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Point de presse de M. Jean-François Lisée, chef de l’opposition officielle, Mme Agnès Maltais, porte-parole de l’opposition officielle en matière de laïcité, et porte-parole de l’opposition officielle en matière de culture et de communications

Version finale

Tuesday, October 24, 2017, 11 h 20

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Onze heures vingt-trois minutes)

M. Lisée : On a assisté ce matin au plus grand dégonflement depuis la cérémonie de clôture du Festival de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu, le plus grand dégonflement. La semaine dernière, le gouvernement était très heureux d'avoir voté un projet de loi qui interdisait le visage couvert y compris dans les transports en commun. Et la ministre de la Justice — la ministre de la Justice, Procureur général, reconfirmée dans ses fonctions par le premier ministre — avait déclaré que burqa, niqab, masque, verres fumés — elle avait même dit verres fumés, je trouvais ça un peu fort — seraient interdits dans les transports publics. Aujourd'hui, elle dit le contraire. Aujourd'hui, elle se présente devant vous puis elle dit : Bien, on a pensé à notre affaire, puis ce qu'on a dit la semaine dernière aux législateurs pour qu'ils votent la loi et aux Québécois pour leur expliquer, c'était faux, c'était faux.

Qu'est-ce qui s'est passé entre les deux? Bien, d'abord, le Canada anglais a dit à Philippe Couillard de reculer. Le Parlement ontarien, unanime, a dit à Philippe Couillard : La loi n° 62 n'a pas sa place au Canada. Le maire de Montréal, Denis Coderre, a dit : Moi, je ne l'applique pas; moi, ancien ministre libéral fédéral, je n'appliquerai pas cette loi. Et le gouvernement du Québec au lieu de dire : Nous votons les lois, nous les expliquons, nous les appliquons, a dit : Ah bien, dans ce cas-là, on va reculer; dans ce cas-là, on va faire le contraire de ce qu'on a dit; dans ce cas-là, on baisse les bras; dans ce cas-là, on montre la faiblesse de l'État québécois et du gouvernement québécois.

Je vous demande, là, aux journalistes, aux recherchistes, aux historiens, de trouver un autre exemple d'un gouvernement qui a proposé un projet de loi difficile et qui, en quelques jours, a décidé de le vider de son sens, de le vider de son contenu face à une pression complètement prévisible. Tout le monde savait qu'à partir du moment où les libéraux adoptaient une loi balisant le visage couvert dans les services publics, le Canada anglais allait dire que c'était contraire aux valeurs canadiennes. Tout le monde le savait. Tout le monde savait que Denis Coderre dirait qu'il ne trouvait pas ça applicable. Il l'avait déjà dit auparavant. Tout le monde le savait.

Alors donc, on a un gouvernement qui vote une loi qui est très imparfaite — mais, pour eux, elle devait être parfaite, ça fait 10 ans qu'ils y travaillent, ça fait 10 ans qu'ils fignolent — et là, à la première tempête venue, s'écrase. Le gouvernement du Québec s'est écrasé. Demain, là, au Parlement fédéral, au Parlement ontarien, dans l'équipe Coderre, les gens vont dire : Ah! on les a eus, on les a eus, les Québécois, on leur a fait peur, ils ont cédé; on a juste eu à faire une motion au Parlement ontarien, on a juste eu à faire une petite manifestation à Montréal, on a juste eu à dire que nous autres, maire de Montréal, on n'applique pas la loi, puis le gouvernement recule. Moi, j'ai honte. J'ai honte aujourd'hui d'un gouvernement qui n'est pas capable de se tenir debout et de défendre ses lois et ses projets de loi.

