(Treize heures seize minutes)
La Modératrice
: Alors,
bonjour à toutes et à tous. M. Harold LeBel, porte-parole du Parti québécois en
matière de solidarité sociale et de lutte contre la pauvreté, va faire une
déclaration. Il est accompagné aujourd'hui de M. Serge Petitclerc, qui est
porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté; de M. Luc Vachon,
président de la Centrale des syndicats démocratiques; de Mme Ann Gingras,
présidente du Conseil central de Québec—Chaudière-Appalaches; et enfin de
M. Christian Daigle, qui est président général du Syndicat de la fonction
publique et parapublique du Québec. M. LeBel, la parole est à vous.
M. LeBel : Oui. Merci. On a
commencé l'étude du projet de loi n° 173 sur le revenu de base aujourd'hui.
En partant, j'ai mentionné qu'on allait appuyer le projet de loi parce qu'il
donne certaines avancées aux personnes avec des contraintes sévères à l'emploi.
On a rencontré les groupes de personnes handicapées, qui veulent l'adoption du projet
de loi, mais qui veulent aussi qu'on l'améliore. Ça fait qu'on va faire notre
travail de législateurs pour essayer d'améliorer ce projet de loi là.
La première chose qu'on voudra faire,
c'est rediscuter l'histoire du délai. Le ministre n'aime pas qu'on appelle ça
le purgatoire, mais c'est quand même un purgatoire de laisser les gens dans la
misère, à la solidarité sociale, pendant cinq à six ans avant d'avoir accès à
un vrai revenu de base pour sortir de la pauvreté. Quand le ministre nous parle
qu'il veut sortir 100 000 personnes de la pauvreté, 100 000,
c'est quand même 100 000 sur 800 000, ça fait qu'on est loin de
réaliser la sortie de pauvreté. Mais de cinq à six ans de purgatoire, on trouve
que c'est inacceptable. Le ministre nous propose un comité, un comité qui va
déposer son rapport après les élections, en décembre 2018. On trouve que ça n'a
pas de sens. Ça fait qu'on va continuer à poser des questions là-dessus.
On va aussi déposer un amendement, au
moment venu, pour exclure les pensions alimentaires du calcul à l'aide sociale.
Je pense que le moment est venu de le faire. Il y a un consensus à l'Assemblée
nationale. Si on ne le fait pas là, on ne réussira pas à le faire avant les
élections. J'espère qu'on va avoir la collaboration du ministre pour exclure
les pensions alimentaires du calcul de l'aide sociale.
Ce matin, j'ai rapidement... ce que je peux
vous dire, c'est qu'on voit, là, qu'il y a des difficultés dans la transition entre
la solidarité sociale et le revenu de base. Il y a encore des zones grises, il
y a encore des difficultés, et on va questionner le gouvernement pour avoir le
plus de précisions possible et, je le répète, annuler ce délai de carence. On
ne peut pas comprendre qu'il faut vivre cinq à six ans dans la misère avant de
réussir à avoir un revenu décent. On trouve que ça n'a pas de sens.
La Modératrice
: Merci.
Maintenant, M. Petitclerc.
M. Petitclerc (Serge) :
Oui, bonjour. Je tiens d'abord à remercier les organisations syndicales
présentes avec nous aujourd'hui, parce qu'en fait on a demandé l'appui des sept
organisations syndicales membres du Collectif pour un Québec sans pauvreté afin
de soutenir les six recommandations qu'on fait au ministre Blais à la
commission parlementaire sur le Programme de revenu de base, c'est-à-dire les
gens de… ici, on a la CSD, le SFPQ et la CSN. On a aussi les gens de la FTQ, de
l'APTS, de la FIQ et de la CSQ qui appuient nos recommandations. Et enfin, on
était là aujourd'hui pour dire trois choses.
D'abord, qu'évidemment c'est urgent
d'adopter le projet de loi n° 173, parce que, comme c'est un projet de loi
qui met en place un programme qui va être une avancée pour une partie des
personnes qui vivent à l'aide sociale, c'est important de l'adopter avant les
élections, avant la fin de la session parlementaire, mais aussi, ensuite,
d'adopter le règlement, faire en sorte que le programme rentre en vigueur le
plus rapidement possible.
On est ici ensuite pour dire que… Je sais
que M. Blais n'aime pas le terme de «purgatoire», mais il n'en demeure pas
moins que les intentions réglementaires précisent qu'il va falloir attendre
66 mois pour qu'une personne puisse avoir accès au Programme de revenu de
base. Nous, on considère que ce n'est pas une bonne idée. On trouve ça
arbitraire, discriminatoire et inutile.
