(Quatorze heures deux minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. En cette fin de session, on est très heureux et heureuses de se
retrouver parmi vous pour faire notre bilan de cette session-ci.
Alors, je vous dirais que, si nous avions
à illustrer notre bilan dans une phrase, cet automne, Québec solidaire a fait
des propositions pragmatiques qui ont bousculé les autres partis. Nos
propositions, elles étaient simples, efficaces. Elles n'avaient qu'un objectif,
c'est d'améliorer la condition de vie des gens, de faire en sorte que les
travailleurs et les travailleuses s'en trouvent avec une condition de vie
améliorée.
Je vous donne quelques exemples. Par
exemple, le projet de loi anti-burnout qu'a déposé Gabriel parce que, vous le
savez comme moi, les Québécois et Québécoises sont épuisés. Le taux
d'épuisement professionnel est élevé, et, dans le fond, une solution simple
comme le projet de loi de Gabriel anti-burnout, c'est-à-dire d'augmenter le
nombre de vacances, d'augmenter le nombre de jours fériés, de faire en sorte
que les congés sociaux soient des congés rémunérés, s'assurer que les gens
puissent avoir leur horaire de travail en temps pour être capable de planifier
leur vie. Ce n'était pas compliqué, et Gabriel nous l'a proposé.
Il y a Amir aussi qui, cet automne, a
proposé son projet de loi de baliser le commerce électronique. Pourquoi? Bien, parce
que ça aussi, c'est des emplois, c'est des commerces, c'est des Québécois et Québécoises
qui, malheureusement, voient leurs possibilités ébranlées parce que les grands
conglomérats électroniques ne veulent pas faire leur juste part.
Alors, vous savez, la justice fiscale, là,
ça aussi, ça existe. La justice fiscale, c'est ce qu'Amir a proposé dans son projet
de loi de commerce électronique. Et je vous rappellerai que ce projet de loi là
a bousculé les trois autres partis, parce que d'une part, bien, il y a des gens
où on n'a pas trop su, ça a pris du temps avant qu'on sache exactement quelle
était leur position par rapport à ça. Même M. Leitão nous a dit qu'il
devait considérer. On attend d'ailleurs toujours une réponse concrète, mais on
continue de dire que le projet de loi d'Amir était un projet de loi de justice
fiscale qui permettait en plus de faire une rentrée d'argent dans notre portefeuille
collectif. Et puis ça, c'est toujours utile quand on veut s'occuper des services
publics.
Et moi, de mon côté, aussi par
pragmatisme... vous savez, on a eu un automne qui, encore une fois, nous
rappelait qu'en matière d'agressions sexuelles on a beaucoup de chemin à faire.
Et, dans un plan que j'ai déposé, une de nos propositions était le modèle
Philadelphie, c'est-à-dire de porter un regard critique sur le processus de
plainte et d'enquête pour nous assurer que nous avons la meilleure façon de
faire pour assurer aux femmes qu'elles seront entendues et respectées dans ce
processus-là. Et, bien sûr, le ministre a décidé de faire un projet pilote. On
aurait pu espérer mieux, parce que les données probantes, il y en a partout,
bien, à tout le moins à Philadelphie et aussi à Calgary. Mais, ceci étant dit,
il y a déjà ce pas-là.
Alors, c'est ce que je voulais dire par
QS, propositions pragmatiques qui bousculent les autres partis, parce qu'avec
ces trois exemples-là je vous dis qu'on a senti que notre place ici était de
déranger, était de faire en sorte que les autres partis soient obligés de se
pencher sur des questions sur lesquelles ils ne se pencheraient pas si nous
n'étions pas là pour pousser un peu avec notre épaule.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Manon. Ce matin, j'ai écouté le bilan du premier ministre et j'ai été assez
surpris de constater qu'il a passé l'essentiel de son temps à critiquer la CAQ.
Et c'est assez extraordinaire, c'est même un peu savoureux, parce qu'à force de
critiquer la CAQ M. Couillard en arrive à se critiquer lui-même. Parce qu'il ne
faut pas l'oublier, le programme de la CAQ, bien, le gouvernement libéral l'a
amplement mis en œuvre dans les derniers mois. La dernière mise à jour
économique, les baisses de taxes scolaires, qui vont bénéficier surtout aux
très grands propriétaires, et le fameux troisième lien entre Québec et Lévis,
tout ça, ce sont des propositions caquistes reprises maintenant par le Parti
libéral.