Le Parti québécois, quand ils ont voté la loi 101, tout ça s'est passé et pire, et le Parti québécois s'est tenu debout parce qu'il croyait à sa loi 101, il croyait qu'elle était juste, il croyait qu'elle donnerait des résultats, et ça a donné une réforme positive pour le Québec, malgré ce qu'ont dit ceux qui étaient contre, y compris le maire de Montréal à l'époque, je vous ferai remarquer, hein? Jean Drapeau était contre, puis l'Ontario était contre, Pierre Trudeau était contre, puis un gouvernement qui sait ce qu'il veut et qui fait ce qu'il dit se tient droit et applique. Les gens ont dit : Ah! c'était inapplicable. Ah bon, c'était inapplicable? Alors, on peut appliquer l'interdiction de fumer dans un autobus ou à neuf mètres d'une porte d'un édifice public, on peut dire aux policiers de donner des contraventions à des gens qui textent dans la voiture, mais empêcher quelqu'un au visage couvert d'entrer dans un autobus, c'est impossible. C'est possible en France, c'est possible en Norvège, c'est possible au Danemark, c'est possible en Autriche, mais, au Québec, ce n'est pas possible? La faiblesse du gouvernement Couillard sur les questions de laïcité, on la connaissait déjà, mais on n'aurait pas pu imaginer un niveau de faiblesse aussi abyssal. C'est abyssal.

Et là, effectivement, la déclaration d'aujourd'hui de la ministre, bien, elle se replie sur le trudeauisme. M. Trudeau, dans cette cause type où une femme voulait prêter serment de citoyenneté avec le visage couvert, il a dit : Si elle va s'identifier au greffier à côté que personne ne voit, là elle peut le faire. Bien, maintenant, si on s'identifie au moment de l'identification, on pourra avoir le visage couvert dans la plupart des cas. Alors, c'est une victoire des multiculturalistes, c'est une victoire des trudeauistes, c'est une victoire du Parlement ontarien, c'est une victoire de Denis Coderre. Ce n'est pas une victoire pour la démocratie québécoise, ce n'est pas une victoire pour l'Assemblée nationale, ce n'est pas une victoire pour la laïcité, pour l'égalité des hommes et des femmes, pour le vivre-ensemble. Tu veux parler, Agnès?

Mme Maltais : Non, je n'ai rien à ajouter, sauf que je dois vous dire que je me sens flouée. J'ai travaillé sérieusement pendant deux mois en commission parlementaire. J'ai une ministre qui m'a affirmé des choses. Vous irez voir les galées sur ma page Facebook, et tout, il y a des propos très clairs qui ont été tenus. J'ai posé des questions. On m'a répondu de façon claire. On m'a même dit que les juristes du ministère de la Justice confirmaient que la prestation de services comprenait tout le trajet. Elle m'a dit : Les juristes, oui, c'est ça, ils confirment. C'est dans les galées. Et aujourd'hui il y a un point de presse où on défait tout ce qui s'est dit en commission parlementaire. C'est la ministre de la Justice, c'est la Procureur général du Québec, et elle défait en un point de presse ce qu'elle a dit dans une commission parlementaire devant ses collègues. Je trouve cela aberrant et je me pose des questions sur le sérieux de ce que cette ministre de la Justice a apporté en commission parlementaire, du sérieux avec lequel elle a travaillé, avec nous, cette loi. Je me sens flouée, ce matin, comme parlementaire. Je n'en reviens pas.

M. Lisée : Et comme Québécoise.

Mme Maltais : Et comme Québécoise.

Le Modérateur : Merci, Mme Maltais, M. Lisée. On va aux questions. Micro de droite, M. Laforest.

M. Laforest (Alain) : Bonjour. Est-ce que le gouvernement a menti et en quoi?

M. Lisée : Écoutez, il a trompé les Québécois. Moi, je pense qu'il a changé d'avis dans le milieu du guet, hein? Il a voulu faire quelque chose, et là, devant la pression ontarienne et de quelques maires, a changé d'avis. Ce n'est pas comme ça qu'on fait des lois.

Et, encore une fois, ces positions, elles étaient parfaitement prévisibles. M. Coderre était venu dire en commission parlementaire qu'il était contre. Ça faisait longtemps qu'il disait que c'est inapplicable. Bien sûr qu'il allait dire ça. Un gouvernement qui aurait bien préparé ces choses aurait prévu des sanctions pour les autorités municipales qui ne veulent pas appliquer la loi. En disant : Il n'y aura pas de sanctions...

M. Laforest (Alain) : Bien, il y aura des injonctions, là. C'est ce qu'elle nous a dit. Il y aura des injonctions.

M. Lisée : Bien, il peut y avoir des injonctions, il peut y avoir des brefs de mandamus, mais, de toute évidence, les premières déclarations, c'est qu'il n'y avait pas de sanctions pénales. Vous l'avez vu, vous l'avez rapporté. Alors, c'était donner... c'était une permission à la désobéissance civile. Là, on a eu le maire de Montréal qui a dit : Moi, je vais faire de la désobéissance civile face à une loi de l'Assemblée nationale. Alors, la réaction...

