(Onze heures vingt-trois minutes)
M. Lisée
: On a
assisté ce matin au plus grand dégonflement depuis la cérémonie de clôture du
Festival de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu, le plus grand
dégonflement. La semaine dernière, le gouvernement était très heureux d'avoir
voté un projet de loi qui interdisait le visage couvert y compris dans les transports
en commun. Et la ministre de la Justice — la ministre de la Justice,
Procureur général, reconfirmée dans ses fonctions par le premier
ministre — avait déclaré que burqa, niqab, masque, verres
fumés — elle avait même dit verres fumés, je trouvais ça un peu
fort — seraient interdits dans les transports publics. Aujourd'hui,
elle dit le contraire. Aujourd'hui, elle se présente devant vous puis elle dit :
Bien, on a pensé à notre affaire, puis ce qu'on a dit la semaine dernière aux
législateurs pour qu'ils votent la loi et aux Québécois pour leur expliquer,
c'était faux, c'était faux.
Qu'est-ce qui s'est passé entre les deux? Bien,
d'abord, le Canada anglais a dit à Philippe Couillard de reculer. Le Parlement
ontarien, unanime, a dit à Philippe Couillard : La loi n° 62 n'a pas
sa place au Canada. Le maire de Montréal, Denis Coderre, a dit : Moi, je
ne l'applique pas; moi, ancien ministre libéral fédéral, je n'appliquerai pas
cette loi. Et le gouvernement du Québec au lieu de dire : Nous votons les
lois, nous les expliquons, nous les appliquons, a dit : Ah bien, dans ce
cas-là, on va reculer; dans ce cas-là, on va faire le contraire de ce qu'on a
dit; dans ce cas-là, on baisse les bras; dans ce cas-là, on montre la faiblesse
de l'État québécois et du gouvernement québécois.
Je vous demande, là, aux journalistes, aux
recherchistes, aux historiens, de trouver un autre exemple d'un gouvernement
qui a proposé un projet de loi difficile et qui, en quelques jours, a décidé de
le vider de son sens, de le vider de son contenu face à une pression
complètement prévisible. Tout le monde savait qu'à partir du moment où les
libéraux adoptaient une loi balisant le visage couvert dans les services
publics, le Canada anglais allait dire que c'était contraire aux valeurs
canadiennes. Tout le monde le savait. Tout le monde savait que Denis Coderre
dirait qu'il ne trouvait pas ça applicable. Il l'avait déjà dit auparavant.
Tout le monde le savait.
Alors donc, on a un gouvernement qui vote une
loi qui est très imparfaite — mais, pour eux, elle devait être
parfaite, ça fait 10 ans qu'ils y travaillent, ça fait 10 ans qu'ils
fignolent — et là, à la première tempête venue, s'écrase. Le
gouvernement du Québec s'est écrasé. Demain, là, au Parlement fédéral, au Parlement
ontarien, dans l'équipe Coderre, les gens vont dire : Ah! on les a eus, on
les a eus, les Québécois, on leur a fait peur, ils ont cédé; on a juste eu à
faire une motion au Parlement ontarien, on a juste eu à faire une petite
manifestation à Montréal, on a juste eu à dire que nous autres, maire de
Montréal, on n'applique pas la loi, puis le gouvernement recule. Moi, j'ai
honte. J'ai honte aujourd'hui d'un gouvernement qui n'est pas capable de se
tenir debout et de défendre ses lois et ses projets de loi.
Le Parti québécois, quand ils ont voté la
loi 101, tout ça s'est passé et pire, et le Parti québécois s'est tenu
debout parce qu'il croyait à sa loi 101, il croyait qu'elle était juste, il
croyait qu'elle donnerait des résultats, et ça a donné une réforme positive
pour le Québec, malgré ce qu'ont dit ceux qui étaient contre, y compris le
maire de Montréal à l'époque, je vous ferai remarquer, hein? Jean Drapeau
était contre, puis l'Ontario était contre, Pierre Trudeau était contre,
puis un gouvernement qui sait ce qu'il veut et qui fait ce qu'il dit se tient
droit et applique. Les gens ont dit : Ah! c'était inapplicable. Ah bon, c'était
inapplicable? Alors, on peut appliquer l'interdiction de fumer dans un autobus
ou à neuf mètres d'une porte d'un édifice public, on peut dire aux
policiers de donner des contraventions à des gens qui textent dans la voiture,
mais empêcher quelqu'un au visage couvert d'entrer dans un autobus, c'est
impossible. C'est possible en France, c'est possible en Norvège, c'est possible
au Danemark, c'est possible en Autriche, mais, au Québec, ce n'est pas
possible? La faiblesse du gouvernement Couillard sur les questions de laïcité,
on la connaissait déjà, mais on n'aurait pas pu imaginer un niveau de faiblesse
aussi abyssal. C'est abyssal.
