(Dix heures vingt-six minutes)
Le Modérateur
: Alors,
bonjour. Bienvenue à ce point de presse de la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
Manon Massé, accompagnée de personnes du Front commun des personnes assistées
sociales du Québec. Donc, on va commencer avec Mme Massé. Suivra M. Yann
Tremblay-Marcotte ainsi que Mme Monique...
Une voix
: Toutant.
Le Modérateur
: Toutant.
Mme Massé : Monique Toutant,
oui, voilà. Alors, bien, bonjour, tout le monde. Vous savez, aujourd'hui, 17
octobre, Journée internationale d'élimination de la pauvreté, ce n'est pas une
mince affaire dans cette période où le Québec crée de la richesse, où
mondialement on se retrouve dans des situations où les inégalités entre les
gens en bas de l'échelle et ceux en haut de l'échelle s'agrandit, et c'est
pourquoi qu'annuellement c'est fondamental de se rappeler qu'on est capables de
s'en sortir si on fait les choix politiques de le faire.
Alors, aujourd'hui, j'ai donc invité des
gens qui vivent la situation, parce que souvent on parle pour eux autres,
alors des gens qui vivent la situation, de venir nous dire qu'est-ce
qu'ils ont à exiger de nos différents gouvernements. Et je vais donc, de ce
pas, laisser la parole à Yann Tremblay du Front commun des personnes assistées
sociales du Québec.
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
Merci, tout le monde. Effectivement, aujourd'hui, c'est le 17 octobre, hein, la
journée sur l'élimination de la pauvreté. C'est une journée internationale, qu'il
est important de se rappeler que les gouvernements ont la responsabilité de
faire mieux pour aider les personnes qui vivent des parcours fragilisés, qui
ont besoin de plus d'aide de la part du gouvernement.
Aujourd'hui, on veut particulièrement...
Vous le savez, le programme Objectif emploi, on s'est opposés à ça. On veut
particulièrement solliciter le ministre Blais qui a, depuis le début, vraiment
évité de répondre à une question fondamentale, c'est-à-dire qu'est-ce
qu'il va faire avec les personnes qui vont se retrouver avec 404 $ par
mois. Parce qu'essentiellement son programme Objectif emploi, c'est ça, c'est
un programme d'employabilité comme on a vu, avec un parcours un peu plus individualisé,
bon, voir s'il va y avoir les ressources pour ça, mais essentiellement, c'est
de baisser la barre d'aide sociale, baisser le minimum, le passer de 628 $
à 404 $ par mois. Et là le ministre Blais, depuis le début, a sans cesse
évité de répondre à la question, hein? Qu'est-ce qu'il va faire avec les
personnes qui vont se retrouver avec 404 $ par mois, qui ne seront plus en
mesure de payer leur loyer, qui seront handicapées, qui vont développer des
maladies? Qu'est-ce que le ministre va faire avec ça? Parce que c'est important
de se rappeler que c'est lui qui est responsable, justement, de cette
condition-là, c'est lui qui va adopter ce projet de loi là et c'est lui qui va
faire diminuer le minimum d'aide sociale à 404 $.
Donc, on va finir... Je vais passer la
parole à Monique, puis, après ça, on veut vraiment dire qu'il existe d'autres
solutions pour aider les personnes à l'aide sociale que couper le minimum dans
lequel elles peuvent se retrouver.
Mme Toutant (Monique) :
Alors, bonjour, tout le monde. Mon nom est Monique Toutant, militante dans un
groupe de défense des droits qui s'appelle l'Association pour la défense des
droits sociaux, Québec métropolitain, qui est l'ADDS-QM. Je suis une
prestataire d'aide sociale. Je ne peux pas travailler... plutôt dire que le
marché du travail n'a pas pu me faire de place.
Je pourrais dire que ma situation n'est
pas enviable pour plusieurs, à cause de mes problèmes de santé et mes problèmes
académiques. Pour d'autres, c'est le contraire. Pour certains, ils m'envient.
J'ai la chance, comme on dit dans la rue, là, d'avoir le gros chèque. Je suis
contraintes sévères. C'est donc par solidarité avec les prochains demandeurs
que je prends la parole. Déjà, l'aide accordée est insuffisante. Comment faire
pour arriver avec un chèque d'aide sociale? Je dois faire plusieurs choix
constamment entre manger ou la passe d'autobus. Il ne faut surtout pas que j'aie
un petit pépin dans le mois : un bris, un problème de santé inattendu, un
manteau d'hiver à acheter. Alors, mon budget est foutu pour ce même mois.
Déjà, avec une pleine
prestation, la vie n'est pas facile. Imaginez qu'est-ce qu'il advient pour les
nouveaux demandeurs, un maigre 628 $, avec des menaces de coupures. Le
ministre nous fait accroire que dorénavant, il aidera des personnes. Je ne vois
pas comment il fera dans le système actuel. Ce qu'on a toujours vu et ce que
moi, j'ai vécu, c'est faire accroire au monde qu'on les aide. Le résultat est
souvent déplorable. Si on n'a pas encore perdu espoir, on recommence. Oui, on
recommence, pour résultat de retourner toujours à la case départ.
