(Treize heures trente minutes)
M. Nadeau-Dubois : Bonjour, tout
le monde. Donc, aujourd'hui, Québec solidaire va déposer les deux amendements
qu'on avait déjà annoncés au projet de loi n° 62, deux amendements qui
visent un seul et même objectif, là, celui de faire réellement du projet de loi
n° 62 un projet de loi sur la laïcité de l'État au Québec, et une vraie laïcité,
c'est-à-dire une laïcité des institutions de l'État québécois, non pas une laïcité
forcée et... en fait, non pas une laïcisation forcée des individus en faisant
la chasse aux signes religieux.
Alors, le premier amendement qu'on va
déposer, c'est celui interdisant... en fait, celui, voilà, interdisant la
récitation de prières ou de textes religieux à l'Assemblée nationale du Québec
ou dans les conseils municipaux au Québec. C'est un débat qui a déjà eu lieu,
sur lequel les tribunaux ont tranché, mais on trouve important de ramener cette
notion-là dans le projet de loi pour vraiment mettre au clair que les espaces
de débats et de prises de décision démocratiques sont des espaces qui doivent
être exemplaires en matière de séparation entre la religion et l'État.
Le deuxième amendement qu'on va déposer, c'est
celui qui retirerait le crucifix du salon bleu pour le déplacer ailleurs, dans
l'Assemblée nationale du Québec, pour la même raison, c'est-à-dire on croit que
le salon bleu, en tant qu'enceinte par excellence de la démocratie québécoise,
doit être exempt de signe religieux aussi visible et aussi imposant que le
crucifix, à l'heure actuelle. Ce qu'on propose donc, c'est de le déplacer dans
un endroit où il pourrait avoir tout son sens, toute sa valeur patrimoniale,
parce que le patrimoine catholique, c'est une portion importante de l'histoire
du Québec, mais, en 2017, c'est le temps d'envoyer le message clair qu'au sein
de l'Assemblée nationale du Québec ces symboles religieux là n'ont pas leur
place.
Et, en parallèle de ces deux
amendements-là, Québec solidaire va continuer à défendre la même position que
nous avons depuis le début du débat sur le port de signes religieux par la
fonction publique au Québec. C'est un débat maintenant qui dure depuis 10 ans.
Pendant cette décennie-là, la plupart des partis politiques ont changé de
position en fonction des échéances électorales, en fonction des modes. À Québec
solidaire, on a toujours eu la même position, c'est-à-dire celle d'adopter les
recommandations du rapport Bouchard-Taylor en matière d'interdiction de port de
signes religieux, donc, pour les individus en poste d'autorité coercitive, et c'est
une position qu'on va continuer à défendre aujourd'hui parce qu'on croit que c'est
la position du compromis. C'est celle qui permettrait réellement, enfin, une
bonne fois pour toutes, de tourner la page sur ce débat-là, de clore un débat
qui s'éternise depuis 10 ans et qui, en s'éternisant, bien sûr, s'est envenimé,
ce qui a fait des victimes trop nombreuses au Québec, à commencer par des
victimes au sein de la communauté musulmane.
Alors, on va déposer ces amendements-là,
défendre ces positions-là. On croit que le débat, il a duré. Il y a eu assez de
consultations, assez de débats, assez de commissions sur l'enjeu du port de
signes religieux. On croit maintenant que c'est l'heure d'agir et d'agir de
manière à trouver un compromis pour tout le monde.
Mme Plante (Caroline) : Oui. M.
Nadeau-Dubois, jusqu'où devrait-on pousser les vérifications des candidats qui
veulent se présenter pour des partis politiques? Jusqu'où devrait-on pousser
ces vérifications?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
d'abord, je pense qu'on s'attend à ce que les gens qui se présentent comme
candidats ou candidates aux élections fassent elles-mêmes preuve de
transparence. Il devrait y avoir un devoir, quand on entend se présenter pour
un parti politique, de montrer patte blanche, de dire clairement s'il y a eu,
dans notre passé, des anicroches ou des éléments un peu moins glorieux.
