(Quinze heures cinquante minutes)
M.
Ouimet : Alors, essentiellement,
je vous ai convoqués pour rétablir un certain nombre de faits par rapport aux
travaux que je mène comme président de la commission des conditions de travail
des députés. Le mandat que j'ai reçu du Bureau de l'Assemblée nationale était essentiellement
d'analyser les impacts du budget fédéral adopté en avril 2017, qui ont une
incidence sur les conditions salariales des députés de l'Assemblée nationale.
Essentiellement, la disposition du budget
fédéral prévoit qu'au 1er janvier 2019 les députés de l'Assemblée nationale
subiront une baisse salariale évaluée à entre 5 500 $ à
10 000 $, grosso modo. Le mandat du comité était d'analyser ces
impacts et puis, par la suite, de faire des recommandations au Bureau de
l'Assemblée. Les représentants au niveau du comité sont M. Huot pour le Parti
libéral du Québec, Mme Poirier pour le Parti québécois et M. Donald Martel pour
la Coalition avenir Québec. Je tiens à vous dire que nous avons travaillé de
façon exemplaire, collégiale, impartiale, aucune partisanerie, dans l'intérêt
de l'institution, et nous avons convenu essentiellement de deux choses.
Premièrement, que des mesures correctives
devraient être adoptées avant la prochaine législature pour éviter que les députés
de la prochaine législature soient appelés à légiférer sur leurs propres
conditions de travail. C'est institutionnel. On a toujours fait des
recommandations pour que les députés prennent des décisions pour une prochaine
législature, pour ne pas s'octroyer quoi que ce soit. Ça a été le premier
principe et donc, l'argument de la catimini, ça n'a jamais fait l'objet de nos
délibérations d'aucune espèce de façon. C'était d'essayer de corriger les
impacts négatifs avant la prochaine législature.
Dans un deuxième temps, aucun député d'aucune
formation politique et aucun indépendant n'ont revendiqué une augmentation de
leurs conditions de travail ou une bonification de leurs conditions salariales.
L'objectif a toujours été de neutraliser les effets négatifs du budget fédéral.
Alors, c'est les faits que je voulais
rétablir parce que nous avons vu dans les différents médias d'information que
ça commençait à déraper. Et donc moi, comme président de ce comité, je tenais à
rétablir les faits.
M. Lecavalier (Charles) : Qu'est-ce
que vous pensez de la sortie de M. Fournier qui dit que ce sont les députés de
la CAQ qui militent pour une augmentation salariale?
M. Ouimet : Je laisse le soin
à M. Fournier de s'expliquer là-dessus. Moi, ce que je dis, c'est aucun député
siégeant sur mon comité, et j'ai rencontré tous les députés indépendants, la
représentante de Québec solidaire, Mme Massé; les députés indépendants Mme
Ouellet, M. Lelièvre, M. Surprenant. J'ai parlé à M. Sklavounos qui était à
l'extérieur du pays. M. Paradis étant hors circuit, je ne lui ai pas parlé. Et
aucun député n'a réclamé une amélioration de ses conditions salariales, d'aucune
espèce de façon.
M. Boivin (Mathieu) : M.
Ouimet, est-ce que vous avez connaissance d'un mécanisme comparable dans la
société québécoise qui ferait en sorte que quelqu'un qui verrait son pouvoir
d'achat amenuisé par une quelconque mesure fiscale soit compensé de façon à ne
perdre aucun pouvoir d'achat? On est bien conscients qu'il ne s'agit pas d'une
hausse de salaire. Il s'agit de protéger un pouvoir d'achat. Je pense que c'est
le terme correct.
Est-ce qu'il existe un autre mécanisme,
dans la société québécoise, qui protégerait le pouvoir d'achat des
contribuables de la même façon que votre commission, laissez-moi rapidement...
commission des conditions de travail des députés, protège le pouvoir d'achat
des députés? Est-ce qu'il y a quelque chose de comparable ailleurs?
M. Ouimet : Ça, je ne
pourrais vous le dire. Je ne le sais pas.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
que ce serait...
M. Ouimet : Mais ce que je
vous dis, c'est voilà une décision prise par le gouvernement fédéral qui a un
impact direct sur la réalité des députés de l'Assemblée nationale du Québec.
M. Boivin (Mathieu) : Oui. Je
vous ai bien compris, mais...
M. Ouimet : Et donc, nous, c'était
de neutraliser cet effet-là. Si on est pour avoir des débats là-dessus, on va
les faire de façon transparente.
M. Lecavalier (Charles) :
Pourquoi Québec solidaire a eu l'impression que vous leur demandiez de donner
leur accord à un projet de loi qui serait déposé très rapidement puis qui
serait adopté très rapidement?
M. Ouimet : Ça, je vous
renvoie à Mme Massé. J'ai été un peu étonné d'entendre son... de lire ses
propos. Ce qui était bien clair pour nous, et c'était dans le scénario ou dans
le document qui leur a été transmis, c'était écrit très clairement que ce qu'on
souhaitait éviter, c'était que les députés d'une prochaine législature se
voient obligés de statuer sur leurs propres conditions de travail.
