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Conférence de presse de Mme Stéphanie Vallée, ministre de la Justice

Dépôt du projet de Loi visant à faciliter l'accès à la justice et à accroître l'efficacité du système judiciaire

Version finale

Friday, December 8, 2017, 13 h 30

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures trente-sept minutes)

Mme Vallée : Donc, bonjour à tous. Alors, je vous remercie d'être présents cet après-midi. J'ai déposé, un peu plus tôt cet avant-midi, le projet de loi n° 168. Le projet de loi n° 168 vise à s'attaquer, entre autres, à la problématique des délais judiciaires. Vous savez, c'est un enjeu dont on parle beaucoup depuis environ un an et demi, deux ans et c'est un enjeu qui a amené des acteurs du système de justice à se concerter, à se concentrer pour apporter des changements importants dans leurs façons de faire les choses.

Donc, la Table Justice a entrepris un vaste chantier en mars 2016. J'avais réuni les acteurs du système de justice au début de l'hiver 2016 pour qu'on puisse ensemble trouver des solutions aux problématiques des délais, qui ne sont pas apparus avec l'arrêt Jordan, mais qui étaient très présents aussi auparavant. Alors, ces travaux de concertation nous ont permis de déployer, en octobre 2016, un premier plan d'action qui visait vraiment à initier un changement de culture qui était rendu nécessaire. L'arrêt Jordan avait été sans équivoque, puis on avait tous la responsabilité de poser des gestes. Dans le fond, ce que la Cour suprême nous dit, c'est que chaque entité était responsable de venir contrer la culture de complaisance à l'égard des délais, c'était très clair. Et «chaque partie», bien, ça inclut le ministère de la Justice, mais ça inclut également la magistrature, les avocats de la défense, les membres du DPCP, le Barreau. Bref, on avait tous un rôle à jouer dans ce changement de culture là.

Donc, en décembre dernier, il y a environ un an, j'ai rendu publique la stratégie d'action gouvernementale qui vise à contribuer à la réduction des délais en matière criminelle et pénale, qui comportait un investissement majeur de 175,2 millions de dollars, qui a permis l'ajout de près 573 ressources, qui a permis l'ajout de salles de cour pour répondre aux différents besoins qui avaient été identifiés par la magistrature, par le ministère, par la Directrice des poursuites criminelles et pénales, par le ministère de la Sécurité publique suite à la décision Jordan. Et les équipes sont déjà en place, donc, d'ores et déjà, on est capables de définir que l'impact de ces ajouts de ressources là a été positif sur notre système de justice.

Mais la question des enjeux et des délais, bien, ça ne sévit pas seulement qu'en matière criminelle et pénale. Les tribunaux qui traitent des matières civiles et administratives doivent aussi s'inscrire dans notre démarche d'optimisation puis de réorganisation parce que les ressources du système de justice, elles sont indissociables par matière, c'est-à-dire que ce sont les mêmes personnes, bien souvent, qui vont être appelées à intervenir dans les dossiers criminels, dans les dossiers civils, dans les dossiers administratifs.

Donc, le projet de loi déposé ce matin s'inscrit justement dans cette stratégie d'action gouvernementale parce que notre justice, elle se doit d'être plus accessible, elle doit être plus efficiente puis elle doit aussi être surtout mieux adaptée à la réalité de la société. Le système de justice doit vraiment pouvoir offrir des solutions aux problématiques des citoyens puis chaque effort d'optimisation, de modernisation puis d'adaptabilité des processus peut contribuer à ce que justice soit rendue en temps utile.

Donc, le projet de loi, il fait suite à une large consultation auprès des acteurs du système de justice, des joueurs clés du système, et les mesures que l'on retrouve dans le projet de loi visent à faciliter l'accès à la justice et en accroître son accessibilité. C'est un projet de loi qui contient plus de 169 articles et qui comporte, en gros, 40 mesures qui se traduisent par des modifications au Code de procédure pénale, au Code de procédure civile, à la Loi sur l'aide juridique et à plus d'une vingtaine d'autres lois. Donc, c'est quand même un changement important, une modification importante qui est présentée aujourd'hui. Et l'objectif d'aujourd'hui, c'est de vous présenter les mesures-phares, parce que, lorsque vous prenez le projet de loi, il est très technique, il est très juridique, mais il a, dans son application, un impact réel dans la réalité des citoyens et des citoyennes, des justiciables.

