(Onze heures deux minutes)
M. Paradis (Lévis) :
Merci d'être là, et je serai très bref. Je serai très bref parce que j'ai envie
de laisser rapidement, immédiatement la parole à ceux qui m'accompagnent aujourd'hui.
Vous aurez évidemment reconnu François Bonnardel, mais aussi M. Yvon
Cournoyer, M. Yvon Cournoyer qui a reçu un diagnostic de sclérose latérale
amyotrophique. Et pourquoi M. Cournoyer est là? Parce qu'il porte le
message aujourd'hui, encore une fois, de milliers de Québécoises et de
Québécois, de milliers de familles qui souhaitent un élargissement de l'aide
médicale à mourir. C'est un dossier sur lequel on continue à avancer, c'est un
dossier sur lequel on continuer à presser le gouvernement d'agir, c'est un
dossier sur lequel on souhaite que les oreilles soient attentives aux cris et
aux besoins de ceux et celles qui nous racontent leur vécu.
M. Cournoyer, sans plus tarder, je ne
prends pas plus de temps, je vous demande de prendre la parole. Merci pour
votre courage, merci pour votre vision, merci, paradoxalement, et je le dirai
comme ça parce qu'on s'en est parlé, merci d'aimer la vie comme vous l'aimez. Puis
c'est aussi pour ça que vous venez nous parler aujourd'hui.
M. Cournoyer (Yvon) :
Vous êtes bien gentil.
M. Paradis (Lévis) : La
parole est à vous, M. Cournoyer.
M. Cournoyer (Yvon) :
Merci. Avant de débuter, j'aimerais remercier le parti, la Coalition avenir
Québec, de m'inviter ici et je voudrais aussi vous rappeler que le mois de
juin, c'est le mois de la SLA. Et puis, si vous avez des dons à donner, bien,
pour l'association de la SLA...
Moi, je suis atteint de la SLA. Juste pour
vous donner un point de repère, l'an passé, à la même date, je marchais et puis
je boitais un peu parce que ma cheville gauche était atteinte. Et, comme vous
pouvez le constater, un an plus tard, je suis en fauteuil roulant. En plus,
j'ai de la misère un peu à vous parler parce que mes poumons sont atteints et
j'ai perdu un peu de dextérité au niveau des mains. La maladie, elle va quand
même dans une vitesse assez fulgurante dans mon cas, et puis ça, ça m'inquiète.
Je voudrais m'adresser personnellement au
ministre Barrette. Je demande qu'il fasse une commission parlementaire le plus
tôt possible pour aider des personnes comme Mme Gladu et M. Truchon.
Puis je voudrais aussi m'adresser au premier ministre du Canada, M. Justin
Trudeau. Il a fait la loi C-14. J'aimerais qu'il la présente à la Cour suprême
du Canada, sa loi, parce que la Cour suprême du Canada, si on s'en tiendrait
seulement à cela, je pourrais avoir l'aide à mourir.
Ensuite, moi, j'ai un rêve, puis mon rêve,
là, ultime, là, ça serait qu'un jour je puisse remplir mon formulaire de l'aide
à mourir avec mon médecin, qu'il soit envoyé aux hautes instances et que ça
soit accordé. Par la suite, je pourrais avoir choisi ma date, puis, la veille,
là, que je sois entouré de Chantal, ma conjointe, ma soeur, mon beau-frère, mes
nièces, les petits-enfants, tous mes amis, puis qu'on puisse prendre un goûter,
prendre un verre, jaser, rire et pleurer puis, le lendemain, là, être couché
dans mon lit puis partir puis... de la main. C'est tout. C'est tout ce que je
demande. C'est tout. Merci.
M. Paradis (Lévis) :
Merci, M. Cournoyer. François Bonnardel.
M.
Bonnardel
:
Oui. Bon. M. Cournoyer, vous savez, j'ai reçu, dans les derniers mois, des
centaines de témoignages, de courriels de gens qui m'écrivaient qu'ils vivaient
des situations familiales, et tout ça. Puis, M. Cournoyer, aujourd'hui,
bien, vous êtes le visage, comme François l'a dit, de ces milliers de gens, de
ces milliers de personnes. Que ce soit l'Alzheimer, que ce soit la démence, la
SLA, maladies dégénératives, vous parlez au nom de ces milliers de personnes.
