ne sais pas pourquoi. Tout le monde me demande : Pourquoi, à l'âge que tu as, que tu es encore à la recherche de tes origines? Mais je pense que ça fait partie de l'être humain de connaître ses origines, de savoir d'où on vient et de savoir aussi où on va. Alors, je crois que c'est fondamental.

M. Vigneault (Nicolas) : C'est un grand jour...

Mme Poitras (Diane) : C'est un très grand jour, puis je remercie encore une fois Mme la ministre, on a surveillé vos travaux de près, avec toute son équipe, l'équipe de Mme Hivon et de M. Jolin-Barrette aussi. Et je tiens aussi personnellement à souligner M. Jean-Marc Fournier, leader parlementaire, parce que le dernier point de presse qu'on a fait, le 17 mai dernier, on était un peu, excusez-moi l'expression, mais débinées. Une binette débinée, ce n'est pas drôle. Et, bon, le lendemain, 24 heures plus tard, M. Fournier avait changé sa décision, et ça, je suis extrêmement reconnaissante envers M. Fournier qui a été vraiment à l'écoute de ses concitoyens. Et je pense qu'il a réalisé aussi jusqu'à quel point c'était important pour nous, les personnes adoptées. Merci.

M. Hicks (Ryan) : Minister Vallée, just... You talked about it being a balancing act, this bill. In what way was it a balancing act?

Mme Vallée : Because, prior to the modification, it was secrecy with regards to all the information relating to the adoption. The the person that decided to give children out trough adoption knew that their identity would never be revealed. And that was the deal at the time. Now, we're changing it and we are gonna give adoptees the right to know who they are really, where they come from. And, with regards to this principle, we needed to have a time where the people who decided to give their children to adoption could still register a refusal, “un refus, un veto”, kind of… well it's not a veto, but it's a refusal where they state that they do not want their identity to be given out. They can still agree to give out some information, that can be done, but their name will be kept.

So, that's 12 months period, and I know that a lot of adoptees would like that there be no time, no delay for getting the information and I understand that. But, at the same time, we needed to give that moment for those who agreed to a situation when the rules were different.

M. Hicks (Ryan) : How significant was this bill, the fact that it has passed, from what you have learned from talking to people? Or what does this mean for adoptees?

Mme Vallée : Oh! I know it means a lot because knowing where you come from is really part of knowing who you are. And, for many men and women, there was still a question mark to : Where exactly do I come from? Who is my mother? Who is my father? What's the history that's surrounding my birth? And that is very important. And I know that this bill will change the reality of a lot of people in Québec. And we also have all the other modifications that we are also including in the bill that are quite important for families, for men, and women, and children all over Québec. And I think it was long due. Once again, I wish to thank my colleagues because this is the amount of work of past Justice ministers as well and of a lot of colleagues here, at the National Assembly. So, you can never do everything… you can't do anything alone by yourself, and this is quite a great example of this.

La Modératrice : Nous devons maintenant mettre fin au point de presse parce que Mme Vallée est attendue. Je suis désolée.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Une petite question sur Jordan.

Mme Vallée : Oui? Oh! oui, bien, ça va.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Ça ne sera vraiment pas long, pardon. Est-ce qu'on peut comprendre que vous excluez formellement l'application de la clause dérogatoire, là, dans tout ce qui se passe dans la foulée de Jordan?

Mme Vallée : On a toujours... Vous savez, la clause dérogatoire, elle est exclue, pourquoi? Parce que l'utilisation de la clause dérogatoire, d'une part, elle n'a pas d'effet pour les dossiers qui sont pendants. Donc, tous les dossiers qui font l'objet de requêtes actuellement, l'utilisation de la clause dérogatoire n'aurait pas d'effet, d'une part, puis l'utilisation de la clause dérogatoire aurait, et ça, on n'en doute pas, l'effet d'être contestée dans les dossiers. Et donc, qu'est-ce que ça fait? Bien, ça encombre les tribunaux, d'une part, puis, d'autre part, d'utiliser la clause dérogatoire, c'est de dire : Non, la culture judiciaire n'a pas besoin de changer. On baisse les bras, on abdique. Pour un temps limité, on abdique.

Ce n'est pas ce qu'on souhaite faire. On a plutôt été en action. Dès octobre dernier, on a quand même posé des gestes significatifs. On continue de poser des gestes significatifs. J'ai une prochaine rencontre de la Table Justice le 20 juin prochain avec les acteurs. À ce moment-là, on va sans doute recommuniquer avec vous d'autres avancées. Mais la clause dérogatoire, ce n'est pas la solution. Justice doit être rendue en temps utile. On a tous la responsabilité de mener les dossiers à terme. Et ce que Cody a dit aujourd'hui… En fait, ce que la Cour suprême a dit dans l'affaire Cody aujourd'hui, c'est justement ça. D'une part, on maintient les paramètres de Jordan, c'est-à-dire qu'on a une obligation comme société de traiter les dossiers avec diligence et de les traiter dans un délai raisonnable. Oui, c'est pour l'accusé, mais c'est aussi pour les victimes, là. Il faut penser. Une victime d'agression sexuelle qui attend pendant cinq ans, six ans, sept ans son procès, elle ne peut pas tourner la page. Ça n'a aucun bon sens. C'est complètement injustifié.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Mais cette victime-là va peut-être voir son agresseur être libéré étant donné les nouvelles modalités.