Alors, l'élection est prévue pour le 1er
octobre. Nous sommes au mois de décembre. Donc, catimini veut dire quoi? Je
laisse Mme Massé s'expliquer là-dessus.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que vous aviez un scénario où il y aurait eu dépôt d'un projet de loi
dès vendredi pour adoption, là, à une journée?
M. Ouimet : Tous les
scénarios étaient envisageables s'il y avait l'unanimité de la part des
députés, tous les scénarios. Mais, comprenez-nous bien, comme vice-président de
l'Assemblée nationale, moi, je n'ai pas le mandat de préparer la législation,
là. Ça relève du gouvernement et ça relève des partis d'opposition.
M. Lecavalier (Charles) :
Donc, Mme Massé n'était pas dans l'erreur en disant qu'elle s'est fait proposer
de donner son accord au dépôt d'un projet de loi qui serait étudié la journée
même, le vendredi?
M. Ouimet : Mme Massé s'est
fait demander essentiellement : Voici la réalité à laquelle on est
confrontés et on pense qu'il serait souhaitable, dans l'intérêt de
l'institution, d'éviter d'imposer ce fardeau-là aux prochains députés de la
prochaine législature.
M. Bovet (Sébastien) : Il n'y
a pas 36 solutions pour neutraliser les effets de l'imposition des allocations
aujourd'hui non imposables, si je comprends bien, par le gouvernement fédéral.
Il n'y a pas 36 solutions, soit que vous augmentez le salaire des députés, soit
que vous augmentez les allocations, finalement. C'est quoi, les solutions que
vous étudiez en ce moment?
M. Ouimet : Il y a
différentes... Je ne vais pas entrer dans ces détails-là assez mécaniques et
techniques parce qu'il faut comprendre le fonctionnement du comité que je
préside se fait où les députés peuvent exprimer librement leurs points de vue
et de façon confidentielle. On regarde tous les scénarios. Essentiellement, le
principe était : Comment neutraliser les effets de cette disposition-là?
M. Bovet (Sébastien) : Donc, dans
la sémantique, neutraliser, ça veut dire que l'effet soit nul sur les
conditions de rémunération globale des députés de l'Assemblée nationale.
M. Ouimet : Exact.
M. Bovet (Sébastien) : Donc,
qu'ils n'y perdent pas au change.
M. Ouimet : C'est-à-dire
qu'ils conservent, ni plus ni moins, ce qu'ils avaient, qu'il n'y ait aucune
bonification mais qu'il n'y ait aucune diminution aussi. Et là, par quelques
moyens, ça, ça fait partie des délibérations internes du comité.
M. Boivin (Mathieu) :
Pouvez-vous me dire, M. Ouimet, quelle est la valeur moyenne de pouvoir d'achat
qu'on cherchait à neutraliser, s'il fallait qu'elle soit perdue? C'est quoi, la
moyenne de...
M. Ouimet : Ah! les choses ne
se sont pas présentées de cette façon-là. Les choses se sont présentées
davantage : Voici les conditions salariales des députés, voici l'impact de
la décision découlant du budget fédéral, comment est-ce qu'on neutralise cet
impact-là?
M. Boivin (Mathieu) : Quel
est cet impact-là financier?
M. Ouimet : Bon, ça
variait... Comme je vous le dis, les députés perdaient... ça variait entre
5 500 $ et 10 000 $, selon les députés.
M. Lecavalier (Charles) : Ça,
c'est parce qu'ils se faisaient soudainement imposer... bien, en janvier 2019,
c'est l'allocation de transport et puis l'allocation de dépenses?
M. Ouimet : C'est exact.
M. Lecavalier (Charles) : O.K.
Donc, dépendamment des circonscriptions, le montant imposé peut être plus
élevé. Donc, c'est pour ça que...
M. Ouimet : Voilà. Les
députés qui sont dans des régions ont des montants un peu plus importants,
parce que le territoire qu'ils doivent couvrir est beaucoup plus vaste, leurs
dépenses sont beaucoup plus importantes. Et donc, de façon unanime, les députés
s'entendent sur essentiellement quatre catégories auxquelles les différents
députés appartiennent pour se faire dédommager pour leurs déboursés.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que vous déplorez le fait que M. Fournier et Mme Massé ont
fait de la politique avec ça?
M. Ouimet : Moi, ce que je
déplore, d'une certaine façon, c'est que le comité que je préside a fonctionné
de façon exemplaire. Vous réunissez, là, différentes formations politiques
autour d'une table, et tout le monde arrive au sein du comité en pensant à
l'intérêt de l'institution et qu'il n'y ait pas de politique partisane sur ce
dossier-là.