Et là, effectivement, la déclaration
d'aujourd'hui de la ministre, bien, elle se replie sur le trudeauisme.
M. Trudeau, dans cette cause type où une femme voulait prêter serment de
citoyenneté avec le visage couvert, il a dit : Si elle va s'identifier au
greffier à côté que personne ne voit, là elle peut le faire. Bien, maintenant,
si on s'identifie au moment de l'identification, on pourra avoir le visage
couvert dans la plupart des cas. Alors, c'est une victoire des
multiculturalistes, c'est une victoire des trudeauistes, c'est une victoire du
Parlement ontarien, c'est une victoire de Denis Coderre. Ce n'est pas une
victoire pour la démocratie québécoise, ce n'est pas une victoire pour
l'Assemblée nationale, ce n'est pas une victoire pour la laïcité, pour
l'égalité des hommes et des femmes, pour le vivre-ensemble. Tu veux parler,
Agnès?
Mme Maltais : Non, je
n'ai rien à ajouter, sauf que je dois vous dire que je me sens flouée. J'ai
travaillé sérieusement pendant deux mois en commission parlementaire. J'ai une
ministre qui m'a affirmé des choses. Vous irez voir les galées sur ma page
Facebook, et tout, il y a des propos très clairs qui ont été tenus. J'ai posé
des questions. On m'a répondu de façon claire. On m'a même dit que les juristes
du ministère de la Justice confirmaient que la prestation de services
comprenait tout le trajet. Elle m'a dit : Les juristes, oui, c'est ça, ils
confirment. C'est dans les galées. Et aujourd'hui il y a un point de presse où
on défait tout ce qui s'est dit en commission parlementaire. C'est la ministre
de la Justice, c'est la Procureur général du Québec, et elle défait en un point
de presse ce qu'elle a dit dans une commission parlementaire devant ses
collègues. Je trouve cela aberrant et je me pose des questions sur le sérieux
de ce que cette ministre de la Justice a apporté en commission parlementaire,
du sérieux avec lequel elle a travaillé, avec nous, cette loi. Je me sens
flouée, ce matin, comme parlementaire. Je n'en reviens pas.
M. Lisée
: Et
comme Québécoise.
Mme Maltais : Et comme Québécoise.
Le Modérateur
: Merci,
Mme Maltais, M. Lisée. On va aux questions. Micro de droite, M. Laforest.
M. Laforest (Alain) :
Bonjour. Est-ce que le gouvernement a menti et en quoi?
M. Lisée
: Écoutez,
il a trompé les Québécois. Moi, je pense qu'il a changé d'avis dans le milieu
du guet, hein? Il a voulu faire quelque chose, et là, devant la pression ontarienne
et de quelques maires, a changé d'avis. Ce n'est pas comme ça qu'on fait des
lois.
Et, encore une fois, ces positions, elles
étaient parfaitement prévisibles. M. Coderre était venu dire en commission
parlementaire qu'il était contre. Ça faisait longtemps qu'il disait que c'est
inapplicable. Bien sûr qu'il allait dire ça. Un gouvernement qui aurait bien
préparé ces choses aurait prévu des sanctions pour les autorités municipales
qui ne veulent pas appliquer la loi. En disant : Il n'y aura pas de
sanctions...
M. Laforest (Alain) :
Bien, il y aura des injonctions, là. C'est ce qu'elle nous a dit. Il y aura des
injonctions.
M. Lisée
: Bien,
il peut y avoir des injonctions, il peut y avoir des brefs de mandamus, mais, de
toute évidence, les premières déclarations, c'est qu'il n'y avait pas de
sanctions pénales. Vous l'avez vu, vous l'avez rapporté. Alors, c'était
donner... c'était une permission à la désobéissance civile. Là, on a eu le
maire de Montréal qui a dit : Moi, je vais faire de la désobéissance
civile face à une loi de l'Assemblée nationale. Alors, la réaction...