Donc, dans un premier temps, l'objectif, évidemment, c'est de rendre la justice plus accessible. L'accès à la justice, c'est aussi une question de temps, c'est aussi une question d'argent, et le projet de loi vient donc bonifier le régime d'aide juridique pour ajouter, à titre de services couverts, les différents moyens pour éviter de judiciariser un dossier, donc on pense ici aux modes de prévention et de règlement des différends. Ce sont des alternatives qui sont exclues, actuellement, des options offertes par le régime d'aide juridique, mais, vous vous rappellerez, elles sont privilégiées par le nouveau Code de procédure civile. Alors, pour permettre aux citoyens de trouver des solutions en amont, encore fallait-il leur donner l'accessibilité à ces solutions-là. Donc, la modification à la Loi sur l'aide juridique va venir permettre à des citoyens d'accéder aux services, par exemple, de médiation, de conciliation avant que leurs dossiers ne soient judiciarisés. C'est une mesure d'accès à la justice qui est non négligeable.

Le projet de loi vient aussi modifier et simplifier le processus des révisions des demandes qui sont faites par les citoyens au système d'aide juridique. Parfois, ces demandes-là sont refusées car il manque de l'information, il manque des documents, des preuves de revenus. Ces révisions de dossiers là entraînent des délais parce que, tant et aussi longtemps que le mandat n'est pas émis, bien souvent le dossier, lui, à la cour continue et est donc reporté. Donc, ça, ça fait... ça, c'est une mesure qui découle de discussions de la Table Justice, et ce sont des petites modifications législatives, des modifications techniques qui vont permettre de donner de l'oxygène à notre système de justice.

Le projet de loi vient aussi simplifier la procédure devant le Tribunal des droits de la personne et vient éliminer l'obligation d'un demandeur de déposer un mémoire. Actuellement, devant le Tribunal des droits de la personne, le demandeur doit déposer un mémoire. C'est une procédure qui est lourde. Et, en enlevant cette étape-là qui était obligatoire, on vient simplifier les dossiers pour les citoyens et les citoyennes qui souhaitent... qui saisissent le tribunal.

Le projet de loi vient aussi introduire, dans la Loi sur la justice administrative, un autre principe que l'on retrouve au Code de procédure civile qui est le principe de la proportionnalité des procédures, c'est-à-dire est-ce que la démarche vaut... est-ce qu'on a un rapport qualité-prix, je vous dirais, dans le processus. Alors, c'est un principe qui a été introduit dans le Code de procédure civile, mais qu'on introduit maintenant en justice administrative parce que, là aussi, on fait face à des délais importants.

L'accès à la justice, c'est aussi une question géographique. Étant moi-même une avocate ayant pratiqué en région, j'ai une marotte, et c'est celle de dire que le citoyen doit pouvoir accéder aux services de justice, peu importe où il réside sur le territoire. Donc, afin de mieux desservir les communautés du Nord-du-Québec, le projet de loi prévoit l'ajout de deux juges additionnels à la Cour du Québec. Donc, l'objectif, c'est de desservir les territoires du Nord-du-Québec et de la Jamésie. On en a parlé, la Protectrice du citoyen a déposé un rapport l'an dernier indiquant que la justice dans le Nord comportait son lot de défis. Nous avons, mon collègue Geoffrey Kelley et moi, rencontré les citoyens, les citoyennes à Kuujjuaq, à Nemaska il y a un peu plus de deux ans, et ces derniers nous ont fait part des besoins des communautés d'avoir accès à des services de justice. Alors, cette mesure-là devrait aider à assurer une justice beaucoup plus accessible pour les communautés nordiques.

Le projet de loi propose aussi une autre mesure qui s'adresse peut-être davantage aux citoyens et aux citoyennes des régions du Québec, mais permet le dépôt d'une déclaration d'appel au greffe du tribunal de première instance qui a rendu jugement. Parce qu'actuellement lorsqu'une demande de déclaration d'appel doit être déposée, elle doit être déposée au greffe de la Cour d'appel à Québec ou au greffe de la Cour d'appel à Montréal. Pour les citoyens de région, ça amène des frais additionnels, inévitablement. Et il est donc proposé que la demande d'appel soit déposée au greffe où le jugement a été rendu. Donc, qu'on soit à Chicoutimi, qu'on soit à Percé, qu'on soit à Maniwaki, les procédures pourront être déposées au greffe de la cour. C'est une mesure qui apparaît bien banale, mais qui pourra améliorer l'accès à la justice pour les citoyens et les citoyennes des régions du Québec et réduire les coûts.