Et moi, ce qui me fascine, en fait, ce qui
me fascine vraiment dans les scandales des dernières heures, c'est l'arrogance
du Parti libéral du Québec. Après les affaires Sklavounos et Paradis, le Parti
libéral avait le devoir d'être exemplaire, et, en fait, ça a été tout le
contraire qu'on a vu. Ils sont allés recruter un vieux de la vieille, de la
vieille famille libérale, dont on connaissait le parcours douteux, les
fréquentations louches, la réputation pas exemplaire, loin de là, en le
présentant en plus comme un ministre avant même qu'il soit élu.
Donc là, moi, je trouve que, dans cette
affaire-là, on voit vraiment un Parti libéral qui prend le pouvoir pour acquis,
qui pense que tout lui est permis et qui donc, ayant trouvé une grosse pointure
économique, ferme les yeux sur tout le reste, y compris sur des moeurs éthiques
plus que questionnables.
Mme Plante (Caroline) : À Québec
solidaire, avez-vous soumis votre candidat dans Louis-Hébert à un
interrogatoire? Avez-vous vraiment poussé la recherche assez loin dans...
M. Nadeau-Dubois : Bien, à Québec
solidaire, on n'a pas besoin de beaucoup d'interrogatoires, parce que des gens
qui ont déjà trempé dans des affaires louches, ça ne nous intéresse tout
simplement pas de les avoir comme candidat ou comme candidate, mais il y a toujours...
Mme Plante (Caroline) : Donc,
vous savez tout de votre candidat dans Louis-Hébert?
M. Nadeau-Dubois : Mais il y a
toujours un exercice qui se fait avec les gens pour discuter de leur passé.
Est-ce qu'ils ont des choses qu'ils veulent nous partager? Est-ce qu'il y a des
malaises qui pourraient survenir durant la campagne? Cet exercice-là, on l'a
fait avec Guillaume Boivin, on le fait avec tous nos candidats, toutes nos
candidates à chaque élection.
M. Lacroix (Louis) : Mais, si
les médias ne font pas leur travail, dans les deux dossiers qui nous occupent,
ces gens-là seraient encore candidats et, éventuellement, l'un d'eux auraient
pu devenir député à l'Assemblée nationale. Alors, est-ce qu'on va assez loin
dans les vérifications? Est-ce qu'on ne devrait pas demander à ce qu'il y ait des
vérifications qui soient plus poussées?
M. Nadeau-Dubois : Dans ce
cas-ci, en effet, les médias ont fait leur travail et heureusement, et
heureusement. Mais ce n'est pas mon rôle à moi de dire au Parti libéral du
Québec et à la CAQ comment choisir leurs candidatures. De toute évidence, ils
semblent fonctionner à peu près, ces deux partis-là, de la même manière,
c'est-à-dire être en pâmoison devant les candidatures qui viennent du monde des
affaires, fermer les yeux sur à peu près tout le reste. Et d'ailleurs, il y a
quelque chose d'un peu ironique dans la situation actuelle,
d'assez drôle, en fait, de voir M. Legault se vanter
d'avoir retiré son candidat en premier, d'avoir été plus rapide à désavouer son
candidat, alors qu'il avait lui-même tenté de séduire M. Tetrault.
On voit que ces deux partis-là, en fait, c'est
blanc bonnet, bonnet blanc et que, pour l'essentiel, ils
ratissent dans les mêmes talles et ça donne des résultats semblables.
Mme Plante (Caroline) :
Est-ce que vous partagez l'analyse de M. Couillard ce matin qui disait que
c'est de moins en moins tentant pour les gens de se présenter en politique vu
que leur vie privée est étalée sur la place publique comme ça?
M. Nadeau-Dubois : Aller en politique,
ça offre plein de privilèges. Ça offre le privilège d'avoir une tribune, de
pouvoir prendre la parole dans l'espace public, de participer à l'écriture des
lois. C'est normal qu'en retour de ces privilèges-là il y ait aussi, oui, des
inconvénients, notamment celui de voir notre vie privée scrutée par les médias
et par les adversaires politiques. Ça fait partie de la politique et ça fait
partie des choix qu'on fait quand on s'engage en politique.
Moi, je ne m'attriste pas du sort de M.