Arbitraire, parce que ça repose sur un
concept assez discutable, c'est-à-dire celui d'évaluer la persistance des
limitations socioprofessionnelles. En réalité, on sait que le trois quarts des
personnes qui sont en solidarité sociale vont l'être pendant au moins
10 ans et plus. Alors, pourquoi faire poireauter les gens pendant cinq ans
avant qu'ils aient accès au Programme de revenu de base? On trouve que ça n'a
aucun sens.
On trouve ça discriminatoire, parce
qu'avec un tel délai ça exclut de facto les jeunes de 18 à 23 ans, qui
vont devoir attendre le fameux cinq ans et demi avant d'avoir droit au
programme, mais ça va exclure aussi des personnes à partir de 59 ans parce
qu'ils n'auront jamais droit au fameux Programme de revenu de base.
On trouve ça inutile, en définitive, parce
qu'étirer le calvaire de ces personnes-là pour leur donner un revenu
minimalement décent, ça risque d'affecter la santé de ces personnes-là à long
terme. Alors, il faut agir plus rapidement.
Pour terminer, je vais juste vous rappeler
nos cinq autres recommandations : que le gouvernement assouplisse les
critères menant à la reconnaissance des contraintes sévères à l'emploi; qu'il
soit possible d'accéder au Programme de revenu de base sans obligatoirement
passer par le Programme de solidarité sociale, on en a discuté ce matin
d'ailleurs; que le montant des prestations du Programme de revenu de base soit
inscrit dans le règlement et que la mesure du panier de consommation y soit
clairement identifiée comme le seuil auquel s'élèvera le revenu de base; que
l'atteinte de la cible d'amélioration du revenu à la hauteur de la mesure du
panier de consommation soit devancée, c'est-à-dire qu'on n'attende pas cinq ans
pour mettre en place complètement le programme; et enfin que le Programme de
revenu de base soit implanté dans les plus brefs délais, ce que j'ai dit au
tout début. Merci beaucoup.
La Modératrice
: Merci.
Maintenant, la parole pour M. Vachon.
M. Vachon (Luc) : Alors,
bonjour. Alors, on est ici pour appuyer le Collectif pour un Québec sans
pauvreté, et un des éléments majeurs, qui est frappant dans ce projet de loi
là, qui est une anomalie, c'est que c'est un projet de loi qui est là, à la
base, pour procurer un revenu pour couvrir les besoins essentiels et pour les
personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, et on leur impose un
parcours, donc le parcours de la solidarité sociale, qui va durer pendant cinq
ans et demi. Donc, pendant cinq ans et demi, on va laisser ces gens-là dans une
situation qui va se détériorer pour ensuite revenir, au bout de cinq ans et demi,
pour les aider, les aider financièrement à atteindre leurs besoins.
Donc, comment on peut s'inscrire dans un
parcours où on veut aider les gens à maintenir un niveau de vie décent, maintenir
des revenus pour couvrir les besoins, alors qu'on va forcer une dégradation de
leur situation pendant cinq ans et demi? Alors, ça n'a aucun sens. Donc, ce
purgatoire, il ne faut pas ce délai-là. Si des personnes ont des contraintes
sévères à l'emploi qui sont identifiées, elles doivent y avoir accès
immédiatement. Il n'y a pas de délai pour l'entrée en vigueur à ça. On doit
procéder immédiatement avant de laisser la situation se dégrader. Ça n'a pas de
sens. Puis après, il faut aussi assouplir la détermination des contraintes
sévères pour permettre réellement, concrètement, aux personnes d'avoir accès.
Je rappelle, c'est un revenu pour couvrir les besoins essentiels. Merci.
La Modératrice
: Merci.
Maintenant, Mme Gingras.
Mme Gingras (Ann) : Oui.
Bonjour. Alors, ça nous fait plaisir d'être ici pour appuyer le Collectif pour
un Québec sans pauvreté, mais en même temps, on doit prendre acte des
amendements ou du projet de loi que mène le ministre Blais en ce qui
concerne, entre autres, le délai de carence.