M. Laforest (Alain) : Mais elle a dit qu'il y aurait des injonctions aujourd'hui, là.

M. Lisée : Oui.

M. Laforest (Alain) : Ce n'est pas assez pour vous?

Mme Maltais : Aujourd'hui, encore une fois, aujourd'hui. Demain?

M. Lisée : Est-ce qu'il y en aura la semaine prochaine? La semaine dernière, ce n'était pas ça. Mais aussi, bien, évidemment, là il a tellement réduit l'application de la loi que je pense bien que des gens qui étaient contre hier qui vont dire : Ah! bien là, si c'est juste ça, on va s'arranger.

M. Laforest (Alain) : En quoi? Un exemple concret où la ministre a reculé.

M. Lisée : Bien, écoutez, elle a dit clairement que, pendant la totalité de la prestation d'un service, le visage devait être découvert. Et c'était vrai pour le métro, pour l'autobus. Elle l'a dit : Nos juristes le disent, pendant toute la prestation du service. Et là, maintenant, elle dit : Non, non, ce n'est plus la prestation du service, c'est seulement ceux qui doivent s'identifier, lorsqu'on demande à s'identifier, devront s'identifier; tous les autres, non. Bien, c'est un changement majeur.

Le Modérateur : M. Pilon-Larose, micro de gauche.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Donc, je comprends que, dans le cadre de cette loi actuelle, vous auriez souhaité que la ministre s'en tienne à ce qui était prévu donc par la loi, que, pour l'ensemble de la prestation de service, le visage doit être découvert, c'est bien ça?

M. Lisée : Nous, on aurait aimé que la loi soit meilleure. Puis je vous ramène à ce qu'on a proposé, hein, Agnès et moi. Lorsqu'on a vu qu'ils ajoutaient le service public... le service de transport, on a dit : Bien là, c'est une interdiction partielle dans l'espace public qu'ils viennent d'introduire, alors on devrait demander à des experts étrangers comment ils font ça en Autriche, au Danemark, en France, en Norvège, dans des endroits où il fait froid aussi l'hiver. Comment ils font ça? Posons la question et ayons un débat sur l'ensemble de l'espace public. C'est notre position depuis un an et demi, qu'on ait une discussion sur l'ensemble de l'espace public, parce qu'on voyait déjà qu'en faisant une interdiction partielle il y aurait des tas de problèmes d'application qui se poseraient. Ils ont refusé, ils ont refusé de regarder les expériences étrangères qui auraient pu informer le débat québécois et qui auraient pu nous permettre d'avoir des règles d'application plus prévisibles et plus saines.

Alors, le projet de loi, il est bancal, il est mal écrit, il est plein de trous, il est ouvert aux accommodements, c'est pour ça qu'on a voté contre. Mais ce que je dis, c'est : Lorsqu'un gouvernement vote une loi, il doit en être satisfait et il doit vouloir l'appliquer.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais est-ce que, dans le contexte canadien, avec la Charte canadienne des droits et libertés, c'est possible, selon vous, d'interdire de l'espace public le visage couvert?

M. Lisée : C'est possible avec la clause dérogatoire, oui.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Donc, vous l'auriez utilisée si...

M. Lisée : Bien, nous, on ouvre la porte à ça. Je veux dire, la question, c'est... Puis nous, là, on est clairs, là, on va voter une loi sur la laïcité dans les premiers mois d'un gouvernement du Parti québécois et on va voter une loi, on va avoir la discussion sur l'espace public. On le dit depuis le début, ça sera... On va avoir la discussion : Est-ce que c'est l'espace public ou est-ce que c'est seulement les services publics? Il y a des pays qui font cette distinction, d'autres qui ne la font pas, il y a des pays nordiques qui l'appliquent, comment ils font ça? Quelles exceptions ils avancent? Et on va se poser sérieusement la question. On veut trancher, on ne veut pas attendre quatre ans, que la Cour suprême nous dise si on a le droit ou non, et ça, ça demanderait l'utilisation de la clause dérogatoire. Nous, on n'est pas contre la clause dérogatoire. René Lévesque l'a utilisée des dizaines de fois. Et, si c'est pour arrêter de faire traîner un débat, on est ouverts à ça.

