(Douze heures cinquante-sept minutes)
Mme David : Alors, merci
beaucoup d'être ici. Je pense que le projet de loi qui nous a été présenté ce matin
mérite quelques réactions, et je vous remercie évidemment de l'intérêt que vous
portez.
Vous savez, on m'a choisie comme porte-parole
de l'opposition officielle en matière de laïcité. Vous allez dire : Ce
n'est pas une juriste. Vous allez dire : Ah! est-ce que c'est parce que
c'est une femme? Est-ce que c'est parce qu'elle de formation en psychologie?
Mais je vous répondrais : peut-être un peu tout ça. Et ça me fait… je
prends ça avec énormément de sens, je dirais, des responsabilités parce qu'on
est face à un grand, grand, grand enjeu de société. Le Québec est une
société accueillante. Les gens qui peuvent être tout à fait en faveur du projet
de loi ne sont pas racistes. Il faut faire très attention aux mots qu'on va
employer, je serai extrêmement prudente. Les gens ont droit à toutes sortes
d'opinions dans une société, des opinions allant, on pourrait dire, d'un
extrême à l'autre. Ce qu'on n'aime pas, c'est les extrêmes en général. Je suis
considérée comme quelqu'un qui aime le consensus, et je me suis promis à
moi-même, et à mes collègues, et au caucus, que le débat devait se faire à la
hauteur de ce qui est en jeu dans notre société.
Ce qui est en jeu dans notre société, ce
n'est pas rien. Ce qui est en jeu dans notre société, c'est de mettre un
équilibre, certes, fragile, un équilibre toujours à repenser entre les droits
et libertés chèrement, chèrement acquis dans les 50, 60 dernières années, donc,
les droits et libertés des minorités. C'est pour ça qu'on a fait les chartes,
c'est pour ça que Jérôme Choquette a déposé, en 1975, sa Charte des droits et
libertés, adoptée à l'Assemblée nationale, ici même. Je n'y étais pas,
peut-être vous non plus, peut-être certains. Et on a adopté cette charte pour
respecter les droits des minorités et, en même temps, une identité québécoise,
qui existe, qui veut exister et qui voudra toujours exister : un fait
français, des valeurs communes, et le plus grand respect pour notre société
distincte.
Ceci dit, il y a le mot «équilibre»
là-dedans, et, dans le mot «équilibre», pensons, pensons aux luttes des
50 dernières années. On n'en parle pas beaucoup, de ça. Qu'est-ce que ça
veut dire, une charte des droits et libertés? Et ça me permet, du fait de ne
pas être juriste moi-même... et peut-être qu'ici il y a plein de monde comme
moi qui ne sont pas juristes. Vous vous posez des questions, vous essayez de traduire,
à vos lecteurs, qu'est-ce qui en est de tout ce débat-là, puis il y a énormément
de subtilité juridique, etc., et les avocats vont tous être là pour expliquer
la clause dérogatoire, c'est-u bon, ce n'est pas bon, dans quel moment on fait
ça, etc. Mais qu'est-ce qui est en cause? Les droits des minorités. Il y a eu des
combats terribles, des combats où des gens ont laissé leur peau, ont laissé
leur santé mentale, des combats pour les droits, par exemple, les droits des
mariages gais, les droits des homosexuels. On dit, au Québec : Ils sortent
du placard. Ils sont sortis du placard, c'en est un, droit des minorités, les
droits et libertés liés à l'orientation sexuelle, on parle de LGBT comme on
n'en a jamais parlé, on parle des droits des minorités religieuses. La société
a changé, le Québec a changé, la planète, les pays occidentaux ont changé. Ce
n'est pas juste nous, là, aujourd'hui, qui sommes intéressés par ce débat-là,
tous les pays essaient de trouver ce juste équilibre.
Donc, ce projet de loi là essaie de trouver
un équilibre, M. Jolin-Barrette l'a dit, mais pas nécessairement de la façon
dont, nous, au Parti libéral du Québec, depuis le début de son existence, mais
particulièrement les 50 dernières années, avons voulu voir le respect des
droits et libertés tout en affirmant l'importance de la spécificité du Québec
et du fait francophone, et d'autres choses comme ça.
