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Conférence de presse de M. Jean-François Lisée, chef de l’opposition officielle, et M. Nicolas Marceau, porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances

Réaction au rapport intitulé « Paradis fiscaux : Plan d’action pour assurer l’équité fiscale »

Version finale

Tuesday, November 14, 2017, 13 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures deux minutes)

M. Lisée : Bonjour à tous. La population du Québec, comme les populations un peu partout dans le monde, sont extrêmement inquiets et fâchés de voir que chacun ne paie pas équitablement son impôt, chacun des individus, chacune des compagnies. Et, partout dans le monde, il y a des actions qui sont prises pour faire en sorte de retrouver l'équité, l'équité qui veut dire aussi de redonner au gouvernement des marges de manoeuvre importantes pour investir dans la santé, dans l'éducation, dans les infrastructures.

Le Québec a ce débat-là et a réussi à faire l'unanimité des députés dans une commission parlementaire des finances pour proposer des solutions concrètes, applicables et, pour certaines d'entre elles, appliquées ailleurs. Le débat est devenu public, et on a eu de grands détaillants, comme Peter Simons, l'association des détaillants du Québec et plusieurs autres, qui disent : Écoutez, les paradis fiscaux, l'inéquité fiscale sont en train de donner à nos concurrents un avantage concurrentiel déloyal. Lorsqu'on vend un vêtement au Québec, on le vend 15 % plus cher que si on commande ce même vêtement des États-Unis, puisque le recevoir des États-Unis, il n'y a pas de taxes, donc c'est 15 % moins cher, concurrence déloyale, pour utiliser un mot à la mode, systémique.

Le gouvernement du Québec avait le pouvoir de rétablir la justice et l'équité fiscale et il a décidé de ne pas le faire. Dans son plan d'action qui a été déposé vendredi, le gouvernement dit à Peter Simons et à tous les détaillants du Québec : Je vous abandonne, je n'agirai pas pour l'équité, je ne vais pas rétablir votre compétitivité. Et ça, c'est d'une tristesse énorme parce que le gouvernement a la capacité de le faire, on connaît les outils pour le faire, et d'autres gouvernements l'ont fait, et les Québécois sont prêts à le faire, et donc on ne s'explique pas pourquoi le gouvernement Couillard prend parti pour les concurrents étrangers de nos producteurs, de nos détaillants, de nos distributeurs. On ne le comprend pas.

La commission avait unanimement proposé, également, des pistes qui font consensus et pour lesquelles ils avaient demandé des études au ministère des Finances. Le ministère des Finances n'a pas donné d'études, n'a pas fait de comparaison entre ce qui se passe en Australie, en Grande-Bretagne, où ils ont installé des solutions comme celles que nous proposons, et le Québec pour nous dire : Bien, voici ce qui marche, voici ce qui ne marche pas. Le ministère des Finances a tout simplement dit : Ça ne marchera pas, a tout simplement dit : Ça ne marchera pas. Sans nous expliquer pourquoi, ils ont posé les pires des hypothèses possibles, ce qui est exactement ce que disent les consultants qui protègent les paradis fiscaux, en posant toujours la pire hypothèse possible. Mais, dans ce cas-ci, nous ne sommes plus dans les hypothèses, nous sommes dans la réalité qui a été appliquée ailleurs.

Je vous donne un exemple qui est dans le communiqué. Ce qu'on appelle la «Google tax», c'est de dire : Écoutez, les entreprises multinationales organisent leur fiscalité internationale pour déplacer, dans des lieux où la taxation est plus faible, une partie de leurs profits. Alors, nous, on va dire : Écoutez, on comprend très bien votre jeu, en fait, on va taxer votre activité économique dans notre pays, et comme ça vous allez être correctement taxés. Alors, selon le ministère des Finances, si on fait ça, ils vont tous partir. C'est ce qu'ils disent. Bien, en Grande-Bretagne, ils l'ont fait à partir de 2015, la taxe a rapporté 470 millions de dollars canadiens l'année suivante, davantage que les prévisions. Et les autorités fiscales prévoient qu'elle rapportera 3 milliards de dollars canadiens d'ici 2021. Les compagnies, 145 compagnies ont été avisées par la Grande-Bretagne qu'elles allaient faire l'objet de la taxe Google, donc de l'imposition de leur véritable activité économique. Un grand nombre d'entre elles, ce qu'elles ont fait, elles ne sont pas parties, elles ont modifié leur comportement fiscal pour répondre à la fiscalité locale.

