(Onze heures dix-neuf minutes)
M. Lisée
: Aujourd'hui,
je suis très fier de l'Assemblée nationale, très fier du Québec, très fier que
tous les partis politiques et leurs chefs ont voté unanimement une résolution
qui dit la vérité : l'autoritarisme espagnol est responsable pour les événements
qui se sont produits la semaine dernière. Et donc il est important que les
nations sachent qu'à partir du moment où ils utilisent la brutalité ils seront
tenus responsables par les autres nations. Et je pense que le Québec donne le
ton aujourd'hui à d'autres nations, à d'autres Parlements, de briser le silence
et de dire les choses, et la chose à dire, c'est qu'un pays démocratique a été
autoritariste, a fait des blessés et que ce n'est pas acceptable. Je suis très
heureux d'avoir réussi à convaincre, avec l'opinion publique et ce qui s'est
passé ces derniers jours, le Parti libéral et la CAQ de se ranger à cette
évidente et je tiens à saluer la décision du premier ministre de se ranger à
cette évidence.
Et deuxièmement, pour nous, il est important
d'évoquer la possibilité d'une médiation internationale, parce qu'il est clair
qu'on ne peut pas s'en remettre au gouvernement espagnol pour dialoguer, pour
poser des gestes qui iraient vers une solution négociée. Ils refusent toute négociation,
ils refusent tout dialogue, ils l'ont refusé depuis des années. Et donc nous
sommes le premier Parlement à suggérer une médiation internationale, évidemment,
si les partis y consentent. Une médiation ne peut avoir lieu que si les partis
y consentent, mais il est important... Je sais qu'il y a d'autres groupes d'opposition
en Europe qui proposent aussi, qui poussent leurs gouvernements à suggérer une
médiation internationale.
L'Assemblée nationale du Québec, aujourd'hui,
fait oeuvre de précurseur, en disant : Nous, nation québécoise, qui avons
usé de notre autodétermination, nous avons des choses importantes à dire
là-dessus. Et maintenant, on appelle le Parlement canadien à en faire autant,
on appelle les Parlements européens à en faire autant. Il faut dire qui est
responsable de la violence, c'est le gouvernement espagnol. Il faut offrir une
solution qui est une médiation internationale.
M. Laforest (Alain) : M.
Couillard vient de répéter qu'il offrait l'aide du Québec, entre autres par le Directeur
général des élections. Vous avez parlé du fédéral. Qu'est-ce que la voix du Québec
dans le concert des nations actuellement?
M. Lisée
: Qu'est-ce
que la voix du Québec?
M. Laforest (Alain) : Dans le
concert des nations actuellement.
M. Lisée
: Bien, écoutez,
nous, on utilise le poids que nous avons. Et le fait que les gens qui se sont
battus pour le Non et pour le Oui au référendum de 1995 soient ensemble pour
dire ça, ça a un poids moral qui est réel. Est-ce qu'il est déterminant? Non.
Est-ce que le monde entier nous regarde? Non. Mais qu'est-ce qu'on peut faire,
nous, pour enclencher ce mouvement-là? Bien, on peut être unanimes. Des gens
qui n'étaient pas du même côté du débat référendaire ici disent : Bien,
nous, en tant que démocrates, nous sommes très préoccupés. Nous déplorons
l'autoritarisme puis on pense qu'une médiation, ça ne serait pas une mauvaise
idée.
On est conscients des limites de notre
influence, mais on est conscients également que nous devons prendre la parole
et que peut-être que ce qu'on a fait aujourd'hui va conduire d'autres Parlements,
d'autres oppositions d'abord, à essayer d'entraîner leurs gouvernements dans la
voie d'une position plus claire pour faire pression sur le gouvernement de
Madrid. Parce que c'est ça...
Qu'est-ce qui bloque en ce moment? Ce
n'est pas les Catalans. Les Catalans, ils veulent débattre, ils veulent
discuter, ils veulent négocier, ils le demandent depuis des mois. Le
gouvernement de Madrid, pensant que la communauté internationale lui donne
carte blanche, reste rigide. Bien, il faut créer un mouvement qui fait en sorte
que la communauté internationale ne lui donne pas carte blanche et c'est ce
qu'on a commencé aujourd'hui à Québec.
M. Lacroix (Louis) : Mme
St-Pierre a semblé, comment dire, minimiser l'importance d'un référendum tout à
l'heure, en disant qu'elle avait parlé à des gens en Catalogne et que ces
gens-là lui avaient dit que, de toute façon, la majorité des Catalans ne
veulent pas de l'indépendance. Qu'est-ce que vous faites de cette remarque de
Mme St-Pierre?
M. Lisée
: Stéphane en
revient, donc je vais lui laisser commenter ça.