M. Laforest (Alain) :
Mais elle a dit qu'il y aurait des injonctions aujourd'hui, là.
M. Lisée
: Oui.
M. Laforest (Alain) : Ce
n'est pas assez pour vous?
Mme Maltais : Aujourd'hui,
encore une fois, aujourd'hui. Demain?
M. Lisée
: Est-ce
qu'il y en aura la semaine prochaine? La semaine dernière, ce n'était pas ça.
Mais aussi, bien, évidemment, là il a tellement réduit l'application de la loi
que je pense bien que des gens qui étaient contre hier qui vont dire : Ah!
bien là, si c'est juste ça, on va s'arranger.
M. Laforest (Alain) : En
quoi? Un exemple concret où la ministre a reculé.
M. Lisée
: Bien, écoutez,
elle a dit clairement que, pendant la totalité de la prestation d'un service,
le visage devait être découvert. Et c'était vrai pour le métro, pour l'autobus.
Elle l'a dit : Nos juristes le disent, pendant toute la prestation du
service. Et là, maintenant, elle dit : Non, non, ce n'est plus la
prestation du service, c'est seulement ceux qui doivent s'identifier, lorsqu'on
demande à s'identifier, devront s'identifier; tous les autres, non. Bien, c'est
un changement majeur.
Le Modérateur
: M. Pilon-Larose,
micro de gauche.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Donc, je comprends que, dans le cadre de cette loi actuelle, vous auriez
souhaité que la ministre s'en tienne à ce qui était prévu donc par la loi, que,
pour l'ensemble de la prestation de service, le visage doit être découvert, c'est
bien ça?
M. Lisée
: Nous,
on aurait aimé que la loi soit meilleure. Puis je vous ramène à ce qu'on a
proposé, hein, Agnès et moi. Lorsqu'on a vu qu'ils ajoutaient le service
public... le service de transport, on a dit : Bien là, c'est une
interdiction partielle dans l'espace public qu'ils viennent d'introduire, alors
on devrait demander à des experts étrangers comment ils font ça en Autriche, au
Danemark, en France, en Norvège, dans des endroits où il fait froid aussi
l'hiver. Comment ils font ça? Posons la question et ayons un débat sur
l'ensemble de l'espace public. C'est notre position depuis un an et demi, qu'on
ait une discussion sur l'ensemble de l'espace public, parce qu'on voyait déjà
qu'en faisant une interdiction partielle il y aurait des tas de problèmes
d'application qui se poseraient. Ils ont refusé, ils ont refusé de regarder les
expériences étrangères qui auraient pu informer le débat québécois et qui
auraient pu nous permettre d'avoir des règles d'application plus prévisibles et
plus saines.
Alors, le projet de loi, il est bancal, il
est mal écrit, il est plein de trous, il est ouvert aux accommodements, c'est
pour ça qu'on a voté contre. Mais ce que je dis, c'est : Lorsqu'un
gouvernement vote une loi, il doit en être satisfait et il doit vouloir
l'appliquer.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Mais est-ce que, dans le contexte canadien, avec la Charte canadienne des
droits et libertés, c'est possible, selon vous, d'interdire de l'espace public
le visage couvert?
M. Lisée
: C'est
possible avec la clause dérogatoire, oui.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Donc, vous l'auriez utilisée si...
M. Lisée
: Bien,
nous, on ouvre la porte à ça. Je veux dire, la question, c'est... Puis nous,
là, on est clairs, là, on va voter une loi sur la laïcité dans les premiers
mois d'un gouvernement du Parti québécois et on va voter une loi, on va avoir
la discussion sur l'espace public. On le dit depuis le début, ça sera... On va
avoir la discussion : Est-ce que c'est l'espace public ou est-ce que c'est
seulement les services publics? Il y a des pays qui font cette distinction,
d'autres qui ne la font pas, il y a des pays nordiques qui l'appliquent,
comment ils font ça? Quelles exceptions ils avancent? Et on va se poser
sérieusement la question. On veut trancher, on ne veut pas attendre quatre ans,
que la Cour suprême nous dise si on a le droit ou non, et ça, ça demanderait
l'utilisation de la clause dérogatoire. Nous, on n'est pas contre la clause
dérogatoire. René Lévesque l'a utilisée des dizaines de fois. Et, si c'est pour
arrêter de faire traîner un débat, on est ouverts à ça.
