(Treize heures trente-sept minutes)
Mme Vallée
: Donc,
bonjour à tous. Alors, je vous remercie d'être présents cet après-midi. J'ai
déposé, un peu plus tôt cet avant-midi, le projet de loi n° 168. Le projet
de loi n° 168 vise à s'attaquer, entre autres, à la problématique des
délais judiciaires. Vous savez, c'est un enjeu dont on parle beaucoup depuis environ
un an et demi, deux ans et c'est un enjeu qui a amené des acteurs du système de
justice à se concerter, à se concentrer pour apporter des changements
importants dans leurs façons de faire les choses.
Donc, la Table Justice a entrepris un
vaste chantier en mars 2016. J'avais réuni les acteurs du système de justice au
début de l'hiver 2016 pour qu'on puisse ensemble trouver des solutions aux
problématiques des délais, qui ne sont pas apparus avec l'arrêt Jordan, mais
qui étaient très présents aussi auparavant. Alors, ces travaux de concertation
nous ont permis de déployer, en octobre 2016, un premier plan d'action qui
visait vraiment à initier un changement de culture qui était rendu nécessaire.
L'arrêt Jordan avait été sans équivoque, puis on avait tous la responsabilité
de poser des gestes. Dans le fond, ce que la Cour suprême nous dit, c'est que
chaque entité était responsable de venir contrer la culture de complaisance à
l'égard des délais, c'était très clair. Et «chaque partie», bien, ça inclut le
ministère de la Justice, mais ça inclut également la magistrature, les avocats
de la défense, les membres du DPCP, le Barreau. Bref, on avait tous un rôle à
jouer dans ce changement de culture là.
Donc, en décembre dernier, il y a environ
un an, j'ai rendu publique la stratégie d'action gouvernementale qui vise à
contribuer à la réduction des délais en matière criminelle et pénale, qui
comportait un investissement majeur de 175,2 millions de dollars, qui a
permis l'ajout de près 573 ressources, qui a permis l'ajout de salles de
cour pour répondre aux différents besoins qui avaient été identifiés par la
magistrature, par le ministère, par la Directrice des poursuites criminelles et
pénales, par le ministère de la Sécurité publique suite à la décision Jordan. Et
les équipes sont déjà en place, donc, d'ores et déjà, on est capables de
définir que l'impact de ces ajouts de ressources là a été positif sur notre système
de justice.
Mais la question des enjeux et des délais,
bien, ça ne sévit pas seulement qu'en matière criminelle et pénale. Les
tribunaux qui traitent des matières civiles et administratives doivent aussi
s'inscrire dans notre démarche d'optimisation puis de réorganisation parce que
les ressources du système de justice, elles sont indissociables par matière,
c'est-à-dire que ce sont les mêmes personnes, bien souvent, qui vont être
appelées à intervenir dans les dossiers criminels, dans les dossiers civils,
dans les dossiers administratifs.
Donc, le projet de loi déposé ce matin
s'inscrit justement dans cette stratégie d'action gouvernementale parce que
notre justice, elle se doit d'être plus accessible, elle doit être plus
efficiente puis elle doit aussi être surtout mieux adaptée à la réalité de la
société. Le système de justice doit vraiment pouvoir offrir des solutions aux
problématiques des citoyens puis chaque effort d'optimisation, de modernisation
puis d'adaptabilité des processus peut contribuer à ce que justice soit rendue
en temps utile.
Donc, le projet de loi, il fait suite à
une large consultation auprès des acteurs du système de justice, des joueurs
clés du système, et les mesures que l'on retrouve dans le projet de loi visent
à faciliter l'accès à la justice et en accroître son accessibilité. C'est un
projet de loi qui contient plus de 169 articles et qui comporte, en gros,
40 mesures qui se traduisent par des modifications au Code de procédure
pénale, au Code de procédure civile, à la Loi sur l'aide juridique et à plus
d'une vingtaine d'autres lois. Donc, c'est quand même un changement important,
une modification importante qui est présentée aujourd'hui. Et l'objectif
d'aujourd'hui, c'est de vous présenter les mesures-phares, parce que, lorsque
vous prenez le projet de loi, il est très technique, il est très juridique,
mais il a, dans son application, un impact réel dans la réalité des citoyens et
des citoyennes, des justiciables.
