(Neuf heures trente et une minutes)
M. Roy
: Bonjour à
tous. Je tiens à saluer ceux et celles qui m'accompagnent ce matin : ma collègue
Lorraine Richard et deux pourvoyeurs de l'association des pourvoyeurs du
Nord-du-Québec, M. Alain Tardif et Richard Hume, ainsi que M. Jean
Tremblay d'Air Saguenay.
J'ai demandé mardi en Chambre au ministre
de la Faune, Luc Blanchette, les raisons pour lesquelles aucune solution n'a
été mise en place par son ministère pour aider les pourvoyeurs du Nord affectés
par la fermeture de la chasse au caribou, qu'il a annoncée par téléphone le
21 décembre dernier. Il a complètement ignoré ma question. Or, ce que l'on
peut vous dire ce matin, c'est que, depuis août dernier, un rapport de son
propre ministère, qui dort sur les tablettes, dit, et je cite : «La
Fédération des pourvoiries du Québec propose un plan d'affaires original, mais
ambitieux, qui mérite d'être étudié attentivement.» Et ce rapport,
M. Tardif l'a entre ses mains.
M. Tardif (Alain) : Je l'ai
entre mes mains, là, M. Roy.
M. Roy
: Oui. Donc, la question,
c'est : Qu'a fait le ministre depuis un an pour aider les pourvoyeurs du
Nord? Rien. Pourquoi le ministre a-t-il ignoré son propre rapport? Nous avons
ici ce matin avec nous deux pourvoyeurs et un avionneur qui craignent pour leur
entreprise si le ministre Blanchette n'agit pas immédiatement. J'interpelle
donc le ministre ce matin afin qu'il prenne ses responsabilités, au moins une
fois, là, dans son mandat, et qu'il sauve l'industrie des pourvoiries dans le
Nord-du-Québec. Donc, il faut qu'il annonce qu'il mettra en place un plan
spécial d'aide et de diversification économique pour les pourvoiries.
En conclusion, je tiens à vous dire que
les pourvoiries, ce sont 13 millions de chiffre d'affaires, ce sont
250 emplois et ce n'est pas rien pour l'économie faunique du Québec. Et
maintenant, je céderais la parole à ma collègue Lorraine.
Mme Richard : Merci, Richard.
Moi, j'interpelle également le ministre, nouveau ministre responsable du Plan
Nord, que celui-ci intervienne auprès de son collègue parce que la situation
est vraiment inacceptable. Vous savez que, dans le fameux Plan Nord, on
parlait, bon, qu'on voulait investir au niveau touristique, on voulait
développer nos régions du Québec. Mais on voit ici un problème flagrant, là,
d'un manque d'écoute gouvernementale.
M. Tremblay, qui est ici, qui est
propriétaire d'Air Saguenay, écoutez, bientôt devra fermer ses portes parce que
les pourvoiries eux-mêmes vont fermer leurs portes. Vous comprenez que c'est
toute une diversification économique qui est extrêmement importante pour le Nord-du-Québec.
Et on parle de toutes les autres infrastructures, là. Les pourvoiries vont
fermer, des bâtiments laissés à l'abandon. Si Air Saguenay ferme ses portes, c'est
des infrastructures aéroportuaires.
Donc, moi, je demande à M. le ministre
Moreau d'intervenir le plus rapidement possible auprès de son collègue. Celui-ci
a un rapport entre les mains et ne bouge pas. Il ne fait rien et tout ce
temps-là, là, la situation se détériore. Et dans des régions comme le Nord-du-Québec,
chaque petite entreprise qui peut aider à diversifier l'économie est importante.
Donc, vous voulez réellement vous occuper des régions du Québec? Vous avez un
problème aujourd'hui. Réglez-le le plus rapidement possible. C'est le message
que je lance ce matin.
M. Tardif (Alain) : Moi, je
suis représentant... Alain Tardif, représentant de l'association des
pourvoyeurs du Nord-du-Québec. Depuis le 21 décembre 2016, depuis que le
ministre nous a annoncé la fermeture du caribou, on a travaillé très fort avec
le ministère pour trouver des solutions. On a fait des propositions au
ministère, dans le genre de travailler avec les peuples autochtones. Il y a
même le rapport qui suggère, ici, plusieurs façons de travailler, de continuer
de travailler avec nous, mais on est encore... On est rendus au mois de
novembre, le rapport est rendu public depuis le mois d'août, et on n'a toujours
rien reçu.
Moi, j'ai une business, mais j'ai un
confrère ici qui a la même entreprise que moi, puis il y a d'autres pourvoiries
qui ne sont pas ici. Si on n'a pas d'aide... Ils nous ont demandé aussi
d'essayer de trouver des solutions pour pouvoir continuer même s'il n'y avait
plus de chasse au caribou, mais là, si on n'a pas d'aide financière, si on n'a
pas aucun signe du gouvernement, du ministère, bien, c'est bien de valeur, mais
on ne pourra pas continuer. C'est rendu, là... On est rendu à la date limite,
au mois de novembre, là. On a étiré autant qu'on a pu, mais là, il faut que
quelqu'un prenne... il faut que le ministre prenne connaissance de son rapport
puis qu'il nous dise qu'est-ce qu'il fait avec, parce que c'est bien spécifié
dans le rapport, il y a des solutions, mais personne ne nous donne aucun signe
de vie de ça.