Alors, il y a quelque chose d'ironique à
entendre M. Couillard parler des propositions caquistes comme étant du grand
n'importe quoi, parce que, ce faisant, il reconnaît qu'il y a une portion de
son action politique qui est donc aussi du gros n'importe quoi, parce que, de
son aveu même, il a repris toute une série de propositions de la CAQ.
Un autre élément que le premier ministre a
soigneusement évité ce matin, un autre fait saillant de la session
parlementaire qui a été complètement passé sous silence, c'est la crise de
confiance majeure actuelle à l'égard de nos institutions politiques. Il y a eu
des révélations dans les médias concernant les somptueuses fêtes organisées par
Marc Bibeau, il y a eu toutes les tribulations autour du travail de l'UPAC. On
pourrait continuer longtemps à donner des exemples, mais ce qui se dégage, c'est
une crise de confiance à l'égard de nos institutions.
Prenons l'exemple de l'UPAC, le mauvais
climat de travail, la mauvaise gestion, le manque de transparence, la
difficulté à expliquer ses propres arrestations. L'UPAC a accumulé une série de
mauvaises décisions, et ce qui se dégage, c'est un constat clair : de
toute évidence, l'UPAC n'est pas en mesure de remplir la part la plus
fondamentale de son mandat, c'est-à-dire mettre la main au collet des gens qui
ont été responsables du financement illégal des partis politiques au Québec; bien
sûr, le Parti libéral du Québec au premier chef, mais les trois autres partis
également, qui ont tous, à leur manière… les deux autres partis, qui ont tous,
à leur manière, trempé dans le financement illégal.
Ce que les gens veulent et ce que Québec
solidaire demande depuis maintenant des années, c'est des résultats. Il faut
avoir des résultats sur le plan judiciaire d'ici les prochaines élections, en
2018. De manière générale, ce qui se dégage au Québec depuis quelques semaines,
c'est une vague de changement, c'est une soif de changement.
Le message de Québec solidaire, dans les
prochains mois, il va donc être très clair. Ce message, ça va être de dire :
Bien sûr qu'il faut du changement, nous sommes d'accord avec vous, sauf que ce
dont le Québec a besoin, ce n'est pas seulement d'un changement de
gouvernement, c'est aussi d'un changement de vision. On ne peut pas changer le Parti
libéral pour son petit frère caquiste. Il faut changer la vision dont on développe
le Québec et son économie, et, pour nous, une véritable vision alternative, ce
serait celle de Québec solidaire. Merci beaucoup.
Le Modérateur
: On va
passer à la période de questions. Donc, Hugo Pilon-Larose, La Presse.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Un
électeur québécois qui s'identifie à la gauche du spectre politique, qui ne se
dit pas souverainiste, peut-il voter pour Québec solidaire?
M. Nadeau-Dubois : Il peut
tout à fait voter...
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Doit-il voter pour Québec solidaire?
M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est
un choix qui lui appartient, mais un électeur qui vote pour Québec solidaire
sait, depuis maintenant 12 ans, qu'il vote pour un parti indépendantiste. Ce
n'est pas à nous de dire qui a le droit ou pas de voter pour Québec solidaire.
Nous, on souhaite qu'il y ait le plus de gens possible qui le fassent, mais ils
votent pour un parti indépendantiste, et ce, depuis 12 ans, et ils le font...
M. Pilon-Larose (Hugo) : M.
Khadir, vous qui êtes le doyen parlementaire de votre formation politique, la
perspective qu'un gouvernement de la CAQ ou des libéraux prenne le pouvoir en
octobre prochain, est-ce que vous allez rester pour un autre quatre ans de plus
à l'Assemblée nationale, à continuer à siéger pour Québec solidaire?
M. Khadir
: Bien, ce
n'est pas en fonction de qui va prendre le pouvoir. Moi, je suis avec Québec
solidaire, je vais le demeurer. Je vais me présenter en 2018 parce que nous
voulons le plus rapidement offrir aux Québécois la possibilité d'avoir un
gouvernement de Québec solidaire. Ça pourrait être en 2018.