Tetrault. M. Tetrault a fait des erreurs dans le passé, il a tenté de les
minimiser, par la suite a voulu les excuser, et moi, je n'accepte pas la
défense qui veut que : Ah! les temps ont changé, puis c'était donc mieux
dans le temps où on pouvait avoir des comportements louches puis on ne se
faisait pas trop écoeurer par les médias. Non, moi, je ne regrette pas ce
temps-là. Tant mieux, tant mieux si les hommes et les femmes politiques sont
talonnés par les médias. Tant mieux si on leur demande des comptes par rapport
à leurs relations de travail. Moi, je ne suis pas nostalgique de l'époque où on
pouvait avoir des comportements irrespectueux envers les femmes ou envers ses
employés et qu'on s'en tirait sans réprimande ou sans conséquence.
M. Boivin (Mathieu) : M.
Dubois, il reste quand même une énorme zone grise là-dedans parce que, oui, il
est question de harcèlement psychologique, mais on n'a aucune idée des gestes
très précis qui ont été posés.
La question que je vous pose, dans le
fond, c'est : Est-ce que dès qu'il y a une allégation de harcèlement
psychologique, quelle qu'elle soit, sans qu'on sache exactement de quels gestes
il est question, on est automatique passible de la plus dure des sanctions?
M. Nadeau-Dubois : Non, mais
si...
M. Boivin (Mathieu) : Dans ce
cas-là, dans le cas de M. Tetrault, dans le cas de M. Sauvageau, on sait
relativement peu de choses des choses qui se sont...
M. Nadeau-Dubois : Ce n'est
pas moi qui ai pris la décision de les retirer. S'ils se retirent, moi, je
prends pour acquis que c'est parce que les chefs de ces deux partis-là ont eu
connaissance des faits et ont jugé que ce n'était pas acceptable. Mais moi, en
effet, ce n'est pas un automatisme. Ce n'est pas parce qu'il y a une allégation
qu'automatiquement les gens n'ont pas le droit de se présenter. Si M. Tetrault
avait voulu rester candidat, il avait le droit de le faire, ça aurait été aux
électeurs de juger. M. Couillard a décidé que de n'était plus la meilleure
personne pour représenter son parti. On trouve que c'est une décision qui a tout
à fait du bon sens, mais c'est la décision de M. Couillard. Il n'y a pas
personne... il n'y a pas de loi qui empêche personne d'être candidat.
M. Boivin (Mathieu) : Vous
nous avez dit que c'était une bonne chose que les gens soient imputables et
davantage aujourd'hui qu'avant...
M. Nadeau-Dubois : Moi, ce qui
me dérange...
M. Boivin (Mathieu) : ...mais
attention parce que là on met une arme dangereuse dans les...
M. Nadeau-Dubois : Moi, ce qui
me dérange, c'est d'entendre des gens avoir un ton presque nostalgique quand
ils évoquent l'époque où les hommes et les femmes politiques pouvaient avoir
des comportements inacceptables envers les femmes ou envers leurs employés et
qu'il n'y avait pas de prix à payer. Et quand M. Tetrault s'est expliqué, j'ai
entendu un peu de ça : Ah! j'essayais d'être gentil. C'est exactement ce
que M. Sklavounos a dit aussi lorsqu'il y a des accusations qui ont été portées
contre lui. Quand on a des comportements irrespectueux ou déplacés, il ne faut
pas s'inventer des qualités pour excuser nos comportements. Il faut reconnaître
que c'est des comportements déplacés.
Et, oui, les moeurs changent. Oui, il y a
des choses qui étaient acceptables hier, qui ne sont plus acceptables
aujourd'hui, et ça, c'est une bonne chose. Et moi, je n'ai aucune nostalgie
envers l'époque où, et une époque pas si lointaine, là, où les hommes
et les femmes politiques pouvaient avoir des comportements irrespectueux, et on
les laissait aller parce que c'était soi-disant des grands hommes ou des
grandes femmes politiques, plus souvent qu'autrement des grands hommes.
M. Dion (Mathieu) : Mais,
s'ils ont fait une erreur de parcours, est-ce qu'on doit absolument les écarter
d'emblée, comme ça, parce qu'ils ont fait une erreur de parcours à cette époque
lointaine?