Donc, dans un premier temps, l'objectif,
évidemment, c'est de rendre la justice plus accessible. L'accès à la justice,
c'est aussi une question de temps, c'est aussi une question d'argent, et le
projet de loi vient donc bonifier le régime d'aide juridique pour ajouter, à
titre de services couverts, les différents moyens pour éviter de judiciariser
un dossier, donc on pense ici aux modes de prévention et de règlement des
différends. Ce sont des alternatives qui sont exclues, actuellement, des
options offertes par le régime d'aide juridique, mais, vous vous rappellerez,
elles sont privilégiées par le nouveau Code de procédure civile. Alors, pour
permettre aux citoyens de trouver des solutions en amont, encore fallait-il
leur donner l'accessibilité à ces solutions-là. Donc, la modification à la Loi
sur l'aide juridique va venir permettre à des citoyens d'accéder aux services,
par exemple, de médiation, de conciliation avant que leurs dossiers ne soient
judiciarisés. C'est une mesure d'accès à la justice qui est non négligeable.
Le projet de loi vient aussi modifier et
simplifier le processus des révisions des demandes qui sont faites par les citoyens
au système d'aide juridique. Parfois, ces demandes-là sont refusées car il
manque de l'information, il manque des documents, des preuves de revenus. Ces
révisions de dossiers là entraînent des délais parce que, tant et aussi
longtemps que le mandat n'est pas émis, bien souvent le dossier, lui, à la cour
continue et est donc reporté. Donc, ça, ça fait... ça, c'est une mesure qui découle
de discussions de la Table Justice, et ce sont des petites modifications législatives,
des modifications techniques qui vont permettre de donner de l'oxygène à notre
système de justice.
Le projet de loi vient aussi simplifier la
procédure devant le Tribunal des droits de la personne et vient éliminer
l'obligation d'un demandeur de déposer un mémoire. Actuellement, devant le
Tribunal des droits de la personne, le demandeur doit déposer un mémoire. C'est
une procédure qui est lourde. Et, en enlevant cette étape-là qui était obligatoire,
on vient simplifier les dossiers pour les citoyens et les citoyennes qui
souhaitent... qui saisissent le tribunal.
Le projet de loi vient aussi introduire,
dans la Loi sur la justice administrative, un autre principe que l'on retrouve
au Code de procédure civile qui est le principe de la proportionnalité des
procédures, c'est-à-dire est-ce que la démarche vaut... est-ce qu'on a un
rapport qualité-prix, je vous dirais, dans le processus. Alors, c'est un
principe qui a été introduit dans le Code de procédure civile, mais qu'on
introduit maintenant en justice administrative parce que, là aussi, on fait
face à des délais importants.
L'accès à la justice, c'est aussi une
question géographique. Étant moi-même une avocate ayant pratiqué en région,
j'ai une marotte, et c'est celle de dire que le citoyen doit pouvoir accéder
aux services de justice, peu importe où il réside sur le territoire. Donc, afin
de mieux desservir les communautés du Nord-du-Québec, le projet de loi prévoit
l'ajout de deux juges additionnels à la Cour du Québec. Donc, l'objectif, c'est
de desservir les territoires du Nord-du-Québec et de la Jamésie. On en a parlé,
la Protectrice du citoyen a déposé un rapport l'an dernier indiquant que la
justice dans le Nord comportait son lot de défis. Nous avons, mon collègue
Geoffrey Kelley et moi, rencontré les citoyens, les citoyennes à Kuujjuaq, à
Nemaska il y a un peu plus de deux ans, et ces derniers nous ont fait part des
besoins des communautés d'avoir accès à des services de justice. Alors, cette
mesure-là devrait aider à assurer une justice beaucoup plus accessible pour les
communautés nordiques.
