(Onze heures trente-cinq minutes)
Mme Dorion : Bonjour, merci
d'être là. Vous avez peut-être entendu, je viens de poser une question à la ministre
concernant la protection du patrimoine sur l'île d'Orléans. En fait, les
citoyens, depuis plusieurs mois, font état d'un état de... de leur état
d'exaspération avancé face à toutes sortes de complications pour obtenir des
permis pour avoir le droit de faire des rénovations, des choses qui n'ont même
pas rapport avec le plan de conservation du patrimoine. Donc, ils ont fait
faire une pétition. Ils ont eu 1 200 noms. Ils ont envoyé trois lettres à
la ministre. Il y a eu un article dans le journal. Ils se sont bien mobilisés.
Alors, aujourd'hui, ils sont ici pour nous parler de ces excès, de ces
absurdités dans le traitement du patrimoine à l'île d'Orléans. Et vous avez
peut-être vu que j'ai mis la ministre en contradiction avec l'idée de troisième
lien qui menace de passer directement sur l'île d'Orléans. Donc, les citoyens
sont là pour vous en parler.
Une voix
: Merci, Mme
Dorion. J'ai la chance effectivement de vivre à l'île d'Orléans. Dans le Répertoire
du patrimoine culturel du Québec, qui est conçu et qui est réalisé par le ministère
de la Culture, on peut lire que «le site patrimonial de l'île d'Orléans est un territoire
à caractère rural couvrant la totalité de cette île [...]. [...] Maisons
anciennes, dépendances agricoles, résidences de villégiature, [...]noyaux
villageois, anses, milieux humides côtiers, bois et escarpements animent ce
paysage. [...]Ce territoire déclaré site patrimonial [en 1970] compte [six
villages], quelque 3 600 bâtiments, parmi lesquels 19 sont classés
immeubles patrimoniaux.»
Qu'est-ce que ça veut dire, ça, exactement,
pour nous qui y vivons? Bien, ça veut dire accepter de faire avec le plan de
conservation qui existerait justement pour protéger ce caractère patrimonial.
Par exemple, je dois peindre ma maison en blanc. Je dois demander un permis, je
dois faire approuver tous mes plans et matériaux. La demande de permis, elle
peut ressembler aux 12 travaux d'Astérix, via trois paliers
gouvernementaux dont fait partie le ministère de la Culture et des
Communications. Le processus est long, il est compliqué. Les réponses peuvent
être frustrantes et extrêmement chères.
Alors, pourquoi, dites-moi, la ministre,
qui a une responsabilité dans l'application de ces règles, reste-t-elle
silencieuse devant la possibilité que l'on passe le troisième lien sur l'île,
avec ses tonnes de béton, ses bretelles d'accès, son autoroute à quatre voies,
ses poids lourds, son bruit, sa pollution? Excusez-moi, mais, moi, il y a
quelque chose là-dedans que je ne comprends pas de la vision de la CAQ. Est-ce
qu'ils vont le peindre en blanc?
L'île d'Orléans, elle appartient à tous
les Québécois, elle est unique, elle est précieuse, elle est magnifique, elle
est irremplaçable. On devrait plutôt penser à lui créer un statut de trésor
national qui la protégerait enfin de tous ces projets insensés qui n'ont pas
leur place.
Moi, j'espère sincèrement que la ministre
de la Culture va jouer son rôle de protectrice du plus grand site patrimonial
du Québec et se dresser haut et fort contre le projet de troisième lien.
M. Caron (Dany) :
Bonjour. Mon nom est Dany Caron. Je suis résident de
Saint-François-de-l'Île-d'Orléans depuis une douzaine d'années. J'ai acheté une
maison centenaire qu'on réside, moi et ma famille. Depuis quelques années,
notre toiture est due pour être remplacée, une toiture de bardeau d'asphalte.
Nous avons fait des démarches, auprès du Bureau du patrimoine, pour pouvoir
remplacer ça par un bardeau d'asphalte, un meilleur cachet ornemental. Et puis,
jusqu'à présent, on a essuyé des refus sans nécessairement beaucoup
d'explications autres que notre maison devait retourner comme elle était
anciennement, non pas comme elle est actuellement, mais vraiment comme elle
était anciennement, qui était de la tôle traditionnelle canadienne.