M. Nadeau-Dubois : Non, mais
c'est d'intérêt public que les gens de Louis-Hébert sachent que la personne qui
se présente pour le parti au pouvoir, et qu'on présente d'ailleurs déjà comme
un ministre, c'est d'intérêt public que les gens de Louis-Hébert sachent que
cette personne-là a de lourdes allégations qui pèsent contre elle. Et les
médias ont fait leur travail dans cette affaire-là, ils l'ont révélé au public,
M. Couillard a pris sa décision.
M. Lavoie (Gilbert) : Ça peut
quand même amener certaines situations très problématiques parfois. Par exemple,
on peut se poser la question : Est-ce que Justin Trudeau aurait nommé
Julie Payette s'il avait su, s'il y avait eu des articles qu'on a vus dans les
journaux, à savoir qu'elle aurait eu des difficultés avec son chum? Enfin,
qu'est-ce qu'on fait dans ce genre de situation là? Ça peut vous arriver à Québec
solidaire aussi.
M. Nadeau-Dubois : Bien sûr.
M. Lavoie (Gilbert) : Ça peut
arriver à tous les partis, incluant Québec solidaire, des allégations,
certaines situations dont on n'est pas fier : un divorce qui tourne mal,
des chicanes matrimoniales. Qu'est-ce qu'on fait? On écarte les candidats parce
qu'il y a un doute sur...
M. Nadeau-Dubois : Bien, il ne
faut pas tout mélanger. Des chicanes matrimoniales, ça peut arriver à tout le
monde et, en soi, ce n'est pas d'intérêt public, s'il n'y a pas d'accusation
d'abus ou d'accusation de violence psychologique. Parce que là ce dont on
parle, là, ce n'est pas d'une chicane autour d'une partie de poker, là, on
parle de comportement de harcèlement psychologique. Et, oui, dans notre
société, on a évolué collectivement sur ces enjeux-là depuis quelques années.
C'est vrai, c'est des changements qui se sont faits rapidement. Oui, on essaie
de changer la culture politique. On essaie de changer la culture dans les
relations de travail, et ça, c'est une bonne chose, et ça implique qu'il faut
s'adapter comme acteur politique, comme employeur, comme employé, et ces
évolutions-là, ce sont des évolutions qui sont souhaitables.
Alors, moi, quand j'entends des gens dire :
Ah! bien là, de nos jours, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus être
gentil avec le monde. Non, ce n'est pas ça. On a le droit d'être gentil, on a
le droit d'être familier, mais il y a des normes de respect, de manière
générale et en particulier de respect des femmes dans le cadre du travail,
qu'il faut respecter. Ces normes-là ont changé pour le mieux, et moi, je ne le
regrette pas.
Mme Plante (Caroline) :
Est-ce que les électeurs dans Louis-Hébert ont été respectés? Est-ce qu'on
respecte ces électeurs en ce moment?
M. Nadeau-Dubois : Moi, si
j'étais un citoyen ou une citoyenne de Louis-Hébert, je serais un peu insulté,
parce que l'arrogance dont les libéraux ont fait preuve en levant le nez sur
des allégations pourtant graves, ça montre à quel point le Parti libéral tient
les gens de Louis-Hébert pour acquis, pense que c'est une circonscription qui
leur est due, que le pouvoir aussi leur est dû, et donc qu'ils peuvent
présenter à peu près n'importe qui, dès qu'ils prétendent que ce sera une bonne
voix économique pour la région.
Donc, oui, moi, je serais insulté, si
j'étais un citoyen, une citoyenne de Louis-Hébert. Et moi, je les comprends,
les gens de Louis-Hébert, d'être frustrés aujourd'hui, de se sentir insultés,
et je pense que ça vient brouiller les cartes pour l'élection. Je pense que ça
offre une occasion, là, pour les gens de Louis-Hébert de donner une bonne leçon
d'humilité au Parti libéral et à la Coalition avenir Québec.
Mme Lévesque (Catherine) :
Vous dites que ce n'est pas parce qu'une personne fait un faux pas
qu'automatiquement on devrait l'exclure d'une candidature x ou y. Dans ce cas-ci,
est-ce qu'une personne qui traîne un squelette, là, aussi grand soit-il, dans
son placard devrait se présenter et vraiment vider son sac, et devant le parti,
et devant les électeurs?
