(Treize heures vingt-neuf minutes)
M. Leitão : Alors,
bonjour. Merci d'être là. Compte tenu de la situation économique et financière
du Québec, les Québécoises et Québécois étaient en droit de s'attendre à ce que
le gouvernement respecte ses engagements en matière de diminution du fardeau
fiscal et de réinvestissement dans les services. Ce que l'on trouve
aujourd'hui, c'est bien pour les entreprises, mais absolument rien pour
améliorer les services, notamment en éducation. Donc, quant à nous, la mise à
jour d'aujourd'hui, c'est un rendez-vous manqué.
Et il y avait de la place, il y avait de
la place financièrement, et on ne comprend pas pourquoi est-ce qu'il fallait
attendre jusqu'au budget. Les montants sont là, le surplus est là, il est bien
réel, bien concret, les marges de manoeuvre sont là, les besoins sont aussi là,
sont très criants, particulièrement en éducation. On sait que, si on veut avoir
un effet pratique sur, par exemple, l'engagement de nouvelles ressources,
c'était maintenant qu'il fallait faire ces annonces-là, pas au mois de mars,
maintenant.
Donc, en résumé, pour moi, et mon collègue
aura d'autres choses à dire là-dessus, cette mise à jour, c'est vraiment un
rendez-vous manqué. Peut-être...
M. Barrette : Oui. Alors,
peut-être pour rajouter, de mon point de vue comme critique du Conseil du
trésor. Évidemment, au Conseil du trésor, on va déterminer comment les sommes seront
dépensées dans le prochain budget, et, comme mon collègue le dit, et je vais
prendre un exemple pour l'illustrer, c'est un budget qui... je m'excuse, c'est
une mise à jour économique qui, à la case départ, est déséquilibrée,
déséquilibrée par rapport à la campagne électorale.
La campagne électorale était très claire,
il était question de promesses qui avaient une saveur, d'un côté, économique,
et, de l'autre côté, des investissements dans les services. Comme mon collègue
vient de le dire, aujourd'hui, absolument rien n'empêchait ce gouvernement
d'investir, dans les faits, dans les services, il n'y a pas de loi, il n'y a
pas de règle administrative. L'argent est aujourd'hui disponible, et aucun
investissement dans les services n'a été fait. En fait, la réalité, c'est que,
clairement, on pellette par en avant et on va passer à côté des attentes.
Je vous donne un exemple en éducation, et
c'est la même chose en santé. En éducation, par exemple, si on doit attendre le
budget prochain pour savoir ce que l'on pourra dépenser de plus dans le réseau
de l'éducation, bien, les budgets sont déjà en train d'être faits, c'est trop
tard. La conséquence, c'est que l'année prochaine, même si on fait une annonce
additionnelle qu'on ne prévoit pas dans cette mise à jour économique, l'argent
ne pourra pas être dépensé.
Alors, il y a un autre élément qui est
majeur. Non seulement, dans la mise à jour économique, il n'y a rien dans les
services, mais, en plus, comme on a fait beaucoup, beaucoup, de promesses en
termes d'infrastructures, vous constatez, dans l'introduction, qu'il est dit
formellement qu'on maintiendra le PQI, le Plan québécois des infrastructures,
au niveau actuel. En français, ça veut dire qu'on devra donc très
officiellement couper dans des projets qui sont déjà en marche. Ça, c'est une
réalité qui est incontestable. Maintenir les investissements en infrastructures
au niveau actuel, ce qui est écrit dans la mise à jour économique, nous amène à
l'abandon de plusieurs promesses. Parce qu'à la CAQ on a fait bien des
promesses, et, si on n'augmente pas le PQI, on ne peut tout simplement pas les
réaliser.
Alors, d'un côté, pour ce qui est des
services, il n'y a pas d'investissement, et moi, si j'étais personnellement
dans les grands réseaux de notre société publique, je serais aujourd'hui très
inquiet parce qu'il n'y a rien, et l'argent était disponible, et il était
possible de les investir aujourd'hui, ce qui n'a pas été fait. Et, en plus, on
dit clairement que, du côté des infrastructures, on n'a pas besoin d'expliquer
cet enjeu-là, je pense que tout le monde le connaît, bien, on maintient les
investissements, sans plus. On peut bien les qualifier d'élevés, on le sait
qu'ils sont élevés, c'est nous qui les avons élevés, hein, on a fait nos
devoirs, la CAQ aujourd'hui hérite d'une situation budgétaire idéale qui est le
fruit de notre travail. Mais, aujourd'hui, regardez ce qu'on fait, d'un côté,
on pellette par en avant et, de l'autre côté, on fait des annonces qui sont
très asymétriques, rien dans les services, tout dans les entreprises.