M. Bergeron : Bien, écoutez,
le taux de participation est quand même assez spectaculaire, et, si on ajoute
aux votes exprimés les quelque 770 000 voix qui ont été littéralement
volées par les policières espagnoles, on en arrive à plus de 50 % de
participation, avec un vote de plus de 90 % en faveur du Oui. On peut
présumer que les 770 000 voix qui ont été volées par le gouvernement
espagnol s'exprimaient un peu dans le même sens que le reste de l'électorat
catalan. Conséquemment, on parle d'une majorité absolue de l'électorat catalan
qui se serait prononcée en faveur de l'indépendance.
Alors, je ne sais pas où Mme St-Pierre
prend ses informations, mais, dans les circonstances, je pense qu'on devrait
l'appeler à un peu plus de retenue.
M. Lacroix (Louis) : Mais
est-ce que ce n'est pas un peu, comment dire... parce que de dire ça, ça vient
faire en sorte de dire : Bien, de toute façon, on n'a pas besoin de
référendum, selon moi, il y a une majorité de gens. Alors, ça va un peu à
l'encontre de ce que vous mentionnez, là, de dire : Laissons le peuple
catalan s'exprimer. Elle, elle dit d'emblée que son impression, c'est qu'une
majorité de gens n'en veulent pas.
M.
Bergeron
:
Bien, justement, ce genre de... puis on l'a vu avec la motion unanime de
l'Assemblée nationale, lorsqu'il y a une consultation populaire de l'envergure
de celle qui a eu lieu en Catalogne, on ne peut pas simplement s'appuyer sur
des impressions. On doit s'appuyer sur le verdict populaire et, dans ce cas-là,
on n'a pas le choix de constater que le verdict est assez clair, voire sans
appel. Alors, il faut prendre acte de ce verdict, il faut prendre acte de la
réponse des Catalans et des Catalanes et chercher à trouver une issue à la
crise actuelle, et ça, évidemment, ça passe par la négociation, ça passe par le
dialogue.
La veille même du référendum, le président
Puigdemont a offert à l'Espagne cette médiation sous les auspices de l'Union
européenne, allant même jusqu'à laisser entendre qu'on pourrait interrompre
tout le processus. L'Espagne a préféré maintenir la ligne dure, envoyer la
police nationale le lendemain, tabasser des gens qui étaient simplement là
présents sur place, qui ne manifestaient aucunement, qui faisaient simplement
ce qu'il y a de plus sacré et de plus fondamental en démocratie, c'est-à-dire
voter.
Alors, moi, je pense qu'il faut
reconnaître ce vote et prendre acte pour la suite des choses.
M. Lisée
: Je veux
revenir là-dessus parce que ce que Stéphane dit est extrêmement important.
Comment mesurer le vote indépendantiste catalan? Il y a eu des sondages, il y a
eu des élections avant, mais ce qu'on sait, c'est que ceux qui ont voté ont
voté à 90 % pour le Oui, 770 000 votes ont été volés. Si on présume
que 90 % de ces votes-là sont pour le Oui, ça veut dire que plus de
50 % de l'électorat est allé voter pour le Oui. Ça, c'est la dernière
donnée disponible. Alors, penser autre chose ne se fonde sur rien.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que Mme St-Pierre s'est ingérée dans les affaires de la Catalogne en
disant qu'une majorité des Catalans était contre l'indépendance?
M. Lisée
: Aujourd'hui,
je préfère me concentrer sur le fait que nous étions unanimes aux côtés des
Catalans que de débattre avec Mme St-Pierre là-dessus.
M. Lecavalier (Charles) : Mais
est-ce que c'est une bévue de Mme St-Pierre d'avoir dit ça?
M. Lisée
: Je vais vous
laisser conclure là-dessus.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais quelle est la valeur de votre motion, dans la mesure où vous l'avez
édulcorée, là? En gros, vous souhaitez qu'un médiateur soit nommé, mais seulement
si Madrid appuie ce médiateur-là. Ça n'arrivera pas, vous le savez, M. Lisée.
M. Lisée
: Bien, c'est
le principe même de la médiation. Aucune médiation n'a lieu si les parties ne
consentent pas. L'important, c'est qu'on se mette à avoir des Parlements dans
le monde qui disent à Madrid : Ça prend une médiation.
Là, la difficulté qu'on a, c'est qu'il y a
des pays importants qui ont dit : Nous faisons confiance à Madrid. Nous,
ce qu'on a dit aujourd'hui, c'est : Ce serait bien que ce ne soit pas
juste dans les mains de Madrid. C'est un changement important. Et on sait que
des groupes d'opposition, en France et ailleurs, sont en train de demander
aussi à leurs gouvernements de suggérer une médiation. Il faudra que Madrid
accepte la médiation, mais on est dans ce mouvement de dire : Ça ne peut
pas rester entre les mains de Madrid.
Et, si Madrid… Et ce que je disais la
semaine dernière, ce qui est grave dans ce qui s'est passé, c'est que la
communauté internationale a donné l'impression à Madrid que personne ne s'en
mêlerait. Et c'était la première réaction des grandes puissances, on ne s'en
mêle pas. Mais là on commence à dire : Oui, oui, il faut s'en mêler. Il
faut que Madrid commence à sentir son isolement. Elle n'est pas isolée
aujourd'hui, là, mais là où on veut aller, c'est que Madrid se sente isolée,
que de plus en plus de gens dans la communauté internationale disent à Madrid :
Accepte une médiation.