La justice doit être plus efficiente aussi. Alors, vous verrez, les dispositions, les mesures législatives proposées peuvent parfois sembler techniques, sembler abstraites à leur face même, mais, dans leur mise en oeuvre, elles auront des effets concrets pour les contribuables. Donc, certaines de ces mesures vont permettre à un juge d'exiger, d'ordonner la présence d'un défendeur qui est absent dans le cas d'un dossier pénal. Actuellement, la présence des défendeurs n'est pas obligatoire. Cette pratique-là amène parfois des remises à répétition. Alors, il est proposé — et ça, c'est une mesure aussi qui fait suite à des demandes formulées lors de la Table Justice — d'assurer, dans l'intérêt de la justice, la présence de l'accusé. Et l'objectif, c'est d'éviter des remises qui découlent de l'absence du défendeur.

Pour faciliter le traitement des dossiers en matière pénale, le projet de loi prévoit un certain nombre de mesures relatives à la renonciation volontaire, à la prescription acquise, à la substitution d'infractions qui vont permettre à un défendeur de plaider coupable à une autre infraction que celle qui lui a été initialement reprochée pour éviter l'utilisation de ressources judiciaires lors d'un procès. Le projet de loi va offrir des outils d'enquête dont disposent déjà les enquêteurs en matière criminelle. Donc, le Code criminel prévoit certains outils qui n'étaient pas prévus au Code de procédure pénale, des outils qui permettent de réduire les délais des enquêtes, les délais des procédures. Alors, on adapte notre Code de procédure pénale pour permettre de faciliter le traitement des dossiers.

Pour permettre aussi à la procédure d'être plus cohérente, on vient actualiser certaines règles de procédure du Tribunal des droits de la personne et aussi du Tribunal administratif du Québec pour, encore une fois, permettre aux citoyens de profiter d'une justice plus efficiente.

Et on viendra également, à travers le projet de loi, optimiser l'utilisation d'un service de consultation puis de publication en ligne qui a été développé par SOQUIJ, la Société québécoise d'information juridique, qui permettra de vérifier à l'échelle du Québec si une procédure d'exécution a été entreprise contre un justiciable, que ce soit en vertu du Code de procédure civile ou d'une autre loi. Donc, les avis d'exécution ou les sommaires d'avis d'exécution seraient publiés sur le site Internet de SOQUIJ, donc on aurait un point de chute commun pour savoir si un débiteur en défaut fait l'objet d'autres mesures d'exécution. Ça permet d'éviter parfois de mauvaises surprises de la part des créanciers qui souhaitent récupérer des actifs et qui ne savent pas un petit peu la situation dans laquelle se situe leur débiteur.

On va permettre aussi, du même souffle, de confier à la SOQUIJ différents mandats. SOQUIJ a été créée il y a plus de 40 ans. C'est une organisation qui a un plein... un potentiel, je vous dirais, qui mérite d'être mis à la contribution des justiciables du Québec, du service de justice, mais, pour ce faire, il faut apporter des modifications à son texte législatif. Alors, c'est ce qui est fait.

Alors, encore une fois, l'objectif, c'est de rendre la justice plus accessible et plus efficiente, une justice aussi qui sera mieux adaptée à la réalité des citoyens et des citoyennes. Parce que, oui, nous sommes égaux devant la loi, mais ce n'est pas tout le monde qui a les mêmes opportunités dans notre société. Donc, on introduit, dans le projet de loi, des programmes d'adaptabilité qui vont permettre la tenue de procès par le retrait d'accusations pour des infractions pénales. Ce sont des programmes qui visent à éviter le phénomène des portes tournantes, qu'on retrouve souvent dans les cours municipales et qui vise particulièrement certaines tranches de la population, les personnes qui sont aux prises avec des problématiques d'itinérance, des problématiques de toxicomanie, de santé mentale, des gens qui accumulent des billets de contravention. C'est aussi une réponse... parce qu'hier, à la commission Viens, des représentants de la ville de Val-d'Or nous disaient que les communautés autochtones étaient surreprésentées à la cour municipale à Val-d'Or.