Le projet de loi propose aussi une autre
mesure qui s'adresse peut-être davantage aux citoyens et aux citoyennes des
régions du Québec, mais permet le dépôt d'une déclaration d'appel au greffe du
tribunal de première instance qui a rendu jugement. Parce qu'actuellement
lorsqu'une demande de déclaration d'appel doit être déposée, elle doit être
déposée au greffe de la Cour d'appel à Québec ou au greffe de la Cour d'appel à
Montréal. Pour les citoyens de région, ça amène des frais additionnels,
inévitablement. Et il est donc proposé que la demande d'appel soit déposée au
greffe où le jugement a été rendu. Donc, qu'on soit à Chicoutimi, qu'on soit à
Percé, qu'on soit à Maniwaki, les procédures pourront être déposées au greffe
de la cour. C'est une mesure qui apparaît bien banale, mais qui pourra
améliorer l'accès à la justice pour les citoyens et les citoyennes des régions
du Québec et réduire les coûts.
La justice doit être plus efficiente
aussi. Alors, vous verrez, les dispositions, les mesures législatives proposées
peuvent parfois sembler techniques, sembler abstraites à leur face même, mais,
dans leur mise en oeuvre, elles auront des effets concrets pour les
contribuables. Donc, certaines de ces mesures vont permettre à un juge
d'exiger, d'ordonner la présence d'un défendeur qui est absent dans le cas d'un
dossier pénal. Actuellement, la présence des défendeurs n'est pas obligatoire.
Cette pratique-là amène parfois des remises à répétition. Alors, il est
proposé — et ça, c'est une mesure aussi qui fait suite à des demandes
formulées lors de la Table Justice — d'assurer, dans l'intérêt de la
justice, la présence de l'accusé. Et l'objectif, c'est d'éviter des remises qui
découlent de l'absence du défendeur.
Pour faciliter le traitement des dossiers
en matière pénale, le projet de loi prévoit un certain nombre de mesures
relatives à la renonciation volontaire, à la prescription acquise, à la
substitution d'infractions qui vont permettre à un défendeur de plaider
coupable à une autre infraction que celle qui lui a été initialement reprochée
pour éviter l'utilisation de ressources judiciaires lors d'un procès. Le projet
de loi va offrir des outils d'enquête dont disposent déjà les enquêteurs en
matière criminelle. Donc, le Code criminel prévoit certains outils qui n'étaient
pas prévus au Code de procédure pénale, des outils qui permettent de réduire
les délais des enquêtes, les délais des procédures. Alors, on adapte notre Code
de procédure pénale pour permettre de faciliter le traitement des dossiers.
Pour permettre aussi à la procédure d'être
plus cohérente, on vient actualiser certaines règles de procédure du Tribunal
des droits de la personne et aussi du Tribunal administratif du Québec pour, encore
une fois, permettre aux citoyens de profiter d'une justice plus efficiente.
Et on viendra également, à travers le
projet de loi, optimiser l'utilisation d'un service de consultation puis de
publication en ligne qui a été développé par SOQUIJ, la Société québécoise d'information
juridique, qui permettra de vérifier à l'échelle du Québec si une procédure
d'exécution a été entreprise contre un justiciable, que ce soit en vertu du
Code de procédure civile ou d'une autre loi. Donc, les avis d'exécution ou les
sommaires d'avis d'exécution seraient publiés sur le site Internet de SOQUIJ,
donc on aurait un point de chute commun pour savoir si un débiteur en défaut
fait l'objet d'autres mesures d'exécution. Ça permet d'éviter parfois de
mauvaises surprises de la part des créanciers qui souhaitent récupérer des
actifs et qui ne savent pas un petit peu la situation dans laquelle se situe
leur débiteur.