M. Bélair-Cirino (Marco) : À
quel moment précisément le gouvernement libéral a jeté du lest, qu'il a proposé
une loi de compromis?
M. Lisée
: Ce matin.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Quand? Est-ce que c'est avant ou après la conférence de presse de Mme
St-Pierre?
M. Lisée
: C'était
concomitant. De toute façon, elle vous a lu le paragraphe, le premier
paragraphe sur l'autoritarisme espagnol, qui nous convenait, que… On a su ça ce
matin. Mais sur la médiation… je peux vous dire, sur la médiation, c'est une
négociation entre moi et le premier ministre. On s'est échangé des textes, puis
j'ai dit : Écoutez, je sais que vous ne voulez pas une médiation, j'avais
compris, mais si les parties y consentent? Bien là, il a dit : Bien, si
les parties y consentent, ça nous va. Mme St-Pierre était d'accord, M. Legault
et les autres.
Mais, pour moi, ça n'édulcorait rien parce
qu'une médiation suppose l'accord des parties. L'important pour moi, c'était
que l'Assemblée nationale suggère la médiation. C'est ce que veulent les
Catalans, c'est le combat actuel et c'est la voie de sortie. C'est la voie de
sortie. Alors, je suis reconnaissant au premier ministre d'avoir accepté, en
dernière minute, cet ajout. On a trouvé une façon qui nous convenait à tous.
M. Vigneault (Nicolas) : Sur
la discrimination systémique, qu'est-ce que vous pensez un peu des explications
du gouvernement? Est-ce que vous seriez prêt à accepter, par exemple, un forum,
plutôt qu'une commission formelle?
M. Lisée
: Bien,
écoutez, là, des consultations sur les questions de racisme, de laïcité, de
vivre-ensemble, il y en a eu six en 10 ans, six en 10 ans, y compris sur le
racisme en 2006. Alors, les solutions, elles sont connues, il suffit de les
appliquer.
Alors, l'annulation de la consultation
telle que conçue, c'est indispensable, et le fait de sous-traiter à des organisations
qui ont déjà traité les Québécois de xénophobes et d'islamophobes, ce n'est pas
acceptable. Alors, attendons de voir ce que le caucus des députés pousse le premier
ministre à faire. S'il veut réunir des experts pendant deux jours en commission
parlementaire, pourquoi pas? Mais nous, au retour, on a un projet de loi qu'on
a travaillé avec des juristes, qui explique comment mettre en oeuvre immédiatement
un certain nombre de mesures contre le racisme et la discrimination et pour
l'intégration, et c'est ce que les experts vont dire, parce qu'on consulte tous
les mêmes experts. Alors, on est au moment de l'action.
M. Laforest (Alain) : Donc,
c'est de l'entêtement?
M. Lisée
: Bien là, M.
Couillard s'entête aujourd'hui. Il veut sauver la face. L'important, c'est
qu'on agisse, qu'il n'y ait pas de procès et qu'il y ait de l'action.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
M. Khadir a déclaré qu'il allait rencontrer le premier ministre. Est-ce que
vous allez le faire?
M. Lisée
: Si le
premier ministre veut me rencontrer, ça va me faire plaisir de le rencontrer.
M. Chouinard (Tommy) : O.K.
Donc, vous n'avez pas eu d'invitation.
M. Lisée
: Je n'ai pas
été invité. Peut-être à l'occasion de notre voyage à Washington, on pourra en
discuter. Je n'ai pas eu de date encore pour ce voyage-là.
Le Modérateur
: En anglais.
Mme Johnson (Maya) : How do you interpret the Premier's comments about rethinking the
process for these hearings?
M. Lisée
:
I think he's in big trouble and he knows it. I think he realizes that a number
of Quebeckers feel that the commission is completely uncalled for, will simply
put vinegar in the wounds and that he'd better simply act against racism and
discrimination rather than have this whole consultation, even more so because
the costs are going up, the timetable is expanding, and now we know that groups
that already have said that Quebeckers are xenophobes will be tasked in
organizing parts of the consultation, which is simply unfathomable.
So, basically, he is
trying to find a way to walk on the paint and to save face. We'll know within a
few days how he does that. But I think… I welcome the fact that he wisens up to
the notion that that was a bad idea and that action is needed, not talk.
Mme Johnson (Maya) : And what do you think this says about how things are going within
his own caucus right now, since at least a couple of his MNAs have publicly
expressed that they see this as an issue?
M. Lisée
:
…Mr. Couillard is disconnected with the Québec population and some of his MNAs
are connected, so they're going to try and tell him to stop being so arrogant
towards the will of the people and the will of his own caucus members. We'll
see what happens.
Le Modérateur
:
Merci.
(Fin à 11 h 33)