Alors, la réponse du gouvernement Couillard à la demande des parlementaires, et à la demande des Québécois, et à la demande des distributeurs et des détaillants québécois, c'est d'essayer de leur faire peur et c'est ne pas s'asseoir sur la réalité telle qu'elle existe dans les endroits où ça a été appliqué.

Et donc aujourd'hui on est extrêmement déçus de voir cette position-là, qui est... Écoutez, ils y ont pensé, là, ils ont écrit ça, là. Ils ont décidé de ne pas prendre le virage de l'équité fiscale. C'est une décision gouvernementale. Et donc ce que ça signifie, c'est que, bien, nous, on va prendre l'autre décision, puis le Parti québécois au pouvoir le 1er octobre 2018, lui, il va prendre le virage de la justice fiscale, de la «Google tax» et de l'imposition des achats, des produits tangibles. C'est-à-dire, si on achète des vêtements, des bijoux ou quoi que ce soit à l'étranger, il y aura une taxe. On discutera des seuils, il y a des façons de le faire, et on fera ce que le gouvernement libéral n'a pas fait, on va regarder ce que les autres ont fait, on va regarder ce qui marche puis ce qui ne marche pas. Et d'avoir aujourd'hui un gouvernement qui essaie de faire peur au monde en disant qu'on va perdre des emplois puis qu'on va perdre des compagnies, c'est un gouvernement qui se cherche des excuses pour ne pas agir pour le bien commun.

M. Marceau : Merci, Jean-François. Je veux juste ajouter quelques points. Juste revenir sur la question des études. La Commission des finances publiques avait demandé des études, des analyses au ministre des Finances. Juste pour réinsister sur ce point que Jean-François a fait valoir il y a quelques minutes, ce qu'on retrouve dans le rapport qui est ici, dans le fond, c'est la conclusion. On retrouve, si vous voulez, les quelques pages qui résument la conclusion, puis la conclusion, elle se résume en trois mots : C'est mauvais, hein, c'est mauvais d'adopter telle mesure ou telle mesure, mais il n'y a absolument pas une description du cadre d'analyse, de la méthodologie, des travaux de comparaison qui ont été menés, il n'y a rien de ça. Et c'est ça que la Commission des finances publiques voulait et ce qu'elle n'a pas obtenu. Et c'est dans ce contexte-là que j'ai écrit une lettre demandant à la Commission des finances publiques d'entendre le ministère des Finances à la commission pour qu'on puisse poser ces questions-là de manière à mieux comprendre le raisonnement sous-jacent à cette fin de non-recevoir du ministère des Finances. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième, c'est que, dans le rapport, évidemment, il n'y a pas... c'est ça, on ne pourra pas... ce serait malhonnête de prétendre qu'il n'y a rien dans ce rapport. Il y a beaucoup de choses, il y a un certain nombre de petites mesures, de mesures qui ne changeront pas le cours des choses par ailleurs, il s'agit de faire un peu plus ou un peu mieux ce qu'on faisait jusqu'à maintenant. Mais il n'y a pas le changement de paradigmes ou le changement de monde dans lequel on voudrait se retrouver, un monde dans lequel on pourchasse véritablement les gens qui font des manoeuvres dans les paradis fiscaux. Ce changement-là n'est pas là, il n'est pas présent.

