(Onze heures quatre minutes)
Mme Maltais : Alors, je
remercie Jean-François et Frédéric de venir avec moi aujourd'hui. Je les ai
rencontrés il y a trois semaines. Ils sont venus me voir à mon bureau de circonscription
pour me parler des problèmes pour la desserte ambulancière dans la région de la
Capitale-Nationale.
Ce sont deux compagnies différentes. Normalement,
ce sont des concurrents, mais pourtant ils tenaient à venir ensemble de façon, vraiment,
là, collégiale pour m'expliquer à quel point on pouvait actuellement, avec ce
qu'on vit à Québec à cause du manque d'ambulances, mettre des vies en danger ou
faire que des personnes aient des séquelles à vie.
Alors, depuis, nous sommes intervenus, à l'Assemblée
nationale, on a débattu avec M. Barette. Et, depuis ces premiers débats,
deux événements tragiques se sont produits. Il y a eu deux décès qui sont peut-être
attribuables au manque de services ambulanciers.
Alors, je vais laisser d'abord M. Gagné
et ensuite M. Maheux vous expliquer un peu ce qui s'est passé.
M. Gagné (Jean-François) :
Bonjour, tout le monde. Malheureusement, cette nuit, un appel a été placé au
9-1-1, là, à 1 h 26. Il y avait seulement deux ambulances dans la
ville. Donc, une ambulance était au centre-ville, Marie-de-l'Incarnation et
Hamel, et l'autre ambulance se trouvait à Beauport. Malheureusement, l'appel
venait de la rue Sainte-Geneviève, donc à Val-Bélair. L'appel a été classé, là,
semi-urgent, donc priorité 3, d'affectation immédiate.
Malheureusement, une fois que l'ambulance a
été engagée, la condition du patient s'est détériorée, puis il y a eu un arrêt
cardiorespiratoire. Donc, cinq minutes après que l'ambulance est partie,
l'arrêt cardiorespiratoire a été constaté. Et les ambulanciers ont fait le plus
rapidement possible. Malheureusement, à l'arrivée sur place, ils ont fait les
manoeuvres, ils ont entretenu le patient jusqu'à l'Hôpital Laval, et malheureusement,
là-bas, le décès a été constaté.
Nous, ce qu'on reproche, au fait, c'est le
manque d'ambulances. Parce que malheureusement l'ambulance est partie du
centre-ville, alors que, s'il y avait eu deux ambulances de plus de disponibles
sur le territoire, on aurait eu une ambulance qui était à Sainte-Foy et surtout
une ambulance qui se serait trouvée, là, au coin de la rue l'Ormière et
Chauveau. Donc, même sans les gyrophares et les sirènes, l'ambulance aurait été
là environ en quatre minutes, donc on aurait sauvé 11 minutes avant
l'appel, donc on aurait eu vraiment des meilleures chances d'offrir une
réanimation au patient sans séquelles, sans morbidité.
Donc, encore une fois, on voit que le manque
de véhicules, là, ça ne marche pas. On part de beaucoup trop loin, on a des
trop longs délais. Donc, on réclame vraiment, là, une dizaine d'ambulances, je
vous dirais, là, pour être sûr que la population soit en sécurité.
Mme
Maltais
:
Merci. M. Maheux.
M. Maheux (Frédéric) :
Bonjour. Je veux juste vous revenir un peu sur l'intervention qui est arrivée hier,
sur le décès d'hier matin. Donc, un appel qui est rentré aux alentours de
4 h 30 le matin, aucun véhicule de disponible à ce moment dans la
ville de Québec.
C'est une priorité 7, donc un appel
non urgent. En règle générale, avec les ressources nécessaires, cet appel
aurait été donné tout de suite avec une ambulance, donc un délai d'intervention
d'environ quatre minutes pour les paramédics sur les lieux. Mais, ici, on parle
aujourd'hui de plus de 35 minutes pour se rendre sur les lieux. Si
l'ambulance avait été partie tout de suite... Effectivement, l'appel, c'est
rentré non urgent, donc un appel très stable. Finalement on a été rappelés 25 minutes
plus tard pour dire que le patient n'allait vraiment pas bien puis est même en
arrêt cardiaque, O.K.? Le temps de se rendre, ça a pris 35 minutes, hier, se
rendre. Normalement, ça aurait été le temps pour se rendre jusqu'à l'hôpital.