Le Modérateur
: Merci.
M. Salvet.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Bonjour, M. Lisée. Est-ce que, pour vous, politiquement, le fait que M. Trudeau
ouvre la porte, éventuellement, à l'appui d'une contestation de la loi n° 62,
c'est un avantage politique pour le Parti québécois?
M. Lisée
:
Écoutez, aujourd'hui, ce qui me choque le plus, c'est la dévalorisation du
pouvoir de l'Assemblée nationale qui vient d'avoir lieu, vient d'avoir lieu. Et
sûrement que, dans la frilosité de M. Couillard face à toutes ces questions,
lorsqu'il a vu que Justin Trudeau pouvait s'impliquer dans une contestation, ça
a dû participer à sa décision de reculer à vitesse maximale, O.K.? Alors, moi,
je pense que tout ça est malsain pour le Québec. Et, justement, d'utiliser la
clause dérogatoire pour écarter la possibilité d'une contestation fédérale ou
de l'Ontario, parce qu'il y a des politiciens ontariens qui disent que
l'Ontario devrait participer à une contestation...
M. Salvet (Jean-Marc) :
Mais sur l'avantage politique que ça pourrait représenter qu'il y ait...
M. Lisée
: Je ne
suis pas là-dedans.
M. Salvet (Jean-Marc) : Non?
Sur l'institut de recherche sur les indépendances nationales, l'institut se
tourne vers la Cour fédérale parce qu'il n'a pas reçu de réponse de l'Agence du
revenu du Canada... vous connaissez le dossier, pardon. Est-ce que l'institut
est trop prompt, trop pressé ou, selon vous, l'Agence du revenu du Canada
serait partiale dans cette affaire-là, sur l'octroi du statut d'organisme de
bienfaisance, pour être précis?
M. Lisée
: Il y a
quelque chose qui s'appelle L'Idée fédérale qui a reçu son numéro de charité du
Canada et du Québec dans des délais raisonnables, L'Idée fédérale. Alors,
l'institut de recherche sur l'autonomie et l'indépendance ne l'ont pas dans des
délais raisonnables, c'est louche. Alors, bravo à l'institut de porter la chose
en cour!
M. Salvet (Jean-Marc) :
Merci.
Le Modérateur
: Merci.
M. Bellerose, micro de gauche.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour, M. Lisée. Sur un autre sujet, donc, on apprend ce matin que
l'entente avec les médecins omnipraticiens s'élève plutôt à 1,6 milliard
au minimum, alors que les chiffres les plus optimistes, ils arrivaient à
1 milliard. Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'on apprend ces
informations-là au compte-gouttes?
M. Lisée
: Bien,
parce qu'il y a une volonté claire du gouvernement de cacher les faits aux
Québécois sur une décision de finances publiques extrêmement importante. Alors,
on a refait les calculs, ce matin, qui montrent que, de 2015 à 2023,
l'augmentation annuelle sera de 5 %, hein? Les libéraux essaient de nous
faire croire que c'est 1,8 %. Ce n'est pas vrai, c'est 5 %. Il n'y a
personne d'autre dans la fonction publique québécoise qui a 5 %
d'augmentation par année. Il y a du monde qui ont été rentrés par des lois
spéciales parce qu'ils demandaient beaucoup moins que ça.
Alors, c'est clair que l'argent qui va là,
hein, au début, ils vous ont dit : C'est 60 millions, ensuite vous
avez découvert que c'était plutôt 900, puis là maintenant vous découvrez que
c'est 1,6 pour 9 000 médecins. Il en manque encore 12 000, les
spécialistes. Donc, il va y avoir un autre 1,6 milliard qui va tomber, là,
bientôt. Pendant ce temps-là, on rationne les soins à domicile. Pendant ce
temps-là, on réduit les heures de soins des dames qui ont de l'alzheimer. Il y
a une dame qui a dit à la Protectrice du citoyen : Bien, comme ils ont
réduit mes heures, je couche dans ma chaise roulante. Il y a de la misère
humaine qui est générée chez les gens les plus vulnérables du Québec en ce
moment, des enfants qui n'ont pas de diagnostic pour leur déficience
intellectuelle ou pour leur autisme, qui ne sont pas suivis, mais pour les
médecins, 1,6 milliard pour 9 000 médecins. Le gouvernement a
honte de cette entente et d'ailleurs, la semaine dernière, a refusé qu'on donne
à la Vérificatrice générale le mandat de revoir l'entente et de nous donner son
avis. Pourquoi ils ont refusé? Bien, parce que la dernière fois qu'elle s'en
est mêlée, elle nous a dit que c'était tout croche et que les médecins avaient
eu des augmentations sans obligation d'amélioration de leur prestation. Alors,
nous, c'est clair, on espère que la Vérificatrice générale, qui a le pouvoir de
se saisir elle-même de dossiers, va se saisir de ce dossier-là. Elle le
connaît. On a hâte d'avoir son avis là-dessus.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce que vous pourriez demander à voir l'entente même à huis clos à titre de parlementaire
en commission parlementaire, par exemple?