Puis, sur les trois dossiers, je vais aller très rapidement, là. Sur le commerce en ligne, Jean-François l'a dit, juste pour qu'on se comprenne bien, pour les biens tangibles, pour les biens corporels, comme ils les appellent dans ce rapport-là, c'est le statu quo, là, c'est le statu quo, rien ne change. Et ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire que le seul moyen... probablement, le fardeau de payer les taxes, c'est aux consommateurs qu'il va continuer d'incomber, hein? Le fardeau de payer les taxes va continuer d'incomber aux consommateurs pour tous les biens tangibles, et la seule façon de récolter les taxes, ça va être si, à la douane, quelqu'un attrape le colis. Et présentement il y a à peu près 90 % des colis qui passent à la douane sans être interceptés. Avec ce qui est annoncé, là-dedans, ça va peut-être passer de 90 % à 89 %, mais en gros rien ne va changer, là, O.K.? Bon, ça, c'est le premier sujet, mais je voulais juste que ce soit bien clair pour tout le monde. Donc, M. Leitão, dans son plan, là, il laisse passer la moitié... il résout une moitié du problème, mais il y a une grosse moitié qui demeure.

Pour la taxe sur les profits détournés, pour la «Google tax» mise en place au Royaume-Uni, tel que l'a dit Jean-François, et qui a fonctionné là-bas... Puis je veux juste dire une chose. Le gouvernement nous dit : Si jamais on faisait ça au Québec, il y aurait une épidémie de sauterelles, hein, la civilisation telle que la connaissons disparaîtrait. En gros, c'est ce qu'ils nous disent. Bien, au Royaume-Uni, là, ils ont ramassé de l'argent, ça continue d'être la capitale financière mondiale, c'est l'endroit au monde où tous les stratagèmes pour faire des opérations de paradis fiscaux, c'est là que c'est né, puis c'est là que ça s'est développé, et pourtant la place financière qui s'appelle Londres continue de vivre très bien, et le taux de croissance économique du Royaume-Uni cette année, c'est la même affaire que le taux de croissance économique au Québec. Ça fait qu'il n'y a pas d'épidémie de sauterelles là-bas, et au contraire on peut s'attendre à ce que ça va s'améliorer avec le temps.

Dernier point, sur les conventions fiscales, je veux juste aller rapidement là-dessus. Là, il y a vraiment un stratagème un peu désagréable dans le document, où on ne fait pas la différence qu'il y a entre les conventions fiscales que le Québec ou le Canada pourrait signer avec d'autres pays occidentaux avec des économies développées, avec des systèmes fiscaux comparables aux nôtres et les conventions fiscales qu'on peut signer, qu'on a signées avec des paradis fiscaux. Il faut comprendre que c'est deux choses complètement distinctes. Nous, on ne prétend pas que le Québec ou le Canada doit se sortir des conventions fiscales qu'il a signées avec les pays européens ou avec les États-Unis. Ce qu'on remet en question, c'est les conventions fiscales avec la Barbade, les Bermudes et autres îles Caïmans. Et, dans ce cas-là, dans le document, on prétend : Il faut maintenir ces conventions fiscales là parce que ça permet de récolter de l'information. Mais le gouvernement nous dit dans la même phrase : L'information, on ne s'en servira pas pour mieux taxer des entreprises. Ça fait qu'essayez de comprendre la logique. En fait, elle est incompréhensible.

Alors, très désagréablement surpris de la réaction du gouvernement sur les conventions fiscales, sur la taxe sur les profits détournés, sur la taxation du commerce électronique pour les biens tangibles. Il y a des bonnes choses, évidemment, hein? Je pourrais vous en faire si vous voulez, mais le fait est que les grands changements, les vrais changements de paradigme, là, ils ne sont pas au rendez-vous.

M. Lisée : Le gouvernement a décidé de passer à côté de l'essentiel pour faire l'accessoire. On est contents pour l'accessoire, mais l'essentiel n'est pas là.