La suite des choses, je suis un peu peiné
de voir comment ça a sorti dans les médias d'information, parce que ce n'était
pas l'intention du président et des députés qui siègent autour de ce comité-là,
d'où mon impératif de rétablir les faits sur le dérapage que je vois.
M. Bovet (Sébastien) : C'est
plus que les médias d'information, là, c'est Jean-Marc Fournier, le leader
parlementaire du gouvernement. Personne ne lui a rien demandé, lui-même a dit
que c'était la CAQ qui bloquait ça. Donc, il y a une... il accuse, M. Fournier,
la CAQ de bloquer le processus ici. C'est de la politique partisane, ça, non?
M. Ouimet : Moi, je ne veux
pas porter de jugement sur les déclarations qu'aura fait M. Fournier ou Mme
Massé. Moi, je suis...
M. Bovet (Sébastien) : Mais
lui-même contamine le débat.
M. Ouimet : Moi, je suis là
pour rétablir les faits, pour vous dire un peu l'esprit qui a animé les travaux
du comité que je préside, dans quels objectifs les délibérations ont eu lieu,
et je suis là pour vous dire que ce n'était ni en catimini ni pour augmenter
les conditions salariales des députés d'aucune espèce de façon.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que vous pouvez comprendre peut-être certains Québécois qui ont eu des
hausses de tarifs, au fil du temps, puis qu'eux ils ne peuvent pas se voter une
augmentation de salaire pour compenser l'effet de ces... Est-ce que vous pouvez
comprendre qu'il y a des gens qui se disent : Bien là, il y a eu une
augmentation d'impôt pour les députés, pourquoi est-ce qu'il faudrait qu'on
augmente leur salaire pour compenser ça?
M. Ouimet : Je comprends tout
à fait que tous les citoyens au Québec voudraient voir leurs conditions
financières s'améliorer, là. Ça, je comprends ça tout à fait. Ce que je dis
ici, c'est que normalement ce sont les députés de l'Assemblée nationale qui...
Il y a eu un rapport de Mme la juge L'Heureux-Dubé, il y a comme un mécanisme
qui a été mis en place pour dorénavant regarder ces questions-là. Ce rapport
n'a pas reçu l'aval de l'ensemble des députés. Et je rappelle que l'objectif du
comité, c'est de neutraliser une baisse salariale imposée par le gouvernement
fédéral.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
que ce n'est pas un privilège absolument indigeste pour la population, ça, que
de pouvoir neutraliser l'effet d'une mesure fiscale, ce que personne d'autre
n'est capable de faire?
M. Ouimet : Moi, je ne veux
pas vous dire que les députés ont utilisé d'un privilège, là. Les députés, ce
qu'ils voulaient, c'est d'essentiellement maintenir les conditions qu'ils ont
et qu'ils ont depuis les dernières années.
M. Boivin (Mathieu) : Je vous
suis. Et maintenant, pour la suite des choses, pour que je comprenne bien, pour
neutraliser l'effet d'une mesure fiscale qui a un impact qui oscille entre
5 500 $ et 10 000 $ selon le député, on va, à court terme
ou à moyen terme, mais d'ici la prochaine législature, assurément adopter une
mesure qui fera en sorte de neutraliser ça. Ça va être fait soit d'ici la fin
de la semaine, soit à court terme, la session prochaine.
M. Ouimet : Assurément, je ne
peux vous assurer de rien. C'est un processus... Une fois que je fais mes
recommandations au Bureau de l'Assemblée nationale, par la suite, ça relève des
leaders des différentes formations politiques, de chacune des formations
politiques. Moi, je n'ai plus de contrôle là-dessus, là.
Alors, je ne sais pas. Est-ce que ça va
être reporté à une prochaine législature? Est-ce que ça va être réglé demain?
J'en douterais fort. Est-ce que ça va être réglé lors de la prochaine session
parlementaire? Je n'en ai aucune espèce d'idée, pour être très honnête avec
vous.
Ce que je dis, c'est que dans l'intérêt de
l'institution, ces délibérations-là se font de façon non partisane, dans
l'intérêt de l'institution, et tous les dossiers que nous traitons, c'est la
façon avec laquelle nous les traitons. Et je suis attristé de voir que ça a
dérapé un peu au cours des 24 dernières heures, et ce n'était pas l'intention
d'aucun député autour de la table. Et donc, c'est la raison pour laquelle je
veux rétablir les faits.
M. Bovet (Sébastien) : Est-ce
que vous avez de la diplomatie à faire, là? La CAQ, qui siège au BAN, se fait
accuser de bloquer. Vous avez un représentant du Parti libéral qui est autour
de la table, qui se sent peut-être, je ne sais pas si le mot est trop fort,
mais un peu trahi, peut-être, par les commentaires de son leader parlementaire.
Comment vous allez recoller les pots, là?
M. Ouimet : En faisant la
déclaration que je fais devant vous. C'est la meilleure façon de recoller les
pots.
Des voix
: Merci.
M.
Ouimet : Merci à
vous.
(Fin à 16 h 3)