En 35 minutes, là, ce patient-là aurait été à l'hôpital, dans une salle de
réa à l'hôpital, avec des grandes chances de survie. Malheureusement, là, aujourd'hui,
il est décédé, ce patient-là.
Donc, on se bat aujourd'hui. On veut des
effectifs sur la route, on veut répondre. On trouve ça critique que les gens ne
sont pas capables d'avoir le service auquel ils ont droit avec l'ambulance présentement.
La Modératrice
: Merci.
Mme
Maltais
:
Je vais simplement ajouter que, ça, ce sont les situations les plus tragiques
qu'on ait vues, qui arrivent par hasard, au moment où on soulevait le problème,
malheureusement. Mais il y a des choses quotidiennes qui se passent.
Comme, hier, ma collègue Diane Lamarre parlait
d'une personne âgée qui a passé trois heures et demie au sol en attendant une
ambulance parce que les ambulances étaient occupées ailleurs. Donc, c'est
devenu du quotidien dans la région de la Capitale-Nationale. Il faut
impérativement qu'on ajoute des ambulances sur le territoire.
Il y a un problème actuellement dans la
façon dont on calcule le nombre d'ambulances. Ça, on le sait. Nous, au Parti
québécois, ce qu'on dit, c'est qu'il faut absolument revoir la façon dont on
les calcule. Parce qu'actuellement c'est sur une base historique. Or, à partir
de cette base historique, on ne calcule pas l'augmentation de population, qui
est forte à Québec; le vieillissement de la population, qui est très fort; et,
en plus, l'augmentation de la congestion, qui est énorme. Ces facteurs-là font
qu'il faut complètement revoir la façon dont on calcule la desserte
ambulancière.
Alors, je remercie M. Maheux et M. Gagné
d'être venus avec nous aujourd'hui vous expliquer la situation. Croyez-moi, il
est important que le ministre bouge, le ministre agisse.
Je veux vous dire une dernière
information. Je n'ai pas la documentation pour le prouver, mais je sais que le
CIUSSS de la Capitale-Nationale a demandé une augmentation des ambulances
depuis plusieurs mois dans la région, mais que le ministre Barrette ne donne toujours
pas de réponse à cette demande. Je pense qu'il est temps qu'il se réveille.
Merci.
La Modératrice
: Merci.
On va passer à la période de questions. Je demanderais, par respect pour nos
invités, de rester sur le sujet du jour. Micro de gauche, Marc-André Gagnon, Journal
de Québec.
M. Gagnon (Marc-André) :
Bonjour. J'espère que vous allez bien malgré tout.
Mme Maltais, avez-vous l'impression
quand même que le ministre Barrette, hier, dans la réponse qu'il a donnée à
votre question et à celle de votre collègue Mme Lamarre, commence à plier
un peu, à changer son discours? Parce que la première fois, lorsque vous en
avez parlé, il y a quelques semaines, il s'en était tenu essentiellement à
parler des négociations, alors là il semble ouvrir son jeu un peu.
Mme
Maltais
:
Oui. Ça a pris un décès pour qu'il sorte de sa cassette. Sauf que je trouve ça
terrible que ça ait pris ça. Ça fait des années que la situation perdure, des
mois qu'il y a une demande dans la région pour une augmentation ferme de la part…
tout le monde le sait, là. Puis il a fallu qu'on se lève avec un décès pour
qu'il sorte de sa cassette. C'est bien. Maintenant on voudrait une décision,
s'il vous plaît.
M. Gagnon (Marc-André) :
Oui. En même temps, ce que M. Barrette dit, c'est qu'il veut s'attaquer à
ce problème-là, mais partout au Québec. Est-ce que, selon vous, il devrait
commencer par la Capitale-Nationale plutôt que d'attendre de régler le problème
en même temps partout?
Mme
Maltais
:
Bien, c'est parce que pendant ce temps-là la population est prise en otage. Ça
fait des années qu'il sait qu'il faut régler ce problème-là. Il y a eu le
rapport Ouellet déposé en 2014, et il n'a rien fait. Alors, pendant qu'il parle
de régler le problème, il se vit ça : une population prise en otage.
Alors, ce qu'il faut, oui, c'est qu'il
ajoute des ambulances tout de suite. Si, ensuite, il y a des modifications, au
moins la population ne sera pas en danger de… je suis obligée de le dire
maintenant, en danger de mort ou bien de séquelles à long terme à cause de son
besoin de revoir les règles. Il faut qu'il revoie les règles, on est d'accord,
mais les ambulances, ça les prend maintenant. Les gens, ils sont malades
maintenant.