M. Laforest (Alain) : Juste pour revenir, là, sur ce que vous venez de dire, messieurs, le ministre a quand même annoncé, la semaine passée... a envoyé une lettre au gouvernement fédéral en disant qu'il allait taxer le commerce en ligne. Donc, il a menti?

M. Lisée : Non. Bien, il a décidé, lui, qu'il n'allait taxer que ce qui était intangible : la musique, les données, etc. Et là il nous annonce... puis effectivement ce n'était pas évident à la lecture de la lettre, mais il nous annonce qu'il ne va pas l'imposer aux vêtements, aux bijoux, aux ordinateurs, à tout ce qu'on peut tenir dans la main. Alors, c'est un recul par rapport à ce qu'on avait tous compris qu'il allait se passer. Et donc c'est une très grande déception pour tous ceux qui vendent des choses qu'on peut tenir dans la main. Ils sont exclus de cette volonté qu'on avait cru comprendre la semaine dernière. Est-ce que c'est un… Ce recul-là, je veux dire, ils ne l'ont pas fait en 24 heures parce que ça a pris du temps à écrire, ça. Et certainement ils ont laissé l'impression, la semaine dernière, qu'ils allaient établir l'équité fiscale. Et là on a la réalité, c'est que, non, c'est une… Ils font le plus facile et ils laissent tomber les producteurs, les détaillants québécois.

M. Laforest (Alain) : Ça veut dire combien de pertes pour les détaillants québécois, là, qui vont se retrouver dans une situation où ils ne seront pas compétitifs? Est-ce que vous l'avez calculé?

M. Lisée : Bien, c'est 15 %, c'est les deux taxes, hein? Chaque produit qui est vendu par des Québécois est taxé de 15 %, et un Américain qui le vend n'est pas taxé de 15 %. Alors, à partir de là, il y a des pertes qui sont difficiles à quantifier parce que, chaque année, à mesure que les Québécois font de plus en plus d'achats en ligne, bien, ils le font en ligne avec là où le produit est le moins cher.

M. Marceau : Oui, juste pour être bien clair, donc il laisse carrément tomber Peter Simons, là, il le laisse complètement tomber. C'est lui qui va payer, et ses ventes vont diminuer graduellement, là. Pour l'instant, c'est commencé, le phénomène est entrepris. Il a appelé à l'aide. Et le phénomène va se poursuivre, va s'accélérer au fur et à mesure que ces réseaux de distribution là sont en place à l'extérieur, les petites entreprises américaines et autres. Ce phénomène-là va s'accélérer. L'érosion de la TVQ, c'est entrepris depuis longtemps, là.

Si je peux juste ajouter un mot aussi, question de compréhension, là, les entreprises québécoises honnêtes, comme La Maison Simons, font face à deux désavantages concurrentiels, hein? Il y a évidemment celui des taxes de vente, la TVQ, la TPS, qui sont récoltées quand on achète chez Simons, mais qui ne sont pas récoltées quand tu achètes chez L. L. Bean ou autres vendeurs américains sur une plateforme électronique, mais en plus de ça les multinationales auxquelles est confronté Simons, dans le cas de plusieurs d'entre elles, elles font affaire dans les paradis fiscaux puis elles réduisent leurs impôts sur les profits. Alors, le commerçant honnête qui paie ses impôts sur le profit, qui récolte les taxes, lui, il est pénalisé, alors que, de l'autre bord, vous avez des entreprises multinationales qui vendent au Québec, ne paient pas d'impôt sur leurs profits puis ils ne récoltent pas les taxes. Cherchez à comprendre la logique du statu quo que veut préconiser le gouvernement.

M. Laforest (Alain) : Mais vous, vous avez dit tout à l'heure que, si vous étiez au gouvernement, vous iriez chercher cette taxe-là. Pourquoi le gouvernement ne le fait pas actuellement et transfère sa responsabilité aux services douaniers canadiens, à ce qu'on comprend, là?

