(Onze heures quatorze minutes)
M. Roberge : Bonjour, tout
le monde. Alors, je dois vous dire que, quand on a commencé l'étude article par
article du projet de loi n° 144 du ministre Proulx, on y allait dans
d'excellentes dispositions. C'est un projet de loi qui s'inspire du projet de
loi que j'ai déposé le 1er juin 2017, qui lie un peu la Loi sur
l'instruction publique avec la Loi de la protection de la jeunesse. D'ailleurs,
hier, on a voté le volet Loi protection de la jeunesse puis on précise vraiment
que ces deux lois-là, maintenant, vont travailler ensemble.
Mais, lundi soir, vraiment, là, ça a
dérapé solidement quand j'ai questionné le ministre que... on discutait avec le
ministre de l'article 2, et ça se passe tout, tout dans l'article 2
du projet de loi n° 144 où, là, on a dit : Bon, bien, maintenant, il
faut préciser l'encadrement qu'on fait pour les parents qui font le choix de
l'école à la maison. Il faut préciser les choses suivantes, c'est-à-dire que
l'ensemble du programme sera vu, que les jeunes passeront les examens
ministériels, on ne parle pas des examens à chaque étape ou à chaque année,
mais les examens du ministère, que ça va mener à un diplôme. Le ministre m'a
dit non trois fois. Là, je me suis dit : Mon Dieu! Mais ce n'est pas un
encadrement. Il est en train de désencadrer, il est en train de reculer par
rapport à l'état de droit actuel. Il est en train d'être moins strict que ce
qu'il y a actuellement.
Et là j'ai compris pourquoi après, parce
que le gouvernement libéral a choisi de répondre à la problématique des écoles
religieuses illégales en disant : Vous n'avez qu'à faire l'école à la
maison. Et qu'est-ce qu'il fait actuellement avec le projet de loi n° 144?
Bien, il s'assure que les parents qui font le choix de l'école à la maison, ils
font ce qu'ils veulent. S'ils ne veulent pas enseigner les sciences, ce n'est pas
grave. S'ils veulent enseigner le créationnisme, ce n'est pas grave pour le
ministre et le gouvernement libéral. S'ils ne veulent pas l'histoire, ce n'est
pas grave. De toute façon, il n'y aura pas d'examen ministériel pour le
vérifier. Et ces jeunes-là n'auront pas accès à un diplôme. Ça, c'est grave.
Et ce qu'on a découvert hier, hier, en
questionnant le ministre, c'est qu'il était en train d'ouvrir une autre brèche
sur un autre front, et là c'est très, très grave, ça touche directement à notre
identité, à notre langue et notre culture, il est en train, avec le projet de
loi n° 144, de faire une brèche dans la loi 101. Il est en train de
manigancer pour que les gens qui font l'école à la maison puissent ne pas
enseigner la langue française, puissent ne pas respecter l'esprit de la
loi 101, qui est d'enseigner dans la langue française pour les gens qui
sont obligés de scolariser en français.
Voyant cela, j'ai retiré un amendement que
j'avais déposé, qui ne tenait pas compte de cette problématique-là, pour en redéposer
un plus fort qui dit : Attention! Un parent qui scolarise à la maison doit
être encadré par une institution de langue française ou de langue anglaise, là,
pour les gens qui sont de la minorité anglophone, qui ont ce droit-là. En
réalité, ce que tu fais à la maison, il faut que ça soit équivalent de ce que
tu ferais dans le réseau. Et ça, le ministre l'a dit clairement en commission,
il n'en est pas question pour lui. Il dit qu'on n'a pas à légiférer sur ce
qu'il se fait à la maison, oubliant que c'est l'école qui se fait à la maison.
Il dit qu'il n'a pas l'intention de s'en mêler. Il y renonce carrément. Et,
dans les faits, ça ne peut pas être plus clair, il a rejeté et battu
l'amendement clair et précis que j'avais déposé hier soir là-dessus. Donc,
c'est un recul extrêmement important sur plusieurs fronts. Pour moi, c'est
carrément une atteinte au droit à l'éducation.
M. Dion (Mathieu) : Pour
la question des examens ministériels, par exemple, il évoquait que, quand même,
il y a de nombreux experts, il y a des universitaires pour dire qu'on ne peut
pas appliquer les mêmes examens pour tout le monde, que ce soit dans les écoles
ou encore à la maison. Il faut faire quand même une distinction puis il faut
être conscient de ça. Êtes-vous insensible à ça, au fait que, oui, c'est vrai, l'enseignement
à la maison n'est pas la même chose qu'à l'école?
M. Roberge : L'enseignement
à la maison n'est pas la même chose qu'à l'école. Les gens qui font le choix de
l'école à la maison, justement, décident de sortir de ce cadre, qui est
peut-être plus rigide. Donc, il n'y a pas quatre bulletins par année. Il n'y a
pas des examens de commission scolaire. Il n'y a pas des examens de fin
d'étape. Ils peuvent moduler les apprentissages entre les examens ministériels.
Puis le premier examen ministériel au Québec, là, c'est à la fin de la
quatrième année.
Donc, quand on dit à la CAQ : Il faut
à tout le moins des examens ministériels, on est en train de donner une immense
marge de manoeuvre aux parents qui font l'école à la maison. Ça veut dire pas
d'évaluation formelle, là, avant l'âge de 10 ans. Il me semble que ce n'est pas
une position qui est trop ferme et que ce n'est pas de nier qu'est-ce que c'est
que l'école à la maison. On est tout à fait d'accord pour laisser une certaine
marge de manoeuvre, mais, à un moment donné, trop, c'est trop. Et de renoncer
aux examens ministériels, pour nous, c'est trop.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
...l'apprentissage, le ministre dit que, dans le fond, ce sera encadré par
projet de règlement. Il dit que la loi, le projet de loi prévoit même la
création d'une table de concertation du milieu, que cette table-là va faire des
recommandations et que, par la suite, par règlement, le ministre va encadrer le
projet d'apprentissage. Pourquoi? Est-ce que ce n'est pas assez pour vous?
