(Seize heures seize minutes)
M.
Bérubé
:
Bonjour. Alors, je veux réagir à la décision du ministre de la Sécurité
publique quant à la direction du SPVM. J'ai parlé ce matin d'un test de
leadership, c'est un test échoué et c'est même une erreur importante qui est
commise par le ministre. Au Parti québécois, on aurait préféré un civil pour
des raisons évidentes. Il y avait un corps de police déstabilisé quant à sa
direction, il y en a maintenant deux. On décide de transférer le directeur de
notre police nationale au SPVM sans se soucier des rivalités historiques et
actuelles entre les deux corps de police. Il y a quelques semaines à peine, j'ai
l'impression que le ministre ne se souvient pas de la perquisition dans les
murs du SPVM de la Sûreté du Québec.
On arrive difficilement à croire ce qu'on
entend aujourd'hui. D'abord, soyons clairs, mettons fin à l'hypocrisie. Si on
ne veut plus de Philippe Pichet, qu'on lui dise maintenant. Si on ne l'aime
plus, c'est comme dans une relation, si c'est une rupture, qu'on lui annonce
maintenant. On ne me fera pas accroire qu'on pourra ramener Philippe Pichet
avec de l'autorité au terme de l'exercice. On repousse le moment de la décision
qui est inévitable. On nous promet un ménage, on ne fait que déstabiliser pour
un an la direction de la Sûreté du Québec, et Dieu sait qu'on a besoin de
stabilité présentement dans le domaine de la police. C'est une tutelle
déguisée. Ça a quatre pattes, ça a une moustache, ça miaule, ça ressemble pas
mal à un chat. Alors, c'est une tutelle déguisée. Déjà, on entend le ministre
s'en défendre. Manifestement, le malaise est installé, y compris parmi ses
collègues du Conseil des ministres, à ce qu'on comprend déjà ici même, à
l'Assemblée nationale.
Donc, pourquoi avoir refusé de choisir un
civil à la tête du SPVM? C'est incroyable. Et ça n'a rien à voir avec les
capacités de M. Prud'homme. J'ai eu l'occasion à maintes reprises, à titre de
ministre et de député, de saluer le fait que le premier policier du Québec, M.
Prud'homme, est quelqu'un d'exceptionnel. J'ai eu l'occasion de travailler avec
lui au gouvernement du Québec, ça n'a rien à voir. Mais moi, j'aime Martin
Prud'homme à la tête de la Sûreté du Québec. C'est là qu'on veut le voir.
Alors, de rendre plus vulnérable la
direction de la Sûreté du Québec à un moment clé pour l'envoyer au SPVM, où je
sais comment cette culture du SPVM, qu'il faut changer, va quand même
l'accueillir de façon particulière... Cette rivalité-là n'est pas dans les
émissions de fiction, là, entre la Sûreté du Québec et le SPVM. Elle est réelle
et elle est parfois la source de plusieurs des égarements qu'on a vus.
Je pose également une autre question, qui
est assez grave, pour le ministre. Là, on a un rapport commandé par le ministre,
qui est rendu public, où on parle d'égarements, on parle de problème de ressources
humaines, on parle de sources. Bien, c'est exactement la même chose qu'à l'Unité
permanente anticorruption, et là on a deux rapports qui sont déjà présents, et
le ministre refuse de les rendre publics. C'est quoi, la différence entre les
égarements qu'on retrouve au SPVM et ceux qu'on retrouve à l'UPAC? Alors, pour
le chemin qui le sépare de Montréal à Québec pour son retour, je l'invite
fortement à réfléchir à ses paroles de tout à l'heure et nous indiquer en quoi
c'est différent, la situation de l'UPAC que celle du SPVM.