M. Lisée : Question de volonté politique pure. Je veux dire, on voit bien, là, qu'on a entraîné un gouvernement libéral qui n'était pas intéressé par cette question-là, on l'a entraîné à faire quelques petits mouvements qui n'étaient pas dans son projet politique puis dans sa façon de penser. D'ailleurs, la semaine dernière, quand j'ai interrogé le premier ministre, j'ai bien vu qu'il n'était même pas au courant que, lorsque le Canada faisait une entente avec les îles Cook, c'est juste le Canada qui le faisait. Lui, il m'a répondu que c'était international, qu'on n'avait rien à voir là-dedans. Donc, j'ai dit : Écoutez, le premier ministre n'est pas au courant du dossier, ça ne l'intéresse pas. Mais là, en plus, lorsque le ministère des Finances se penche là-dessus, eux sont très intéressés par le dossier puis sont très intéressés à ne pas colmater ces brèches-là. Donc, c'est une vision très conservatrice, très néolibérale des choses. Ils ne veulent pas bouger. Nous, on a une vision de justice et, oui, de nationalisme économique québécois et on dit : Des politiques qui désavantagent l'économie québécoise, bien, on n'en veut pas. On veut remettre l'économie québécoise compétitive, corriger les injustices. Il y a des façons de le faire. On cherche des solutions. On est très attentifs, hein, aux dommages collatéraux que ça pourrait poser, c'est pour ça qu'on a demandé des vraies études. Puis on aurait pensé qu'on aurait des études comparatives. Mais là on sent qu'il y a un refus de volonté, probablement idéologique, d'aller dans ce sens-là, qu'on voit aussi au gouvernement Trudeau. Le gouvernement Trudeau, c'est la même chose, ils font semblant de vouloir s'en occuper, mais en même temps ils signent des nouveaux accords et ils traînent les pieds.

M. Salvet (Jean-Marc) : Est-ce que le projet de loi présenté tout récemment par Québec solidaire qu'a appuyé M. Simons, parce qu'il était là, il était aux côtés de M. Khadir ce jour-là, c'est un projet de loi qui vous semble, comment dire, comporter ce qu'il faut, englober ce qu'il faut?

M. Marceau : Bien, moi, je pense que c'est un pas dans la bonne direction. C'est ce que j'ai dit encore la semaine dernière. C'est beaucoup mieux que ce qu'il y a là, là, on va s'entendre, c'est beaucoup mieux. Par contre, il y a toujours la question du fardeau fiscal. Nous, on a proposé une solution qui permet, en réduisant la TVQ et la TPS, de s'assurer que le fardeau fiscal des Québécois et des Canadiens demeure le même. Et donc on restaure l'équité, on garde le fardeau fiscal et on répond à l'objection fédérale.

M. Salvet (Jean-Marc) : Au-delà de ça, le projet de loi de Québec solidaire vous paraît être un bon projet de loi?

M. Lisée : Bien, c'est-à-dire, les outils qui sont dans ce projet de loi là sont les outils qu'on connaît tous, hein?

M. Marceau : Oui, oui, c'est ça. Ils n'ont pas réinventé la roue, là.

M. Lisée : C'est ça, c'est des outils dont les témoins… Les experts qui sont venus parler à la commission ont parlé de ces outils-là, ces outils qui existent, alors…

M. Marceau : Inverser le fardeau, présentement, c'est sur le consommateur, puis mettre ça sur… imposer la récolte aux entreprises vendeuses, c'était dans des documents du C.D. Howe de l'été dernier, de l'Institut du Québec. La Commission des finances publiques a recommandé les cartes de crédit, je veux dire… Québec solidaire a mis en mots légaux ce qui avait été dit par d'autres. Évidemment, j'en étais. Cela étant, il manque la question du fardeau fiscal.