M. Tremblay (Jean) : Bonjour.
Moi, je suis Jean Tremblay, propriétaire d'Air Saguenay. Écoutez, Air Saguenay,
c'est un joyau de l'économie du Québec. On est le deuxième transporteur aérien
le plus gros en Amérique du Nord. Je pense que ce n'est pas rien. On offre du
service de transport dans plus de 10 endroits à partir du Québec. On est au
Saguenay, on est à Chute-des-Passes, on est à Baie-Comeau, à Manic-5,
Havre-Saint-Pierre, Sept-Îles, Natashquan, Caniapiscau, Wabush, Schefferville.
Ça a un effet domino, la fermeture de la
chasse, M. le ministre, je vous le dis. Nous, on devient les dommages collatéraux
de la fermeture de la chasse. En perdant la chasse au caribou, Air Saguenay
perd 35 % de son chiffre d'affaires. Je lance un défi au gouvernement, si
vous perdriez 35 % de votre chiffre d'affaires au gouvernement, vous
seriez un petit peu dans la merde. Bien, c'est un petit peu ce qu'on vit, nous,
Air Saguenay. Il y a quand même 150 emplois dans notre organisation. C'est des
gens qui sont passionnés puis c'est un service essentiel, je vous dirais, le
service qu'on offre de transport aérien.
On fait du transport pour 70 autres
pourvoyeurs à travers la province de Québec. Ces gens-là vont transporter leurs
clients comment? Et puis ces gens-là, les particuliers qui ont des camps dans
le bois, tous les aviateurs privés qui viennent chercher de l'essence chez
nous, ils vont faire comment? C'est quoi, les solutions? Je pense qu'on a
travaillé activement à proposer un rapport, mais là le facteur temps est super
important. Là, on manque de temps, là. Il s'est écoulé presque un an depuis la
décision. Moi, je considère que la décision qui était prise, c'est une décision
politique, mais maintenant il faut prendre une autre décision politique pour
contrecarrer l'effet domino néfaste que ça va avoir chez nous.
Je vous remercie puis j'espère que mon
message va être entendu. Merci.
M. Roy
: Juste en
conclusion, ce que M. Tremblay vient de dire, c'est extrêmement important. Au Québec,
on a 700 000 pêcheurs, 300 000 chasseurs qui sont des amants de la
nature et qui aiment leur territoire. Et ce que M. Tremblay nous dit,
c'est que la fermeture de son entreprise va empêcher les Québécois d'avoir
accès à leurs camps de chasse et à la chasse et à la pêche dans tout le
Nord-du-Québec. C'est, pour ainsi dire, le début de la fin de l'accès au
territoire nordique pour l'ensemble des Québécois. Merci beaucoup.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour. M. Tremblay, excusez-moi, je suis arrivé un petit peu en retard, vous
dites que l'entreprise pourrait fermer carrément?
M. Tremblay (Jean) : Bien,
écoutez, en perdant 35 % de notre chiffre d'affaires... il ne faut pas
oublier qu'en 2010 on était en pleine activité du Plan Nord et tout ça. On a
déjà, depuis 2010, perdu 50 % de notre chiffre d'affaires depuis 2010. On
a eu à se réinventer, mais là, avec la décision du 22 décembre dernier, 2016,
on perd encore 35 % de notre chiffre d'affaires. On est déjà fragiles,
mais là, écoutez, c'est beau de réinventer la roue, là, mais, à un moment
donné, on a des frais fixes, on a des choses qu'on ne peut pas réinventer, là.
Donc, oui, ça met en péril l'entreprise au complet.
M. Bellerose (Patrick) : Vous
avez dit que c'était une décision politique. Est-ce que vous croyez que le
moratoire sur le caribou est pertinent? Est-ce que vous croyez que...
M. Tremblay (Jean) : Bien, il
n'ay pas de moratoire sur le caribou, c'est une fermeture de la chasse
sportive. Le moratoire est sur le caribou forestier. On parle de deux choses
différentes, là, en fait, là.
M. Bellerose (Patrick) : Donc,
l'arrêt de la chasse sportive, pour vous, est-ce que c'est une décision qui est
légitime quand même? Est-ce que c'est une décision qui est pertinente?