Personne n'aurait pu deviner les
événements qui se sont produits en France, aux États-Unis, je veux dire
les élections, les résultats des élections, à la ville de Montréal; les
uns malheureux, les autres heureux. Souhaitons que pour le Québec, ça puisse
être un résultat heureux, comme on l'a constaté à Montréal, c'est-à-dire le
fait que les gens se disent, une fois pour toutes, les vieilles cliques
politiques, la classe politique au service des dirigeants puis des
millionnaires, là, on met ça de côté puis on se donne la chance de
véritablement débloquer l'impasse que nous imposent le Parti québécois, le
Parti libéral puis la CAQ, dans une certaine mesure.
La CAQ est sortie de la fesse droite du Parti
libéral et de la fesse droite du PQ, en quelque sorte. Si on regarde la réalité
des choses, là, de Mario Dumont jusqu'à François Legault, c'est une combinaison
à la baisse du PL plus le Parti québécois. Et je ne pense pas que, si les
résultats sont ce qu'on voit aujourd'hui, les gens, en y faisant la réflexion,
qu'il y a quelque chose de bon pour le Québec en votant pour la CAQ. La seule
chance pour le Québec d'évoluer sur le plan politique, c'est Québec solidaire.
Mme Prince (Véronique) :
Bonjour. Je me rappelle les bilans de session précédents. Souvent, Françoise
David disait, à la blague, qu'il n'y avait pas eu suffisamment de couverture
médiatique puis que c'était son combat de tous les jours d'avoir une couverture
médiatique.
On peut dire peut-être que cette
session-ci aura été la session où vous aurez eu le plus de visibilité
médiatique, justement, mais pourtant ça ne se reflète pas, par exemple, dans
les appuis. C'est la première session complète aussi de Gabriel Nadeau-Dubois.
Est-ce qu'il y a une stagnation actuellement
à Québec solidaire?
M. Nadeau-Dubois : Si on
regarde la croissance, en termes de nombre de membres, qu'on a connue cette
année, pas du tout. Si on en croit nos chiffres de financement, non plus. Plus
de 60 % de ces nouveaux membres là, d'ailleurs, sont à l'extérieur de Montréal.
Donc, ça me semble indéniable que Québec solidaire est sur une lancée.
Le travail qu'on a, dans les prochains
mois, c'est de convertir cette énergie militante et organisationnelle en appuis
électoraux. Et ça, oui, le défi, il est réel, on ne va pas le nier, mais les
élections sont dans neuf mois. On va continuer tout le printemps à les
multiplier, les propositions concrètes et pragmatiques du style de celles qu'on
a proposées cet automne, et on a encore du travail à faire, on en est bien
conscients.
Mais moi, je suis très fier. Vous le
disiez, c'est ma première session complète à l'Assemblée nationale. Je suis
terriblement fier du travail qu'à trois nous sommes capables d'accomplir, des
enjeux qu'on est capables de mettre dans le débat, des propositions qu'on est
capables d'articuler. C'est ça, le Québec solidaire de 2017 et de 2018. C'est
un Québec solidaire qui, plus que jamais, fait des propositions concrètes puis
provoque des débats. C'est ce qu'on va continuer à faire, et le pari qu'on
fait, c'est que ça va se traduire en appuis dans les prochains mois puis, bien
sûr, également en 2018.
Mme Prince (Véronique) : Vous
voyez aussi actuellement qu'il y a une bataille, là, qui est en train de se
faire entre le Coalition avenir Québec puis le Parti libéral pour la prochaine
victoire. Avez-vous l'impression que les Québécois désirent davantage que ce
genre de formation là a à offrir, comme s'ils voulaient que vous continuiez de
faire partie du paysage, mais peut-être pas comme gouvernement?
Mme Massé : Bien, je pense que
Gabriel le nommait clairement, le besoin de changement, il est là, il est réel.
On comprend, regardez ce qui arrive avec nos services publics. Ça fait que moi,
je comprends les gens qui disent : Ouf! ce gouvernement-là, on n'en veut
plus.