Des courriels qu'on reçoit, puis vous le savez, ces témoignages, vous en avez
reçus aussi suite au passage que vous avez eu à Tout le monde en parle.
M. Cournoyer (Yvon) : Effectivement.
M.
Bonnardel
:
Et je dirais une chose au gouvernement, à M. Barrette, à M. Couillard.
On comprend que c'est un débat qui peut diviser. On ne s'attend pas à avoir
l'unanimité, mais je leur dis, je vous dis : Ne laissez pas ces personnes
de côté. Ces gens veulent parler, veulent témoigner, veulent expliquer un pan
de leur vie, les aidants naturels, les papas, les mamans qui vivent ça. Et
permettez à ces personnes d'expliquer comment eux souhaiteraient, un jour, peut-être
utiliser l'aide médicale à mourir, ce document que vous souhaitez signer un
jour. Vous avez tout mon respect, tout mon respect, M. Cournoyer.
Et, vous savez, dernier point, on a une
session intensive qui s'est terminée, qui, pour moi, n'était pas intensive. On
aurait eu le temps d'entreprendre ce débat. Et je souhaite, avant la prochaine
élection, M. Barrette, M. Couillard, que vous permettiez, dès la fin
de l'été, sinon mois de septembre, qu'on commence cette commission
parlementaire, qu'on puisse entendre les témoignages de ces personnes qui
vivent avec ces maladies pour qu'on soit dans un débat non partisan et qu'on
soit capables, je souhaite, un jour d'ouvrir cette loi qui permettrait à des
gens atteints de ces maladies de dire : Cette liberté de choix, bien, je
la veux pour moi, je la veux avec ma famille, je la veux avec mon conjoint,
avec ma conjointe, mes enfants. Voilà.
M. Paradis (Lévis) : Je
compléterais en disant qu'on connaît la sensibilité de la question, mais, au
moment où je vous parle, moi, j'ai reçu des centaines de courriels, des centaines
de témoignages de gens qui me demandent : Est-ce que ça va commencer bientôt?
Est-ce qu'ensemble on va pouvoir parler? On doit maintenant parler de ça. Des
témoignages de patients qui sont impuissants. Alors, il faut tout simplement
faire bouger les choses, presser le gouvernement d'agir. Dans un débat, et je
le rappelle, transpartisan, non partisan, on ne peut pas se fermer à la volonté
des Québécois et Québécoises qui vivent une situation. On doit davantage
comprendre et s'amener à poser des gestes qui répondront aussi aux demandes de
M. Cournoyer, que je trouve extrêmement courageux. Puis c'est parce que
j'ai vraiment en mémoire le fait qu'au moment où on se parle il y a
probablement des familles qui se posent des questions et qui sont dans un
dilemme aujourd'hui. Travaillons pour faire en sorte qu'ici ensuite on puisse
prendre des décisions qui s'imposent et qui seront le reflet de volonté de
l'ensemble de la population.
Alors, si vous avez des questions pour M. Cournoyer
ou qui que ce soit.
La Modératrice
: On va
commencer avec Mathieu Dion, Radio-Canada.
M. Dion (Mathieu) : C'est
en mars que ça a été annoncé, le début de la réflexion, création d'un comité
d'experts. Encore aujourd'hui, on n'a aucune connaissance de ce comité
d'experts là. Est-ce que c'est normal, selon vous, que ça prenne autant de
temps, trouver des gens qualifiés pour au moins essayer de se pencher sur les
enjeux juridiques et médicaux?
M. Paradis (Lévis) :
C'est particulièrement étonnant. C'est étonnant puis ça... Rien n'empêche rien.
Je veux dire par là que des consultations publiques, de permettre à l'ensemble des
Québécois et des Québécoises, des organisations, des experts à venir échanger
et... On dit un débat. Moi, je le vois comme une franche discussion pour nous
permettre d'aller plus loin, d'autant plus que cette volonté de faire quelque
chose, une discussion comme celle-là, qui est à point donné, là, qui doit avoir
lieu maintenant, se veut non partisane. Nous avons présenté des motions pour
enclencher le processus, elles ont été refusées.