Alors, aujourd'hui, on aurait aimé une
annonce significative où on engage un civil pour faire le travail jusqu'à temps
qu'on nomme un autre directeur, mais on a le pire des scénarios. On n'a pas un
civil, il y a une instabilité quant à l'avenir de M. Pichet. On ne veut pas
vraiment lui dire qu'on ne veut plus de lui pour l'instant, on laisse planer le
doute. On déstabilise la direction de la Sûreté du Québec et puis on fait, dans
un cas, ce qu'on ne veut pas faire dans l'autre, dans une semaine où
l'actualité démontre hors de tout doute qu'on a besoin de deux rapports pour
statuer de l'avenir d'une organisation qui veut devenir un corps de police
aussi, alors comme si ça devait toujours être les mêmes personnes.
M. Prud'homme, je vous le répète, c'est
quelqu'un pour qui j'ai énormément de respect, je le dis en public et je lui ai
dit en privé à maintes reprises. Mais là il me semble qu'il y a d'autres
personnes au Québec qui sont capables d'assurer le leadership au SPVM. J'ai
bien hâte d'entendre les réactions, notamment de la fraternité des policiers,
là-dessus, mais c'est un test manqué. Et je ne sais pas comment le ministre est
arrivé avec cette idée, mais je vous invite à consulter ses collègues du
Conseil des ministres. J'ai l'impression qu'ils ne seront pas nombreux à la
défendre.
M. Laforest (Alain) : Le fait
que M. Prud'homme est un ancien du ministère de la Sécurité publique, donc a eu
à négocier, discuter avec la police de Montréal, avec la fraternité des
policiers, est-ce que ça ne va pas faire passer la pilule plus facilement,
compte tenu que c'est quelqu'un même qui, même s'il arrive de la Sûreté du
Québec, a déjà eu beaucoup de contacts avec la police de Montréal?
M.
Bérubé
:
Martin Prud'homme, on en a besoin à la tête de la Sûreté du Québec. C'est une
police d'envergure, c'est notre police nationale. Alors, si Martin Prud'homme a
travaillé à la fois avec le gouvernement du Parti libéral et le gouvernement du
Parti québécois, bien, vous voyez bien qu'il a des qualités exceptionnelles,
mais à la Sûreté du Québec.
La solution, ce n'est pas de faire en
sorte que deux directions de corps de police majeurs au Québec soient, pour une
période d'un an, dans l'instabilité. Alors, je pense qu'il fallait d'abord
sécuriser la Sûreté du Québec. On est dans le débat sur l'UPAC, qui aura une
incidence sur le SPVM, parce qu'il y a une relation étroite quant à la conduite
des enquêtes. J'ai de la difficulté à croire qu'on a... de un, que le ministre
nous ait proposé, c'est une chose, mais qu'on ait accepté ça au Conseil des
ministres, c'est dur à croire. Et je pense que les prochaines heures
démontreront des réactions de la nature de celle que je vous présente aujourd'hui.
M. Croteau (Martin) : Pourquoi
est-ce que ça prenait absolument un civil à la tête du SPVM?
M.
Bérubé
:
Parce que, pour beaucoup des conflits dans le domaine de la police, il y a des
luttes de pouvoir. Et vous savez, la police, à certains égards, c'est parfois
quasi militaire, hein? Il y a des grades, il y a des luttes de pouvoir. Il y a
des affinités naturelles, il y a des ambitions personnelles, et parfois elles
se manifestent entre corps de police.
Et je vous le dis, il y a quelques
semaines à peine, vous avez été stupéfaits certainement comme moi de voir, et
ça, c'est une scène qui se passe au Québec, que la Sûreté du Québec procède à
des perquisitions à l'intérieur du SPVM. D'abord, ça montre l'envergure de
l'affaire. Et moi, je suis heureux du rapport. Je ne conteste pas le rapport, je
conteste le remède pour y arriver. Et en ce sens, bien sûr, c'est spectaculaire
de faire appel à Martin Prud'homme. Vous avez bien compris l'estime que je lui
porte et que nous lui portons. D'accord? Mais Martin Prud'homme, sa place, c'est
à la Sûreté du Québec, surtout dans le contexte actuel.