Le Modérateur : Merci. M. Salvet.

M. Salvet (Jean-Marc) : Bonjour, M. Lisée. Est-ce que, pour vous, politiquement, le fait que M. Trudeau ouvre la porte, éventuellement, à l'appui d'une contestation de la loi n° 62, c'est un avantage politique pour le Parti québécois?

M. Lisée : Écoutez, aujourd'hui, ce qui me choque le plus, c'est la dévalorisation du pouvoir de l'Assemblée nationale qui vient d'avoir lieu, vient d'avoir lieu. Et sûrement que, dans la frilosité de M. Couillard face à toutes ces questions, lorsqu'il a vu que Justin Trudeau pouvait s'impliquer dans une contestation, ça a dû participer à sa décision de reculer à vitesse maximale, O.K.? Alors, moi, je pense que tout ça est malsain pour le Québec. Et, justement, d'utiliser la clause dérogatoire pour écarter la possibilité d'une contestation fédérale ou de l'Ontario, parce qu'il y a des politiciens ontariens qui disent que l'Ontario devrait participer à une contestation...

M. Salvet (Jean-Marc) : Mais sur l'avantage politique que ça pourrait représenter qu'il y ait...

M. Lisée : Je ne suis pas là-dedans.

M. Salvet (Jean-Marc) : Non? Sur l'institut de recherche sur les indépendances nationales, l'institut se tourne vers la Cour fédérale parce qu'il n'a pas reçu de réponse de l'Agence du revenu du Canada... vous connaissez le dossier, pardon. Est-ce que l'institut est trop prompt, trop pressé ou, selon vous, l'Agence du revenu du Canada serait partiale dans cette affaire-là, sur l'octroi du statut d'organisme de bienfaisance, pour être précis?

M. Lisée : Il y a quelque chose qui s'appelle L'Idée fédérale qui a reçu son numéro de charité du Canada et du Québec dans des délais raisonnables, L'Idée fédérale. Alors, l'institut de recherche sur l'autonomie et l'indépendance ne l'ont pas dans des délais raisonnables, c'est louche. Alors, bravo à l'institut de porter la chose en cour!

M. Salvet (Jean-Marc) : Merci.

Le Modérateur : Merci. M. Bellerose, micro de gauche.

M. Bellerose (Patrick) : Bonjour, M. Lisée. Sur un autre sujet, donc, on apprend ce matin que l'entente avec les médecins omnipraticiens s'élève plutôt à 1,6 milliard au minimum, alors que les chiffres les plus optimistes, ils arrivaient à 1 milliard. Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'on apprend ces informations-là au compte-gouttes?

M. Lisée : Bien, parce qu'il y a une volonté claire du gouvernement de cacher les faits aux Québécois sur une décision de finances publiques extrêmement importante. Alors, on a refait les calculs, ce matin, qui montrent que, de 2015 à 2023, l'augmentation annuelle sera de 5 %, hein? Les libéraux essaient de nous faire croire que c'est 1,8 %. Ce n'est pas vrai, c'est 5 %. Il n'y a personne d'autre dans la fonction publique québécoise qui a 5 % d'augmentation par année. Il y a du monde qui ont été rentrés par des lois spéciales parce qu'ils demandaient beaucoup moins que ça.

Alors, c'est clair que l'argent qui va là, hein, au début, ils vous ont dit : C'est 60 millions, ensuite vous avez découvert que c'était plutôt 900, puis là maintenant vous découvrez que c'est 1,6 pour 9 000 médecins. Il en manque encore 12 000, les spécialistes. Donc, il va y avoir un autre 1,6 milliard qui va tomber, là, bientôt. Pendant ce temps-là, on rationne les soins à domicile. Pendant ce temps-là, on réduit les heures de soins des dames qui ont de l'alzheimer. Il y a une dame qui a dit à la Protectrice du citoyen : Bien, comme ils ont réduit mes heures, je couche dans ma chaise roulante. Il y a de la misère humaine qui est générée chez les gens les plus vulnérables du Québec en ce moment, des enfants qui n'ont pas de diagnostic pour leur déficience intellectuelle ou pour leur autisme, qui ne sont pas suivis, mais pour les médecins, 1,6 milliard pour 9 000 médecins. Le gouvernement a honte de cette entente et d'ailleurs, la semaine dernière, a refusé qu'on donne à la Vérificatrice générale le mandat de revoir l'entente et de nous donner son avis. Pourquoi ils ont refusé? Bien, parce que la dernière fois qu'elle s'en est mêlée, elle nous a dit que c'était tout croche et que les médecins avaient eu des augmentations sans obligation d'amélioration de leur prestation. Alors, nous, c'est clair, on espère que la Vérificatrice générale, qui a le pouvoir de se saisir elle-même de dossiers, va se saisir de ce dossier-là. Elle le connaît. On a hâte d'avoir son avis là-dessus.