Alors, notre position, je pense qu'elle
est connue, je pense qu'elle est claire. On est sorti, M. Arcand et moi,
au mois de janvier, on a dit que notre position était l'interdiction...
d'interdire ce port des signes, qui ne portent plus le nom «ostentatoire», vous
aurez remarqué, port des signes religieux.
Alors, où ça commence, où ça finit, il y a
déjà eu quelques confusions. J'écoutais le point de presse, là, l'alliance, qui
est un signe de religion x ou y, est-ce que ça va être permis, pas permis. Ce
qui est à l'intérieur des vêtements, est-ce qu'il va y avoir une police de
l'intérieur des vêtements, de la délation, etc. C'est grave, ça, ce dont il est
question, là.
On fait des débats en disant : On
veut terminer le débat, ça va être réglé au Québec le 16 juin 2019. En
plus, si c'est adopté sous bâillon, qui est quelque chose qui rajoute à la
gravité de la question, parce que ça voudra dire qu'on aura travaillé très,
très, très vit, il reste cinq semaines de travaux parlementaires, si on enlève
les 200 heures d'études de crédits, il ne restera pas beaucoup de temps.
Ça s'appelle vitesse grand V, et la démocratie n'est pas supposée se vivre
toujours en vitesse grand V.
Donc, le 16 juin au matin,
pensez-vous vraiment qu'on ne parlera plus de l'importance du vivre-ensemble?
Pensez-vous vraiment qu'on va avoir réglé toutes les questions par rapport
justement à ce vivre-ensemble et à cette inclusion? C'est totalement utopique.
Pensez-vous que, parce qu'une jeune fille qui étudie en ce moment en technique
policière et qui ne deviendra jamais policière, si elle veut continuer à porter
ses signes religieux... ou qu'une enseignante voilée, en ce moment, qui espérait
devenir directrice d'école parce que c'est le fun, dans nos carrières, de
progresser, va s'apercevoir qu'elle ne peut pas devenir directrice d'école? Si
une enseignante voilée qui veut changer d'école parce qu'elle déménage...
terminé. Alors, pensez-vous vraiment que tout ça va être réglé? Et pensez-vous
vraiment que la question de la religion va être réglée sur la planète Terre?
Bien, je regrette, la question de la religion, elle existe depuis des milliers
d'années, c'est une question d'une grande complexité.
Et quand la CAQ ou le ministre
Jolin-Barrette dit : Enlève ton signe religieux, tu n'as rien qu'à garder
ça pour chez vous, quand tu prends ta douche ou quand t'es dans ton salon, bien,
je regrette, ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la vie. Là, c'est la
psychologue qui vous parle, et celle qui a réfléchi beaucoup à la question de
la religion, une religion, et plusieurs auteurs ont écrit là-dessus. Allez
relire Jocelyn Maclure, allez relire Charles Taylor et d'autres; la question de
la religion, on la porte, cette religion-là, en nous. Certaines religions sont
moins visibles, d'autres le sont plus. Alors, la question de la religion, ce
n'est pas une question qui ne se passe pas entre 9 et 5, et qui se passe le
matin ou qui se passe le soir. Donc, l'espace privé, l'espace public, ce n'est
pas si facile que ça à régler.
Quand ils parlent, en plus, évidemment, de
la question de l'ex — pour nous — en fait, de l'actuelle
loi n° 62, qui est contestée, j'étais ici même à
parler de la question sécurité, de l'identification, de la communication, bien,
je vous annonce que, ce que j'ai entendu ne va pas vous simplifier la vie à
expliquer tout ça, je peux vous dire ça d'avance. Je peux vous dire que, quand
on va aller à l'Université McGill puis que les professeurs vont demander :
Que c'est que je fais avec mon étudiante qui a une burqa? Est-ce que c'est
juste quand elle veut poser une question dans une classe de grand groupe? C'est
là que ça s'applique ou, si elle ne dit pas un mot dans la classe parce que
c'est un cours magistral, puis qu'elle n'a pas le goût de parler, ça ne
s'applique pas? Posez toutes ces questions-là, vous allez voir. Vous avez déjà
commencé, d'ailleurs, à poser des questions qui sont un peu complexes.