La Modératrice
: Merci.
D'autres questions?
M. Lemieux (Olivier) :
Peut-être une précision. Je vous ai bien entendue tantôt, là, sur les
particularités, Mme Maltais, là, à Québec. Vous avez dit :
Congestion, accroissement…
Mme
Maltais
:
La dernière augmentation d'ambulances, suite à des pressions que j'avais
faites, est arrivée en… j'avais fait des pressions en 2011, puis les ambulances
sont arrivées en 2012. Mais depuis, en cinq ans, il continue d'y avoir
augmentation de la population.
La congestion à Québec est devenue un
sujet quotidien depuis les cinq dernières années. Avant, on n'en parlait pas
autant que ça. Le vieillissement de la population... Bien, c'est une population
qui a cinq ans de plus actuellement, et elle est plus forte à Québec que dans
d'autres villes du Québec. Donc, la combinaison de ces facteurs-là, à mon sens,
crée une pression supplémentaire sur nos paramédics.
M. Lemieux (Olivier) :
Est-ce que je pourrais entendre un des porte-parole, peut-être, là, des
paramédics? Sur le terrain, parlez-moi des impacts concrets de la situation
actuelle. Vos employés, les gens dans les ambulances, est-ce qu'il y a un
sentiment d'impuissance de savoir qu'on n'arrivera juste pas à temps? Comment
ça se vit?
M. Maheux (Frédéric) :
Effectivement, c'est très dur pour les paramédics sur le terrain. Pour mes
membres, écoutez, c'est de recevoir des appels toujours… Il faut se dépêcher,
c'est sûr, sur nos interventions. Puis c'est arriver chez des patients que… Imaginez
la personne qui est au sol depuis trois heures, qui est en douleur, puis nous,
on arrive. À ce moment-là, c'est sûr et certain qu'on se sent impuissants
devant la personne, on se fait recevoir aussi également. Imaginez ça. Il faut
leur expliquer pourquoi aussi. Puis c'est compliqué, puis c'est dur à
comprendre.
Ça fait que, oui, c'est difficile pour les
membres sur le terrain, là. C'est épuisant mentalement de toujours, toujours
courir après les appels comme ça, d'arriver à la dernière minute, de voir des
patients qu'on le sait que, si on serait arrivés avant, possiblement que les
séquelles... où on aurait à intervenir plus rapidement, ce serait mieux pour le
patient. Oui, c'est difficile, là.
On fait ce métier-là pour aider la population,
pour aider les gens, puis présentement on ne fait pas ce qu'on serait capables
de faire avec le maximum de ressources, là.
M. Lemieux (Olivier) : Et
est-ce qu'il y a une compréhension sur le terrain ou la frustration est
grandissante chez les gens qui appellent pour un service et disent :
Voyons donc, ça n'a pas de sens, vous étiez où? Vous êtes où là-dedans?
M. Maheux (Frédéric) :
On entend de plus en plus, effectivement : Vous êtes où, qu'est-ce que
vous faites, c'est donc bien long. Puis, oui, il y a de la frustration, là, qui
est grandissante chez les membres, là. Oui. C'est sûr et certain.
M. Lemieux (Olivier) : De
votre côté, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Gagné (Jean-François) :
J'irais dans le même sens que mon collègue. Je veux dire, les ambulanciers font
ce métier-là pour aider les gens, puis on a même le coeur sur la main. Je veux
dire, on est prêts à se priver de repas pendant une période de 12 heures
pour aider les gens, puis on n'arrive même pas à suffire à la demande, puis il
arrive des cas de mortalité puis de morbidité. C'est sûr que, nous, ça vient
nous chercher, là. On est là pour aider les gens. Quand on ne peut pas le
faire, ça nous affecte psychologiquement, là, c'est sûr, à long terme, là. Ça
rend les gens un peu plus à bout de souffle. Puis, effectivement, on côtoie ces
familles-là puis ces gens-là, puis c'est des situations de détresse, c'est des
choses comme ça. Ça fait que, oui, ça devient un peu lourd, là, de ne pas
pouvoir aider à sa pleine mesure les gens.
M. Lemieux (Olivier) :
Merci.
La Modératrice : Merci. On va
avoir des questions sur un autre sujet.
M. Gagnon (Marc-André) :
Merci. Mme Maltais, vous avez certainement appris que le procès pour
fraude et corruption de Tony Accurso a avorté. Réactions?