M. Croteau (Martin) : Mais je
ne comprends pas pourquoi ça prenait un civil. Vous, vous avez dit : Ça
prenait absolument un civil.
M.
Bérubé
: Ça
prend quelqu'un qui n'est teinté d'aucune sensibilité policière ou de corps de
police qui, disons-le, vu par beaucoup trop de monde au SPVM comme un corps de
police concurrent, voir rival. Je pense que le terme «rival» est plus approprié
pour ce qui est du SPVM. Les bleus et les verts, là, ce n'est pas des équipes
sportives. C'est des appellations fréquentes dans, je dirais, le discours
policier. Je parle avec assez de policiers depuis que je suis en poste en
sécurité publique pour vous dire que ces enjeux-là sont réels et font partie
des constats qu'on a là.
Alors, les qualités de M. Prud'homme,
elles sont réelles, mais le message que ça envoie de déstabiliser la direction
pour un an au profit du SPVM, l'intention est louable, mais c'est une mauvaise
décision, et j'aurais préféré, comme ça a été le cas dans le passé... On se
souvient de Guy Coulombe, entre autres, de nommer un civil... Ce n'est pas
obligé d'être, en toutes circonstances, un policier puis, en toutes
circonstances, les mêmes personnes.
M. Dion (Mathieu) : Quand on
regarde le rapport, il est accablant...
M.
Bérubé
: Il
est accablant, certainement. Évidemment, on a eu peu de temps, vous et moi,
pour le regarder. Il l'est. Ça va très loin. Je vous laisse compléter votre question,
excusez-moi.
M. Dion (Mathieu) : Denis
Coderre, l'ancien maire, devait savoir certaines choses là-dedans. Pensez-vous
qu'il l'a protégé, Philippe Pichet, pendant que...
M.
Bérubé
: Je
pense que cette culture-là, M. Pichet paie évidemment très cher ce prix-là,
mais je ne pense pas qu'elle ait démarré avec lui. Il y a eu des chefs de
police successifs qui ont certainement vécu des enjeux de cette nature-là. La
différence, c'est qu'on n'avait pas le rapport. Mais je suis convaincu que des
échos importants... D'ailleurs, il y a des reportages journalistiques de tous
les réseaux, de l'ensemble des médias qui ont fait écho.
La, je dirais que le point positif, c'est
qu'on a le rapport. Ça, je suis heureux de ça et, quand le ministre l'a demandé
à Me Bouchard, j'étais heureux de ça, et on va l'analyser de façon plus
précise. Ça, c'est un acquis important, mais oui, c'est accablant. Donc, ça
prend des mesures importantes, et c'est pour ça que je vous dis, selon moi, il
aurait fallu un civil en attendant de nommer le prochain chef. Le problème que
j'ai, c'est qu'il se peut que le prochain chef soit le chef qu'on vient de
congédier par voie médiatique, de ce que je viens d'apprendre. Donc, il y a une
instabilité à plusieurs égards. Si on n'aime plus M. Pichet, si on ne le veut
plus, qu'on lui dise maintenant.
La Modératrice
:
Questions en anglais.
Mme Montgomery
(Angelica) : Mr. Bérubé, you're talking about
how the SQ had just recently raided the SPVM. Why do you think that is
pertinent to what we're talking about?
M.
Bérubé
: Because there's this permanent rivalry between Sûreté du Québec and SPVM. And I do think
that we need some neutral director for the SPVM, and it's not the good thing to
do that, bringing the man in charge of the SQ — he has a lot of jobs to do — bringing him at the SPVM.
So, first, we have a weak
direction at the SPVM. Now, we have a second one at the Sûreté du Québec. So I'm happy that we have
a report, explosive report, but I'm pretty unhappy with the remedy.
Mme Montgomery
(Angelica) : Mr. Prud'homme is also the
son-in-law of Robert Lafrenière, who is running UPAC.
M.
Bérubé
: That's what I heard.