Moi aussi, je me questionne. Qui sont ceux
qui doivent faire partie du comité d'experts? Et, au-delà de leur bilan ou de
leurs consultations, bien, la population doit être aussi partie prenante de ce
grand forum là. Et ça peut se commencer maintenant. Oui, je suis étonné. Oui,
j'aurais souhaité que ce soit plus rapide. Vous me parlez de mars. En février,
c'était le dossier Cadotte-Lizotte, hein, qui a donné lieu au début puis à la
réflexion, mais je pense que, maintenant, c'est le temps. Les gens le
réclament, les gens le souhaitent, et il faut aller dans ce sens-là.
M. Dion (Mathieu) : Mais,
en même temps, ne faut-il pas avoir une connaissance pleine et entière des
faits juridiques, des faits médicaux qui sont associés à ça avant d'avoir un
débat public en commission parlementaire? Ce ne serait pas intelligent, même,
d'attendre ça?
M. Paradis (Lévis) : De
l'attendre, non. Je pense qu'un n'empêche pas l'autre. Moi, je pense que les Québécois...
Il faut savoir aussi, hein... M. Cournoyer vous a raconté son quotidien. Ça
aussi, on a besoin de l'entendre, le cri du coeur de celui qui a reçu un
diagnostic, la volonté de la famille qui accompagne, à travers des témoignages
d'experts qui nous nourrissent aussi de leurs connaissances, mais on ne doit
pas retarder parce que tout le temps perdu, alors qu'on est en mesure de
discuter et que la volonté commune est celle-là, d'ouvrir cette consultation-là,
c'est autant de semaines, de mois de drames pour des familles qui souhaitent
pour le moins engager la discussion qui mènera on ne sait pas où, mais qui nous
permettra pour le moins de mettre sur la table des données qui, ensemble, nous
feront prendre probablement la meilleure des décisions. Oui, les experts, c'est
important. Oui, le bilan est important. Oui, les statistiques sont importantes.
Mais d'entendre la population dans une consultation publique élargie, ça prend
toute sa place et ça peut se faire en même temps.
La Modératrice
:
Véronique Prince, TVA.
Mme Prince (Véronique) :
Oui. Je comprends que c'est de la politique au provincial, là, mais, en même
temps, les lois sont concurrentes avec le fédéral puis le provincial. Est-ce
qu'il y a des représentations aussi, à ce moment-là, qui peuvent être faites
auprès du fédéral?
M. Paradis (Lévis) : M. Cournoyer,
hein, vous n'hésitez pas si vous avez des choses à dire, hein? Je sais que vous
le vivez puis vous le pensez depuis longtemps puis avec beaucoup d'émotion et
de lucidité.
Au-delà de ça, il y a des choses qui se
font. Oui, il y a deux paliers. Mais notre volonté ici aujourd'hui, celle que
l'on exprime à nouveau, c'est de faire en sorte qu'on puisse engager cette
vaste consultation, cette vaste discussion qui implique tous les Québécois et
toutes les Québécoises. On a une société vieillissante, des histoires humaines
comme celle de M. Cournoyer, elles sont nombreuses. M. Cournoyer, là,
et vous le savez probablement, vous parlez au nom de centaines de milliers de
familles qui vivent la même chose, qui n'ont pas cette force-là, ce courage-là,
puis je pense que ces gens-là vous en sont reconnaissants. Oui, il y a deux
paliers, mais moi, je... en tout cas, je souhaite m'attarder à celui qui nous
occupe, celui de faire en sorte qu'on est prêts à discuter, qu'on est prêts à
voir comment on peut penser l'élargissement de l'aide médicale à mourir en
fonctions de maladies dégénératives qui sont de plus en plus nombreuses.
Et, au-delà de ça, peu importe ce qui se
passe à l'autre palier, peu importe ce qui se passe au niveau juridique, je
pense que la consultation populaire, le cri du coeur oblige à la réflexion, et
c'est dans ce sens-là que je demande au gouvernement d'agir.