Alors, je vous dirais que ces modifications législatives qui sont proposées sont une réponse à cette solution-là. Trouvons des mesures alternatives pour diriger un citoyen qui n'a pas sa place dans le système judiciaire pour le diriger vers les ressources dont il a besoin. Une personne qui fait face à des problèmes de santé mentale a besoin de soins, on n'a pas besoin nécessairement d'être à travers le processus judiciaire. Même chose pour les citoyens qui, une fois le jugement rendu, n'ont pas la capacité financière de payer les contraventions, de payer les sommes auxquelles elles ont été condamnées. On prévoira, par les mesures présentées au projet de loi, une possibilité pour le citoyen ou la citoyenne de participer à un programme qui vise sa réhabilitation et qui pourrait permettre le retrait d'une poursuite pénale, et une personne qui souhaite se réhabiliter pourrait aussi bénéficier des mesures alternatives plutôt que de payer l'amende, donc on pense ici aux travaux compensatoires.

Donc, ce sont des mesures qui viennent, encore une fois, modifier notre Code de procédure civile, mais sortir du système des citoyens ou des citoyennes qui sont aux prises avec des problématiques particulières et qui seraient dirigés vers des services adaptés à leur problématique. On a, dans certaines... À la ville de Montréal, par exemple, il y a eu des projets pilotes qui ont été mis en place avec la cour municipale de Montréal et qui ont vraiment porté fruit. Donc, l'objectif du projet de loi, c'est d'apporter les modifications législatives qui permettront, de façon générale, de bénéficier et de mettre en place de tels programmes.

Donc, en matière familiale, encore une fois, le projet de loi prévoit aussi une autre mesure destinée à faciliter la vie des familles. Comme vous le savez, depuis le nouveau Code de procédure civile, il y a l'obligation pour les parents, avant tout jugement de la Cour supérieure, de participer à une séance obligatoire de parentalité. Il y a des situations d'urgence, il y a des situations où l'intérêt de l'enfant nécessite qu'une décision soit rendue immédiatement. Et donc on apportera les modifications nécessaires pour permettre au tribunal de permettre... ou de se saisir d'un dossier lorsque les circonstances particulières le requièrent.

Donc, en bref, je vous ai expliqué les grands volets de ce projet de loi là, et, comme vous le voyez, ce sont des mesures diverses. Alors, il s'agit d'un projet de loi que l'on appelle ici, dans le jargon, davantage un projet de loi omnibus, qui rassemble différentes mesures, mais qui ont un objectif commun de favoriser l'accessibilité à la justice, de rendre la justice plus efficiente puis aussi de l'adapter à la réalité de notre société, de la société québécoise d'aujourd'hui et de la société québécoise de demain.

Donc, je vous remercie de votre attention, et on aura sans doute à rediscuter de ce projet-là lors des consultations — parce que des consultations devraient se tenir, fort probablement, au cours de l'intersession — et on aura le plaisir de discuter davantage des mesures qui sont contenues au projet de loi. Merci.

Le Modérateur : On va passer à la période de questions. S'il vous plaît, me faire signe si vous voulez poser une question. Oui, Pascal Dugas Bourdon, l'Agence QMI.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Comment ça va se passer, concrètement, pour rediriger les gens qui sont... disons, qui ont des problèmes sociaux vers les ressources d'aide? Est-ce qu'on le sait déjà, ça, ou ça reste à être défini?

Mme Vallée : Bien, dans les... il y a actuellement certains projets pilotes, donc, qui... il y a déjà une organisation où des intervenants de la cour, des intervenants du Directeur des poursuites criminelles et pénales et des services sociaux de la région sont organisés pour permettre d'identifier les différents programmes et de mettre en place la trajectoire qui devra être rencontrée. Donc, évidemment, ça demande, ça commande de mettre en place une structure, de mettre en place une coordination de ces mesures-là. Il y a des régions où on a déjà initié un travail, je pense entre autres à la région de Laval, qui avait mis en place des mesures alternatives. Puis, comme je le mentionnais, la région de Montréal l'a fait avec la cour municipale, où on a mis en place différentes mesures. Et on m'indique, oui, le Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or a aussi initié des travaux avec la cour municipale de Val-d'Or. Donc, les modifications législatives vont permettre vraiment à ces initiatives-là d'aller de l'avant. Mais évidemment ça demande une participation de la société, de groupes comme le centre d'amitié autochtone, comme des organismes communautaires, qui vont être présents pour accompagner ces personnes-là parce qu'on ne peut pas laisser les citoyens seuls. Tout ça se fait à l'intérieur d'un cadre bien structuré.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Mais, si certaines cours municipales étaient capables de le faire avant, qu'est-ce que votre projet de loi vient changer aujourd'hui?