Mme Montgomery
(Angelica) : Now, Mr. Prud'homme is running
the SPVM. What do you think the impact of that would be?
M.
Bérubé
: Well, we don't really have this kind of… They're siblings. So
they're in the same family. I already pointed this matter, but the important
thing is I have a lot of respect for Mr. Prud'homme, and it's public, I told
this a lot of times. But I love having Mr. Prud'homme at the head of the SQ. We
need Mr. Prud'homme there.
The relationship between
UPAC, SQ and the SPVM, it's another debate in Bill 107. This is the kind of
debate we have right now. So this is why we need stability in the SQ and we
need Martin Prud'homme to stay there, because we have some tough questions to
ask about creating a new police corps called UPAC. So it's pretty surprising
for me to have this kind of decision of the Minister. This was a leadership
challenge for Martin Coiteux, and he failed, obviously.
Mme Montgomery
(Angelica) :OK, but
considering that the SQ has just recently raided the SPVM, considering that the
former head of the SQ is now leading the SPVM, how is that investigation that
is being held by the SQ, how is that going to maintain a sense of independence?
M.
Bérubé
:
You're asking the good question, and the answer is in
the question. The truth is that
we have this rivalry between the Greens and the Blues, the policemen and the policewomen from the Sûreté du Québec and the SPVM. And
it's not history, it's not a myth, it's reality right now, and when you assign
someone like Mr. Prud'homme at the head — because he's going to be
fully in charge for a year, in charge of the SPVM — you're bringing
again this rivalry and this lack of independence. And this is why we created le
Bureau des enquêtes indépendantes.
So this is why we asked
for a civil, a neutral person to do the job. And it's pretty upsetting for us
to be aware now that that was the kind of proposition that Mr. Coiteux put on
the table at the Conseil des ministres, and he decided to say yes. And what I read
in an article of Denis Lessard, some minutes ago, it seems that some colleagues
of Mr. Coiteux are pretty surprised about this kind of proposition.
Mme Fletcher (Raquel) : Mr. Coiteux was not very specific about the actual illegal stuff or
whatever the police officers were doing, but, when he spoke about it, it
sounded like an episode of 19-2, like, it sounded like a police show
with all these police officers trying to cover-up what other police officers
did. Even if Mr. Prud'homme was the man for the job, he was the perfect person…
M.
Bérubé
:
He's a great guy.
Mme
Fletcher (Raquel) : Yes. But even if...
M.
Bérubé
:
Don't get me wrong.
Mme Fletcher (Raquel) : I understand what you're saying, but even if he was the right
person to take over in the situation, would it be possible for anyone to clean up
the SPVM within a reasonable time?
M.
Bérubé
:
Is there anyone else beside Mr. Prud'homme and Mr. Lafrenière? I do think so.
And it seems that the simple solution is to assign Mr. Prud'homme every
single time we need someone. As he was working with different ministers; now,
he was in charge of the SQ; now, he's in charge of the SPVM. He's like the
permanent firefighter. So we need other people to take action and we lost an
occasion to assign someone neutral at the head of the SPVM, at least for a year,
before assigning… heading another person.
And about Mr. Pichet,
it's hard for him. He heard on TV that he was fired and maybe he's going to be
back later, but he doesn't know. If they don't love him anymore, just tell him.
It's like in a relationship, so… This is what I'm pointing right now. It's hard
for him, and he's paying for years, years of lack of ethics, and people
watching in the other side of the room, where bad stuff's happening on the
other side of the room.
So
this is the kind of situation we have right now, and Mr. Coiteux failed his leadership test and have another challenge for him.
UPAC is pretty much the same thing. We have reports, explosive reports, and we
need to look what's inside to take good actions. If it's good for SPVM, it's
good for UPAC as well. So when he's going to be in his car between Montréal and
Québec City, tonight, ask him to have some thinking about that because we're
going to be back for other questions. It's too important to quit.
Des voix
: Merci.
(Fin à 16 h 31)