M.
Bonnardel
:
Juste un point. L'aide médicale à mourir a été utilisée par des centaines de
personnes depuis que cette loi a été adoptée, le fédéral ne l'a pas contestée.
On demande d'ouvrir cette loi puis d'avoir cette discussion. Et le Collège des
médecins le mentionnait dans son rapport final, on a oublié un pan important de
gens comme M. Cournoyer, ceux qui sont atteints de démence, d'Alzheimer.
Donc, il faut faire ce débat, il faut peut-être ouvrir cette loi avant la
prochaine élection, et, par la suite, on pourra l'évaluer. Mais, si le fédéral
n'a pas contesté ce qui a déjà été fait par nous, au provincial, je ne vois pas
pourquoi, si on allait plus loin, ce serait un problème.
Mme Prince (Véronique) :
Est-ce qu'en plus d'une consultation publique vous pourriez demander également
de faire une commission parlementaire, comme ça avait été le cas dans mourir
dans la dignité, là, où on avait vraiment tous les partis, c'était non
partisan? Est-ce que vous faites également cette demande-là?
M. Paradis (Lévis) :
Bien, la volonté est celle-là. La volonté est carrément celle-là, dans une
vision non partisane, de permettre à tous ceux et celles qui souhaitent
s'exprimer... Et là ça passe par les familles, ça passe par les patients, ça
passe par des organisations de soutien, et la volonté elle est là. L'ouverture
est très large. Mais, encore une fois, l'objectif à atteindre, c'est de faire
en sorte qu'on puisse ensemble discuter d'un sujet qui aujourd'hui ne peut plus
être retardé. Chaque semaine qui passe, chaque mois qui passe fait en sorte qu'il
y a des drames humains, dont on n'est pas témoins mais qui se déroulent autour
de nous, et c'est la volonté.
Alors, oui, vous avez raison. Mais cette commission
parlementaire là ne doit pas nécessairement être itinérante, je veux dire, la
forme qu'elle doit prendre, sa base première, c'est la base de la réflexion, c'est
une consultation ouverte, publique, avec l'ensemble de la population prête à
discuter sur cet enjeu aussi important que celui-là. Mais, oui, vous avez
raison, ça dot être très large et permettre à tous ceux et celles qui veulent
donner leur point de vue de le faire.
La Modératrice
: Tommy
Chouinard, LaPresse.
M. Chouinard (Tommy) :
Oui, bonjour. M. Paradis, peut-être. Est-ce que votre demande de directive
médicale anticipée... Bien, d'abord, je crois que le gouvernement du Québec
pourrait l'introduire sans qu'il y ait de problème d'ordre de champ de
compétence, et tout ça, c'est tout à fait possible. D'ailleurs, ça avait été
écarté précédemment parce qu'il n'y avait pas consensus. Qu'est-ce qui a fait
que, quelques années plus tard — ça ne remonte pas à Mathusalem,
cette loi-là, qui a été adoptée à l'Assemblée
nationale — qu'aujourd'hui, on serait rendus plus loin et que cette
règle-là deviendrait plus acceptable?
M. Paradis (Lévis) :
Bien, je pense que notre société évolue. Je pense que les gens parlent
davantage. Je pense que des M. Cournoyer, qui viennent nous raconter leur
quotidien, qui veulent nous exprimer la volonté qu'ils ont de vouloir continuer
à vivre, mais dans un dessein qui n'est pas le vôtre, qui n'est pas le mien,
avec un avenir qui est différent, je pense que, maintenant, les gens n'ont plus
cette timidité-là d'exprimer leurs besoins et leur vision.
Dans un premier temps, vous le savez, je
veux dire, l'aide médicale à mourir a été un grand pas vers l'avant, vous
l'avez dit, qui n'a pas été facile pour le consensus. Elle a demandé des
adaptations, elle a demandé de poser le frein à l'occasion, mais une société
évolue. Puis je pense qu'une pensée évolutive axée sur l'humain, axée sur des
témoignages comme celui-ci, fait en sorte qu'à un moment donné, bien, il faut
que tu rejoignes aussi là où les gens veulent aller.