M. Bellerose (Patrick) : Est-ce que vous pourriez demander à voir l'entente même à huis clos à titre de parlementaire en commission parlementaire, par exemple?

M. Lisée : Bien là, j'ai fait dire au premier ministre que, dès que l'entente serait ratifiée avec les spécialistes, nous en aurons des copies, ce qui n'est pas ce que le président du Conseil du trésor vous avait dit. Alors donc, on a hâte que ça soit réglé avec les spécialistes. Ça fait qu'on va demander d'avoir l'entente publiquement dès que c'est possible.

Le Modérateur : Merci. M. Bélair-Cirino, micro de droite.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui, bonjour. À quoi devront s'exposer les municipalités, selon vous, qui refusent d'appliquer la loi sur la neutralité religieuse de l'État?

M. Lisée : Bien, écoutez, il faut se poser cette question-là au moment de la rédaction de la loi, surtout lorsqu'on sait qu'on va avoir de la résistance et que la résistance est déjà annoncée, il en va de la crédibilité de l'État québécois. Je veux dire, M. Couillard, Mme Vallée ont fragilisé la crédibilité de l'État québécois. Le précédent qui vient d'être fait, c'est que la prochaine fois qu'on modifiera le Code du travail ou une autre loi qui s'applique aux municipalités, donc, des municipalités pourront dire : Non, moi, je trouve ça inapplicable, je ne vois pas pourquoi cette loi-là existe, je ne l'appliquerai pas. C'est très grave, ce qui vient de se passer. Alors, je n'ai pas de réponse précise à votre question. Je sais qu'il y a des injonctions, il y a des brefs de mandamus. Il y a peut-être d'autres... Il y a des serments, hein, les maires prêtent serment pour appliquer les lois. Il faut que les responsables de l'application des lois, que ce soient les chefs de police, les maires ou les autres, sachent qu'ils ont l'obligation d'appliquer les lois, même lorsqu'ils sont en désaccord. Bravo, la liberté d'expression, bravo qu'ils disent qu'ils sont en désaccord, mais lorsque l'Assemblée nationale a voté une loi, elle doit être appliquée.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mme Maltais, vous avez dit que Mme Vallée a renié sa parole. En commission parlementaire, elle disait que l'obligation du visage découvert devait être appliquée durant toute la durée de la prestation de services.

Mme Maltais : Du trajet. Elle a dit «du trajet».

M. Bélair-Cirino (Marco) : En ce qui concerne les...

Mme Maltais : Le transport.

M. Bélair-Cirino (Marco) : C'est ça, le transport. Dans les établissements d'enseignement, elle a mentionné ce matin qu'à des fins de communication en classe l'élève doit avoir le visage découvert, étant donné qu'une communication est requise entre l'élève et le professeur. Donc là, ça va être durant toute la session, durant tous les cours. Alors, elle n'a pas reculé, là. Durant tout le cours.

Mme Maltais : Là-dessus, aujourd'hui elle n'a pas reculé. Ma confiance en la ministre de la Justice est tellement minime maintenant que tout ce que je vais dire maintenant, quand elle dit quelque chose, c'est : Aujourd'hui, elle dit ça, que dira-t-elle demain? Que dira-t-elle quand quelqu'un s'opposera? Mais aujourd'hui elle n'a pas reculé là-dessus, effectivement.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais hormis la question du transport, est-ce que vous notez d'autres reculs précis qui ont été faits, qui ont été annoncés ce matin?