Mme Vallée : Vous savez, la plupart des décisions qui ont été rendues au cours des derniers mois, si on les analyse suivant le droit qui était en vigueur avant Jordan, bien, ces dossiers-là, les délais dans ces dossiers-là auraient fort probablement été jugés déraisonnables sous l'ancien régime. Mais aujourd'hui ce que la Cour suprême vient préciser, c'est les paramètres parce qu'au cours des derniers mois on avait des paramètres généraux dans l'arrêt Jordan, mais ils ont été interprétés de façon un petit peu différente d'une décision à l'autre. Et c'est ce qui a mené à plusieurs appels qui ont été logés au cours des derniers mois.

Donc, la Cour suprême vient dire : Oui, les délais sont là, mais on doit aussi analyser les causes qui ont mené à ces délais-là de façon sérieuse. On doit analyser le comportement de l'accusé. L'accusé qui a choisi de prendre des procédures pas pour faire valoir son droit, mais parfois avec l'intention peut-être d'ajouter des procédures, de prolonger, bien, ça, on doit en tenir compte de façon très claire. Les juges, la magistrature a aussi le pouvoir de gérer sa cour et doit le faire, a la responsabilité de le faire. Puis on le voit depuis Jordan parce qu'il y a eu un changement très significatif dans la façon dont les dossiers ont été menés parce que l'électrochoc, c'est l'ensemble du milieu qui l'a ressenti.

Alors, la Cour suprême vient préciser ça aujourd'hui. Donc, nous, on avait fait des représentations dans ce sens parce que, justement, il y avait une interprétation aléatoire qui avait été faite dans le cadre de certaines décisions.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Peut-être qu'ils cherchaient peut-être une souplesse aussi, là, pas juste le Québec, d'autres provinces aussi.

Mme Vallée : Oui, oui. Plusieurs collègues se sont joints à nous dans cette intervention-là. Et je vous dirais que les représentations que nous avons faites ont porté fruit. Donc, moi, quand je lis la décision Cody aujourd'hui, je suis satisfaite parce qu'on peut y retrouver des précisions quant à l'analyse qui doit guider le juge, la juge qui est saisi d'une requête en délai. Et on précise les paramètres, on précise certains éléments, et ça, c'est important. Donc, c'est un pas important, mais à tout ça doivent... on a l'obligation d'intervenir.

Puis, hier, un petit peu... puis je l'ai mentionné à la période de questions, hier, j'étais à la cérémonie d'assermentation de notre nouveau bâtonnier et j'ai croisé la juge en chef de la Cour du Québec, qui me disait : Vous savez, les délais pour fixer à procès, qui étaient de 24 mois au début de l'année, sont maintenant passés à 10 mois depuis l'ajout de ressources dans le système. Donc, les nominations ont été faites à la fin mars, et déjà on ressent les effets.

Donc, c'est comme ça. C'est ça qu'on doit faire. On ne doit pas lâcher. On doit maintenir la cadence. On doit revoir nos façons de faire. On devra apporter des changements au Code criminel. Nous avons une rencontre des ministres fédéraux, provinciaux, territoriaux de la Justice au début septembre, nos sous-ministres se rencontrent la semaine prochaine. Alors, à cet égard, oui, il y a du travail qui doit se faire. J'exhorte encore ma collègue fédérale, nous avons des postes vacants, c'est important de les combler, de les combler le plus rapidement possible.

Mme Lamontagne (Kathryne) : On en a combien pour être juste à jour?

Mme Vallée : Actuellement, il en reste toujours 10 parce qu'il y a eu des vacances. Donc, il nous reste 10 postes à combler. Mais nous aussi, on avait une responsabilité, c'était d'ajouter des ressources dans le système de justice. On l'a fait et on va continuer de travailler avec tout le sérieux que commande ce dossier-là. Mais l'utilisation de la clause dérogatoire, pour nous, ce n'est pas la solution.

M. Hicks (Ryan) : Just one last question in English.

Mme Vallée : Yes.

M. Hicks (Ryan) : Reaction to the Cody decision.

Mme Vallée : Well, it's a an important decision for it gives us more precisions to the different points that judges will have to analyze when they are presented with a motion that is… we will call it a Jordan motion. Now, it's very clear, the Supreme Court stated that we have to really analyze the contribution of everybody into the process. And it gives more specifications with regards to what should be look into. So, for me and for the Government, it's a decision that we are… I wouldn't say happy, but we're satisfied with the decision because, in many points, it recognizes what we have presented in the representations that we made before the Supreme Court.

Une voix : Thank you, Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup.

(Fin à 13 h 42)

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