(Douze heures cinquante minutes)
M. Legault
: Oui, bonjour,
tout le monde. Bien, encore une fois, les Québécois se sont réveillés ce matin
avec encore plus d'informations sur le système d'influence libéral. On savait déjà
que Marc Bibeau en menait large. On savait déjà que les pratiques de financement
du Parti libéral étaient revues par l'Unité permanente anticorruption. Mais là,
au-delà des sushis puis des kimonos, moi, ce qui m'a le plus inquiété ce matin,
c'est de voir le nombre de coups de téléphone de Marc Bibeau. Ce n'est pas
rien, là, Marc Bibeau a fait 574 appels à Jean Charest, ancien premier
ministre libéral; Marc Bibeau a fait 1 241 appels à un administrateur
d'Hydro-Québec — qu'est-ce qu'ils pouvaient bien jaser? On aimerait
le savoir, ça n'a pas l'air d'inquiéter Philippe Couillard; 423 appels à
un administrateur de la SAQ — on sait que Marc Bibeau avait
beaucoup de baux de signés pour des locaux de la SAQ, mais, quand même,
423 appels; 122 appels à la Société immobilière du Québec. Ce qui est
aussi très inquiétant, Marc Bibeau a fait 53 appels à
Michelle Courchesne, qui a été ministre de l'Éducation, hein? Est-ce que
ça avait rapport avec les baux des commissions scolaires? On sait que plusieurs
commissions scolaires avaient des contrats avec Marc Bibeau. Michèle Courchesne
a été aussi présidente du Conseil du trésor. Est-ce qu'il y avait un lien avec
certains contrats?
Donc, moi, je ne comprends pas la réaction
de Philippe Couillard. D'abord, il a fallu insister auprès de Philippe
Couillard pour qu'il donne un mandat à la Vérificatrice générale pour analyser
tous les baux de Marc Bibeau. Mais ce n'est pas suffisant, ce n'est pas
suffisant. Il faut que la vérification soit plus étendue. Est-ce que Marc
Bibeau avait un mot à dire dans toutes les nominations des dirigeants des
sociétés d'État? Est-ce que Marc Bibeau avait un mot à dire dans les politiques
gouvernementales qui auraient pu profiter à des amis de Marc Bibeau ou à
lui-même?
Si aujourd'hui j'étais premier ministre du
Québec, j'ordonnerais au Conseil exécutif de faire des vérifications immédiates
dans tous les organismes où il y a eu des centaines d'appels de faits par Marc
Bibeau. Or, au lieu d'accepter cette proposition, Philippe Couillard essaie de
se défendre en disant : Tous les partis faisaient ça. Bien, voyons donc,
là! À ce que je sache, il n'y a aucun parti qui est enquêté actuellement par
l'Unité anticorruption, sauf le parti libéral, et je ne connais pas de
donateurs qui ont fait des milliers d'appels à des dirigeants du gouvernement
ou des dirigeants de sociétés d'État dans les autres partis politiques.
L'autre chose que Philippe Couillard a
essayé de faire ce matin, c'est de dire : Ah! tout ça, c'est du passé, ce
n'est pas moi, c'est Jean Charest, ce n'est pas de ma faute. Bien, il faut
rappeler à Philippe Couillard qu'il y a 17 ministres, 17 de ses ministres
qui étaient ministres avec Jean Charest. Donc, qu'est-ce qu'il y a de changé?
On a déjà déposé aussi plus de 50 nominations politiques qui ont été faites,
donc des donateurs libéraux qui ont été nommés, pas par Jean Charest, par
Philippe Couillard depuis trois ans. Donc, qu'est-ce qui nous assure que Marc
Bibeau n'a plus d'influence avec le gouvernement de Philippe Couillard?
Moi, je redemande à Philippe Couillard de
mandater le Conseil exécutif pour faire des vérifications étendues sur tous les
liens de Marc Bibeau dans les différentes sociétés d'État, dans les différents
ministères.
Et je termine en disant ceci aux Québécois :
Toutes ces histoires qui viennent hanter régulièrement le gouvernement libéral,
ça va arrêter seulement avec un changement de gouvernement. Dans 10 mois et
demi, on va avoir une élection, on va pouvoir élire un nouveau gouvernement et
tourner la page sur 15 années de gouvernement libéral.