M. Nadeau-Dubois : Je crois
que ça, c'est du ressort de chaque parti politique de faire son travail,
d'avoir une discussion franche avec la personne qui se présente pour être
candidat ou candidate puis de regarder qu'est-ce qu'il y a dans le passé,
est-ce que c'est un gros, un petit ou un minuscule problème. Nous, on le fait,
à Québec solidaire, puis ça nous est arrivé des fois, des gens qui nous... en
fait, des gens qu'on envisageait comme candidat ou comme candidate, et là on
apprend quelque chose, et on se dit : Bon, bien, en effet, en 2017, c'est
des comportements qu'on n'accepte plus, puis peut-être que cette personne-là,
finalement, ce n'est pas la meilleure personne pour représenter notre parti.
M. Lacroix (Louis) : Avez-vous
des noms?
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Nadeau-Dubois : Oui, alors,
voici une liste que j'ai amenée avec moi ce matin. Non, mais, bien sûr, non, je
n'ai pas de liste à vous donner, mais c'est des choses qui se font, et ça fait
partie, je pense, des nouvelles manières de faire de la politique. Je n'ai pas
besoin de donner d'exemple, là, on en connaît, dans le passé, des gens qu'on
considère être des grands hommes, des grandes femmes politiques, qui, dans leur
vie personnelle, ont commis des impairs qui aujourd'hui ne seraient plus
acceptés, et c'est correct comme ça.
M. Lavoie (Gilbert) : Est-ce
que vous trouvez normal que, depuis sa création — c'est un tout autre
sujet, là — depuis sa création, la Commission de la capitale
nationale, ici, à Québec, ait été toujours dirigée par des gens qui viennent du
parti politique au pouvoir?
M. Nadeau-Dubois : C'est bien
sûr un problème, c'est un problème de manière générale dans la manière dont
sont nommées plusieurs personnes dans l'appareil d'État au Québec. Les sociétés
d'État, ce type d'instance là, l'AMT à Montréal, il y a un problème de
favoritisme de manière générale. Et ça, ça pose des questions beaucoup plus
profondes que sur l'éthique des partis politiques ou de leur chef, ça pose une
question sur la manière dont les institutions politiques fonctionnent au
Québec.
Est-ce que, par exemple, on donne trop de
pouvoirs au premier ministre du Québec, notamment en matière de nominations?
Est-ce qu'il n'y a pas certaines nominations qui ne devraient pas être mises à
l'Assemblée nationale? Ça, c'est des questions pertinentes, et, bien sûr, il
faut critiquer puis s'indigner quand il y a des nominations qui sont
ouvertement partisanes ou, disons, si évidemment partisanes, mais il y a aussi
des questions plus profondes sur comment se font ces nominations-là. Est-ce
qu'il n'est pas temps de revoir, de manière plus générale, le processus de
nomination à ce genre d'institution là?
M. Lavoie (Gilbert) : Est-ce
que vous pensez que le maire de Québec, dans ce cas-ci, aurait dû être
consulté?
M. Nadeau-Dubois : Dans le cas
présent, je ne suis pas prêt à m'avancer sur qu'est-ce qui aurait dû être fait,
mais je pense qu'il y a une réflexion qui s'impose sur comment on nomme les
gens en position de pouvoir dans notre société.
M. Boivin (Mathieu) : Le projet
de loi n° 62, pourquoi vous sentez le besoin de revenir sur un consensus relativement
large que le crucifix, on le laisse là, puis c'est tout?
M. Nadeau-Dubois : Bien, je ne
pas sûr que le consensus soit si large que ça, pas du tout. Et nous, à Québec
solidaire, on défend une vraie laïcité, pas une laïcité à moitié, pas une laïcité
pour plaire à 60 %, ou 40 %, ou 30 % des gens. On défend une
laïcité authentique, c'est-à-dire une séparation entre l'église et l'État, et
ça, ça veut dire que, dans l'enceinte par excellence de la démocratie, qu'on
vote en faisant face à un immense crucifix, qu'on soit agnostique, athée, juif,
catholique, sikh, musulman ou bouddhiste, c'est un problème.