Mme Maltais : Elle nous a dit, sur le visage découvert, pendant les échanges... Nous, on voulait qu'il y ait un amendement ajouté qui dise : Aucun accommodement, sauf pour motif de santé ou de sécurité impératif et avéré. On voulait régler le problème de la dame qui arrive à moins 25° avec des enfants, que vous aviez soulevé. On en a débattu. Mais, pendant tout l'échange, elle nous a dit : Je ne veux pas inscrire de possibilité d'avoir une exception parce que la règle s'appliquera pour tous et toutes et que je ne veux pas l'inscrire parce que ce serait dérogatoire. Donc, il n'y a aucune exception, elle l'a bien dit. Et elle dit ensuite : Les tribunaux jugeront; les gens peuvent présenter une demande d'accommodement, mais avec la loi que j'ai écrite, toutes les demandes d'accommodement devraient être refusées. C'est ce qu'elle nous a dit.

Le Modérateur : Merci. M. Lavallée, micro de gauche.

M. Lavallée (Hugo) : Bonjour, M. Lisée. On vous a bien entendu sur votre réaction aux gestes ou, enfin, aux annonces de la ministre Vallée ce matin, mais j'aimerais vous entendre sur la réaction, elle-même, du Canada anglais. Vous en aviez parlé en anglais, justement, la semaine dernière, en disant, si je me souviens bien, que cette réaction-là relevait d'une certaine forme d'intolérance de la part du Canada anglais. J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous pensez de cette réaction-là, à la base.

M. Lisée : Bien, écoutez, il y a une idée qui s'est développée au Canada anglais, et autour de Trudeau, et autour du multiculturalisme que c'est la seule réponse possible au défi du vivre-ensemble. Et, lorsqu'on leur dit : Écoutez, la cour européenne de justice accepte l'interdiction du visage couvert sur l'espace public et plusieurs autres dispositions au nom du vivre-ensemble, au nom de la laïcité, au nom de l'égalité des hommes et des femmes, et donc il y a d'autres réponses possibles... Bien, la tolérance, ce serait de dire : Bien, nous, en Ontario, on ne pense pas comme le Québec, mais on accepte que le Québec soit différent et utilise une autre réponse, mais ce n'est pas ça qui est dit.

Parce que, nous, au Parti québécois, que le Québec soit indépendant ou non, que le Canada anglais vive son multiculturalisme avec bonheur, tant mieux pour eux, on ne veut pas leur imposer notre façon de voir les choses. Mais là ils veulent nous imposer la leur. Et, bien qu'on trouve que la loi n° 62 soit pleine de trous, c'est sûr que le principe du visage découvert est appuyé par nous, par 87 % des Québécois. Ça fait beaucoup de monde. Et, lorsque la première ministre de l'Ontario dit : Il n'y a pas de place au Canada pour la loi n° 62, ce qu'elle dit, c'est qu'il n'y a pas de place au Canada pour la différence québécoise. Il n'y a pas de place au Canada pour la différence québécoise. C'est ça qu'elle a dit, vous ne pouvez pas voter des lois sur le vivre-ensemble qui sont différentes de notre vision des choses. Et, lorsque le premier ministre Trudeau dit : On va défendre les droits de tous les citoyens canadiens — donc, laisse entendre qu'il va contester la constitutionnalité — il dit aussi : Il n'y a pas de place, dans la vision trudeauiste des choses, pour la différence québécoise.

M. Lavallée (Hugo) : Mais comment, donc, qualifieriez-vous leur contribution au débat? C'est de l'ingérence dans les affaires québécoises?

M. Lisée : Bien, c'est une vision du Canada qui nie le droit du Québec d'être différent. Alors, bonne chance à M. Couillard, qui essaie de convaincre le reste du Canada d'inscrire la nation québécoise dans la Constitution, là. Je pense qu'il avait zéro chance la semaine dernière, puis maintenant il a moins 100 chances cette semaine parce que, c'est clair, le Canada nous tolère si on est comme eux. Si on n'est pas comme eux sur des sujets importants, il trouve que nous sommes intolérables, et donc c'est, de leur part, de l'intolérance.