La Modératrice
: Merci.
On va passer à la période de questions en commençant par Alain Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) : M. Legault,
je comprends qu'on n'est pas dans les mêmes eaux, là. Est-ce que vous convenez
qu'à une certaine époque il y avait du financement douteux qui se faisait dans plusieurs
partis politiques?
M. Legault
: Non. Écoutez,
de collecter des fonds dans des activités politiques, c'est une chose; de
donner des contrats en échange, moi, je n'ai pas vu ça, et c'est incomparable.
Puis, quant à moi, Philippe Couillard essaie de faire de la diversion quand il
compare au financement des autres partis politiques. Parce que ni au Parti
québécois ni à la CAQ... Moi, je n'ai jamais vu ça, ce système-là qu'on a au Parti
libéral.
M. Laforest (Alain) :
Donc, c'est un mauvais titre lorsqu'on a écrit que vous étiez embarrassé d'avoir
fait un repas à 1 000 $ avec des pharmaciens?
M. Legault
: Écoutez...
M. Laforest (Alain) :
Étiez-vous embarrassé ou vous ne l'étiez pas?
M. Legault
: Pas
vraiment. Je veux dire, je n'ai jamais donné de contrats à qui que ce soit.
Donc, des compagnies d'asphalte, des compagnies pharmaceutiques, quand j'étais
au PQ, il y en avait dans les cocktails, mais ça ne veut pas dire qu'on leur
donne des contrats. Là, ce qu'on voit, là, un donateur... Le gars qui était en
charge, le grand argentier du Parti libéral qui fait des milliers d'appels au premier
ministre, à la ministre de l'Éducation, aux administrateurs de sociétés d'État,
moi, je n'ai jamais vu ça, jamais vu ça. C'est incomparable.
M. Laforest (Alain) :
Est-ce que vous avez toujours confiance que, d'ici, je dirais, la fin des
temps, on va connaître le fin fond de l'histoire?
M. Legault
: Bien,
il faut espérer que les enquêtes de police aboutissent. Et, oui, il faut faire
confiance aux policiers, mais ça n'empêche pas le premier ministre de prendre
certaines mesures, parce que, bon... Est-ce que les contrats qui sont signés...
Est-ce que les nominations politiques qui sont faites, qui ont été faites, là,
depuis trois ans et demi, au Conseil des ministres ont été faites parce que les
gens sont compétents ou parce que ce sont des libéraux? Je pense que, déjà, là,
on pourrait faire du travail. Puis Philippe Couillard, là, moi, j'aimerais ça
que, comme premier ministre, il prenne ses responsabilités puis qu'il vienne
nous dire, disons, d'ici quelques semaines, d'ici quelques mois : J'ai
fait toutes les vérifications et je vous assure que Marc Bibeau n'a plus
d'influence sur les décisions du gouvernement ou des sociétés d'État. Actuellement,
ce n'est pas ce qu'il dit. Il ne répond pas à la question.
M. Laforest (Alain) :
Vous demandez un Bastarache deux, là?
M. Legault
: Bien,
moi, ce que je demande, là, c'est qu'à l'interne il y ait des enquêtes de
faites, que Philippe Couillard se convainque lui-même que Marc Bibeau n'a plus
d'influence. Mais, en parallèle, les policiers doivent continuer leur enquête
de police, et j'ai hâte que ça aboutisse.
La Modératrice
:
Charles Lecavalier, Le Journal de Québec.
M. Lecavalier (Charles) :
Êtes-vous déçu que la commission Charbonneau, qui était au courant de ça, n'ait
pas choisi de le révéler, c'est-à-dire des rencontres, des partys comme ça,
d'une grande ampleur, entre Marc Bibeau puis des membres du Conseil des
ministres de Jean Charest?
M. Legault
: Bien,
écoutez, la commission travaille avec l'information qui est donnée par les
policiers. Ce que je comprends, là, c'est qu'on vient, ce printemps, de
gagner... les policiers viennent de gagner en Cour suprême pour pouvoir
utiliser les informations avec Marc Bibeau. Donc, il faut voir, là. Moi, j'ai
confiance que la commission, compte tenu des informations qu'elle a reçues des
policiers, elle a fait le maximum qu'elle pouvait.