Mme Lévesque (Catherine) : La
Fédération des médecins spécialistes a dit ce matin que la loi sur la laïcité,
le projet de loi, c'est le statu quo, ça ne va rien changer. Ils vivent des
problèmes constamment dans les hôpitaux. En quoi on va pouvoir régler ça?
M. Nadeau-Dubois : En effet,
nous, on l'a dit dès le début des travaux de la commission parlementaire, il y
a encore beaucoup trop de zones d'ombre dans ce projet de loi là, et, pour un
projet de loi qui a été déposé en juin 2015, si je ne me trompe pas, c'est
aberrant qu'il y ait encore autant de questions.
On a pris connaissance des commentaires de
la Fédération des médecins spécialistes aujourd'hui, mais il y a les
municipalités qui s'inquiètent, il y a les centres d'hébergement pour les femmes
victimes de violence qui s'inquiètent, il y a le mouvement communautaire qui
s'inquiète parce qu'ils n'ont pas de réponses à leurs questions. Et la première
chose que la ministre doit faire, c'est préciser comment son projet de loi va
s'appliquer, et ça, c'est la moindre des choses. Et qu'en septembre 2017 il y
ait encore autant de questions et aussi peu de réponses, c'est vraiment un...
c'est un problème. C'est un projet de loi qui est broche à foin puis qui ne
devrait pas l'être, pas après deux ans après son dépôt.
M. Dion (Mathieu) : Mais vous
ne disiez pas tantôt que vos amendements allaient pas mal régler ce qui était
le plus problématique? Là, vous dites : Finalement, il y a plein de zones
d'ombre dans ce projet de loi là.
M. Nadeau-Dubois : Moi, ce
matin, je vous ai... ce midi, je vous ai présenté les amendements qu'on va
déposer pour amener des précisions puis des modifications spécifiques sur le
projet de loi, mais j'aurais pu aussi reprendre les commentaires que j'ai faits
dans les dernières semaines à l'effet que ce projet de loi là, il est flou dans
son application. Par exemple, le principe...
M. Lacroix (Louis) : Mais
pourquoi vous amendez un projet de loi avec lequel vous n'êtes pas d'accord?
M. Nadeau-Dubois : Parce qu'on
veut mener le débat. Parce qu'on veut mener le débat, puis on s'attend, par
exemple...
M. Lacroix (Louis) : Même
avec les amendements que vous amenez... Excusez-moi de vous interrompre. Même
avec les amendements que vous amenez, le projet de loi ne fait pas votre
affaire.
M. Nadeau-Dubois : Le projet
de loi, bien, il ne fait pas notre affaire à plusieurs égards, en effet. Il y a
d'autres aspects où on est d'accord. Par exemple sur la question des critères
d'encadrement des accommodements raisonnables, c'est une portion du projet de
loi avec laquelle on est en accord. Mais, à notre compréhension du travail
parlementaire, la commission parlementaire, ça sert aussi à mettre de l'avant
des débats, à tenter de créer des consensus. C'est ce qu'on va faire, et nous,
on s'attend à ce que les deux autres partis d'opposition nous appuient sur les
deux amendements qu'on va présenter aujourd'hui, hein? Le PQ et la CAQ se sont
faits des défenseurs farouches, c'est le moins qu'on puisse dire, de la laïcité
dans les dernières années. On s'attend à un appui de leur part pour deux
amendements qui visent précisément à assurer la laïcité des institutions de
l'État au Québec.
M. Boivin (Mathieu) :
Qu'est-ce qu'on comprendra, si cet appui-là ne vient pas explicitement?
M. Nadeau-Dubois : Bien, moi,
j'ai bien hâte d'entendre mes collègues du PQ et de la CAQ pour voir s'ils sont
prêts à nous appuyer par principe, pour faire du projet de loi n° 62
quelque chose qui ressemble un peu plus, en tout cas, à un projet de loi sur la
laïcité de l'État. Parce que, si on est pour la laïcité, on devrait être pour
la séparation de l'Église et de l'État, et ça, ça devrait commencer, en toute
cohérence, par l'enceinte où on vote les lois. Ce n'est quand même pas un détail.
M. Boivin (Mathieu) : ...pas
l'appui explicite — je reprends ma question — qu'est-ce
qu'il faudra comprendre?