Puis vous allez me permettre aussi juste de dire une dernière chose là-dessus, là, que je trouve important de dire. Dans le fond, ils disent, là : Si on mettait en place des mesures comme la taxe sur les profits détournés ou si on se retirait des conventions fiscales, ça serait la fin du monde. Et ce qu'ils disent implicitement, là, puis qu'il faut être capables de lire, c'est qu'ils disent que la compétitivité du système fiscal québécois, ça passe par le fait de permettre aux entreprises d'opérer dans les paradis fiscaux. C'est ça qu'ils disent, essentiellement, et c'est épouvantable de dire ça, c'est complètement épouvantable. Voilà.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Pour revenir à la question du fardeau fiscal auquel Québec solidaire ne répond pas, ce n'était pas juste pour, disons, répondre à l'argument de Mélanie Joly que vous aviez mis ça de l'avant? C'est réellement une inquiétude que vous avez?

M. Lisée : Bien, nous, contrairement au PL-CAQ, là, qui veulent réduire les revenus de l'État, on pense qu'on a besoin de chacun de nos dollars, mais pas plus, O.K.? Donc, on ne veut pas alourdir le fardeau fiscal des familles et des Québécois. L'argent qu'on veut aller chercher, c'est dans les paradis fiscaux, c'est pour les citoyens qui ne déclarent pas leurs revenus, qui... ça deviendrait illégal de ne pas les déclarer, et donc un certain nombre d'entre eux se mettraient à nous dire : Bien oui, j'ai fait tant d'argent dans le paradis fiscal, donc je vais payer mes taxes au Québec, ce que le gouvernement ne veut pas faire. Nous, on veut le faire.

Évidemment, on parle souvent de la rémunération des médecins. Il y a là une augmentation qu'on veut utiliser à d'autres fins. Mais on est très sérieux en disant : On ne veut pas augmenter le fardeau fiscal des Québécois. Alors, de dire : Si étendre l'assiette fiscale aux biens tangibles et intangibles, ça donne des revenus supplémentaires, on va baisser le niveau de taxation sur l'ensemble des revenus... sur l'ensemble des achats pour que ça ne coûte pas plus cher à une famille moyenne.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Avant Internet, tout le monde payait les taxes sur leurs produits. Alors, pourquoi Internet, soudainement, ferait baisser la TVQ? C'est quoi, la logique là-dedans?

M. Lisée : Bien, justement, c'est qu'on considère que, si demain tout ce qu'on achète en ligne des États-Unis devenait taxé, on aurait un accroissement de nos revenus de 300, 400, 500 millions. On ne le sait pas, c'est à peu près ça, mais ça veut dire que les citoyens québécois paieraient 500 millions de plus à l'État.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Mais il y a 15 ans, c'était comme ça, je veux dire, on payait tout dans les magasins, puis il n'y avait pas de problème.

M. Lisée : Exact. Bien, c'était 100 %, c'est ça.

M. Marceau : Mais le monde a changé, il faut s'adapter.

M. Lisée : Le monde a changé, donc ils se sont mis à acheter des choses qui étaient détaxées. À partir du moment où c'est retaxé, le fardeau fiscal augmente, puis on dit : Mais, écoutez, nous, on veut renvoyer cet argent-là à l'ensemble des Québécois en baissant la TVQ.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Donc, pour vous, ce serait un problème d'imposer la TVQ qu'il y a actuellement en magasin, le même taux, de l'imposer en ligne? Ce serait, pour vous, une préoccupation?

M. Lisée : Bien, ça augmenterait le fardeau fiscal, et on ne veut pas l'augmenter, on veut qu'il soit stable.

M. Dion (Mathieu) : Pour les biens tangibles comme pour la «Google tax», comment Québec peut faire vraiment cavalier seul s'il n'est pas en harmonisation avec les autres provinces? Parce que, dans le cas des biens tangibles, les produits pourraient passer par les autres provinces puis être acheminés ici; dans le cas de la «Google tax», bien, les entreprises pourraient décider par d'autres provinces aussi. Bref, comment Québec peut faire cavalier seul dans ces deux cas-là? Ça se fait-u, pour vrai, pour le Québec?