Mme Vallée : Il vient le permettre spécifiquement à l'intérieur du code. Parce qu'il y a des… Certains intervenants nous ont manifesté leur préoccupation quant au fait que le code ne le prévoyait pas spécifiquement, et donc avaient un certain malaise de mettre en place un processus qui n'était pas expressément autorisé. Donc, à partir du moment où le code le prévoit, c'est beaucoup plus clair. Et il faut comprendre que le Code criminel le prévoyait de façon spécifique, mais, nous, le Code de procédure pénale ne le prévoyait pas spécifiquement, d'où cette interprétation de la part des intervenants, qui disaient : Bien, on comprend que le Code criminel le prévoie, mais, si le Code de procédure pénale le prévoyait spécifiquement, ce serait plus clair. Et d'autant qu'il y a plusieurs infractions en cause qui sont de nature pénale. Les contraventions d'errance, les contraventions aux règlements municipaux, ça, c'est vraiment régi par le Code de procédure pénale, ce n'est pas le Code criminel qui régit ces situations-là, et ces situations-là encombrent beaucoup le système dans certaines municipalités, à Montréal, par exemple.

Moi, j'ai participé, il y a 10 ans, à la commission itinérante sur l'itinérance... sur la situation de l'itinérance que l'Assemblée nationale avait lancée, et les intervenants nous ont sensibilisés au phénomène des portes tournantes, nous ont sensibilisés au fait que plusieurs personnes atteintes de problèmes de santé mentale collectionnaient, malheureusement, les contraventions, se retrouvaient avec des contraventions qu'elles étaient incapables de payer, alors qu'elles avaient besoin d'un soutien puis d'un accompagnement pour une réinsertion sociale qui va être véritable. Donc, ces mesures-là vont permettre… du moins vont donner les outils pour permettre cette réinsertion sociale là.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Est-ce qu'elles vont permettre aussi d'annuler les contraventions?

Mme Vallée : Bien, l'objectif, c'est de diriger le citoyen vers un programme, et, si les étapes sont respectées, oui, de retirer les accusations, de retirer le dossier ou, une fois le plaidoyer de culpabilité ou le dossier réglé, permettre au citoyen qui n'a pas la capacité financière de payer sa contravention de faire des travaux communautaires en compensation, donc aussi, d'une certaine façon, de participer à sa réinsertion sociale, parce que les travaux communautaires, parfois et souvent, se font à l'intérieur d'organismes communautaires qui ont un souci véritable pour ceux et celles qui vivent ces problématiques-là et qui parfois les amènent à développer des liens qui, tranquillement, les mèneront en dehors du système.

M. Croteau (Martin) : Bien, je voudrais juste saisir la balle au bond, puisque vous y avez fait un peu allusion dans votre précédente réponse. Est-ce que vous êtes en mesure de quantifier à quel point cette clientèle itinérante, toxicomane... quel est le poids de cette clientèle-là dans le système de justice, à quel point ça engorge le système?

Mme Vallée : Je n'ai pas les chiffres, je n'ai pas de chiffres précis avec moi, mais c'est très important en matière municipale. Les intervenants de la Table Justice nous en ont fait part, c'est une situation particulière. Et le défendeur qui vit un problème de santé mentale n'a pas non plus le même réflexe, va demander beaucoup... va demander un accompagnement, va demander du temps, et ça, en soi, aussi, ça ajoute des délais au système. Donc, pour ce qui est du volume, je n'ai pas les chiffres, mais c'est quand même assez important. À Val-d'Or, hier, je ne sais pas si on a parlé de chiffres lors de la commission Viens, mais chose certaine, c'est que les gens de la ville de Val-d'Or nous disaient : Les communautés autochtones sont surreprésentées au sein de notre cour pour des contraventions de toutes sortes aux règlements municipaux.

Et les contraventions, les contraventions au Code de la sécurité routière aussi, on en retrouve beaucoup dans plusieurs villes. Donc, si, par le biais de ces mesures-là, on arrive à diriger ces citoyens-là, ces citoyennes-là vers des services, des services de santé, des services d'accompagnement, je pense qu'on est gagnants. D'une part, on libère un volume de dossiers, mais on accompagne aussi de la bonne façon le citoyen qui fait face à une problématique qui n'est pas une problématique d'un comportement en raison d'une malveillance, mais plutôt en raison d'une situation propre à sa personne qui l'amène, malheureusement, dans des situations où il est en contravention avec un certain nombre de règlements.