Et il n'y a pas d'imposition là, je vous
le disais il y a deux instants. On parle de consultations publiques. Il n'est
pas question d'imposer quoi que ce soit. Là, pour l'instant, il est question de
réfléchir pour mener à une décision qui fera consensus. Puis, encore là, hein,
je veux dire, on ne peut même pas penser à la finalité de la discussion. La
décision viendra au terme de cette consultation-là, mais, pour l'instant, on a
le devoir d'écouter. Et je pense que plus le temps passe, plus on perd de
précieuses minutes.
M. Chouinard (Tommy) :
Vous savez, dans l'esprit de la plupart des gens, quand on évoque cette notion
de directive médicale anticipée, les gens se disent : Bien, une fois que
je vais être inapte, ils vont procéder. Ce n'est pas exactement ce qui
arriverait, à moins qu'on change de façon assez importante la loi québécoise. J'aimerais
savoir si, pour vous, il faut garder cette notion d'être en fin de vie, donc en
avoir pour... vous savez, là, c'est six mois, un an, là, où, là, le corps ne
suit plus. Il n'y a pas juste la tête, là, si je peux...
Une voix
: Voulez-vous
y aller, monsieur...
M. Chouinard (Tommy) :
J'essaie de cadrer la chose. Oui, M. Cournoyer.
M. Cournoyer (Yvon) :
Oui, c'est parce qu'actuellement la loi, comme elle est établie, là, être en
fin de vie, il faut que tu sois à un an de la fin de vie. Puis moi, je dis que
c'est une bonne chose. Le 5 juin, ça faisait trois ans que l'aide à mourir
était établie, là, et puis moi, je dis, là : On est rendus à une ouverture,
puis il faut que tout le monde mette l'épaule à la roue, qu'il n'y ait pas de
partisanerie, puis il faut que ça avance parce qu'il y a des personnes, là, qui
sont malades, là, puis ça, ça ne fait pas la une des journaux. Il y a du monde
qui n'ont pas beaucoup de sous. Ils ne peuvent pas aller en Suisse ni en
Belgique, puis en plus ils sont au désespoir puis ils souffrent. Il y en a qui
vont jusqu'au suicide. Puis moi, je trouve, là, dans la société qu'on a actuellement,
là, on a une belle société, c'est inacceptable.
M. Chouinard (Tommy) :
Si je peux me permettre, là, vous évoquez justement... c'est un peu la prémisse
de ma question, c'est que, là, vous évoquez la question du suicide assisté, qui
n'est clairement pas, là, dans le champ de compétences du gouvernement du Québec,
là. Mais est-ce que vous comprenez, M. Paradis ou, peut-être, M. Bonnardel,
qu'au fond cette demande initiale que vous faites peut aussi... il peut y avoir
un problème de perception, et c'est ce que le ministre essaie peut-être de
faire en ayant d'abord un comité d'experts pour essayer de mettre des balises
pour ne pas que les gens pensent de façon erronée que le gouvernement du Québec
pourrait aller dans un sens qui n'est pas possible et qu'il faudrait donc que
ce soit le fédéral qui bouge sur cette question-là?
M.
Bonnardel
:
C'est une question importante. J'en ai parlé. Cette directive médicale, si moi,
aujourd'hui, en mon âme et conscience, à 50 ans, je décidais — puis
j'ai toute ma tête — de signer ce document parce que j'ai un exemple
devant moi et je dis à mon seul fils puis mon médecin consentant que, si
j'arrive, un jour, à ça puis que ce document est signé... bien, je l'ai signé
en santé, je l'ai signé avec toute ma tête. M. Cournoyer donne un exemple
qu'il l'aurait peut-être signé, ce document, si ce document avait existé voilà
un an, voilà deux ans, voilà trois ans.