M. Lisée
: Bien
là, j'ai fait dire au premier ministre que, dès que l'entente serait ratifiée
avec les spécialistes, nous en aurons des copies, ce qui n'est pas ce que le président
du Conseil du trésor vous avait dit. Alors donc, on a hâte que ça soit réglé
avec les spécialistes. Ça fait qu'on va demander d'avoir l'entente publiquement
dès que c'est possible.
Le Modérateur
: Merci.
M. Bélair-Cirino, micro de droite.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, bonjour. À quoi devront s'exposer les municipalités, selon vous, qui
refusent d'appliquer la loi sur la neutralité religieuse de l'État?
M. Lisée
: Bien, écoutez,
il faut se poser cette question-là au moment de la rédaction de la loi, surtout
lorsqu'on sait qu'on va avoir de la résistance et que la résistance est déjà
annoncée, il en va de la crédibilité de l'État québécois. Je veux dire, M. Couillard,
Mme Vallée ont fragilisé la crédibilité de l'État québécois. Le précédent
qui vient d'être fait, c'est que la prochaine fois qu'on modifiera le Code du
travail ou une autre loi qui s'applique aux municipalités, donc, des municipalités
pourront dire : Non, moi, je trouve ça inapplicable, je ne vois pas pourquoi
cette loi-là existe, je ne l'appliquerai pas. C'est très grave, ce qui vient de
se passer. Alors, je n'ai pas de réponse précise à votre question. Je sais
qu'il y a des injonctions, il y a des brefs de mandamus. Il y a peut-être
d'autres... Il y a des serments, hein, les maires prêtent serment pour
appliquer les lois. Il faut que les responsables de l'application des lois, que
ce soient les chefs de police, les maires ou les autres, sachent qu'ils ont l'obligation
d'appliquer les lois, même lorsqu'ils sont en désaccord. Bravo, la liberté
d'expression, bravo qu'ils disent qu'ils sont en désaccord, mais lorsque
l'Assemblée nationale a voté une loi, elle doit être appliquée.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mme Maltais, vous avez dit que Mme Vallée a renié sa parole. En commission
parlementaire, elle disait que l'obligation du visage découvert devait être
appliquée durant toute la durée de la prestation de services.
Mme Maltais : Du trajet.
Elle a dit «du trajet».
M. Bélair-Cirino (Marco) :
En ce qui concerne les...
Mme Maltais : Le
transport.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
C'est ça, le transport. Dans les établissements d'enseignement, elle a
mentionné ce matin qu'à des fins de communication en classe l'élève doit avoir
le visage découvert, étant donné qu'une communication est requise entre l'élève
et le professeur. Donc là, ça va être durant toute la session, durant tous les
cours. Alors, elle n'a pas reculé, là. Durant tout le cours.
Mme Maltais : Là-dessus,
aujourd'hui elle n'a pas reculé. Ma confiance en la ministre de la Justice est tellement
minime maintenant que tout ce que je vais dire maintenant, quand elle dit
quelque chose, c'est : Aujourd'hui, elle dit ça, que dira-t-elle demain?
Que dira-t-elle quand quelqu'un s'opposera? Mais aujourd'hui elle n'a pas
reculé là-dessus, effectivement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais hormis la question du transport, est-ce que vous notez d'autres reculs
précis qui ont été faits, qui ont été annoncés ce matin?