Surprenamment, en fait, nos voisins et d'anciens natifs de l'île d'Orléans qui
ont habité la maison, il y a de cela même 50, 60 ans, nous confirment
qu'il n'y a jamais eu de tôle traditionnelle sur cette maison-là, ce qui amène
quand même une certaine incohérence, là, dans le message qui est annoncé.
Et puis il faut quand même constater aussi
que c'est un écart monétaire assez important entre bardeaux d'asphalte,
15 000 $, versus toiture de tôle de 70 000 $. Et puis il ne
semble pas y avoir d'ouverture actuellement au niveau du bureau du patrimoine
pour faire accepter notre demande de toiture, ce qui engendre, avec le délai,
une dégradation quand même assez avancée. Pas plus tard qu'en fin de semaine,
avec les grands vents, il a fallu qu'on ramasse des morceaux sur le terrain.
En fait, on arrive à un constat où on se
pose la question : Comment on peut régler ça, à court terme, pour, en fait,
s'assurer que le patrimoine actuel résiste aux intempéries, et jusqu'à ce que
le dossier se règle à plus moyen terme? Ça fait que, voilà, je vais laisser la
place à mon collègue.
M. Leclerc (Dominic) :
Bonjour. Moi, c'est Dominic Leclerc, habitant de l'île d'Orléans depuis
maintenant quatre ans. C'est la cinquième année cette année. Je vais vous faire
part de notre projet. Nous, on avait un projet. Dans le fond, on a acheté une
maison qui est classée historique. La maison a 125 ans, donc, pour ceux
qui connaissent un peu les maisons assez vieilles, c'est des maisons qui ont
été construites petites et avec des petites fenestrations, donc pas beaucoup de
luminosité.
Ça fait que nous, on avait comme projet, dans
le fond, de rajouter une véranda pour ajouter un peu de luminosité, un peu
d'espace habitable dans la maison. Ça fait que ça a quand même bien commencé.
On a eu une rencontre avec les gens du ministère, sauf qu'on s'est rapidement
rendu compte que les démarches allaient être vraiment difficiles et surtout
que, contrairement à ce qu'ils nous disaient, dans le plan de conservation, il
n'y a aucune marge de manoeuvre. C'est vraiment... Le plan est appliqué à la
lettre, sans aucune possibilité de négociation. Donc, après un an complet de
démarches et de... si on peut appeler ça des négociations, finalement, après
quatre fois qu'on a dû faire changer les plans par les architectes, au point où
est-ce que lui-même, l'architecte, il a fini par nous dire : Dites au
monde du ministère qu'il nous envoient les plans parce que là, on est tannés de
faire des changements. Ça fait que finalement, on arrive avec un résultat
qui... une fois qu'on demande les soumissions aux soumissionnaires, on arrive
avec un projet d'une petite véranda qui vaut plus que la moitié de la valeur de
la maison. C'est au-dessus de 100 000 $ juste pour une coquille pas
terminée, aucun aménagement de fait. Donc, on a dû abandonner le projet, c'est
complètement hors de notre moyen. Ça fait que ce qu'on trouve vraiment
déplorable, c'est qu'on se fait dire qu'il n'y a pas d'argent, que l'argent est
donné jusqu'en 2020.