Maintenant, je parle par mon cas
personnel. Dans une famille où il y a deux, trois, quatre enfants, oui, il y a
certainement des directives, puis tu es capable, comme papa ou maman, de dire :
Écoutez, là, je m'attends à ce que vous, les enfants, vous soyez unanimes dans
la décision que, si papa, maman n'est plus capable d'avoir une santé qui est
digne, une tête qui est encore là, bien, c'est à vous de choisir.
Maintenant, je comprends que ce n'est pas
évident, pas évident de décider ça, mais je pense qu'on est capables de le
baliser et de donner ce droit à une personne de 60, 50, 40, 70 ans de dire :
Moi, je suis en santé, là, mais peut-être que, si j'arrive à ça et que cette
maladie se développe, bien, j'aurai signé ce document. Et, à la limite, c'est
notarié, on s'en va devant un juge, mais un juge décidera si ce document est
valide ou non.
La Modératrice
: Caroline
Plante, LaPresse canadienne.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour, M. Cournoyer. Je voulais juste savoir pourquoi vous dites que
c'est un rêve pour vous de choisir votre date. Qu'est-ce que vous craignez?
M. Cournoyer (Yvon) :
Bien, c'est parce que la maladie de la SLA, déjà, je suis atteint, depuis
environ cinq semaines, au niveau des poumons. Puis cette maladie-là, qu'est-ce
qui arrive, c'est que, si je vais jusqu'au bout de ma maladie, je vais finir
emprisonné de mon corps. Puis, moi, mes antécédents, c'est que j'ai été marqué
au fer rouge, moi, par la maladie. J'ai perdu mon père, à 18 ans, d'un cancer.
Moi-même, j'ai eu un cancer à 42 ans. Je m'en suis bien sorti. J'étais en
pleine forme, moi, je prenais soin de moi au bout, là. Puis j'ai perdu ma mère
par l'Alzheimer. Là, c'est à mon tour encore. Ça fait que deux plus deux, ça
fait quatre, là, dans mon cas.
Ça fait que c'est pour ça que mon rêve...
Puis la vie, là, je l'adorais, là. Moi, j'avais des projets, là. Je prenais ma
retraite à... J'ai 56 ans, je prenais ma retraite à 60 ans, puis, avec ma
conjointe, bon, on avait plein de projets. Mais la vie en a fait autrement.
C'est pour ça que je veux partir, puis préserver aussi ma dignité, puis prendre
soin aussi de mes proches parce qu'ils souffrent, ils souffrent autant que moi.
Puis c'est pour ça que, moi, c'est mon désir ultime.
Mme Plante (Caroline) :
Puis vous parlez, donc, d'élargir éventuellement, là, l'aide médicale à mourir.
Vous ne craignez pas qu'il y ait des dérives?
M. Paradis (Lévis) : En
fait, ce qu'on dit surtout aujourd'hui, c'est d'en parler. Le message aujourd'hui,
c'est d'en parler.
Mme Plante (Caroline) :
Mais sur le fond...
M. Paradis (Lévis) :
Mais je comprends, mais, même à ça, ce serait très présomptueux de penser être en
mesure de vous dire aujourd'hui que l'aboutissement de ces consultations-là va
mener directement vers une façon de faire. Là, l'étape où on est, à travers des
témoignages comme ceux-ci, c'est de se dire ensemble quels sont nos... on est
rendus à une étape, on est en mesure d'avancer la réflexion, de proposer des
choses. Et j'espère que des gens viendront poser des questions qui sont
difficiles, auxquelles on n'a pas les réponses. On en a parlé il y a deux
secondes, on n'a pas les réponses à tout. On ne peut pas les avoir maintenant.
Et, si on les avait maintenant, bien, l'exercice devient caduc.
Ce n'est pas ça, le but de l'exercice.
C'est de dire : Aujourd'hui plus que jamais, à travers les témoignages
qu'on reçoit, avec la douleur exprimée, avec la volonté de familles
d'accompagner, avec un monsieur qui nous dit : J'aime tellement la vie que
je suis en train de me questionner sur la fin de la mienne, bien, le respect
qu'on doit avoir dans la dignité, c'est de s'écouter. Puis ensuite on verra
vers où ça mènera. Puis, oui, il va y avoir des questions difficiles puis, oui,
il y aura peut-être des choix à poser. Puis, au bout de l'exercice, il y aura
des décisions à prendre. On peut difficilement se dire maintenant :
Quelles seront-elles? Il y a des volontés qui sont exprimées, mais elles
doivent surtout être entendues. Je pense que le public... En fait, ce qui est
très important ici, c'est de dire qu'au-delà des experts la population doit
aussi se prononcer parce que ces drames humains là se vivent dans des familles,
à travers des gens comme M. Cournoyer.