Vous savez, on parle beaucoup de plein-emploi
et de pénurie de main-d'oeuvre actuellement dans les régions. Chez nous, au
niveau de la Capitale-Nationale, Chaudière-Appalaches, c'est, à toutes fins
pratiques, le plein-emploi. Les personnes qui demeurent sans emploi ont des
contraintes sévères à l'emploi. Alors, il est clair que ces gens-là, c'est
impossible qu'ils puissent se placer, alors... d'ailleurs au niveau des
employeurs qui refusent de les embaucher en même temps. Et de les obliger
d'avoir un délai de carence de 66 mois est inacceptable, c'est indécent,
et on pense que, pour le ministre Blais, c'est une question de dignité
humaine pour ces personnes-là, qu'on soit capable de les reconnaître et qu'on
cesse de mettre des embûches davantage dans ce qu'ils vivent actuellement au
niveau de leur parcours de vie. Merci.
La Modératrice
: Merci.
Maintenant, M. Daigle.
M. Daigle (Christian) : Alors,
bonjour. Avec nos partenaires syndicaux, nous appuyons les revendications du
Collectif pour un Québec sans pauvreté. Pour nous, c'est important également
d'avoir un réinvestissement dans les services publics. Donc, dans toutes les
régions du Québec, on se doit de réinvestir à travers les centres locaux
d'emploi. Ces gens-là qui vont accompagner les gens qui ont des besoins, les
gens qui vont faire des demandes également aussi au niveau de l'aide sociale, ils
ont besoin d'accompagnement, ils ont besoin de se faire aider pour bien
identifier les besoins qu'ils ont, et trop souvent, on voit des coupures à
travers l'ensemble du réseau, au niveau des centres locaux d'emploi, des
coupures, des fermetures complètes d'un centre local d'emploi, des coupures de
postes également aussi.
Donc, en ayant moins de personnel sur le
terrain, c'est sûr et certain qu'on a plus de difficulté à accompagner ces
gens-là adéquatement, pour bien identifier leurs besoins et les aider,
justement, à pouvoir reprendre un chemin décent et avoir, par la suite, même un
délai de carence qui pourrait être aboli, qui pourrait les aider même à arriver
plus vite avec un revenu de base, parce que c'est un pas dans la bonne
direction, mais il faut en faire plus. Il faut aller plus loin à travers tout
ça, et un réinvestissement pour les accompagner puis les aider là-dedans va
être nécessaire, selon nous, à travers l'ensemble des territoires ou des
régions du Québec aussi. Merci.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Un petit mot pour conclure, M. LeBel? Peut-être résumer le tout pour
notre ami qui vient d'arriver?
M. LeBel : Bien, je pense que
tout le monde convient que, par rapport au délai d'attente pour le revenu de
base, cinq ans et demi dans la misère, cinq ans et demi, c'est trop long. Le
ministre le convient aussi, parce qu'il veut mettre en place un comité, mais le
comité va déposer ses recommandations après les élections, ça fait que ce n'est
pas...
Puis je rajouterais peut-être à ce que le
monsieur vient de dire en dernier, là, c'est important, là, avec le projet de
loi n° 70, là, le programme Objectif emploi, il est lancé depuis le 1er
avril. On me dit qu'il y a 1 300 personnes, un peu plus de 1 300
personnes qui sont des primodemandeurs à l'aide sociale, c'est-à-dire qu'ils
devront être rencontrés, définir un parcours. Moi, je pense qu'il faut que ça
se fasse bien. Ça prend du personnel qui les accueille, parce que, si ça ne se
fait pas bien, on le sait, ce que ça veut dire. Ça veut dire qu'après deux,
trois ou quatre mois, si la personne lâche son parcours, elle est coupée à
l'aide sociale, elle peut être obligée de vivre avec 400 $ par mois.
Ça fait que la démarche, il faut qu'elle
soit bien, et j'ai l'impression que le ministère n'est pas prêt depuis le 1er
avril.
La Modératrice
: Merci.
On va maintenant passer à la période de questions. Micro de droite,
Jean-Frédéric Moreau, Le Soleil.
M. Moreau (Jean-Frédéric) :
Bonjour à tous. Vous m'excuserez pour le retard, mais... Qui souhaite répondre,
là? Peut-être M. LeBel, j'adresserais la question à vous. Vous étiez là à
l'étude des crédits. Donc, étiez-vous peut-être satisfait de la réponse du
ministre Blais, qu'ils vous ont donnée aux questions que vous avez posées, mais
aussi à celles que les autres députés d'opposition ont posées, sur le programme
Objectif emploi, naturellement?
M. LeBel : Bien, sur le
programme Objectif emploi, c'est un peu d'inquiétude, là. Quand j'ai dit :
Est-ce que 1 300 nouveaux... des primodemandeurs en avril, est-ce que ça
correspond aux autres années? Là, j'ai demandé des tableaux, là, pour être
capable... vérifier avec les autres années, mais je trouve que c'est beaucoup.