M. Lecavalier (Charles) :
Je veux être bien sûr de comprendre votre pensée. Dans le fond, vous, ce que vous
croyez, c'est que Marc Bibeau a reçu des baux en cadeau.
M. Legault
: Bien,
ce qu'on sait, c'est qu'il y a beaucoup de baux d'entreprises de Marc Bibeau
avec des magasins de la SAQ, avec des commissions scolaires, puis là on voit
qu'il faisait des milliers d'appels. Tu sais, il y a une différence entre faire
quelques appels puis des milliers d'appels. En tout cas, il y a une perception.
Moi, je comprends les Québécois, aujourd'hui, d'être choqués, découragés. Ça
n'aide pas la politique, là, la première page du Journal de Montréal de
ce matin, là. C'est décourageant.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais, pour vous, est-ce que c'est clair qu'il a reçu ces baux-là? Parce que
vous dites que la différence entre votre financement au Parti québécois puis
les libéraux, c'est que vous, vous n'avez pas donné de contrats en échange.
Donc, vous, vous croyez que ça, ces baux-là ont été donnés en échange du
financement.
M. Legault
: Bien,
il faut avoir cette réponse-là. Moi, je pense qu'on a le droit de se poser
cette question-là. Et, pour l'instant, disons qu'il y a un grand doute.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Gilbert Lavoie, Le Soleil.
M. Lavoie (Gilbert) :
Bonjour, M. Legault. La vérification que vous demandez au premier
ministre, ça portera aussi, par exemple, sur les appels à Hydro-Québec, les
appels... Mais c'est une assez grande vérification que vous demandez là, vous
ne trouvez pas? Vous ne pensez pas que, déjà, la Sûreté du Québec, qui a les
numéros de téléphone, qui connaît sûrement les gens qu'on a appelés, que la
Sûreté du Québec, l'UPAC est beaucoup mieux équipée que...
M. Legault
: Mais
qui est responsable, ultimement, de la saine gestion puis de l'intégrité des
contrats gouvernementaux? C'est le premier ministre. Il ne peut pas se cacher
derrière la police. Je veux dire, la saine gestion, là, le responsable, c'est
le premier ministre du Québec. Le premier ministre du Québec doit prendre aussi
des mesures pour aller voir qu'est-ce qui est arrivé pour avoir 1 200 appels
chez Hydro-Québec, là. Il me semble que les questions se posent. En tout cas,
il n'est pas très curieux. Disons que moi, je voudrais savoir.
M. Lavoie (Gilbert) :
Oui, mais j'imagine que l'UPAC ne donnera pas à des gens du gouvernement les
noms des gens à Hydro-Québec qui ont été appelés par Marc Bibeau. Encore
faut-il avoir ces informations-là pour faire les vérifications, vous ne pensez
pas?
M. Legault
: Bien,
moi, je pense que, si on regarde qui était à la direction d'Hydro-Québec à
l'époque, il doit y avoir moyen de voir quels étaient les sujets discutés entre
Marc Bibeau puis ces personnes-là.
M. Lavoie (Gilbert) :
Vous pensez que c'était toujours la même personne qu'il appelait?
M. Legault
: Bien,
c'est ce qu'il semble dire, oui.
M. Lavoie (Gilbert) : Bien,
je n'ai pas vu ça.
M. Legault
: Oui,
bien, qu'il y en ait une, qu'il y en ait cinq, qu'il y en ait 10, il faut aller
voir quel était le sujet des discussions, là. Je ne connais pas beaucoup de
monde, au Québec, qui appelle 1 200 fois, chez Hydro-Québec, un
administrateur, là.
La Modératrice
:
Mathieu Dion, Radio-Canada.
M. Dion (Mathieu) : Un
peu pour revenir sur ce que M. Lavoie disait, pourquoi faire des enquêtes
en parallèle, des vérifications en parallèle? Pourquoi ne pas attendre l'enquête
de l'UPAC puis après ça voir ce qui doit être fait?
M. Legault
: Parce
que c'est deux choses, la saine gestion... La saine gestion, ça, c'est la responsabilité
du premier ministre. Lui, il doit s'assurer qu'aujourd'hui, là, Marc Bibeau n'a
plus d'influence chez Hydro-Québec, n'a plus d'influence à la SAQ, n'a plus
d'influence dans les différentes sociétés d'État. Les enquêtes policières qui
sont faites, là, ça n'empêche pas le premier ministre d'agir. Puis même le premier
ministre, il a une responsabilité. Des Québécois qui se demandent, là : Est-ce
qu'actuellement il y a des contrats qui se signent encore avec des entreprises
de Marc Bibeau? Je pense que le premier ministre doit faire un minimum de
vérifications. Il ne peut pas attendre les policiers. Surtout que l'enquête, on
le voit, c'est une longue enquête.