Mme Prince (Véronique) :
Mais, en même temps...
M. Leitão : Il y a quand même — excusez-moi — une
bonne nouvelle, quand même, quelque chose de positif dans cette mise à jour,
excusez-moi, le ministre des Finances a trouvé le plan en environnement. Ils
ont cherché dans tous les tiroirs, et ils n'ont rien trouvé, et là, finalement,
ils l'ont trouvé. Alors, vous allez voir, à la page B.39, je pense, de la
mise à jour, que tout est bien... oui, B.39, tout est bien étalé, tous les
plans, le programme. Et d'ailleurs, même, le ministre des Finances nous dit que
le Québec a pris les moyens nécessaires pour réduire les émissions de GES,
contrairement à ce que son premier ministre mentionnait en Chambre. Et donc
voilà l'aspect positif, ils ont trouvé le plan.
Mme Prince (Véronique) :
M. Legault, en fait, poursuit ce que vous aviez prévu dans votre dernier
budget, en très grande majorité. Est-ce que vous êtes en train de dire, dans le
fond, qu'il aurait fallu que vous fassiez plus, dans votre dernier budget, ou,
si vous aviez été réélus, vous auriez fait une mise à jour économique, vous
auriez donné plus? Tu sais, parce qu'en même temps vous vous retrouvez à vous
critiquer vous-même, en disant...
M. Leitão : Non, non,
non. Deux choses. D'abord, comme mon collègue a dit, c'est déséquilibré par
rapport à ce qu'ils promettaient. En campagne électorale, ils promettaient
toutes sortes de nouveaux programmes, des maisons pour aînés jusqu'aux
maternelles quatre ans, réduction de taxes, tout ça était étalé dans la
campagne électorale, éducation, première grande priorité, et ils n'ont rien
fait dans cette mesure. Et ils avaient les moyens de le faire. C'est maintenant
qu'il fallait le faire. Ils avaient les moyens de le faire.
Si nous, on était là, si c'était moi qui
étais aux finances maintenant, novembre, décembre 2018, avec les surplus qu'on
constate, mais oui, on aurait mis en place des mesures très concrètes pour
améliorer les services en santé et surtout en éducation parce qu'on sait qu'en
éducation il y a un délai très grand entre l'annonce d'une nouvelle mesure et
l'entrée en vigueur de cette mesure-là.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Mais pourquoi dites-vous que c'est maintenant qu'il fallait le faire? C'est-à-dire,
si le gouvernement Legault avait annoncé aujourd'hui de grandes dépenses dans
plusieurs secteurs, ne l'auriez-vous pas accusé, au contraire, d'être en train
de dilapider le coussin financier que nous avons aujourd'hui au Québec? En ce
moment, on pourrait dire qu'ils prennent leur temps, ils sont prudents.
M. Leitão : Non. Je pense
qu'ils sont trop prudents parce que le surplus, il est réel, il est constaté,
il est là, donc il y avait une marge de manoeuvre de 1,7 milliard qui
devait... qui pouvait être utilisée avant le 31 mars 2019. Donc, c'était maintenant
qu'il fallait agir, comme, d'ailleurs, nous l'avons fait au moins dans les
trois dernières mises à jour. En novembre, on avait toujours annoncé de
nouvelles mesures avant la fin de l'année fiscale.
M. Barrette : Et je vais
répéter, je vais reprendre l'exemple de l'éducation, aujourd'hui, ne pas
dépenser, ne serait-ce que dans les infrastructures, et d'annoncer qu'il y aura
des bonnes nouvelles au budget, quand on connaît le fonctionnement du réseau de
l'éducation, bien, on sait que les annonces qu'on va faire ne vont pas générer
de dépenses pour le gouvernement, dans la prochaine année, parce qu'elles vont
avoir été faites trop tard par rapport à la confection des budgets du réseau de
l'éducation. C'est comme ça que ça fonctionne.
Alors, d'un côté, le premier ministre est
complètement à côté de ses promesses, hein? On l'a entendu aujourd'hui réciter
sa campagne électorale à nouveau, il a la possibilité administrative et légale
de dépenser maintenant, il ne le fait pas, il pellette par en avant en sachant
que, dans la prochaine année, il ne dépensera pas ces sommes d'argent là. Ça, je
pense que les gens, s'ils le comprennent, comme vous allez le rapporter, bien,
ils vont peut-être se sentir un peu floués.
M. Cormier (François) :
Les familles recevront 500 $ de plus pour deux enfants, 1 000 $
de plus pour trois enfants, c'est quand même considérable. Vous parlez d'une
déception pour les familles dans votre communiqué. Pourquoi est-ce que c'est
une déception?