Ce qu'ils oublient, par contre, devant la
poudre aux yeux que peuvent nous laisser transparaître les caquistes, ce n'est
pas parce qu'on emploie le mot «changement» qu'on change les choses. Par chez
nous, il y a une expression : quatre trente-sous pour une piastre. Ça fait
la même piastre en bout de ligne.
Alors, le programme et ce que met de
l'avant... la vision qui est mise de l'avant par la CAQ est la même vision que
le gouvernement libéral. Alors, c'est c'est ça, le travail qu'on a à faire, c'est
de déconstruire cette poudre aux yeux qui nous est lancée et qui est lancée au
peuple québécois.
Mme Lévesque (Catherine) :
Bonjour. Vous avez parlé de votre rôle en début d'allocution. Est-ce qu'on peut
dire que vous avez été la conscience de l'Assemblée nationale cette année?
Mme Massé : Bien, moi, je
pense que ça, pendant les premières années de Québec solidaire, c'était quelque
chose qu'on se plaisait à dire de nous, mais regardez ce qu'on a mis sur la
table, là. Quand M. Simons était ici, à côté de nous autres, là, il ne
parlait pas de conscience. Il parlait de nécessité pour les commerçants, pour
les entreprises du Québec, pour les travailleurs et travailleuses des commerces
de voir cette justice fiscale là se réaliser à travers le projet de loi sur le
commerce électronique.
Alors, je pense que Québec solidaire est
beaucoup plus que ça, et il faut… Nous sommes en train, en fait, je pense, de
faire mentir qu'on est là seulement que pour être la bonne conscience du Parlement.
Mme Lévesque (Catherine) :
Donc, que vous êtes bel et bien un parti d'opposition, là, au même titre que la
CAQ et le Parti libéral… Parti québécois.
M. Khadir
: Oui,
et c'est là toute la difficulté, quand on est un petit parti qui fait son
travail et qu'il y a de grands partis qui miroitent la possibilité de former le
gouvernement. Tout à l'heure, on se posait des questions.
Moi, écoutez, j'ai vraiment Québec solidaire
tatoué sur le front, alors je suis un bon sondage, à moi-même, ambulant. Je
peux vous dire que beaucoup plus que les 10 %, 12 %, 13 %,
15 % de gens que vous voyez dans les sondages appuient, embrassent nos
propositions, sauf que c'est le malheur des systèmes politiques coincés comme
celui qu'on a. Pour se débarrasser d'un gouvernement qu'on ne veut pas, l'appui
des gens va à celui que les gens ont la perception qu'il est le seul à même de
le renverser. Sans ça, ça serait incompréhensible de voir comment le peuple
québécois, d'un coup, vote pour le NPD à une élection, ensuite, l'élection
suivante, pour les libéraux.
C'est des mouvements destinés à se
débarrasser du parti au pouvoir. Ça ne dispose pas, ça n'indique en rien le
véritable appui, le choix réel des gens en termes de contenu. Parce que je peux
vous dire, bien plus de gens, je ne pourrais pas le chiffrer, mais certainement
beaucoup plus que les 10 %, 15 % qu'on a dans les sondages, dans un
système électoral où ils auraient une certitude que leur vote n'est pas
gaspillé par notre mode de scrutin déficient, nous appuieraient.
Mme Lévesque (Catherine) :
Juste sur un autre sujet, rapidement. À quel point est-ce que vous êtes
confiant qu'Option nationale va entériner la fusion en fin de semaine?
M. Nadeau-Dubois : Nous,
au comité de négociation de Québec solidaire, si on a signé cette entente-là,
c'est qu'on avait confiance qu'elle serait acceptée par les membres de Québec
solidaire, et ça a été le cas à bien plus que 80 % de notre congrès. Si
les représentants d'Option nationale l'ont signée, c'est qu'ils avaient la même
confiance.
Alors, moi, je ne connais pas les membres
d'Option nationale. C'est difficile pour moi de juger de ça, mais ce que
j'entends de la part de Sol Zanetti, ce que j'entends de la part de la
direction d'Option nationale, c'est qu'ils sont confiants parce qu'ils savent
qu'ils ont signé une entente de principe qui est à l'avantage, pas seulement
d'Option nationale et de Québec solidaire, mais à l'avantage de la gauche indépendantiste.
Donc, oui, on est confiants, mais, en même
temps, ce n'est pas nous qui avons l'information sur comment le débat se
déroule puis va se dérouler en fin de semaine.