Mme Maltais : Elle nous a
dit, sur le visage découvert, pendant les échanges... Nous, on voulait qu'il y
ait un amendement ajouté qui dise : Aucun accommodement, sauf pour motif
de santé ou de sécurité impératif et avéré. On voulait régler le problème de la
dame qui arrive à moins 25° avec des enfants, que vous aviez soulevé. On en a
débattu. Mais, pendant tout l'échange, elle nous a dit : Je ne veux pas
inscrire de possibilité d'avoir une exception parce que la règle s'appliquera
pour tous et toutes et que je ne veux pas l'inscrire parce que ce serait
dérogatoire. Donc, il n'y a aucune exception, elle l'a bien dit. Et elle dit
ensuite : Les tribunaux jugeront; les gens peuvent présenter une demande
d'accommodement, mais avec la loi que j'ai écrite, toutes les demandes
d'accommodement devraient être refusées. C'est ce qu'elle nous a dit.
Le Modérateur
: Merci.
M. Lavallée, micro de gauche.
M. Lavallée (Hugo) :
Bonjour, M. Lisée. On vous a bien entendu sur votre réaction aux gestes
ou, enfin, aux annonces de la ministre Vallée ce matin, mais j'aimerais vous
entendre sur la réaction, elle-même, du Canada anglais. Vous en aviez parlé en
anglais, justement, la semaine dernière, en disant, si je me souviens bien, que
cette réaction-là relevait d'une certaine forme d'intolérance de la part du
Canada anglais. J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous pensez de cette
réaction-là, à la base.
M. Lisée
: Bien,
écoutez, il y a une idée qui s'est développée au Canada anglais, et autour de
Trudeau, et autour du multiculturalisme que c'est la seule réponse possible au
défi du vivre-ensemble. Et, lorsqu'on leur dit : Écoutez, la cour
européenne de justice accepte l'interdiction du visage couvert sur l'espace
public et plusieurs autres dispositions au nom du vivre-ensemble, au nom de la
laïcité, au nom de l'égalité des hommes et des femmes, et donc il y a d'autres
réponses possibles... Bien, la tolérance, ce serait de dire : Bien, nous,
en Ontario, on ne pense pas comme le Québec, mais on accepte que le Québec soit
différent et utilise une autre réponse, mais ce n'est pas ça qui est dit.
Parce que, nous, au Parti québécois, que
le Québec soit indépendant ou non, que le Canada anglais vive son
multiculturalisme avec bonheur, tant mieux pour eux, on ne veut pas leur
imposer notre façon de voir les choses. Mais là ils veulent nous imposer la
leur. Et, bien qu'on trouve que la loi n° 62 soit pleine de trous, c'est
sûr que le principe du visage découvert est appuyé par nous, par 87 % des
Québécois. Ça fait beaucoup de monde. Et, lorsque la première ministre de
l'Ontario dit : Il n'y a pas de place au Canada pour la loi n° 62, ce
qu'elle dit, c'est qu'il n'y a pas de place au Canada pour la différence
québécoise. Il n'y a pas de place au Canada pour la différence québécoise. C'est
ça qu'elle a dit, vous ne pouvez pas voter des lois sur le vivre-ensemble qui
sont différentes de notre vision des choses. Et, lorsque le premier ministre
Trudeau dit : On va défendre les droits de tous les citoyens
canadiens — donc, laisse entendre qu'il va contester la
constitutionnalité — il dit aussi : Il n'y a pas de place, dans
la vision trudeauiste des choses, pour la différence québécoise.
M. Lavallée (Hugo) :
Mais comment, donc, qualifieriez-vous leur contribution au débat? C'est de
l'ingérence dans les affaires québécoises?
M. Lisée
: Bien,
c'est une vision du Canada qui nie le droit du Québec d'être différent. Alors,
bonne chance à M. Couillard, qui essaie de convaincre le reste du Canada
d'inscrire la nation québécoise dans la Constitution, là. Je pense qu'il avait
zéro chance la semaine dernière, puis maintenant il a moins 100 chances
cette semaine parce que, c'est clair, le Canada nous tolère si on est comme
eux. Si on n'est pas comme eux sur des sujets importants, il trouve que nous
sommes intolérables, et donc c'est, de leur part, de l'intolérance.
M. Lavallée (Hugo) :
Mais là où je voulais en venir, est-ce qu'ils devraient s'abstenir de se mêler
de ces débats-là?