Donc, nous, en achetant à l'île d'Orléans,
on avait des projets. On a une grange ancestrale bicentenaire sur notre
terrain, on voudrait la garder en vie. On voudrait faire en sorte qu'elle
puisse tenir encore 100 ans, mais, encore une fois, c'est des travaux qui
coûtent extrêmement chers. On a fait encore une soumission. C'est
90 000 $ pour tenir la grange debout, et on se fait dire qu'il n'y a
pas d'argent pour pouvoir nous aider. Donc, justement, aujourd'hui en m'en
venant à l'île, en m'en venant à Québec, il y a une autre grange qui a tombé. Si
vous allez à St-François, vous allez en voir, sur le chemin en montant, au
moins... je peux dire qu'il y a quatre granges qui sont tombées dans la
dernière année. Je ne sais pas, mais, moi, ce que je sens, c'est que... le
ministère, avec sa politique, fait exactement...ce qui est en train d'arriver
dans la réalité, c'est exactement le contraire de ce qu'il veut faire. On est
en train de perdre, tu sais, les granges, perdre le patrimoine juste parce
qu'il y a... dans le fond, il n'y a pas d'argent, il n'y a pas une volonté de
pouvoir mettre un petit peu d'assouplissement puis de vouloir écouter les
personnes avec leurs réalités financières. Nous, en tout cas, sérieusement,
dans les dernières semaines, ma conjointe et moi, on a parlé sérieusement de
peut-être quitter l'île parce que, dans le fond, on voit que la liste des
avantages comparativement aux inconvénients, elle commence à diminuer, puis,
bon, on essaie de trouver des solutions parce qu'on l'aime, l'île, et on
voudrait rester en place, mais on ne sait pas si, à long terme, ça va pouvoir
être vivable. Merci.
Une voix
: Est-ce qu'il
y a des questions?
M. Dion (Mathieu) : Je suis
juste curieux de vous entendre sur la réponse. Vous avez posé la question en
Chambre tantôt, comment...qu'est-ce que vous avez interprété de sa réponse, là,
qu'est-ce que...
Mme Dorion : Bien, j'ai interprété
de sa réponse qu'elle ne savait pas quoi répondre parce que la ministre de la
Culture n'a... je n'ai pas l'impression qu'à l'intérieur du gouvernement, la
ministre pourrait dire quoi que ce soit au ministre des Transports s'il décide
de faire passer un troisième lien sur l'île d'Orléans. Mais on a beaucoup parlé
du troisième lien à l'est. On prend les citoyens de l'île d'Orléans en otage en
ce moment. Leur pont est dû, ils ont absolument besoin d'un nouveau pont
rapidement, puis on leur a dit : On va repousser ça à 2027, quand on saura
ce qu'on va faire avec le troisième lien. C'est une façon... c'est un peu comme
prendre les citoyens de la ville de Québec en otage avec le réseau de transport
structurant. Ce n'est pas comme ça qu'un gouvernement devrait fonctionner, ce
n'est pas en imposant des choses de force aux citoyens qu'un gouvernement
devrait travailler.
M. Dion (Mathieu) : Mais par
rapport à l'excès de zèle, par rapport aux citoyens, est-ce qu'on vous rassure,
au ministère, qu'il va y avoir de l'évolution, qu'on vous entend?
Mme Dorion : Bien, je pense qu'Esther
pourra peut-être en dire un peu plus long sur les réponses qu'il y a eu, sinon,
ce n'est pas... mais ce que je sais, c'est que, dans la réponse de la ministre,
elle disait : On est en discussion, on est en discussion. Bien, c'est là
qu'on va voir si elle est capable de vraiment améliorer des petits dossiers au
moins, parce que c'est vraiment des irritants majeurs, là, qui rendent le monde
fou, là. On peut déjà ... on sait tous ce que c'est que d'être pris dans des
paperasses puis des allers-retours bureaucratiques sur des années pour des
changements, des fois, qui sont mineurs. Les gens tombent en bas de leur chaise
à réaliser qu'ils ne peuvent rien faire, puis ce n'est même pas... souvent, ces
décisions-là ne sont même pas liées à la conservation du patrimoine. C'est
comme... il y a une espèce d'excès de zèle ou de trip de pouvoir un peu intense
que personne ne comprend, puis qu'il a fallu... qui a poussé les citoyens à
mettre, tu sais, à se concerter pour mettre énormément d'énergie pour régler un
problème qui, somme toute, est assez... serait assez facile à régler par la
ministre. Donc, on va voir, dans les prochaines semaines, si elle a un
quelconque pouvoir, finalement, si elle est capable de faire les choses.
(Fin à 11 h 45)