M. Roberge : Bien, ce
serait un chèque en blanc, et il n'est pas question de faire un chèque en blanc
au ministre et au Parti libéral. Je suis en faveur de la création de cette
table de concertation et je suis conscient qu'on ne peut pas tout régler dans
le projet de loi. Il peut y avoir des modalités d'application. À quelle
fréquence la commission scolaire rencontrera les parents qui font l'école à la
maison? Est-ce que c'est aux deux mois, aux six mois? Est-ce que c'est annuellement?
Ça, la table de concertation pourra décider. Est-ce que ce sera par voie d'un
portfolio? Est-ce que les parents se déplaceront à la commission scolaire ou la
commission scolaire ira à la maison?
Ça, là, on peut laisser la table de
concertation, avec les parents qui font l'école à la maison, discuter de ces
modalités-là pour que ce soit possible, pour leur laisser une marge de
manoeuvre. Mais il ne faut pas aller trop loin non plus, il ne faut pas aller
trop loin non plus. Pour nous, là, il y a des conditions sine qua non. Il faut
respecter l'esprit de la loi 101. Ça, ce n'est pas négociable. Il faut voir
l'ensemble du programme. Il faut que les examens du ministère soient là. Il
faut que ça mène à un diplôme reconnu. Ça, c'est essentiel, sinon...
M. Boivin (Mathieu) :
Vous parlez de la loi 101. Vous parlez de la loi 101. Ça m'amène une question.
Je ne sais pas si ça a rapport, mais il y a déjà eu un problème d'écoles
passerelles, hein, par lesquelles on achetait un peu le droit d'aller à l'école
anglaise. Est-ce qu'il serait possible, dans votre analyse, qu'on scolarise à
la maison un enfant en anglais et qu'ensuite, pour quelque prétexte, on le
présente dans le public en disant : Bien, écoutez, il a toujours eu sa
scolarité en anglais. Il faudrait l'envoyer du côté anglais.
M. Roberge : Ce serait
une dérive possible, c'est une excellente question. C'est comme si le
gouvernement libéral réessayait de nous faire le coup des écoles passerelles.
Puis il ne faudrait pas que l'école à la maison, version Sébastien Proulx,
version Parti libéral, avec le projet de loi n° 144, soit une nouvelle
façon de faire le tour. L'école passerelle, tu sais, on passe par-dessus cette
obligation de respecter la loi 101, la Charte de la langue française. Pour
nous, c'est définitivement une brèche dans laquelle on ne veut pas tomber, on
ne veut pas tomber.
Mme Porter (Isabelle) :
…du projet de loi, là, ce qui est écrit en ce moment, est-ce que ça… comme
c'est écrit, est-ce que ça reviendrait à dire que n'importe qui peut se
soustraire à la loi 101 en décidant de faire l'école à la maison avec des
examens en anglais? Est-ce que ça va jusque-là?
M. Roberge : Tel que le
projet de loi est rédigé, il ne précise pas ça. Le ministre a amendé
l'article 2 du projet de loi et il ne précise encore rien de ça. Tout est
flou, tout est pelleté en avant à la fameuse table de concertation, qui
n'existe pas.
Maintenant, on pose des questions au
ministre, puis là il nous dit : Oui, ça ne me dérange pas. Et, quand je
dépose un amendement pour dire que ça prend des examens, ça prend le respect de
la Charte de la langue et ça prend une formation qui respecte le programme, il
me dit non à chaque fois et il bat chacun de mes amendements. Ça fait que
comment je peux lui faire confiance que, dans ses règlements, il va être strict
puis il va garantir l'accès à un diplôme quand il bat chacun des amendements
qui visent à inscrire ça dans la loi? Je ne peux pas lui faire confiance. S'il
y croyait, là, il aurait l'occasion de l'inscrire tout de suite.
Il y a des parties qui ne sont pas
négociables. Moi, je suis d'accord pour laisser une marge de manoeuvre aux gens
qui font l'école à la maison, mais il ne faut pas que ça devienne du n'importe
quoi. Je ne prétends pas que c'est du n'importe quoi, mais il ne faut pas que
ça le devienne.
M. Dion (Mathieu) : Vous
avez évoqué un peu les communautés religieuses. Vous avez parlé de la langue
française. Pourquoi le gouvernement donnerait autant de marge de manoeuvre,
selon vous? Pourquoi? Quelle serait la raison derrière ça?
M. Roberge : Bien, ce
qu'on est en train de voir, c'est que le gouvernement n'a jamais eu de réelle
intention de s'attaquer à la problématique des écoles clandestines, illégales
ou illégales religieuses.
M. Dion (Mathieu) :
Pourquoi?
M. Roberge : Pourquoi le
fait-il? Bien là, je vais le laisser défendre sa…
M. Dion (Mathieu) : Bien,
selon vous, vous devez avoir une opinion.
M. Roberge : Je ne peux
pas vous dire pourquoi il renonce à s'attaquer à la question des écoles
religieuses. Pour moi, c'est un non-sens. Tous les Québécois devraient être
sévères là-dedans. Je ne veux pas prêter des intentions au ministre. Je pense
que c'est du grand n'importe quoi, puis il justifiera ce qu'il est en train de
faire lui-même. Je ne peux pas…
La Modératrice
:
D'autres questions? Merci à tous.
M. Roberge : Merci.
(Fin à 11 h 23)