Alors, nous, on va surtout, surtout porter
la voix des citoyens, des citoyennes qui aspirent avant tout à travailler dans
la société, à apporter leur expertise, et qui vont voir, justement, leurs rêves
vraiment brisés parce qu'ils ne veulent pas choisir entre religion et pouvoir
exercer un métier.
Vous savez, la compétence de quelqu'un...
Il y a des ordres professionnels, des juristes, par exemple, il y a des ordres
professionnels... il y a des ordres professionnels pour plein, plein, plein de
métiers, c'est beaucoup plus ce qui se passe entre les deux oreilles qui est
important que ce qui se passe sur la tête. Autrement dit, les préjugés, les
préjugés homophobes, des préjugés racistes, des préjugés contre les femmes,
des préjugés contre plein de choses, ce n'est pas un signe visible, mais ça
peut drôlement influencer un geste qu'un professionnel peut poser. Alors, c'est
beaucoup plus important de surveiller l'acte professionnel dans la façon dont
il le pose — et c'est pour ça qu'on a créé l'Office des professions
et les ordres professionnels, la déontologie, l'éthique — que de
savoir si la personne a un hidjab ou une kippa sur la tête, parce que ça, c'est
visible. Quelque part, c'est transparent, on le voit. On dit : O.K., mais
en quoi cela peut plus influencer que d'avoir des préjugés qui ne sont pas
visibles, mais qui peuvent drôlement changer la vie de quelqu'un?
Alors, pour nous, c'est incompréhensible,
au niveau même intellectuel. Au niveau du raisonnement intellectuel, ça ne
tient pas la route, et puis la religion fait... Quand tu es religieux, ce qui
est le cas de certains et d'autres, non, bien, c'est une religion qui, si tu
l'assumes, s'incarne selon les signes liés à la religion. C'est un choix
personnel, et puis le choix personnel de la neutralité de l'individu, de la
laïcité de l'individu, ce n'est pas la même chose que la laïcité de l'État.
Alors, ça ne veut pas dire que parce que
tu portes un signe religieux, tu représentes l'ensemble de l'État. Ce qu'on
veut, c'est un État laïque, ce n'est pas un individu laïque, et ça, je pense
qu'il y a plein d'experts qui vous ont expliqué ça puis qui ont écrit
là-dessus. Alors, je pense, c'est important d'aller les relire et de s'inspirer
de leurs réflexions.
Donc, il faut vraiment travailler en collaboration
dans ce débat-là. Je vous promets d'essayer d'être à la hauteur de ce que le
chef du parti, le chef intérimaire, M. Arcand, m'a demandé, le rôle qu'il m'a
demandé de jouer. Je vais le faire avec toute ma passion, je vais le faire avec
toute ma rigueur, et je pense que les autres partis d'opposition vont faire la
même chose, et j'espère qu'avec monsieur... avec le ministre de l'Inclusion,
qui est, en même temps, Immigration, même si vous avez vu sa réponse, c'est
très compliqué, il relève de deux patrons, les immigrants vont se sentir très
visés, mais, en même temps, il est celui qui... Enfin, ce n'est pas un rôle
facile pour lui d'avoir ces deux chapeaux-là, donc j'espère que... et il parle beaucoup
de la collaboration, on lui offre la collaboration, mais on lui offre la collaboration
avec un niveau de discours qui devra certainement être à la hauteur du projet
de loi qu'il dépose. Merci.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que la CAQ est raciste?
Mme David : Écoutez, il n'est
pas question d'aller dans ces mots-là. Il n'est pas question d'aller dans ces
mots-là, vous ne me ferez...
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que la CAQ est non inclusive?
Mme David : Bien, déjà, vous
faites une subtilité très, très différente entre raciste et non inclusive,
hein? Alors, la CAQ a décidé de déposer un projet de loi qui comportait
certaines exclusions, qui voit l'inclusion, le vivre-ensemble d'une façon
différente dont notre... que la façon avec laquelle le Parti libéral peut le
définir, ou que Québec solidaire le définira en fin de semaine, ou que le Parti
québécois peut le définir.