M. Marceau : Bien, ce genre d'argument là, c'est le genre d'argument que les opposants de la «Google tax» servaient aux autorités britanniques au moment où on voulait imposer la «Google tax» là-bas, c'est : Tout le monde va fuir, ça ne sera pas possible, on est intégrés avec l'Europe, on ne peut avoir un régime fiscal différent des autres. Ce sont des arguments qui sont valides d'une certaine manière, mais qui ne doivent pas freiner quelqu'un. Ça implique effectivement des arrangements, une réorganisation, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas possible.

M. Lisée : Mais surtout il y a un effet d'entraînement aussi. À partir du moment où le Québec le fait, nos arguments pour l'économie québécoise, ils valent pour l'économie ontarienne puis l'économie du Nouveau-Brunswick. Alors, c'est clair que nous, on dit : C'est bon pour nous. On n'a aucun doute que, plus tard, d'autres provinces canadiennes vont le faire, et les entreprises savent que ça va finir par arriver.

Maintenant, il y a des entreprises qui vont chercher des échappatoires, ils ont des consultants à temps plein très bien payés qui font ça, puis il y a beaucoup d'entreprises qui disent : Bon, moi, de toute façon, mon travail, c'est de faire des produits et de les vendre, ça fait que je me concentre là-dessus. Tout n'est pas délocalisable, et donc, à chaque fois qu'on fait une législation, il y a toujours des petits smattes qui réussissent à le contourner, mais l'essentiel s'adapte.

M. Dion (Mathieu) : Pour la commission parlementaire, vous voulez comme poursuivre encore les études là-dessus, en commission parlementaire, après avoir publié un rapport qui était assez complet, 38 recommandations. Pourquoi revenir encore là-dessus en commission parlementaire? Pourquoi encore demander à ce qu'il y ait...

M. Marceau : Non, on ne va pas refaire le monde en commission parlementaire, là, on veut rencontrer le ministère des Finances. Les parlementaires qui ont signé le rapport, qui ont demandé à voir des études, qui n'ont pas reçu des études se demandent pourquoi ils n'en ont pas reçu. En tout cas, moi, j'en suis. Puis c'est exactement le sens des questions que je vais poser au ministère des Finances.

M. Dion (Mathieu) : L'idée n'est pas de répéter un travail qui a déjà été fait.

M. Marceau : Non, non, non.

M. Lisée : Non, non, non. Au contraire, la commande n'a pas été satisfaite. On a demandé des études, les études n'ont pas été faites, c'est une conclusion, un plan d'action. Alors, on va demander : Pourquoi vous n'avez pas regardé ce qui se passe en Grande-Bretagne? Pourquoi la seule hypothèse que vous avez posée, c'est la pire? Est-ce que, dans l'étude, il y avait la meilleure? Est-ce qu'il y a des choses qu'on ne sait pas? Est-ce que quelqu'un vous a dit de ne pas regarder ce qui marche? Il y a des gens de très, très, très compétents au ministère des Finances du Québec, là, extrêmement compétents, et ils savent faire des comparaisons internationales, puis, quand ils décident de le faire, ils le font. Alors, c'est pour ça qu'on est déçus de la qualité du travail. Puis là on voudrait pouvoir poser des questions sur : Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on ne sait pas puis est-ce que le mandat a été mal donné? Parce que ce n'était le mandat de la Commission des finances. La Commission des finances dit : Donnez-nous une étude nous montrant comment ça peut fonctionner, quels sont les écueils, mais certainement pas une conclusion disant : C'est mauvais, ça ne peut pas marcher, oubliez ça.

M. Salvet (Jean-Marc) : M. Lisée, si vous permettez, sur un autre sujet, sur Yves Michaud. Comment voyez-vous les choses à partir de maintenant?

