(Quatorze heures trente-cinq minutes)
Mme Weil
: Donc,
bonjour. J'ai présenté aujourd'hui le projet de loi n° 188 à l'Assemblée
nationale, qui vise à confier au Directeur général des élections un mandat
limité dans le temps, en lien avec la protection des renseignements personnels
des électeurs.
Plus précisément, le projet de loi vise à
modifier la Loi électorale afin de prévoir que le Directeur général des
élections aurait les pouvoirs d'examiner et d'évaluer les pratiques des partis
politiques en matière de protection des renseignements personnels des électeurs
et en ferait rapport à l'Assemblée nationale au plus tard le 1er octobre 2019. Ce
rapport, dans lequel le DGE pourrait notamment recommander des mesures quant à
la protection de la vie privée des électeurs, serait étudié par la commission
compétente de l'Assemblée nationale.
Dans la foulée des révélations des derniers
mois sur la scène internationale à propos de l'utilisation de renseignements
personnels recueillis notamment sur Facebook pour prédire et influencer le vote
des électeurs, plusieurs questions entourant l'utilisation des renseignements
personnels des électeurs québécois se sont posées. Ces questions sont légitimes
et c'est pourquoi il est important pour le gouvernement d'agir à cet égard. L'adoption
d'un projet de loi permettrait de conférer expressément au DGE l'autorité de
faire un examen des pratiques des partis politiques en matière de protection
des renseignements personnels.
Le Directeur général des élections est un
tiers indépendant. En raison de cette indépendance mais aussi de sa neutralité,
de sa connaissance des partis politiques et des enjeux auxquels ils font face,
il s'agit de l'organisation la plus apte à réaliser cet exercice et recommander
des actions pertinentes. Le projet de loi présenté aujourd'hui aborde la
situation de façon globale et vise à obtenir le portrait le plus complet et le
plus juste qui soit de la situation.
Ainsi, le projet de loi prévoit que
l'évaluation du DGE porterait sur l'ensemble des renseignements personnels des
électeurs, que ceux-ci aient été obtenus auprès du DGE — je pense ici
aux listes électorales — ou par d'autres moyens. Aussi, afin de
permettre au DGE de mener à bien son évaluation des pratiques des partis
politiques, le projet de loi veille à l'outiller en lui confiant des pouvoirs
d'examen temporaires, analogues aux pouvoirs de vérification qui lui sont déjà
conférés en vertu de la Loi électorale. Le fait de lui accorder ces pouvoirs
vise à obtenir un portrait complet et basé sur les pratiques réelles des partis
et non uniquement sur des renseignements fournis volontairement par ces
derniers, comme ce serait le cas si un mandat était confié à une chaire de
recherche universitaire, par exemple.
Du reste, le projet de loi prévoit des
dispositions dans la Loi sur les élections et les référendums dans les
municipalités et dans la Loi sur les élections scolaires afin que le gouvernement
puisse, s'il y a lieu, éventuellement, et après l'avoir consulté, demander au
DGE un examen des pratiques aux paliers municipal et scolaire. En visant
l'ensemble des paliers électifs québécois, nous souhaitons apporter une réponse
globale aux préoccupations qui ont été soulevées par les électeurs.
Le projet de loi présenté aujourd'hui
répond aux demandes exprimées par le DGE le 5 avril dernier. Dès le
lendemain, j'avais d'ailleurs donné mon appui à la présentation d'un projet de
loi qui accorderait au Directeur général des élections les pouvoirs d'examiner
et d'évaluer les pratiques des partis politiques en matière de protection des
renseignements personnels des électeurs et d'en faire rapport à l'Assemblée
nationale. Tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale ayant
exprimé publiquement leur appui à la suggestion du DGE, j'ai confiance que nous
pourrons obtenir leur collaboration afin d'adopter rapidement ce petit projet
de loi de seulement quatre articles avant la fin de la session parlementaire.
Considérant les préoccupations exprimées par la population du Québec, il
apparaît important de confier dès à présent un mandat au DGE accompagné des
pouvoirs requis.