Le Modérateur
: Patrick
Bellerose, Journal de Québec.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour à tous. M. Nadeau-Dubois, avec le recul, en rétrospective, est-ce que
le refus, par votre parti, de la convergence souverainiste a été bénéfique pour
Québec solidaire?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
pense que le congrès de Québec solidaire a pris la bonne décision parce que ce
qui s'est passé depuis ce vote a été très révélateur. Ce qui s'est passé depuis
ce vote, d'une part, du côté du Parti québécois, ça a été, dans les semaines
suivant le congrès, des attaques extrêmement dures du Parti québécois envers
Québec solidaire. Et, quand on veut s'unir à quelqu'un et que dès que la
personne dit non, on se met à la traiter de tous les noms, ça illustre quand
même le niveau de sincérité de la courtisanerie qui précédait.
Ensuite, moi, je suis resté marqué par les
commentaires de M. Lisée lors de l'épisode de l'afflux de demandeurs d'asile
haïtiens et je ne pense pas être le seul indépendantiste et le seul
progressiste au Québec à avoir été marqué par ce moment-là. Ça fait déjà
quelques mois, on a tendance à l'oublier, mais c'est sur ce débat-là que s'est
ouverte la saison politique au Québec. Et moi, je me souviens d'un
Jean-François Lisée qui avait des propos profondément divisifs et je me
rappelle de l'effet que ça a eu chez les gens qui, au sein de Québec solidaire,
appuyaient un projet de convergence, et je me rappelle d'avoir entendu ces
gens-là dire : Oui, finalement, on a peut-être bien fait de ne pas s'unir
à une direction politique, celle du Parti québécois, dont la stratégie, comme ça
a été démontré lors de cet épisode-là, c'est de diviser les Québécois.
M. Bellerose (Patrick) : Et
vous, personnellement, considérez-vous que c'était une bonne chose de ne pas
s'unir au Parti québécois voyant tout ce qui a suivi?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
suis d'accord avec le jugement de ces gens-là. Je suis d'accord que les
événements qui se sont produits depuis le vote du congrès ont largement donné
raison aux membres de Québec solidaire qui ont décidé de battre ce projet
d'alliance électorale.
M. Bellerose (Patrick) : Si
vous me permettez une autre question, Mme Massé, vous avez beaucoup mis
l'emphase tantôt, dans votre préambule, sur le côté pragmatique. Vous avez
aussi rappelé les projets de loi qui ont été déposés. Est-ce que c'est le
principal défi de Québec solidaire pour les prochains mois, de démontrer que
vous n'êtes pas des pelleteux de nuages, entre guillemets, si vous permettez
l'expression?
Mme Massé : Oui, oui,
expression consacrée, hein? Mais d'ailleurs je nous rappellerai toujours que,
pour voir le soleil, il faut pelleter quelques nuages quand même.
Je pense, Québec solidaire a toujours été
pragmatique. C'est que là on prend nous aussi le rythme préélectoral. Regardez
le projet de loi sur le commerce électronique. Ça faisait des mois qu'on travaillait
là-dessus, là. Ce n'est pas juste cet automne qu'on est devenus propositionnels
et que nos propositions sont pragmatiques, mais c'est évident qu'avec les
ressources qu'on a, des fois, ça prend un peu de temps, mais je pense que ce
pragmatisme-là était là et surtout il va continuer d'être là. Notre objectif, c'est
d'améliorer...
M. Bellerose (Patrick) :
Mais c'est un défi de le démontrer.
Mme Massé : Bien, c'est
de déposer des projets de loi, des plans comme je l'ai fait. Je pense qu'on a quelques
outils parlementaires.
M. Bellerose (Patrick) :
Je pense que vous avez un défi à le démontrer.
Mme Massé : À le
démontrer... Si moi, le projet de loi, par exemple, anti- burnout est dur à
comprendre qu'il est pragmatique, je ne sais pas pourquoi. Ça fait que je n'ai
pas de misère à le démontrer, là. On l'explique, on descend, mais oui il faut,
je dirais, nous faire entendre pas seulement à travers les médias, concrètement
sur le plancher avec les gens, directement en contact avec les gens. Il faut
qu'on prenne le temps d'expliquer ça parce que les gens finissent peut-être par
croire qu'on est des pelleteux de nuages, alors que, quand on regarde au niveau
économique, ce qu'on met de l'avant depuis notre création, c'est souvent des
solutions qui sont juste au service d'autres mondes que les dirigeants. C'est
ça qui est pragmatique de notre côté, le service des gens.