1 370, peut-être, quelque chose du genre, je trouve que c'est beaucoup
puis je le dis encore, là, puis le monsieur du syndicat... Votre prénom?
M. Daigle (Christian) :
Christian Daigle.
M. LeBel : M. Daigle l'a bien
dit, tu sais, le personnel qui accueille, c'est important, parce que là il y a
un enjeu majeur, les primodemandeurs doivent s'impliquer dans le programme Objectif
emploi. S'ils ne sont pas rencontrés comme il faut puis s'ils n'embarquent pas
dans un vrai parcours qu'ils vont bien comprendre, qu'ils vont bien saisir, ils
risquent de l'abandonner, puis, s'ils l'abandonnent, c'est des coupures à l'aide
sociale, c'est les obliger à vivre avec 400 $ par mois. Vous voyez
l'ampleur de la tâche. J'ai l'impression que le gouvernement n'est pas prêt
depuis le 1er avril.
M. Moreau (Jean-Frédéric) :
Est-ce que les ressources sont suffisantes puis qu'est-ce que vous feriez
différemment, si vous étiez au pouvoir le 1er octobre prochain?
M. Lebel : Bien, nous autres,
ce qu'on... les coupures à l'aide sociale, là, si tu ne participes pas, là...
je cherche le mot, les...
Une voix
: Pénalités.
M. Lebel : Les pénalités.
Les pénalités, nous, on s'est battu contre. C'est sûr que, les pénalités, on
revient là-dessus, là, on abolit l'idée des pénalités. Puis on pense qu'il faut
un meilleur lien entre l'État, le gouvernement et les groupes communautaires,
les groupes qui peuvent aussi accompagner les personnes, défendre leurs droits.
C'est ce qu'on ferait, mais il faut prendre le temps comme il faut d'avoir
les... puis avoir les ressources suffisantes pour rencontrer le monde.
M. Moreau (Jean-Frédéric) :
Gabriel Nadeau-Dubois avait demandé au ministre son... avait questionné,
c'est-à-dire, son sens de la justice. Vous, vous pensez quoi du sens de la
justice du ministre Blais? Est-ce que 400 $ par mois, comme demandait
votre collègue de Québec solidaire, c'est suffisant pour avoir un revenu de
base?
M. Lebel : Bien, le
400 $... c'est parce qu'il disait : Après les pénalités, tu es obligé
de vivre avec 400 $. Mais moi, je ne suis pas le genre, là, à commencer à
se poser la question sur le sens de la justice d'un et de l'autre. Je trouve
que ça ne fait pas avancer grand-chose puis j'ai une bonne collaboration avec
le ministre pour répondre aux questions. Je ne veux pas jouer là-dedans, sauf
que concrètement on a un projet de loi, là, qui oblige les gens à un délai, à
un purgatoire qu'on appelle, de cinq à six ans à l'aide... à la solidarité
sociale avant d'arriver à une vie décente. Ça, là, c'est concret. Ça, on est
contre ce délai-là. On veut voir comment on pourrait le définir autrement. Ce
qu'on a devant nous, c'est un comité qui va déposer des affaires après les
élections. On trouve que ça n'a pas de sens.
Puis l'autre chose qui est importante, puis
on ne lâchera pas le morceau, c'est d'intégrer un amendement pour soustraire
les pensions alimentaires du calcul de l'aide sociale. Si on ne le fait pas là,
on ne le fera pas avant les élections. Et la loi est ouverte, c'est le temps de
le faire, et je m'attends à une collaboration du ministre.
M. Moreau (Jean-Frédéric) :
Pensez-vous qu'elle va être adoptée, la loi, avant la fin de la législature?
M. Lebel : Oui, oui, oui. On
va s'organiser pour l'adopter. Les gens sont plutôt d'accord, parce que, comme
disait M. Petitclerc, il y a un pas en avant pour beaucoup de personnes
qui vivent dans l'aide sociale, les personnes handicapées. Tu sais, il ne faut
pas... on va l'adopter, là, que personne ne se pose des questions, mais on va
faire notre job. On a des questions à poser. Ce matin, on a trois, quatre
articles... déjà là, dans un des... on a été obligé de le suspendre parce qu'on
n'avait pas toutes nos réponses. Ça fait que, vous voyez, on va faire notre
travail comme il faut.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Merci à tous.
(Fin à 13 h 30)