On va permettre aussi, du même souffle, de
confier à la SOQUIJ différents mandats. SOQUIJ a été créée il y a plus de 40 ans.
C'est une organisation qui a un plein... un potentiel, je vous dirais, qui
mérite d'être mis à la contribution des justiciables du Québec, du service de
justice, mais, pour ce faire, il faut apporter des modifications à son texte
législatif. Alors, c'est ce qui est fait.
Alors, encore une fois, l'objectif, c'est
de rendre la justice plus accessible et plus efficiente, une justice aussi qui
sera mieux adaptée à la réalité des citoyens et des citoyennes. Parce que, oui,
nous sommes égaux devant la loi, mais ce n'est pas tout le monde qui a les
mêmes opportunités dans notre société. Donc, on introduit, dans le projet de
loi, des programmes d'adaptabilité qui vont permettre la tenue de procès par le
retrait d'accusations pour des infractions pénales. Ce sont des programmes qui
visent à éviter le phénomène des portes tournantes, qu'on retrouve souvent dans
les cours municipales et qui vise particulièrement certaines tranches de la population,
les personnes qui sont aux prises avec des problématiques d'itinérance, des problématiques
de toxicomanie, de santé mentale, des gens qui accumulent des billets de
contravention. C'est aussi une réponse... parce qu'hier, à la commission Viens,
des représentants de la ville de Val-d'Or nous disaient que les communautés
autochtones étaient surreprésentées à la cour municipale à Val-d'Or.
Alors, je vous dirais que ces modifications
législatives qui sont proposées sont une réponse à cette solution-là. Trouvons
des mesures alternatives pour diriger un citoyen qui n'a pas sa place dans le système
judiciaire pour le diriger vers les ressources dont il a besoin. Une personne
qui fait face à des problèmes de santé mentale a besoin de soins, on n'a pas
besoin nécessairement d'être à travers le processus judiciaire. Même chose pour
les citoyens qui, une fois le jugement rendu, n'ont pas la capacité financière
de payer les contraventions, de payer les sommes auxquelles elles ont été
condamnées. On prévoira, par les mesures présentées au projet de loi, une
possibilité pour le citoyen ou la citoyenne de participer à un programme qui
vise sa réhabilitation et qui pourrait permettre le retrait d'une poursuite
pénale, et une personne qui souhaite se réhabiliter pourrait aussi bénéficier
des mesures alternatives plutôt que de payer l'amende, donc on pense ici aux travaux
compensatoires.
Donc, ce sont des mesures qui viennent, encore
une fois, modifier notre Code de procédure civile, mais sortir du système des citoyens
ou des citoyennes qui sont aux prises avec des problématiques particulières et
qui seraient dirigés vers des services adaptés à leur problématique. On a, dans
certaines... À la ville de Montréal, par exemple, il y a eu des projets pilotes
qui ont été mis en place avec la cour municipale de Montréal et qui ont
vraiment porté fruit. Donc, l'objectif du projet de loi, c'est d'apporter les
modifications législatives qui permettront, de façon générale, de bénéficier et
de mettre en place de tels programmes.
Donc, en matière familiale, encore une
fois, le projet de loi prévoit aussi une autre mesure destinée à faciliter la
vie des familles. Comme vous le savez, depuis le nouveau Code de procédure
civile, il y a l'obligation pour les parents, avant tout jugement de la Cour
supérieure, de participer à une séance obligatoire de parentalité. Il y a des
situations d'urgence, il y a des situations où l'intérêt de l'enfant nécessite
qu'une décision soit rendue immédiatement. Et donc on apportera les modifications
nécessaires pour permettre au tribunal de permettre... ou de se saisir d'un
dossier lorsque les circonstances particulières le requièrent.