M. Leitão : Ils avaient
annoncé, dans leur campagne électorale, des programmes beaucoup plus généreux
que ce qui est annoncé ici aujourd'hui. Particulièrement, ce n'était pas notre
proposition, mais ils avaient beaucoup parlé d'éliminer le tarif additionnel
pour les garderies. Maintenant, tout ce qu'ils feront, c'est de geler le tarif.
Écoutez, geler le tarif, ce n'est rien. Et d'ailleurs c'est toujours une très
mauvaise idée de geler un tarif. Ou bien on l'abolit ou alors on va l'indexer.
Mais de geler un tarif, ça ne fait pas de sens. Donc, c'est décevant par
rapport à leurs promesses, c'est décevant ce qu'ils ont annoncé aujourd'hui.
Mme Prince (Véronique) :
Donc, ils auraient dû maintenir l'indexation? Ça aurait été quand même des
coûts de plus pour les familles.
M. Leitão : Mais
l'indexation, vraiment, c'est très peu. Ils auraient pu, s'ils voulaient être
conséquents avec leur campagne électorale, réduire le tarif additionnel, mais
ils ont choisi de ne pas le faire, ils vont le faire plus tard. Moi, je ne
l'aurais pas fait, non.
M. Barrette : Et je vais
renchérir sur les familles. Les familles aussi s'attendaient à des meilleurs
services, à des améliorations, et on n'a rien. Je n'ai même pas parlé des
organismes communautaires, par exemple. Il n'y a rien. Il y a un petit
20 millions, là, 3 500 autos, pour l'environnement, c'est tout. Alors,
c'est relativement vide.
Alors, comme je l'ai dit, c'est un énoncé
budgétaire extrêmement asymétrique, tout est du côté des entreprises. Alors,
c'est sûr qu'on doit aider les entreprises, mais on nous a promis énormément,
un équilibre entre l'économie et les services; on a aujourd'hui un énorme
déséquilibre. Alors, la population, aujourd'hui, demain matin ou ce soir va se
réveiller, c'est le cas de le dire, avec des promesses qui commencent déjà à
disparaître. C'est ça, la réalité de cet énoncé budgétaire là.
Je vais en rajouter une autre. Le premier
ministre, dans son discours aujourd'hui... D'ailleurs, on n'a pas compris
pourquoi le premier ministre était avec son ministre des Finances. Il me semble
que le ministre des Finances aurait pu faire ça seul, tout comme on n'a pas
compris pourquoi, nous, les partis d'opposition, n'avions pas été invités au
huis clos — on était ici, au parlement — avec des documents
sur des tables. On n'a pas été invités, c'est surprenant.
Mais il y a un autre élément que M. Legault
a dit dans son discours. Il a dit que son président du Conseil du trésor était
à la recherche d'économies dans la bureaucratie. Est-ce qu'il nous annonce
aussi des coupures? Est-ce que, ça, c'est annonciateur ou plutôt c'est
corroborateur du fait qu'il n'y a à peu près aucune annonce dans les services
actuellement? Alors, moi, je vous dis une chose, les familles s'attendaient à
un certain nombre de choses, compte tenu des promesses, elles s'attendaient
aussi à des investissements dans les services, et il n'y en a pas.
Et, quand on regarde ce qui est dans cet
énoncé budgétaire là, pour ce qui est des grands réseaux, essentiellement,
c'est des coûts de système. Alors, c'est très décevant. Si, moi — j'ai
parlé d'éducation, je parle maintenant de santé — je suis un employé,
un professionnel dans le réseau de la santé, bien, ça, c'est plus qu'un
rendez-vous manqué, là, ça, c'est un abandon d'une promesse. Alors, où est-ce
que c'est écrit là-dedans qu'on va améliorer les conditions du personnel? C'est
où? Nulle part. Et la meilleure démonstration de ça? Regardez les chiffres,
c'est à peu près les coûts de système.
M. Leitão :
Perhaps...
Une voix
:
...in English.
M. Leitão :
Yes. Perhaps I can start by saying that, in our view, this update, economic
update, it's a missed opportunity. There's absolutely nothing in it that goes
along with their campaign promises, and yet they had the margin, they had the
funds. There is a real surplus that exists, and that surplus should have and
could have been used to fund public services. There's absolutely nothing on new
investments in public services, and we know from experience that, especially in
education, it is now, in November, December, that you have to announce new measures
for them to come into effect in the next fiscal year. By March, it will be too
late, for whatever new measures they announce in education, for those new
measures to come into place fairly quickly. So, there's a huge missed
opportunity.