M. Lavallée (Hugo) : Mais là où je voulais en venir, est-ce qu'ils devraient s'abstenir de se mêler de ces débats-là?

M. Lisée : Ils peuvent participer au débat. Mais je dis : Encore là, c'est leur liberté d'expression. La liberté d'expression, c'est le droit à l'intolérance. Je veux dire, le Parlement ontarien, M. Trudeau ont le droit d'être intolérants, et on a droit de dire : Bien, puisque c'est comme ça, on va devenir indépendants.

M. Lavallée (Hugo) : Merci.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Juste une question.

Le Modérateur : Ensuite, on va y aller en anglais. M. Bélair-Cirino.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui. Comment vous expliquez la réaction de M. Couillard? Vous l'avez rappelé, l'obligation du visage découvert rallie une vaste majorité de la population québécoise, 87 % selon un sondage. Puis M. Couillard a vu le sondage comme tout le monde, on ne peut l'accuser aujourd'hui d'agir par opportunisme politique. Comment vous expliquez, justement, qu'il dilue sa loi?

M. Lisée : Écoutez, c'est clair qu'on est en face de quelqu'un qui a des convictions profondes qui sont essentiellement trudeauistes. Je veux dire, c'est ça. Alors, probablement qu'avec le contexte politique il a été poussé à faire quelques pas vers plus de laïcité, mais là, face à une pression parfaitement prévisible qu'on a connue dans le passé, lui est revenu sur sa conviction profonde qui est en fait très intolérante d'autres façons de voir le vivre-ensemble, comme les façons européennes dont je viens de parler.

Le Modérateur : Merci. En anglais, Mme Montgomery.

Mme Montgomery (Angelica) :How do you react to the... I guess we'll call them explanations? Maybe you can explain about the explanations, let's say, of the Government. How would you describe them? Would you describe them as explanations? And how do you react to them?

M. Lisée : Well, clearly, they're saying the opposite of what they were saying last week. So, we have the Government that adopted a bad law, a law that we criticized — we voted against this law, but it's the law of the National Assembly and of the Government — and, one week after, they're saying it means the opposite of what they said when they adopted it. And within this week, what happened? Well, Ontario told us that there was no place for Bill 62 in Canada, so there was no place for a different way of seeing things on these issues. The mayor of Montréal told the Premier he wouldn't apply the law. This was completely predictable. And the Government caved, simply caved and weakened the credibility of the QuébecGovernment and the Québec State.

What Mr. Couillard is showing is that if you make enough trouble, I will not apply my laws and I will pretend… I will not pretend, I will change my mind on a key aspect of the law. It's the worst possible situation.

Mme Montgomery (Angelica) : You had said that they had backtracked in the face of a backlash from English Canada. Do you consider Denis Coderre, the mayor of Montréal, to be English Canada? Why would you consider that to not be a voice that they should be listening to?

M. Lisée : Oh, I think Denis Coderre is a voice to be listened to, but not to be obeyed. You know, we had a debate, everybody explained their position, the mayor of Montréal said that he was opposed to the law. But once National Assembly votes a law, it has to be applied. And the fact that Mr. Couillard caved, bowed to Mr. Coderre, who's a Quebecker, of course, and who's a voice within Québec, and to what happened to the rest of Canada, shows the weakness of Mr. Couillard. I don't blame Mr. Coderre. Well, I would rather have a mayor of Montréal saying : I disagree with the law, but it's the law of the land, so we'll apply it. That's not what he said. He said essentially that he would disobey the law, he would not apply the law. That's not what is expected from a public official that gave an oath to apply the law of the land. But the main event here is the weakness showed by the QuébecGovernment.

Le Modérateur : Merci. M. Authier, dernière question.

M. Authier (Philip) : Good day. The Canada Revenue Agency is, according to the Independence Institute, dragging its feet and showing bias, is even questioning the political allegiances of the members of the board and donors. And I'm sure you read the story, Mr. Lisée. Do you have a comment on that? Do you think there's a deliberate political campaign in Ottawa to not give them the institute charitable status?

M. Lisée : Well, let's just look at the facts. There is another group that's called L'Idée fédérale whose sole purpose is to make studies about federalism and how great that is, and that's fine. And in reasonable delays, they got their charity number, both from Québec and from Ottawa. Now, a parallel organization that thinks that independence is a good thing and research should be made about that is making the same request and has unreasonable delays. So, it looks odd. Merci.

Le Modérateur : Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin à 11 h 51)

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