Donc, en bref, je vous ai expliqué les grands
volets de ce projet de loi là, et, comme vous le voyez, ce sont des mesures
diverses. Alors, il s'agit d'un projet de loi que l'on appelle ici, dans le
jargon, davantage un projet de loi omnibus, qui rassemble différentes mesures,
mais qui ont un objectif commun de favoriser l'accessibilité à la justice, de
rendre la justice plus efficiente puis aussi de l'adapter à la réalité de notre
société, de la société québécoise d'aujourd'hui et de la société québécoise de
demain.
Donc, je vous remercie de votre attention,
et on aura sans doute à rediscuter de ce projet-là lors des consultations — parce
que des consultations devraient se tenir, fort probablement, au cours de
l'intersession — et on aura le plaisir de discuter davantage des
mesures qui sont contenues au projet de loi. Merci.
Le Modérateur
: On va
passer à la période de questions. S'il vous plaît, me faire signe si vous
voulez poser une question. Oui, Pascal Dugas Bourdon, l'Agence QMI.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Comment ça va se passer, concrètement, pour rediriger les gens qui sont...
disons, qui ont des problèmes sociaux vers les ressources d'aide? Est-ce qu'on
le sait déjà, ça, ou ça reste à être défini?
Mme Vallée
: Bien,
dans les... il y a actuellement certains projets pilotes, donc, qui... il y a déjà
une organisation où des intervenants de la cour, des intervenants du Directeur
des poursuites criminelles et pénales et des services sociaux de la région sont
organisés pour permettre d'identifier les différents programmes et de mettre en
place la trajectoire qui devra être rencontrée. Donc, évidemment, ça demande,
ça commande de mettre en place une structure, de mettre en place une
coordination de ces mesures-là. Il y a des régions où on a déjà initié un travail,
je pense entre autres à la région de Laval, qui avait mis en place des mesures
alternatives. Puis, comme je le mentionnais, la région de Montréal l'a fait
avec la cour municipale, où on a mis en place différentes mesures. Et on
m'indique, oui, le Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or a aussi initié des
travaux avec la cour municipale de Val-d'Or. Donc, les modifications législatives
vont permettre vraiment à ces initiatives-là d'aller de l'avant. Mais évidemment
ça demande une participation de la société, de groupes comme le centre d'amitié
autochtone, comme des organismes communautaires, qui vont être présents pour accompagner
ces personnes-là parce qu'on ne peut pas laisser les citoyens seuls. Tout ça se
fait à l'intérieur d'un cadre bien structuré.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Mais, si certaines cours municipales étaient capables de le faire avant,
qu'est-ce que votre projet de loi vient changer aujourd'hui?
Mme Vallée
: Il
vient le permettre spécifiquement à l'intérieur du code. Parce qu'il y a des…
Certains intervenants nous ont manifesté leur préoccupation quant au fait que
le code ne le prévoyait pas spécifiquement, et donc avaient un certain malaise
de mettre en place un processus qui n'était pas expressément autorisé. Donc, à
partir du moment où le code le prévoit, c'est beaucoup plus clair. Et il faut
comprendre que le Code criminel le prévoyait de façon spécifique, mais, nous,
le Code de procédure pénale ne le prévoyait pas spécifiquement, d'où cette
interprétation de la part des intervenants, qui disaient : Bien, on
comprend que le Code criminel le prévoie, mais, si le Code de procédure pénale
le prévoyait spécifiquement, ce serait plus clair. Et d'autant qu'il y a
plusieurs infractions en cause qui sont de nature pénale. Les contraventions
d'errance, les contraventions aux règlements municipaux, ça, c'est vraiment
régi par le Code de procédure pénale, ce n'est pas le Code criminel qui régit
ces situations-là, et ces situations-là encombrent beaucoup le système dans
certaines municipalités, à Montréal, par exemple.