M. Lisée : Bien, je pense que c'est un geste d'estime, ce qu'a fait Maka Kotto, d'accepter de déposer une pétition qui dit l'évidence, c'est-à-dire que la motion qui a été votée il y a 17 ans était inexacte. Aucun des propos qu'il a tenus au moment où... Ce qui est dans la motion, c'est faux. Et donc des gens autour de M. Michaud disent : On aimerait pouvoir déposer cette pétition-là. Elle sera déposée. Moi, je pense que c'est un beau geste qu'on pose en faisant ça.

M. Salvet (Jean-Marc) : Vous dites qu'il n'a jamais tenu les propos qu'on l'accuse d'avoir tenus? Est-ce que c'est ce que je comprends?

M. Lisée : Oui, absolument.

M. Salvet (Jean-Marc) : O.K. Est-ce que, donc, vous donnez votre appui à M. Michaud? Est-ce que l'Assemblée nationale doit éventuellement, dans votre esprit, revoter et, comme il le dirait, lui, laver son honneur?

M. Lisée : On ne peut pas compter sur les libéraux pour faire ça. C'est ça, la difficulté qu'on a. Alors donc, le geste qu'on pose, c'est le dépôt de la pétition.

M. Salvet (Jean-Marc) : Le geste que vous posez, c'est l'appui à la pétition?

M. Lisée : C'est d'avoir le président du caucus du Parti québécois qui dépose la pétition avec mon appui. Voilà le geste d'estime qu'on fait envers M. Michaud.

M. Salvet (Jean-Marc) : O.K. Vous dites : Je ne me fais pas d'illusion sur la suite des choses, toutefois. Mais vous, chef du Parti québécois, souhaiteriez-vous que l'Assemblée nationale revote si elle en avait la possibilité, si les libéraux disaient oui?

M. Lisée : Ce n'est pas ce que demande la pétition. Mais moi, je suis réaliste. Je sais que le geste qui est posé, puis je sais que M. Michaud le sait aussi, c'est qu'en Chambre Maka Kotto, avec sa voix forte, va lire les attendus de la pétition, va dire : Ce qui a été fait dans cette motion, c'est inexact, et c'est ça, le geste que nous posons, puis je suis content qu'on le pose.

M. Salvet (Jean-Marc) : Très bien.

M. Laforest (Alain) : Iriez-vous jusqu'à demander un vote, vous, sur cette question-là pour renverser ce qui a été fait à l'époque?

M. Lisée : Ce n'est pas les mêmes, tu sais. Les gens sont partis, ils ne sont pas là. Et je ne veux pas non plus faire subir à M. Michaud ce que les libéraux diraient de lui. Alors, je pense que ce geste-là, très circonscrit, il n'a pas de risques pour M. Michaud et il établit... il sera dit dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Laforest (Alain) : Est-ce que ça va satisfaire, M. Lisée? On sait que M. Michaud, depuis la motion, se bat pour retrouver sa dignité et son intégrité, là.

M. Lisée : C'est le geste qu'on peut poser qui est le plus consensuel.

M. Laforest (Alain) : Sur un autre dossier également, concernant les ingénieurs qui ne veulent pas céder au gouvernement, on a senti aujourd'hui, là, que... M. Arcand nous a laissé entendre qu'une loi spéciale s'en venait. Vous, vous en pensez quoi? Comment on doit régler, dénouer cette impasse-là? Surtout que ça risque d'avoir un impact direct sur la circulation, là, le fait qu'on va vérifier des ouvrages.

M. Lisée : L'incapacité du gouvernement de régler de bonne foi à la table de négociation avec les juristes, avec les ingénieurs dépasse l'entendement. Et, quand on le compare à la générosité qu'ils ont envers les médecins spécialistes et les médecins de famille, c'est comme si on était dans deux mondes. Moi, je mets en cause la volonté du gouvernement de négocier de bonne foi, et l'arrivée d'une nouvelle loi spéciale serait un constat d'échec, encore une fois, de la capacité du gouvernement de s'entendre avec ses salariés. C'est bien? Merci beaucoup.

(Fin à 13 h 29)

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