Mme Maltais : Écoutez, je
comprends que le jury a été contaminé. C'est ce que j'ai lu rapidement dans les
médias. Je souhaite évidemment qu'on trouve pourquoi il y a eu cette
contamination du jury. C'est important de savoir qu'est-ce qui s'est passé.
Deuxièmement, je comprends aussi que les
accusations contre M. Accurso ne sont pas levées, il est toujours accusé.
Et donc il y a possibilité d'un nouveau procès. Je souhaite qu'il y ait un
nouveau procès. Il est temps qu'on... Écoutez, c'est désespérant. On n'arrive
vraiment pas à faire la lumière sur tout ce qui s'est passé à cette époque.
M. Gagnon (Marc-André) :
Oui. Parce que c'est d'autant plus désolant que le jury était sur le point, là,
donc, de rendre une décision.
Mme Maltais : Oui, oui,
c'est ça. Le jury allait... Donc, comment ça se fait qu'un jury ait été
contaminé? Qu'est-ce qui s'est passé? C'est assez exceptionnel. C'est une des
premières fois, sur un procès aussi important, que j'entends ça. Alors,
qu'est-ce qui s'est passé? Deuxièmement, il faut reprendre au plus vite un
autre procès.
M. Gagnon (Marc-André) :
Oui. En même temps, il semble que la preuve n'était peut-être pas si solide que
ça.
Mme Maltais : Je ne peux
pas...
M. Gagnon (Marc-André) :
Bien, c'est ce qui est rapporté, en tout cas.
Mme
Maltais
:
Je ne peux pas aller plus loin que ça, à l'heure actuelle.
Qu'aurait décidé le jury? Je ne le sais pas. Écoutez,
on était rendus au jury, donc je ne peux pas commenter.
M. Gagnon (Marc-André) :
Oui, mais ma sous-question par rapport à ça : Est-ce qu'il n'est pas un
peu difficile, au fond, d'établir une preuve solide dans les dossiers de
corruption, de fraude?
Mme Maltais : Jusqu'ici
l'UPAC nous dit toujours que, quand ils vont au procès, que leur preuve est
solide. Alors, je souhaite qu'ils continuent à amasser de la preuve solide,
mais je souhaite qu'à un moment donné on puisse avoir des procès qui se rendent
au bout, là, à terme, là. Il faut qu'on sache.
M. Gagnon (Marc-André) :
O.K. Un autre sujet : Capitale-Nationale, il y a eu, bon, inauguration de
l'agrandissement de l'aéroport de Québec, hier soir...
Mme Maltais : Oui. Je
n'ai pas pu y aller, je suis désolée.
M. Gagnon (Marc-André) :
O.K. Bon, il y a un comité qui est sur le point d'être créé. Or, on voit que le
nombre de vols diminue. Êtes-vous inquiète pour l'avenir de l'Aéroport de
Québec?
Mme Maltais : Écoutez,
c'est cyclique, je dirais. Je me souviens que Françoise Mercure avait été, d'ailleurs,
à la tête d'un comité de liaison pour essayer de forcer des services de
desserte sur le territoire de Québec. Alors, j'approuve moi, la formation du
comité. Dans la région, chaque fois que les gens s'assoient ensemble, se
rallient, se parlent, on arrive à des solutions.
M. Gagnon (Marc-André) :
Parce que le P.D.G., lui, pourtant, semble...
Mme Maltais : Je le sais.
Mais je pense qu'il a peut-être... Que le comité voie, à ce moment-là, ce que
dit le P.D.G.. Mais je pense qu'il est revenu un peu sur sa déclaration
ensuite. Je pense qu'il n'a pas à refuser l'aide des gens de la région.
M. Gagnon (Marc-André) :
Merci.
M. Lemieux (Olivier) :
Une précision. Est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait assumer une
partie des frais d'exploitation du futur centre de predédouanement?
Mme Maltais : Écoutez, malheureusement,
je n'ai pas eu le temps de regarder véritablement ce dossier-là. Mais ce que je
veux, c'est que l'Aéroport de Québec soit traité comme les autres aéroports
canadiens. Alors, si le fédéral... C'est ça que je n'ai pas eu le temps, là... Si
je comprends que le fédéral finance d'autres aéroports, il doit financer Québec.
Moi, c'est ça, ma ligne, qu'on soit traités comme les autres grands aéroports
du Canada.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 11 h 17)