M. Lisée
: Ils
peuvent participer au débat. Mais je dis : Encore là, c'est leur liberté
d'expression. La liberté d'expression, c'est le droit à l'intolérance. Je veux
dire, le Parlement ontarien, M. Trudeau ont le droit d'être intolérants,
et on a droit de dire : Bien, puisque c'est comme ça, on va devenir
indépendants.
M. Lavallée (Hugo) :
Merci.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Juste une question.
Le Modérateur
: Ensuite,
on va y aller en anglais. M. Bélair-Cirino.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Comment vous expliquez la réaction de M. Couillard? Vous l'avez
rappelé, l'obligation du visage découvert rallie une vaste majorité de la population
québécoise, 87 % selon un sondage. Puis M. Couillard a vu le sondage
comme tout le monde, on ne peut l'accuser aujourd'hui d'agir par opportunisme
politique. Comment vous expliquez, justement, qu'il dilue sa loi?
M. Lisée
:
Écoutez, c'est clair qu'on est en face de quelqu'un qui a des convictions
profondes qui sont essentiellement trudeauistes. Je veux dire, c'est ça. Alors,
probablement qu'avec le contexte politique il a été poussé à faire quelques pas
vers plus de laïcité, mais là, face à une pression parfaitement prévisible
qu'on a connue dans le passé, lui est revenu sur sa conviction profonde qui est
en fait très intolérante d'autres façons de voir le vivre-ensemble, comme les
façons européennes dont je viens de parler.
Le Modérateur
: Merci.
En anglais, Mme Montgomery.
Mme Montgomery (Angelica) :How do you react to the... I guess we'll call them explanations?
Maybe you can explain about the explanations, let's say, of the Government. How
would you describe them? Would you describe them as explanations? And how do
you react to them?
M. Lisée
:
Well, clearly, they're saying the opposite of what they were saying last week.
So, we have the Government that adopted a bad law, a law that we
criticized — we voted against this law, but it's the law of the
National Assembly and of the Government — and, one week after,
they're saying it means the opposite of what they said when they adopted it.
And within this week, what happened? Well, Ontario told us that there was no
place for Bill 62 in Canada, so there was no place
for a different way of seeing things on these issues. The mayor of Montréal
told the Premier he wouldn't apply the law. This was completely predictable. And
the Government caved, simply
caved and weakened the credibility of the QuébecGovernment and the Québec State.
What Mr. Couillard
is showing is that if you make enough trouble, I will not apply my laws and I
will pretend… I will not pretend, I will change my mind on a key aspect of the
law. It's the worst possible situation.
Mme Montgomery
(Angelica) : You had said that they had
backtracked in the face of a backlash from English Canada. Do you consider Denis Coderre, the mayor of Montréal, to be English Canada? Why would you consider that to not
be a voice that they should be listening to?
M. Lisée
: Oh, I think Denis Coderre is a voice to be listened to, but not to
be obeyed. You know, we had a debate, everybody explained their position, the
mayor of Montréal said that he
was opposed to the law. But once National Assembly votes a law, it has to be applied. And the fact that
Mr. Couillard caved, bowed to Mr. Coderre, who's a Quebecker, of course, and who's a voice
within Québec, and to what
happened to the rest of Canada,
shows the weakness of Mr. Couillard. I don't blame Mr. Coderre. Well,
I would rather have a mayor of Montréal saying : I disagree with the law, but it's the law of the
land, so we'll apply it. That's not what he said. He said essentially that he
would disobey the law, he would not apply the law. That's not what is expected
from a public official that gave an oath to apply the law of the land. But the
main event here is the weakness showed by the QuébecGovernment.
Le Modérateur
: Merci. M. Authier, dernière question.
M. Authier (Philip)
: Good day. The Canada Revenue Agency is,
according to the Independence Institute, dragging its feet and showing bias, is
even questioning the political allegiances of the members of the board and
donors. And I'm sure you read the story, Mr. Lisée. Do you have a comment
on that? Do you think there's a deliberate political campaign in Ottawa to not
give them the institute charitable status?
M. Lisée
:
Well, let's just look at the facts. There is another group that's called L'Idée
fédérale whose sole purpose is to make studies about federalism and how great
that is, and that's fine. And in reasonable delays, they got their charity
number, both from Québec and from Ottawa. Now, a parallel organization that thinks that independence is a good thing and research should
be made about that is making the same request and has unreasonable delays. So, it
looks odd. Merci.
Le Modérateur
: Merci beaucoup, tout le monde.
(Fin à 11 h 51)