La Modératrice
: Pascal
Dugas-Bourdon, AgenceQMI.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Oui. Est-ce qu'il y a d'autres provinces canadiennes qui sont rendues plus
loin, entre guillemets, dans le débat, qui pourraient nous aider à nous
orienter?
M.
Bonnardel
:
Non, il y a deux pays, si je ne me trompe pas. Il y a la Suisse et les Pays-Bas
qui ont ouvert ce débat sur les maladies dégénératives, l'alzheimer, tout ça.
J'ai reçu un témoignage, justement, hier, d'une maman qui a accompagné son fils
à Zurich. M. Cournoyer le mentionnait.
Non, c'est sûr que c'est difficile, mais
je pense qu'après trois ans où cette loi a été adoptée, le Québec est rendu là.
Je pense qu'on assez grands aujourd'hui pour entreprendre cette discussion dans
un contexte similaire à cette loi qui a été adoptée voilà trois ans ans. Puis
c'est ce qu'on demande à M. Barrette : N'excluez pas ces gens. Tantôt,
la question a été posée par M. Dion. Oui, ce comité d'experts va évaluer
cette situation. Oui, ce document... Comment ce document peut être signé?
Comment on peut ne pas avoir de dérives? Chaque cas, chaque famille sera
différent dans cette évaluation de dire un jour : Bien, je signe ce
document pour telle, telle, telle raison, avec une famille qui sera unanime, un
docteur qui sera consentant.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Donc, le Québec serait la première province du Canada à aller jusque-là,
possiblement.
M.
Bonnardel
:
Tout à fait.
La Modératrice
: Simon
Boivin, LeSoleil.
M. Boivin (Simon) :
Bonjour, messieurs. M. Cournoyer, bonjour. Qu'est-ce que vous auriez envie
de dire ou comment est-ce que vous répondez aux gens qui vous disent :
Non, c'est quelque chose d'immoral, ça, et ce qu'il faut, c'est des bons soins
palliatifs? Comment vous auriez envie de les faire changer d'idée?
M. Cournoyer (Yvon) :
Mon Dou! Je suis tellement déterminé à avoir l'aide à mourir. Votre question
est pertinente. Mais ces personnes-là, je leur dirais : Change de place
avec moi. Prends ma place, là, puis vis seulement qu'une journée. Si je
pourrais le faire, là, je changerais avec eux. Puis, je vous dis, là, on
revient, là, puis ils comprendraient ma situation.
Mais il y a des personnes, c'est côté
religion. Il y en a d'autres, c'est... la plupart du temps, c'est religion ou
c'est familial. Tu sais, la mort, là... Mais, tu sais, la mort, ça fait partie
de la vie, hein? Tu nais, tu vis, tu meurs. Puis là, bien, la mort, moi, je dis
qu'avec la loi qu'on a, moi, je dis qu'il y a de quoi à faire puis je reste
accroché là-dessus. Mais, à votre question, c'est ça que je ferais si je
pourrais le faire parce qu'il y a du monde, là, vraiment, là, que... il y a
même des médecins qui sont contre, ça fait que, tu sais, à un moment donné, ça
dépend toujours de ta personne, de ton vécu. Puis, moi, mon vécu, c'est que
j'ai été marqué au fer rouge par la maladie toute ma vie. J'ai aimé la vie. Je
me suis amusé. Mais là je suis rendu où ce que je dois être rendu. Puis je n'ai
pas de regret, puis c'est mon point.