En guise de conclusion, j'aimerais
reprendre les mots du Directeur général des élections dans sa lettre du 5
avril, et je cite : «Au coeur de ces échanges devrait se situer une seule
et unique préoccupation : protéger les renseignements personnels des
électrices et électeurs. L'examen des pratiques existantes quant à la collecte,
à l'utilisation, à la communication, à la conservation et à la sécurité des renseignements
personnels des électrices et électeurs permettrait de dresser un état de situation
qui paverait la voie à un encadrement législatif tenant compte des pratiques
réelles des partis et aussi répondre aux attentes légitimes de la société
québécoise.»
Je vous remercie de votre attention.
La Modératrice
: Nous
en sommes maintenant à la période de questions. Mme Weil est attendue à 3
heures en salon bleu, donc limitez vos questions à environ deux par personne.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour, Mme Weil. Pouvez-vous expliquer, dans un premier temps, pourquoi c'est
nécessaire d'y aller avec un projet de loi pour donner ce mandat au DGE?
Mme Weil
: Oui, en
effet, donc, quand il y a eu débat, on parle de la fin du mois de mars et début
avril, le Directeur général des élections nous a dit qu'il avait besoin d'avoir
les pouvoirs nécessaires et que ce serait en vertu de la loi pour faire cette vérification,
d'aller examiner les pratiques pour faire des recommandations. Donc, c'est ces
pouvoirs-là qu'on lui confère dans ce projet de loi.
Mme Plante (Caroline) : Pourquoi
avoir attendu si tard dans la session pour déposer ce projet de loi? Et est-ce
que vous vous attendez à ce qu'il soit adopté d'ici une semaine?
Mme Weil
: Oui. Bien,
l'idée, parce que c'est un petit projet de loi... il a quatre articles, mais le
dernier, c'est tout simplement la date de mise en vigueur, donc essentiellement
c'est trois articles. Mais il y a eu un consentement exprimé. Mais c'est sûr qu'il
y a eu des échanges entre les partis, de façon privée, et des préoccupations
qui ont été exprimées, et on pense qu'avec ce projet de loi on vient rallier
les partis politiques autour de cet objectif commun, comme je le répète,
consensus qui a été établi. Mais donc c'est un travail sérieux au sein du gouvernement,
un travail sérieux qu'on a fait, et donc je vous dirais que c'est quand même
assez rapide. Avec mon expérience gouvernementale d'adopter des projets de loi,
on a agi vite.
Mme Plante (Caroline) : Mais,
manifestement, il n'y aura pas de changement avant le scrutin du 1er octobre
2018.
Mme Weil
: Bien,
l'important, c'est de bien faire le travail et de permettre au Directeur
général des élections de tout de suite venir regarder les pratiques. De toute
façon, les recommandations que le directeur fera, c'est l'Assemblée nationale
qui en sera saisie, et c'est important, en matière de réforme, si on veut... en
matière électorale, ça prend toujours le consentement des partis politiques.
Donc, l'endroit parfait pour faire ce genre de travail, c'est à l'Assemblée
nationale. Donc, son rapport sera déposé, la commission désignée sera saisie et
donc transmettra donc ses commentaires par rapport à la consultation, et c'est
sûr que le Directeur général des élections viendra expliquer.
Alors, l'important, c'est qu'il sera déjà
en action, et quel meilleur moment que lorsqu'il y a des élections qui se
préparent. C'est là que les partis politiques sont actifs, c'est là qu'ils
travaillent. Et évidemment le Directeur général des élections sera certainement
sensible au fait que les partis travaillent fort aussi pour les élections,
comme lui.
Mme Plante (Caroline) : Sur
le fond, ça fait quand même plusieurs mois qu'on réfléchit à cet enjeu. Est-ce
que vous vous posez de nouvelles questions suite à ce qu'on a vu, au scandale
Cambridge Analytica? Quelle est votre réflexion et quelles questions vous
posez-vous?