M. Khadir
: Là,
où il y a un défi, à mon avis, là, c'est la classe politique et le commentaire politique
médiatique qui a de la difficulté à reconnaître les vertus pragmatiques de nos propositions.
Pharma-Québec, là, c'est depuis 2006. M. Barrette en a appliqué une partie
récemment devant les évidences. La transition énergétique, l'investissement
massif dans les transports publics, nous, ça fait au moins huit ans qu'on en
parle. Un train à haute vitesse qui relie les régions et la métropole et la capitale
nationale, ça fait des années. Bon. La classe politique dominante, les
libéraux, les médias n'ont pas saisi immédiatement l'importance de ces propositions
et le côté pragmatique des leviers économiques formidables que c'étaient. Je
pourrais en nommer d'autres.
Je veux un petit peu rejeter la responsabilité
sur vous aussi. C'est une responsabilité partagée entre nous qui avons ce
défi-là et, je dirais, un certain, comment je pourrais dire, conservatisme
politique chez tout le monde qui n'entendent ces choses-là que lorsque ça vient
des élites, des chambres de commerce, etc. Donc, peut-être on pourrait
apprendre ensemble dorénavant, de dire : Aïe! Québec solidaire, bien, dans
le fond, toutes les propositions qu'ils ont faites, avec le temps, elles se
sont avérées, la plupart, sinon la totalité, non seulement pragmatiques mais
réalisables et souhaitables.
M. Dion (Mathieu) :
Depuis le début, je vous écoute puis, tu sais, au niveau électoral, un, votre
adversaire, c'est un peu le Parti québécois. Pourquoi parler autant de la
Coalition avenir Québec?
M. Nadeau-Dubois : Mais
moi, je ne suis pas d'accord quand vous dites que notre adversaire est le Parti
québécois. La fonction d'un rôle... La fonction d'un parti politique, comme je
le dis souvent, ce n'est pas d'organiser des pique-niques ou des bingos. La
fonction d'un parti politique, c'est de gagner des élections puis de viser à
former le gouvernement.
Donc, nous, nos adversaires, c'est soit le
parti au pouvoir ou le parti qui a des chances d'être au pouvoir. Le Parti
québécois n'entre dans aucune de ces catégories-là. Alors, nous, on s'attaque
au parti au pouvoir puis au parti qui peut former le prochain gouvernement. Et
donc, nous, on veut convaincre et nous, on veut... et donc, c'est normal que ce
soit à ces gens-là qu'on s'attaque quand on formule des critiques, tout
simplement.
M. Dion (Mathieu) : À quel
point on écarte complètement ou presque le Parti québécois du discours?
M. Nadeau-Dubois : Il ne
s'agit pas de l'écarter. Vous savez, on m'a posé une question juste là sur le
Parti québécois, j'ai dit ce que j'en pensais.
M. Dion (Mathieu) : ...qu'on
pose une question?
M. Nadeau-Dubois : Mais nous,
ce n'est pas vrai qu'on va mettre notre énergie à lutter contre le parti qui
est en troisième position en ce moment au Québec. Notre énergie, on va la
mettre pour dénoncer les impostures du gouvernement et du parti qui est en
avance. C'est ça, un parti politique. Ce n'est pas se battre pour la troisième
place, c'est se battre pour la première. Puis à Québec solidaire, on est peut-être
plus loin de la première place que d'autres, mais c'est néanmoins ça notre
objectif.
M. Khadir
: Je m'inscris
en faux sur le propos de mon collègue sur le bingo parce que j'y vais ce soir à
un bingo du temps des fêtes, là.
Mme Massé : Avec de la dinde.
M. Nadeau-Dubois : Il croyait
qu'il y avait quelque chose...
M. Khadir
: ...le
bingo, j'y vais à soir.