Moi, j'ai participé, il y a 10 ans, à
la commission itinérante sur l'itinérance... sur la situation de l'itinérance
que l'Assemblée nationale avait lancée, et les intervenants nous ont
sensibilisés au phénomène des portes tournantes, nous ont sensibilisés au fait
que plusieurs personnes atteintes de problèmes de santé mentale
collectionnaient, malheureusement, les contraventions, se retrouvaient avec des
contraventions qu'elles étaient incapables de payer, alors qu'elles avaient
besoin d'un soutien puis d'un accompagnement pour une réinsertion sociale qui
va être véritable. Donc, ces mesures-là vont permettre… du moins vont donner
les outils pour permettre cette réinsertion sociale là.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Est-ce qu'elles vont permettre aussi d'annuler les contraventions?
Mme Vallée
: Bien,
l'objectif, c'est de diriger le citoyen vers un programme, et, si les étapes
sont respectées, oui, de retirer les accusations, de retirer le dossier ou, une
fois le plaidoyer de culpabilité ou le dossier réglé, permettre au citoyen qui
n'a pas la capacité financière de payer sa contravention de faire des travaux
communautaires en compensation, donc aussi, d'une certaine façon, de participer
à sa réinsertion sociale, parce que les travaux communautaires, parfois et
souvent, se font à l'intérieur d'organismes communautaires qui ont un souci
véritable pour ceux et celles qui vivent ces problématiques-là et qui parfois
les amènent à développer des liens qui, tranquillement, les mèneront en dehors
du système.
M. Croteau (Martin) :
Bien, je voudrais juste saisir la balle au bond, puisque vous y avez fait un
peu allusion dans votre précédente réponse. Est-ce que vous êtes en mesure de
quantifier à quel point cette clientèle itinérante, toxicomane... quel est le
poids de cette clientèle-là dans le système de justice, à quel point ça engorge
le système?
Mme Vallée
: Je
n'ai pas les chiffres, je n'ai pas de chiffres précis avec moi, mais c'est très
important en matière municipale. Les intervenants de la Table Justice nous en
ont fait part, c'est une situation particulière. Et le défendeur qui vit un
problème de santé mentale n'a pas non plus le même réflexe, va demander
beaucoup... va demander un accompagnement, va demander du temps, et ça, en soi,
aussi, ça ajoute des délais au système. Donc, pour ce qui est du volume, je
n'ai pas les chiffres, mais c'est quand même assez important. À Val-d'Or, hier,
je ne sais pas si on a parlé de chiffres lors de la commission Viens, mais
chose certaine, c'est que les gens de la ville de Val-d'Or nous disaient :
Les communautés autochtones sont surreprésentées au sein de notre cour pour des
contraventions de toutes sortes aux règlements municipaux.
Et les contraventions, les contraventions
au Code de la sécurité routière aussi, on en retrouve beaucoup dans plusieurs
villes. Donc, si, par le biais de ces mesures-là, on arrive à diriger ces
citoyens-là, ces citoyennes-là vers des services, des services de santé, des
services d'accompagnement, je pense qu'on est gagnants. D'une part, on libère
un volume de dossiers, mais on accompagne aussi de la bonne façon le citoyen
qui fait face à une problématique qui n'est pas une problématique d'un
comportement en raison d'une malveillance, mais plutôt en raison d'une
situation propre à sa personne qui l'amène, malheureusement, dans des
situations où il est en contravention avec un certain nombre de règlements.
M. Croteau (Martin) :
Avez-vous une cible, par exemple, un nombre x de personnes en tête qui
pourraient ainsi être, finalement, retirées du système judiciaire et insérées
dans un système d'aide sociale, en quelque sorte?
Mme Vallée
: Encore
une fois, on n'a pas quantifié le nombre de personnes à qui les mesures
pourraient s'adapter, on nous a fait part de la problématique de façon plus
globale. Nous modifions le Code de procédure... nous proposons de modifier le
Code de procédure pénale pour permettre la mise en place de ces programmes-là
là où les enjeux sont plus importants. On parle de Montréal. On a parlé de Val-d'Or
parce que la Cour municipale de Val-d'Or et la ville de Val-d'Or ont clairement
signifié leur intérêt à recourir à des mesures comme ça.