M. Tremblay (Jean) : Écoutez,
on ne peut pas vraiment argumenter, mais je pense qu'on a proposé des très
bonnes solutions. Écoutez, on parle même, avec la chasse sportive, de remettre
le produit de la chasse, donc remettre la viande aux communautés autochtones. Ce
qu'on demande en fait, c'est, de leur attribution, les Autochtones, et je pense
qu'ils ont le droit à 6 500 caribous, les pourvoyeurs demandent
d'avoir 300 permis, mais, de ces 300 permis-là, nous, on va remettre
la viande aux Autochtones. Donc, il n'y a pas de perte, il n'y a pas rien, là,
mais on continue de générer une activité économique qui va continuer puis
perdurer à travers le Québec.
Nous, on est préoccupés par la ressource.
C'est définitif, s'il n'y a pas de ressource... on est autant préoccupés que le
gouvernement de la ressource. Mais il y a une chose : Pourquoi les
Autochtones ont droit d'avoir 6 500 permis d'allocution qui viennent
de la Convention de la Baie James? Ce que, nous, on leur demande de cette
attribution-là, de nous en donner une partie. Je pense que ce n'est pas
malsain, je pense qu'on travaille avec les Autochtones pour continuer une
activité économique qui est super importante.
M. Bellerose (Patrick) :
M. Tardif, M. Hume, un des deux, peu importe, donc, pour la survie
des troupeaux, est-ce que vous croyez que la fin de la chasse au caribou est
une décision pertinente de la part du gouvernement?
M. Tardif (Alain) : On ne
peut pas vraiment... comme M. Tremblay, l'a dit, on ne peut pas vraiment
discuter le nombre de caribous parce qu'il y a une étude biologique qui dit
qu'il reste 199 000 têtes, 199 000 caribous. À notre point de
vue, là, si vous me demandez mon point de vue à moi, là, je pense qu'il y
aurait lieu peut-être de refaire un recomptage. Mais ça, là, on n'a pas de preuve,
on ne peut pas discuter de ça.
Mais, comme M. Tremblay l'a dit, il y
a des allocations qui se donnent présentement pour les Autochtones. On a fait
des approches avec certains Autochtones qui ont vu l'idée comme pas mauvaise,
mais il faudrait qu'il y aurait une volonté politique de la part du ministre de
mettre ce monde-là ensemble puis qu'on puisse trouver une solution. Là, nous
autres, on a tiré à droite, à gauche. On a fait des approches auprès des
Naskapis de Kawawachikamach, on a rencontré les Inuits, on a rencontré les
Cris, mais c'est toujours... tu sais, ça n'a pas la force d'un ministère puis
ça n'a pas la force d'un ministre.
M. Bellerose (Patrick) :
Quel pourcentage déterminé, réservé aux Autochtones vous souhaiteriez avoir?
M. Tardif (Alain) : Nous,
là, n'importe quoi qu'ils vont nous donner, là. Présentement, là, on est rendus
à ça, là, si on... On a demandé 300 permis pour l'ensemble des pourvoyeurs
d'automne qui restent, là. Ce n'est pas beaucoup, là, 300 permis, puis on
est même prêts, comme Jean l'a dit tantôt, à remettre la viande, s'il le faut,
aux Autochtones.
Si c'est une question de survie
alimentaire, on va leur redonner la viande. On a déjà fait, dans le passé, là,
des dons importants à des communautés. On leur a renvoyé la viande que les
clients... qu'on avait demandée poliment à nos clients; si tu ne prends pas la
viande, on va la donner aux Autochtones. On l'a fait encore cette année, on a
envoyé 30 caribous à Kawawachikamach, puis ça va nous faire plaisir de le
faire.
Mais tout ça, là, il faut qu'il y ait
quelqu'un qui opère ce mécanisme-là. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit
capable de mettre ça sur pied. Puis nous, on n'a pas les capacités puis on est
rendus, là, à bout de souffle. On n'est plus… Tu sais, on ne peut pas engager
du monde pour prendre soin de nos affaires, là. On est rendus au temps, là, où est-ce
qu'il faut décider si on ferme ou si on reste en vie, là. C'est…
M. Bellerose (Patrick) : Le
printemps dernier, M. Blanchette a évoqué la chasse au loup comme une
alternative.
M. Tardif (Alain) : Bien,
regarde, c'est justement... Il a évoqué plein de choses, la chasse au loup, la
pêche, mais il n'y a rien. Il n'y a rien.
M. Bellerose (Patrick) :
Justement, est-ce que la chasse au loup est une alternative qui est viable?
M. Tardif (Alain) : Pas vraiment.
Pas vraiment. Dans le rapport, là, ils en font mention dans le rapport, là. Ce
n'est pas une chasse qui pourrait sauver nos entreprises, là.
M. Bellerose (Patrick) : …ça
n'intéresse pas les chasseurs?
M. Tardif (Alain) : C'est
trop dispendieux, là. C'est les coûts. Vous pouvez aller à une chasse au loup,
dans d'autres provinces, qui va coûter peut-être 2 000 $. Chez nous,
tu ne pourras pas faire ça en bas de 4 000 $, 5 000 $, puis
peut-être bien même plus à cause des coûts de transport puis de la logistique
de tout ça. L'accessibilité, ce n'est pas pareil, là.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 43)