M. Croteau (Martin) : Avez-vous une cible, par exemple, un nombre x de personnes en tête qui pourraient ainsi être, finalement, retirées du système judiciaire et insérées dans un système d'aide sociale, en quelque sorte?

Mme Vallée : Encore une fois, on n'a pas quantifié le nombre de personnes à qui les mesures pourraient s'adapter, on nous a fait part de la problématique de façon plus globale. Nous modifions le Code de procédure... nous proposons de modifier le Code de procédure pénale pour permettre la mise en place de ces programmes-là là où les enjeux sont plus importants. On parle de Montréal. On a parlé de Val-d'Or parce que la Cour municipale de Val-d'Or et la ville de Val-d'Or ont clairement signifié leur intérêt à recourir à des mesures comme ça.

M. Croteau (Martin) : J'en avais une dernière. Bien, vas-y, Pascal.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Non, non, je t'en prie. Je t'oblige.

M. Croteau (Martin) : Je comprends que chaque mesure a un effet différent, mais, de manière globale, si le projet de loi est adopté tel quel, quel effet ça va avoir sur le système judiciaire?

Mme Vallée : Ça va certainement donner beaucoup plus d'oxygène, ça va faciliter le traitement des dossiers. Donc, on espère que, par la mise en place de ces mesures-là, on sera capables — parce qu'on est aussi à faire un suivi des différentes mesures — de réduire le délai moyen de traitement de certains dossiers. Et chaque mesure en soi aura son propre impact sur une clientèle. Donc, l'objectif global, c'est que ces mesures-là dans leur ensemble vont amener une réduction du délai moyen de traitement des dossiers.

M. Croteau (Martin) : Puis une dernière question un peu pointue, si vous permettez : Est-ce que vous avez une idée des coûts qui seront engendrés par l'ensemble de ces mesures?

Mme Vallée : Certaines mesures. Par exemple, il y a des mesures pour l'ajout de juges... il y a des coûts identifiés, je pense, à près d'un demi-million, c'est ça, c'est 500 000 $. Les autres mesures...

Une voix : ...

Mme Vallée : 500 000 $ par juge, c'est ça, c'est un demi-million par juge.

M. Croteau (Martin) : Donc, un million pour les deux?

Mme Vallée : Exactement. Les autres mesures sont des mesures... Les mesures de modification aux règles de procédure en soi n'engendrent pas de coûts, même vont permettre une diminution des coûts parce que, lorsqu'on diminue les délais puis on diminue l'utilisation des ressources, bien, on réduit nos coûts.

Et évidemment, pour ce qui est des mesures quant à l'aide juridique, bien, les négociations sont en cours, actuellement, entre le Barreau du Québec et le ministère de la Justice. Donc, c'est un petit peu prématuré de vous dire exactement quel sera l'impact de la mesure, l'impact financier, mais c'est certain qu'il est à prévoir qu'il y aura un impact parce que le processus pour établir les tarifs font suite à une négociation entre le Barreau du Québec et le ministère de la Justice pour établir un tarif qui sera adéquat pour tous.

M. Croteau (Martin) : Merci.

Mme Vallée : Et merci à vous.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Pour revenir à la justice alternative dont on parlait un peu plus tôt, est-ce qu'on va obliger les cours municipales à avoir une telle structure ou si c'est juste qu'on leur donne les outils si ça leur tente?

Mme Vallée : On leur donne les outils. Donc, il y a des cours municipales, qui ne vivent pas la réalité... la même réalité, donc ce n'est pas d'obliger de se doter de cette structure-là, mais dans certaines circonstances, dans certains milieux, il peut y avoir un intérêt à se doter de... et à utiliser ces dispositions-là.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Donc, vous prévoyez un cadre pour...

Mme Vallée : Exact, pour permettre la mise en place. Et, pour que ces mesures soient véritablement efficaces, il faut vraiment avoir une équipe. C'est un travail collectif avec les intervenants du milieu communautaire et du milieu judiciaire. Alors, il y a des endroits où cette organisation-là se fait, il y a des endroits où il y a les discussions parce qu'il y a une volonté de mettre en place ces mesures-là. Donc, évidemment, c'est certain qu'en donnant les outils, bien, on permet aux organismes de le mettre en place et de répondre aux problématiques propres à leurs communautés. Merci.

M. Croteau (Martin) : Joyeuses fêtes!

Mme Vallée : Merci, joyeuses fêtes!

(Fin à 14 h 8)

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