M. Croteau (Martin) : J'en
avais une dernière. Bien, vas-y, Pascal.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Non, non, je t'en prie. Je t'oblige.
M. Croteau (Martin) : Je
comprends que chaque mesure a un effet différent, mais, de manière globale, si
le projet de loi est adopté tel quel, quel effet ça va avoir sur le système
judiciaire?
Mme Vallée
: Ça va
certainement donner beaucoup plus d'oxygène, ça va faciliter le traitement des
dossiers. Donc, on espère que, par la mise en place de ces mesures-là, on sera
capables — parce qu'on est aussi à faire un suivi des différentes
mesures — de réduire le délai moyen de traitement de certains
dossiers. Et chaque mesure en soi aura son propre impact sur une clientèle.
Donc, l'objectif global, c'est que ces mesures-là dans leur ensemble vont
amener une réduction du délai moyen de traitement des dossiers.
M. Croteau (Martin) :
Puis une dernière question un peu pointue, si vous permettez : Est-ce que
vous avez une idée des coûts qui seront engendrés par l'ensemble de ces
mesures?
Mme Vallée
:
Certaines mesures. Par exemple, il y a des mesures pour l'ajout de juges... il
y a des coûts identifiés, je pense, à près d'un demi-million, c'est ça, c'est
500 000 $. Les autres mesures...
Une voix
: ...
Mme Vallée
: 500 000 $
par juge, c'est ça, c'est un demi-million par juge.
M. Croteau (Martin) :
Donc, un million pour les deux?
Mme Vallée
: Exactement.
Les autres mesures sont des mesures... Les mesures de modification aux règles
de procédure en soi n'engendrent pas de coûts, même vont permettre une
diminution des coûts parce que, lorsqu'on diminue les délais puis on diminue
l'utilisation des ressources, bien, on réduit nos coûts.
Et évidemment, pour ce qui est des mesures
quant à l'aide juridique, bien, les négociations sont en cours, actuellement,
entre le Barreau du Québec et le ministère de la Justice. Donc, c'est un petit
peu prématuré de vous dire exactement quel sera l'impact de la mesure, l'impact
financier, mais c'est certain qu'il est à prévoir qu'il y aura un impact parce
que le processus pour établir les tarifs font suite à une négociation entre le Barreau
du Québec et le ministère de la Justice pour établir un tarif qui sera adéquat
pour tous.
M. Croteau (Martin) : Merci.
Mme Vallée
: Et
merci à vous.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Pour revenir à la justice alternative dont on parlait un peu plus tôt, est-ce
qu'on va obliger les cours municipales à avoir une telle structure ou si c'est
juste qu'on leur donne les outils si ça leur tente?
Mme Vallée
: On
leur donne les outils. Donc, il y a des cours municipales, qui ne vivent pas la
réalité... la même réalité, donc ce n'est pas d'obliger de se doter de cette
structure-là, mais dans certaines circonstances, dans certains milieux, il peut
y avoir un intérêt à se doter de... et à utiliser ces dispositions-là.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Donc, vous prévoyez un cadre pour...
Mme Vallée
:
Exact, pour permettre la mise en place. Et, pour que ces mesures soient
véritablement efficaces, il faut vraiment avoir une équipe. C'est un travail
collectif avec les intervenants du milieu communautaire et du milieu
judiciaire. Alors, il y a des endroits où cette organisation-là se fait, il y a
des endroits où il y a les discussions parce qu'il y a une volonté de mettre en
place ces mesures-là. Donc, évidemment, c'est certain qu'en donnant les outils,
bien, on permet aux organismes de le mettre en place et de répondre aux
problématiques propres à leurs communautés. Merci.
M. Croteau (Martin) : Joyeuses
fêtes!
Mme Vallée
:
Merci, joyeuses fêtes!
(Fin à 14 h 8)