M. Boivin (Simon) : Mais
j'ai une question sur un autre sujet, là, sans vouloir manquer de respect à la
gravité de votre situation. Messieurs, il vient d'être annoncé par le DPCP qu'il
n'y aura pas d'accusations contre Pierre Paradis. J'aurais aimé avoir une
réaction de votre part là-dessus.
M.
Bonnardel
:
Écoutez, c'est un peu court, là. Je n'ai pas vu la nouvelle. Pierre Paradis, c'est
mon voisin de circonscription. Maintenant, si le DPCP a décidé de ne pas
poursuivre son enquête, tout laisse croire que la gravité de la situation
n'amenait peut-être pas la police à porter ce dossier beaucoup plus loin.
Donc, le DPCP ne porte pas ce dossier plus
loin, donc on verra la suite. Est-ce qu'on reverra M. Paradis à l'Assemblée
nationale? Il y a juste lui, je pense, qui peut répondre de cette situation-là.
La Modératrice
: Merci beaucoup.
On va passer aux questions en anglais. Ryan Hicks, CBC.
M. Hicks (Ryan) : Yes. Mr. Bonnardel, one of the things that you said in French was
that it's been three years since the National Assembly passed medical aid and dying end-of-life care, and now is the time,
because it's been three years, to have this discussion. But there are some
people who would say : Well, exactly, it's only been three years. We need
to wait longer to see, have more data to have a better sense of how this is actually playing out. What is your response
to that?
M.
Bonnardel
: You know, the Collège des médecins said three years ago, when this bill was adopted, that we forgot a
lot of people like Mr. Cournoyer, like people who are having a
degenerative disease like dementia, like Alzheimer, and they said we forgot these people because we've not been able
to have a consensus at the National Assembly. Remember
the vote that we had. Even a member in the National Assembly, a Liberal MNA,
said no the bill.
But I hope… And Mr.
Cournoyer speaks for thousands of people today, saying : Hey! You forgot
us. We hope that we can speak, explain our situation in the next weeks, next
months to have a parliamentary commission. And I say to Mr. Barrette and Mr.
Couillard : We are ready. Québec is ready. We will be the first province
to speak about this situation, and I hope that we will be able to open this
bill again before the next election.
M. Hicks (Ryan) : And so, the Health Minister has said that he is opened to that. So,
why do you want him to speed up his reflection on this?
M.
Bonnardel
:
We're okay about what Mr. Barrette said: we're going to talk with doctors,
we're going to talk with specialists. But why are we forgetting people like Mr.
Cournoyer? François received not thousands, but tens of mails, phones. People
said to us : We're behind you. We hope that we
will be able to speak, to explain our situation, our families' situation, Mr. Cournoyer situation. So, we can do this job, having the specialist who said to us what
we can do to open this bill again, but, it's these people who are living with
disease and say: Hey! Talk to us. We want to explain to the Government, to Mr. Barrette what we
are living with.
M. Hicks (Ryan) : For you, for you personally, I saw Martine's story that she did
yesterday, and it's seem like, for you, it's still not a clear… it's still not
a clear…
M.
Bonnardel
: Yes. Like I've said a couple of months ago, maybe three years ago, we'll
not be ready to sign this «demande médicale anticipée», but today I'm ready. I
didn't have this discussion with my mother 10, 15 years ago, but, like we said
in French, Mr. Cournoyer said: I'm ready today I'm ready. If it would be
possible to sign this document, I would sign it. So, he is speaking for
thousands of people, and I hope that the Government will say: Hey! They want to be heard.
M. Hicks (Ryan) : And, when we talk about just so that… When you're talking about
expanding end of life care, we're specifically talking about advance consent
for medical aid in dying.
M.
Bonnardel
: Yes.
M. Hicks (Ryan) : Is there anything else that you think is to be discussed at this
parliamentary commission?
M.
Bonnardel
: No, no. Like in Zurich or in Pays-Bas, I hope that we will be maybe
the first province in Canada to
open this discussion again, and I hope that we can open this bill before the
next election. But, like Mr. Cournoyer said, like we said, François and
me, we hope that we can have this parliamentary commission may be at the end of the month of August or when we will be back for
the next session.
Une voix
:
O.K. Merci.
(Fin à 11
h
32
)