Mme Biron (Martine) :
Excellente façon de célébrer la fin de session. Bonjour à vous trois. Je veux
poursuivre sur la lancée de la question de ma collègue Véronique. C'est vrai
qu'il y avait quand même un buzz quand vous êtes arrivés. Votre élection dans
l'élection partielle est quand même éclatante. En haut de 70 %, c'est
quelque chose. Il y avait beaucoup... le membership a monté. M. Khadir en a
fait état.
Comment ça se fait... C'est quoi l'erreur?
Vous devez être déçus de ne pas avoir réussi à capitaliser davantage au cours
de cette session-ci.
M. Nadeau-Dubois : C'est sûr
qu'on préférerait être encore en meilleure posture, bien sûr. On ne va pas nier
une telle évidence.
Mme Biron (Martine) : ...une
posture stable, même légèrement en baisse, là.
M. Nadeau-Dubois : Je pense
que globalement, si on fait les moyennes, tout ça, je pense qu'on peut dire que
Québec solidaire aujourd'hui est à un nouveau palier que celui qui était le
sien il y a quelques années. Je pense qu'en toute objectivité, c'est ce qu'on
peut dire. On a atteint un nouveau palier.
Mme Biron (Martine) : Bien
là, vous vous comparez à quelques années, là. Moi, je vous parle de votre
arrivée. On a senti, là, qu'il y avait un renouveau, là. On pensait que vous
vous rapprocheriez presque du PQ.
M. Nadeau-Dubois : Je ne sais
pas quelles étaient vos attentes, mais, en tout cas...
Mme Biron (Martine) : Mais
vous êtes restés stables. Ce que je veux dire, c'est que vous êtes restés
stables.
M. Nadeau-Dubois : Oui, bien,
globalement, Québec solidaire, aujourd'hui, je pense, est à un niveau d'appui
plus élevé que, par exemple, si on prend lors de la dernière élection. Il y a
eu une progression, mais est-ce qu'on est... et donc c'est ce que je veux dire
quand je dis qu'on est à un nouveau palier, et oui, il reste du travail à
faire. Bien sûr qu'il reste du travail à faire. Bien sûr qu'on n'est pas encore
rendus là où on voudrait l'être à la veille de l'élection. La bonne nouvelle,
c'est qu'on n'est pas à la veille de l'élection.
Les propositions qu'on a faites cet
automne, là, les trois dont Manon a parlé, en matière de commerce électronique,
en matière de normes du travail, en matière d'agressions sexuelles, ces
propositions-là, on va les multiplier dans les prochains jours et on va faire...
disons, dans les prochains mois, et la prochaine campagne électorale va se
faire sur la base de ce genre de propositions là. Et je pense que c'est comme
ça qu'on peut percer l'imposture du changement, soi-disant, proposé par la CAQ.
Et donc, oui, il reste du travail; oui, on
veut être en bien meilleure posture puis on va redoubler d'ardeur dans les
prochains mois pour y arriver. Nous, il y a des choses qu'on contrôle puis il y
a des choses qu'on ne contrôle pas. Les sondages, on ne les contrôle pas, mais
nos propositions, notre plan, nos mesures, ça, on le contrôle. Puis l'agenda
politique, on veut continuer à le marquer dans les prochains mois parce qu'on l'a
bien fait, cette session-ci.
Et peut-être que ça prend un peu de temps
avant de se matérialiser en appuis électoraux, certes, mais moi, si je suis à
Québec solidaire, c'est que je pense que notre démarche, pour le Québec, c'est
la bonne. Je n'aurais pas choisi ce parti-là, il y a six mois, pour une autre
raison que ça. Si j'avais voulu monter facilement dans les sondages, je
n'aurais pas choisi Québec solidaire. Si j'avais voulu une voie politique
facile, toute tracée d'avance, j'avais d'autres options. J'en avais, d'autres
options, et je suis allé à Québec solidaire parce que c'est des gens qui sont
là pour les bonnes raisons. C'est des gens qui se battent pour le monde
ordinaire, c'est des gens qui ont des propositions pragmatiques qui vont
améliorer le Québec. Puis je vais continuer, avec mes deux collègues puis nos
dizaines de milliers de membres, à travailler là-dessus.
Mme Biron (Martine) : Est-ce
que vous mettriez ça un peu sur le compte de la courbe d'apprentissage de la
nouvelle équipe qui est arrivée à Québec solidaire?