Savez-vous pourquoi vous êtes tous ici
passionnés de ce sujet-là? Et je vous comprends, et nous sommes tous des citoyens
de la planète, on se pose tous les mêmes questions, puis je suis désolée de
vous dire qu'il n'y a pas une seule réponse là-dedans. Et qu'est-ce que c'est
que l'inclusion, qu'est-ce que c'est que la neutralité, qu'est-ce que c'est que
la laïcité personnelle, de l'État? Ce sont des questions infiniment complexes,
mais, en bout de ligne, ce qu'on veut au Québec, c'est un Québec qui inclut la
diversité parce que c'est comme ça aussi que le Québec s'est construit, et qu'il
est inclusif envers tout le monde, pas seulement envers ceux qui font notre
affaire pour toutes sortes de raisons.
Alors, pour moi, le vivre-ensemble, c'est
vraiment d'aller vers la possibilité, pour les nouveaux arrivants ou pour les
gens de toutes les religions, de le vivre ensemble, ce Québec qu'on aime tant,
d'apprendre le français — on est dans d'autres choses, vous allez me
dire, mais ça fait partie du vivre-ensemble, ça — et puis d'oublier
la question des signes religieux.
Mme Plante (Caroline) :
Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'on ne prévoit pas d'accommodements? Il n'y
a pas d'accommodements qui sont possibles?
Mme David : Bien, c'est une
grande question parce que la question des accommodements, c'est une question
fort importante. Ça existe, la notion d'accommodements raisonnables, je l'ai
fait pendant des années, quand j'étais dans mon poste à l'Université de
Montréal. Par exemple, et je pense que je l'ai déjà donné ici, une étudiante en
dentisterie, qui portait un hidjab, et puis qui avait fait un accommodement
formidable. C'était la plus stérile de tous les étudiants. Elle s'était fait un
hidjab qui était extrêmement efficace. Alors, la question des accommodements,
selon moi, a été une question qui a été longuement débattue et qui a sa place
quand... avec tous les critères qu'on a mis, de contraintes excessives, et de
la part que la personne qui demande l'accommodement doit faire dans la bonne
volonté, de part et d'autre. Alors, c'est un outil important dans notre
société.
Mme Plante (Caroline) : Le
ministre a aussi dit espérer que les gens qui portent un signe religieux
cheminent vers la laïcité.
Mme David : Ah! Bien, oui,
merci de me rappeler ça parce que ça fait partie... mais si vous ne voulez pas
qu'on soit ici jusqu'à 4 heures, je n'ai pas pu tout aborder. Juste le mot
«cheminer»... Quand on dit : Un étudiant, il va cheminer dans son parcours,
l'adolescent va cheminer, bien, je m'excuse, ce mot, cheminer, m'a fait
vraiment un peu réagir parce que cheminer, il y a un mot... Comme : un
jour, il va comprendre la vérité, un jour, il va voir la lumière. Bien, je
regrette, la lumière des uns n'est pas nécessairement la lumière des autres, et
on ne peut parler... Il va cheminer puis il comprendra la lumière, qu'il faut
qu'il enlève son hidjab. Mais ça ne marche pas comme ça.
Que dire aussi évidemment de la quantité femmes
qui sont visées? Et là, c'est l'ancienne ministre de la Condition féminine et
la porte-parole. Ne soyons pas naïfs, là. Si ça avait été juste pour les cols
romains et les kippas, on n'en avait même pas d'idée, de faire une charte des
valeurs du PQ ou de faire ce projet-là. C'est depuis qu'il y a eu plus de gens
qui portaient le hidjab, et, malheureusement, ce sont énormément de femmes
qui... sur l'ensemble du nombre, là, le fameux dénombrement, c'est une très
grande proportion de femmes.
Mme Plante (Caroline) : Est-ce
que ce projet de loi là va plus loin que la charte des valeurs, d'après vous?
Mme David : C'est une question
que je me suis posée depuis deux jours. Martine Biron, qui a sorti, je
pense... Ah, bien oui! Excusez. Depuis dimanche soir, ce qui m'est venu,
c'est : Mais on élargit, on élargit, on élargit. Alors, je ne suis pas capable
de dire... Écoutez, on est beaucoup plus loin qu'on était dans ce qu'on savait,
qu'on présumait que la CAQ allait sortir comme projet, on est beaucoup plus
loin. Est-ce qu'on est au même niveau que la charte? Je vous laisse faire la
différence. Mais on...