Comment, à partir de mon
expérience et ce que j'ai vu autour de moi… Je vois Objectif emploi, un paquet
de pièges de coupures de chèques, une belle main-d'oeuvre toute prête, sans
avoir à former les gens. Ces personnes seront abandonnées une fois de plus pour
le bénéfice du marché du travail. Pour les nouveaux demandeurs, le ministre
avouera-t-il un jour que le p.l. n° 70 n'est qu'un exercice de
récupération d'argent sous la couverture de fausses promesses?
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : Je veux juste terminer. Actuellement, ce que le ministre
Blais a fait depuis le début qu'il est en poste, hein, puis le ministre
Sam Hamad avant, c'est constamment des coupures, hein? Ils veulent diminuer
le chèque d'aide sociale. On sait que c'est plutôt le contraire. Ce qu'il faut,
c'est améliorer le revenu des personnes à l'aide sociale pour qu'elles puissent
répondre à l'ensemble de leurs besoins de base et se trouver en meilleure
posture pour l'emploi, hein?
Si le ministre veut être sérieux,
justement, pour éliminer la pauvreté, il y a des mesures assez simples qu'il
peut faire, hein? Nous, au Front commun, ce qu'on demande, c'est un revenu
social universel garanti, donc que ça soit un revenu qui permet aux personnes
de sortir de la pauvreté. Mais il peut faire aussi d'autres choses en attendant
comme, par exemple, les gains de travail permis, hein? Les personnes à l'aide
sociale peuvent seulement gagner 200 $ par mois, et ça, ça n'a pas été indexé
depuis 1994. Donc, ça, c'est un montant qui n'a pas été changé.
Et une autre aussi aberration importante à
l'aide sociale, c'est les pensions alimentaires, hein? Quand un parent reçoit
une pension alimentaire, il peut juste garder 100 $ par mois là-dessus. Ça
fait que c'est encore une mesure pour essayer de garder l'aide sociale basse.
Et là ce qu'il nous a proposé, c'est seulement Objectif emploi, hein, de faire
encore une coupure, de baisser le minimum à 404 $ par mois. Donc là, il
est temps que le ministre propose d'autres choses pour les personnes à l'aide
sociale. Il a encore le temps de changer son règlement, et c'est important
qu'il nous réponde, qu'est-ce qu'il va faire avec les personnes qu'il va condamner
à vivre avec 404 $ par mois. Merci.
Le Modérateur : Merci. On va
prendre la période de questions sur le sujet.
M. Vigneault (Nicolas) :
Vous parlez notamment d'augmenter le revenu. Est-ce que ça ne risque pas
justement d'amener des gens à dire : On se trouve dans une situation
confortable, et donc je n'irai pas nécessairement en emploi? Comment vous voyez
ça? C'est un argument que certains pourraient être tentés d'amener. Vous parlez
d'un revenu minimum garanti, c'est un peu ça votre solution. Comment vous
réagissez à ça, si les gens disent : Bien, écoutez, ça risque de conforter
les gens dans leur position et de ne pas les amener à l'emploi?
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
Je peux te laisser répondre.
M. Vigneault (Nicolas) :
Oui, allez-y, Mme Toutant. Allez-y.
Mme Toutant (Monique) : Moi,
je crois que c'est plutôt le contraire, ça va aider les personnes, parce que
les personnes avec 628 $ par mois n'ont pas assez d'argent pour se
nourrir, se vêtir, se transporter. Une passe d'autobus présentement, c'est
85,50 $. Ça fait qu'imaginez-vous, sur un budget de 628 $ par mois,
quand il faut que tu t'habilles, il faut que tu manges. Pour être en santé, il
faut manger. Si la personne n'a pas suffisamment d'argent pour bien se nourrir,
donc elle tombe malade.
Ça fait qu'en ayant un peu plus, bien,
cette personne-là serait un peu plus en santé. Elle aurait envie d'aller sur le
marché du travail parce qu'elle serait capable de subvenir à ses besoins. C'est
ce que je crois.
M. Vigneault (Nicolas) :
...Mme Massé, peut-être pour convaincre le gouvernement d'aller dans ce
sens-là plutôt que la proposition qui est sur la table actuellement?
Mme Massé : Oui, bien, c'est
sûr, je pense qu'on a travaillé très fort pour essayer de le convaincre dans le
temps de l'étude du projet de loi, etc. Je pense que M. Blais doit reconnaître
que c'est une position idéologique qu'il a, point barre. Ce n'est pas logique.
Les gens qui vivent la situation, les chercheurs, les gens qui interviennent
avec ces personnes-là, les gens des groupes qui font de la défense de droits
nous disent tous, toute la gang, que c'est en améliorant les conditions de vie
des gens qu'on aide les gens à sortir de l'aide sociale.