M. Dion (Mathieu) : Ce
qu'ils évoquent beaucoup, c'est : Autres temps, autres moeurs. Pourquoi
vous ne lui donnez pas le bénéfice du doute... vous ne leur donnez pas le
bénéfice du doute?
M. Legault
: Bien,
s'il veut vraiment nous prouver que la page a été tournée, il ne devrait pas
hésiter à faire les vérifications nécessaires. Puis, honnêtement, quand je vois
le système de nominations politiques, il n'y en a pas eu, de changement. Les
17 ministres qui sont là puis qui étaient là avec Jean Charest, ce sont les
mêmes personnes. Donc, est-ce qu'il y a eu vraiment un changement? Pourquoi,
Philippe Couillard, ça ne l'intéresse pas de savoir pourquoi Marc Bibeau a
appelé 1 200 fois chez Hydro-Québec? Pourquoi ça ne l'intéresse pas?
Je veux dire, s'il était le moindrement sérieux de tourner la page sur les
années Jean Charest, il me semble qu'il en ferait un petit peu plus.
La Modératrice
: Merci.
Est-ce qu'il y a d'autres questions en français?
M. Lavoie (Gilbert) :
Une petite vite. Mais les 17 personnes qui sont encore de l'époque
Charest, il y a Jacques Chagnon là-dedans. Est-ce que ça diminue votre
confiance envers le président de l'Assemblée nationale?
M. Legault
:
Écoutez, on ne sait pas, là. Ce qu'on sait, là, c'est que c'est à peu près la
même équipe qu'il y avait à l'époque de Jean Charest. Maintenant, quelles sont
les personnes? Bon, on sait que Michelle Courchesne a été appelée 53 fois.
Bien, qu'en est-il des autres ministres du temps de... Il me semble que je les
passerais au confessionnal, moi, les 17 ministres, si j'étais à la place
de Philippe Couillard.
M. Lavoie (Gilbert) :
Pour des fins d'impartialité ou à cause de son poste, est-ce que M. Chagnon
devrait s'expliquer là-dessus également?
M. Legault
: Je
pense que chacun des 17 ministres, incluant M. Chagnon, devrait
s'expliquer.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Raquel Fletcher, Global.
Mme Fletcher (Raquel) :Good afternoon. I have a question about marijuana. We're learning, kind of bit by bit, as the days go
on, a little bit more about this bill that they're going to be tabling, I
guess, tomorrow. We now know that they want to control it somehow through an
affiliate of the SAQ. Is that a good idea?
M. Legault
: To control what?
Mme Fletcher (Raquel) : They want to control distribution, sales through an affiliate of
the SAQ.
M. Legault
: We were the first party to table an action plan regarding
marijuana. We think that the distribution must be restricted as much as we can.
First, it must be sold only to people over 21 years old. Second, I think that,
right now, with the reaction of policemen, it should be delayed by one year.
We're asking for a delay of one year. I think that, right now, we're not ready.
We're not ready for a so important change in our society.
Mme Fletcher (Raquel) : What kind of influence do you think that it will have if the National Assembly pleads to Trudeau to give
us one more year? Do you think that that could work?
M. Legault
: If we are all together asking Justin Trudeau to postpone this bill
by one year, I think that we may have a chance to convince Justin Trudeau. He's
got many MNAs in the province of Québec. So, I think we have at least to try.
Mme Fletcher (Raquel) : And just on the public… how would you call it, the public ownership
of it, like the public has to control it, are you in favor of that?
M. Legault
: Yes. I agree that it must be a subsidiary of the SAQ. It must not
be sold in the same stores as the SAQ because it's not comparable, selling wine
and selling marijuana, but I think it has to be controlled by the Government,
by the SAQ in order to restrict as much as possible those sales.
Mme
Fletcher (Raquel) : OK. Merci.
M. Legault
: Merci. Merci,
tout le monde.
(Fin à 13 h 5)