M. Nadeau-Dubois : Pour moi,
personnellement, bien sûr, qu'il y a une courbe d'apprentissage, d'apprendre le
travail de député, mais notre équipe ici, à l'Assemblée, elle est expérimentée.
J'ai été très bien accueilli. Mes deux collègues, maintenant, sont des députés
aguerris. Donc, je pense que, comme collectif, nous avons une bonne expérience
parlementaire. Moi, je suis encore en apprentissage, c'est certain.
M. Khadir
: Mais moi,
je vous mets au défi de me montrer un exemple d'un député ou d'une députée qui
a appris plus vite que Gabriel. Là, je ne veux pas faire dans la... C'est sûr
que c'est mon collègue, mais vraiment je ne pense pas que ce soit de ce
côté-là. Je pense qu'il faut se rappeler, tout au cours des années, à chaque
fois qu'il y a une polarisation politique, bien, c'est les deux premiers qui
aspirent. D'accord? Puis on est là-dedans, mais nous, on est là pour rester.
Quand j'ai commencé, là, en 2003, on
faisait 1 %. Quand je suis rentré ici, ils ont dit : Exception, ça ne
marchera pas, vous allez rester marginal, c'est l'exception qui confirme la
règle. Nous vous avons rappelé qu'il faut être patient. Québec solidaire, c'est
exigeant. Ce n'est pas facile, Québec solidaire, d'accord? Et les gens ont
peur, en plus, parce qu'ils se disent : Mon vote pourrait être gaspillé.
Je les aime, mais pas capable... Je suis sûr que vous avez eu ces mêmes
dilemmes quand vous êtes allés voter à de nombreuses reprises. On a souvent
voté pas pour ce qu'on considérait le meilleur choix, mais simplement la seule
possibilité de battre celui qui est le sortant, celui qui est au pouvoir. Donc,
avec le temps, vous allez voir, on va surmonter tout ça.
Le Modérateur
: Questions
en anglais.
Mme Johnson
(Maya) : Good afternoon.
M. Nadeau-Dubois :
Good afternoon.
Mme Johnson (Maya) : First of all, can you tell us what you think your most important
accomplishment was of this past session as a party?
M. Nadeau-Dubois :
I think Manon gave three very good examples of our work here, but, if I had to
choose one of them, I would say the bill that was put forward by my colleague Amir Khadir with the support of Peter
Simons, a very pragmatic bill, a real and complete solution to that huge
challenge that represents, you know, the emergence of electronical businesses, you know. It's a huge issue all over the
world, and I'm so proud to be a member of a party that has put forward the best
solution to that challenge. And that's not only my personal opinion. Ask to the
economists, ask to Mr. Simons, ask to all the specialists of that field, they
will tell you : Québec solidaire's bill is the best solution for that challenge. And, if I had to
choose only one thing, it would be, without any hesitation, that one.
Mme Johnson (Maya) : In English, we have a saying that… the little train that could, you
know, based on a story. Are you the little party that could, the little party
that is able to achieve big things?
M. Nadeau-Dubois : You know, I like to say that Québec
solidaire is like the Paul Byron of politics, you know.
We're small, but we're quick and we're going to create a lot of surprises this
year.
Mme Johnson (Maya) : And what about the CAQ, because your party has also been very
focussed on François Legault and his party lately.
M. Nadeau-Dubois : Well, of course, because, like I was telling earlier, I mean, any
serious politically party has to concentrate its efforts, not on the party that
is in third position, but on the Government and on the party that has
reasonable chances to form the next government.
So of course we want to
challenge Mr. Legault and we want to do that because we know that people are
intelligent enough to realize that what we need in Québec is not only a government change, it's a vision change. We need a new vision for Québec, and, at the rhythm at which Mr.
Couillard is stealing Mr. Legault's ideas, the two platforms are probably going
to be identical in a few months.
So what we're saying is,
you know, we agree with the majority of Quebeckers that want change. But we're saying that the work that we need to do
is… you know, what we need is not only to change one party for another party.
We need to change one vision for another vision. Thank you. Merci.
Le Modérateur
: Merci, tout
le monde.
(Fin à 14 h 32)