Alors, M. Blais, c'est idéologique, son
choix. On va continuer de le décrier. Et ensuite, bien, des propositions, Québec
solidaire est une solution pour améliorer les conditions de vie des gens les
plus défavorisés de notre société. Notre programme en pullule. Alors, on va
continuer de les mettre de l'avant puis essayer de les faire adopter.
D'ailleurs, le premier projet de loi que
moi, j'ai déposé en tant que députée, c'est le projet de loi pour éliminer
cette injustice flagrante, ce vol qu'on fait aux enfants les plus pauvres, c'est-à-dire
qu'à partir du moment où la cour a statué, où il y a une entente de pension
alimentaire, de paiement de pension alimentaire, à partir du premier 100 $
par enfant, cet argent-là est coupé au parent gardien. On s'entend, c'est
les femmes. Un projet de loi, deux articles. Comment ça se fait qu'il traîne
encore dans les oubliettes? C'est parce que M. Blais ne se préoccupe pas des
personnes défavorisées.
Le Modérateur
: Alain
Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) : Oui.
Dans un sujet connexe, mais... actuellement, Montréal traverse une crise du
fentanyl. Est-ce que le gouvernement est suffisamment préoccupé? Est-ce que les
organismes de santé publique en font suffisamment pour limiter, là? On parle de
60 cas de surdose depuis le début de l'année, en deux mois.
Mme Massé : M. Laforest, si ça
ne vous dérange pas, on va terminer les questions avec les gens, par respect,
puis, après ça, bien, je vous donnerai même un scoop en individuel. C'est-u
bon, ça?
M. Laforest (Alain) : Bon.
Moi, j'aimerais mieux qu'on le fasse...
Mme Massé : Au micro?
M. Laforest (Alain) : Oui.
Mme Massé : Parfait. On fera
ça comme ça, mais terminons avec les gens pour pouvoir les libérer aussi.
Le Modérateur
: Est-ce
qu'il y a d'autres questions sur le sujet? Non?
Mme Massé : Bien, en fait, je
voulais juste vraiment remercier ces gens extrêmement courageux, extrêmement
articulés, qu'on arrête de me dire que les gens à l'aide sociale, c'est des
parias, c'est des exclus. Oui, ils vivent de l'exclusion, mais pas parce que c'est
des gens qui veulent s'exclure. C'est parce qu'on a des préjugés, parce que
quand j'entends l'articulation de ces gens-là, quand j'entends ce que ces
gens-là ont à dire pour la dignité humaine, je peux vous dire qu'ils font la
barbe à bien des gens qui occupent l'espace public. Alors, merci de votre
courage. Merci d'être là.
Des voix
: Merci.
Mme Massé : Merci, Alain.
M. Laforest (Alain) :
Qu'est-ce que vous en pensez, de cette crise du fentanyl à Montréal, où on
parle d'une accélération des cas de surdose en deux mois, là?
Mme Massé : Oui, oui. Bien, déjà,
hein, on sait ce qui s'est passé en Colombie-Britannique. On sentait que ça
allait arriver au Québec. Depuis le printemps, particulièrement dans mon comté,
on est très vigilants, vigilantes. Les groupes communautaires nous le disent
depuis le début. Je pense qu'il y a eu des pas intéressants de faits, mais il
en reste de façon urgente à en faire.
Les overdoses, on est capables d'agir et
de sauver des vies avec la naloxone. Présentement, elle est disponible
seulement en pharmacie. Les groupes communautaires ont la responsabilité de
former les utilisateurs, utilisatrices de drogues injectables, mais ils n'ont
pas le pouvoir de leur donner le kit nécessaire pour leur sauver la vie à eux-mêmes
ou à quelqu'un d'autre, parce que souvent ils sont avec des gens dans la rue.
Alors, moi, je pense qu'on peut continuer d'agir en équipant mieux les groupes
communautaires, en équipant mieux les utilisateurs, utilisatrices, et je pense
que le bon pas qui a été fait mérite d'en faire un deuxième.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que le gouvernement prend cette crise-là à la légère actuellement au Québec?
Mme Massé : Bien, je pense que
les réactions qui ont eu lieu cet été étaient adaptées à cet été, mais là,
quand on voit l'accélération, qui était prévue et prévisible, je pense qu'il
faut augmenter les actions, et, dans ce sens-là, le gouvernement du Québec doit
permettre l'accès, parce que c'est ça qui sauve la vie, l'accès à la naloxone,
aux gens qui vivent la situation, donc utilisateurs, utilisatrices des drogues
injectables, aux groupes communautaires, aux premiers répondants et à toute
personne, dans le fond, qui a un lien direct avec ces gens qui ne se déplacent
pas pour aller à la pharmacie parce qu'ils sont stigmatisés. Alors, il faut
leur donner le matériel. Merci.
Le Modérateur
: Merci.
(Fin à 10 h 41)