Mme Senay (Cathy) : As a former Finance minister, you probably would have told us :
Well, it's an economic update, it's not a budget, so, it's normal that... it's
the state of the finances of the Government, and then some measures here and
there to give some signals, so... But so, basically, your expectations were
higher?
M. Leitão :
Yes, but, you know, the size of the document was about
the same as we had it in the last two or three times. In the last two or three
times, we always announced... along with an update of the economic outlook, we
also announced some specific measures in education and in health cares. We did
that the last three updates. That's why we were hoping and waiting to see
something like that in this update as well, and they didn't. Well, they did
match the federal move on accelerated amortization, that's fine. But, on public
services, there's noting and that's hugely disappointing.
Mme Senay (Cathy) : What's the most disappointing for you? Seniors, they do have a
little bit of amount?
M. Leitão : Yes, you know, and that's fine. But, in terms of public services,
health cares, education, the «monde communautaire», so the community groups,
there's absolutely nothing,
agriculture and all that, but especially in social services, there is absolutely nothing. And yet the money was
there, the margin was there, they could have and they should have announced new
measures in social services.
Mme Senay (Cathy) : Tackling climate change, do you have the impression that it gives
the tone?
M. Leitão : Well, actually, that's the upside or the positive aspects of the
report, it's that they did find the plan. On page B.39, they do indicate all
the components of the Government's plan to reduce greenhouse gas emissions, which had been in place
for quite a while. So M. Legault had said, in the «salon bleu», that, you
know, they looked in all the drawers, couldn't find anything. All of a sudden,
his Finance minister found the
plan. So, at least, that's positive.
M. Barrette : And if I may add to that. If the plan coming from the CAQ is about
3,200 electric cars on the roads, if that's it, because that's it in this document, that's not a lot.
Mme
Fletcher (Raquel) : On the debt repayment
plan, you set out a five year plan to repay about $10 billion, and they're
saying that they want to do that this year, so they are adding $8 billon...
M.
Leitão : Yes, this year, and $2 billion
next year, yes.
Mme
Fletcher (Raquel) : Is that a good idea or a
bad idea?
M.
Leitão : Listen, the idea... I wouldn't have
done it this way. I would have done it, as we have said, $2 billion per
year over five years. I feel that, in fact, between now and March 31, in
fact, it's $6 billion that they want to pay, because two have already been
paid, then it's six in the next year, after March it's another two. So $6 billion
between now and March 31, I think it's too rushed, I think it's too fast.
The portfolios managed by the Caisse de dépôt have
quite a bit of illiquid assets. So, what are they going to do? Are they going
to force the Caisse de dépôt to liquidate assets? Are there be some sort of a
fire sale of... So I'm uncomfortable with the rush nature of repaying $6 billion
in just three months.
Mme Fletcher (Raquel) : But philosophically, I guess...
M. Leitão :
We were going in the same direction. $10 billion to repay that, I think
that's reasonable, but not $6 billion in three months. That's too fast.
M. Barrette :
And again, it is an imbalanced economic update. As we said, it's all in one
side and basically nothing on the other side. People were expecting improvement
measures to be put in action today. It's not the case. So there are tougher
days ahead if we conclude from what is been written in this update.
Mme Fletcher (Raquel) : So, just on that point. Because Mr. Legault mentioned a number of
big ticket issues that he said would be in the next spring budget, like their
plan for CHSLDs, pre-kindergarten at four years old, lowering school taxes. Are
you concerned that, in the spring, we're going to get a huge surprise compared
to this economic update?
M. Barrette :
They could have done that today.
M. Leitão :
Yes, they could have done that today...
M. Barrette :
There is absolutely no rule, no law, no legislation or whatever, that would
have prevented them to do that today. So, if they do it later, it's for that
money to be spent later or maybe for the people to forget about it. In my view,
it is a way to go by their promises. It's obvious to me. If you wait six months
down the road, it's because you don't want to spend or maybe not spend at all
what you've promised. That's the way it works. They could have done that today,
including infrastructures. There are a whole set of projects that are ready to
go forward, and, at some point, you need to have the money to do that. I've done
that, I've been there and did it many times. You wait for the money to be
available. It is available today, they chose to postpone it, and there is only
one reason for that. To make people forget about it and not do it or do it so
late that it will come to a point when they will say : Well, we can't do
it anymore. So it's a very... I don't know how to qualify it in English, but
it's...
M. Leitão :
Disappointing.
M. Barrette :
...yes, it's disappointing.
Mme Fletcher (Raquel) : Is it sneaky?
M. Barrette :
Ah! Maybe.
Des voix
:
Ha, ha, ha!
M. Barrette :
...manoeuvre!
Mme Fletcher (Raquel) : Thank you, thanks a lot.
M. Leitão : Merci.
(Fin à 13 h 48)