Mme Weil
: Moi, je vous
dirais que toutes les sociétés y réfléchissent. On s'est aperçu que le monde a
changé avec... on pouvait s'en douter, peut-être, certains, les experts s'en
doutaient, mais, avec ce scandale de Facebook et Cambridge Analytica, il y a eu
un réveil, un réveil assez brutal et un réveil soudain. Et donc on a déjà des
réflexions au niveau fédéral, on a la Colombie-Britannique qui a déjà son
approche.
Et je pense que nous, on a considéré...
moi, je considérais que le fer était chaud et qu'on avait l'occasion de saisir
l'occasion pour agir rapidement, rassurer les gens. En plus, on a des élections
qui s'en viennent, quel meilleur moment pour agir. Alors, on a pris le taureau
par les cornes et on a dit : On va rassurer les électeurs, on va leur dire
qu'on est capables d'agir bien, rapidement et tous ensemble.
Mme Plante (Caroline) : Que
voulez-vous savoir, précisément? Vous demandez au DGE d'aller étudier, évaluer
les pratiques des partis politiques. Qu'est-ce que vous voulez savoir,
précisément?
Mme Weil
: Bien, je
viendrai réitérer les paroles du Directeur général des élections lui-même :
Au coeur de ce projet de loi et de nos préoccupations, c'est la protection des
renseignements personnels. Il faut toujours s'en souvenir. Pourquoi est-ce
qu'on est là? Pourquoi on fait ça? Qui est-ce qu'on vise? Alors, c'est les
électeurs et les électrices qu'on veut protéger.
Maintenant, si on veut faire un
diagnostic, c'est qu'on ne connaît pas nécessairement l'usage qui en est fait,
les problèmes. Alors, pour trouver des bonnes solutions... Mais on peut bien se
douter que les meilleures pratiques... ce n'est pas nécessairement à la portée
de tous de connaître les meilleures pratiques. Donc, je pense que cet exercice
sera, en bout de ligne, très, très utile pour les partis politiques. C'est
comme ça que je le vois. Et donc l'occasion s'est présentée, et on a agi vite.
On a agi vite, je vous dirais, le gouvernement, parce qu'il y avait beaucoup de
volonté et une fenêtre qui s'est ouverte. Alors donc, on viendra rassurer les
électeurs québécois avec l'arrivée des élections qui s'en viennent.
Mme Plante (Caroline) : Sur un
autre sujet, sur le lobbyisme, le Commissaire au lobbyisme aimerait avoir le
rapatriement du Registre des lobbyistes chez lui pour pouvoir le gérer, faire
des changements. Où est-ce qu'on est rendus sur cette question-là?
Mme Weil
: Bien, on a
eu des discussions avec lui et on comprend tout à fait l'importance de cet
enjeu. Et le Commissaire au lobbyisme, il est venu nous voir, je l'ai
rencontré, il a rencontré tous les partis politiques, tout le monde est
d'accord, ce serait bien plus efficace comme système. Maintenant, le système
actuel fonctionne. Je pense que c'est important de dire ça par ailleurs. C'est
au ministère de la Justice, ça fonctionne bien.
Mais étant donné le temps qu'il nous
reste, moi, je pense que ce serait à l'ordre du jour d'un prochain
gouvernement, ça serait une priorité. En tout cas, moi, comme députée, si je
reviens, si les électeurs me réélisent, ce serait un enjeu important pour moi,
parce qu'on a eu beaucoup d'échanges avec le Commissaire au lobbyisme, et c'est
important pour lui, alors on agirait.
Mme Plante (Caroline) : Donc,
il n'y a rien qui peut être fait avant le 15 juin.
Mme Weil
: Là, ce ne
serait pas possible avec le temps qu'il nous reste. On a eu cette discussion
avec le commissaire, mais on l'a rassuré que de toute façon le prochain
gouvernement, c'est dans quelques mois. Les gens s'imaginent que c'est très,
très loin dans le temps. Et tout le travail qui est fait n'est jamais perdu.
J'ai déposé un autre projet de loi. On met la table pour le prochain
gouvernement, et donc tous les députés qui reviennent vont se souvenir de cette
préoccupation qu'a le Commissaire au lobbyisme pour agir.
Des voix
: Merci.
(Fin à 14 h 47)