M. Nadeau-Dubois : Bien, on
commentera en temps et lieu, mais moi, je m'attends à avoir leur appui. On
commentera en temps et lieu.
M. Lavoie (Gilbert) : Une
dernière sur le congrès du PQ en fin de semaine. Bon, à moins que ça tourne
mal, là, c'est assez prévisible, ce qui va se passer. Jean-François Lisée,
cette semaine, a parlé de son plan de match, là, premier mandat, chasser les libéraux,
redonner la fierté au Québec, etc., et, en 2022, demander un mandat de réussir
l'indépendance.
Ça veut dire quoi, pour vous, ça, par
rapport au fait... par rapport au souverainisme chez Québec solidaire, un mandat
pour réussir l'indépendance? Est-ce que c'est trop flou? Est-ce que c'est...
M. Nadeau-Dubois : Bien, la
position de M. Lisée n'a pas changé. Il a gagné la course à la chefferie en
disant qu'il ne tiendrait pas de référendum en 2018. Nous, on pense que la
bonne manière de faire avancer l'indépendance, ce n'est pas de la cacher, ce
n'est pas de dire qu'on ne la fera pas. C'est au contraire d'en faire la
promotion sur une base démocratique, inclusive.
C'est ce qu'on fait à Québec solidaire
depuis notre fondation. C'est ce qu'on va continuer à faire d'ici 2018 et
durant la campagne électorale. Nous, on pense que l'indépendance, ce n'est pas
un élément de notre programme qu'il faudrait cacher ou secondariser. C'est au
contraire une condition pour transformer le Québec. C'est notre position depuis
notre fondation. Et donc, que M. Lisée dise ça aujourd'hui, ça change assez peu
notre vision de son plan pour l'indépendance.
M. Lavoie (Gilbert) : ...un
bon gouvernement, finalement.
M. Nadeau-Dubois : Pardon?
M. Lavoie (Gilbert) : Un bon
gouvernement...
M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est
le retour à une stratégie attentiste qui n'est pas nouvelle au Parti québécois.
Quand on sent un peu l'eau chaude et qu'on veut absolument gagner les
prochaines élections, bien, on met les principes après le pouvoir, puis nous,
ce n'est pas comme ça qu'on fait de la politique à Québec solidaire.
Mme Plante (Caroline) : Pouvez-vous,
s'il vous plaît, clarifier la position de Québec solidaire sur les cégeps
anglophones? Alors, est-ce que les francophones devraient avoir accès aux
cégeps anglophones?
M. Nadeau-Dubois : À Québec
solidaire, on pense qu'il faut moderniser la loi 101. On pense que le français
recule et qu'il faut agir. Est-ce qu'interdire la fréquentation de cégeps
anglophones pour les francophones est une bonne chose? On croit que non. On
pense que c'est une fausse solution à un vrai problème.
Parce que la raison pour laquelle de plus
en plus de francophones et d'allophones vont au cégep en anglais, c'est parce
que, sur le marché du travail, ça se passe de plus en plus en anglais. Donc, c'est
ça, le problème qu'il faut régler. Il faut moderniser la loi 101 pour s'assurer
que le droit de travailler en français au Québec soit assuré. Et donc, quand on
s'en prend aux cégeps anglophones, on s'attaque à un symptôme, on ne s'attaque
pas au vrai problème. Le vrai problème, c'est le marché du travail.
À Québec solidaire, on a plusieurs
propositions, notamment le fait d'appliquer la loi 101 aux entreprises de 10
employés et plus, notamment le fait de rendre conditionnelles les subventions
de l'État au respect de la loi 101, parce qu'il y a beaucoup d'entreprises, au
Québec, qui sont subventionnées, qui reçoivent de l'aide publique. Ce n'est pas
un problème en soi, mais ce n'est pas un problème non plus de demander en
échange que ces entreprises-là respectent la loi 101.
Et donc, si on veut freiner
l'anglicisation, il ne faut pas s'en prendre aux gens, aux adultes qui décident
d'aller faire un D.E.C. en anglais. Il faut s'en prendre au fait que de plus en
plus, sur le marché du travail, le français tombe au deuxième rang. C'est ça,
le vrai problème.
(Fin à 13 h 53)