Mme Plante (Caroline) : Mais qu'est-ce
que vous en pensez, vous?
Mme David : ...ça allait beaucoup...
La charte, c'était tous les employés de l'État. Alors, là, c'est quand même des
catégories d'employés, mais qui sont devenues quand même plus... La liste est un
peu plus longue.
Mme Plante (Caroline) : Mais
c'est tous les signes religieux, ce n'est pas juste les signes ostentatoires.
Mme David : Voilà. Ça,
c'est...
Mme Plante (Caroline) : On
élargit.
Mme David : Ça, c'est une
nouveauté de ce matin, c'est-à-dire que je ne l'avais pas vu venir, ou ça
n'avait pas été dit. Je m'excuse, Mme Biron, si je ne l'ai pas vu, mais je
pense que ce n'était pas dans le...
Mme Biron (Martine) : Bien,
ce n'est pas moi qui ai écrit le projet de loi, là.
Des voix
: Ha, ha, ha!
Mme David : Non, non, non! Ce
que je veux dire, c'est que ce n'était pas dans l'espace public, je pense, et
je l'ai lu ce matin. J'ai dit, il me semble : Il n'y a plus le mot
«ostentatoire».
Mme Plante (Caroline) : Donc,
dans un certain sens, on va plus loin que le port de signe religieux.
Mme David : Bien, écoutez,
vous avez vu M. Jolin-Barrette essayer de répondre à ça en disant :
C'est la loi, c'est la loi. Donc, si vous avez une petite croix dans le cou en
dessous, est-ce que, parce que vous fréquentez des collègues, et puis ils
savent que vous avez une petite croix, il y aura une délation parce que vous
êtes dans un poste où vous ne devez pas avoir de signe? Je trouve que nous
allons très loin, encore plus loin que je pensais, là-dessus.
M. Lessard (Denis) : Est-ce
que vous avez des objectifs précis? Parce que, par exemple, si on parle à M.
Bérubé, il va dire : Moi, je veux qu'on inclue les écoles privées, là. Tu
sais, c'est assez limpide.
Mme David : Oui. Écoutez...
M. Lessard (Denis) : Vous,
qu'est-ce que vous demandez, là, d'ajouter ou de retirer?
Mme David : Bien, écoutez, le
PQ n'est pas du tout à la même place que nous par rapport à ce projet de loi
là.
M. Lessard (Denis) : Oui,
d'accord, mais vous?
Mme David : Donc, eux, ils
veulent en mettre plus; nous, on veut en mettre moins.
M. Lessard (Denis) : O.K.
Qu'est-ce que vous enlevez?
Mme David : Bien, écoutez,
toute la question du port des signes religieux, les enseignants, par exemple,
ou tout ça. C'est des choses... On l'a dit, on l'a dit, on est... Vous savez,
le slogan Interdit d'interdire, c'est un slogan quand même des... 1968
en France. On est dans une drôle de répétition par rapport au slogan, en tout
cas, même si ça ne veut pas dire du tout la même chose. Mais cette interdiction
de port de signes religieux pour des employés de l'État, bien, nous, on trouve
que c'est une atteinte aux droits et libertés.
M. Lessard (Denis) : C'est la
base du projet de loi.
Mme David : C'est la base,
c'est ça.
M. Lessard (Denis) : Donc,
vous êtes contre...
Mme David : Bien, oui, mais on
n'a pas été... On n'a jamais dit qu'on était pour ce projet de loi là.
Mme Prince (Véronique) : Mme
David, est-ce que votre caucus est uni sur cette question-là? Parce que Pierre
Arcand, lorsqu'il est arrivé comme chef intérimaire, avait déjà dit : Il
va falloir réfléchir, avec le nouveau chef, si on va plus loin que la loi n° 62, qui a toujours été notre position. Parce
qu'effectivement, à l'intérieur de votre parti, il y en a certains qui auraient
voulu se rapprocher plus de Bouchard-Taylor...
Mme David : Oui, c'est vrai.
Mme Prince (Véronique) :
...et qui trouvaient que 62 n'allait pas plus loin. Donc, est-ce
qu'aujourd'hui, quand vous sortez et vous dites, en fait, que vous êtes contre
le projet de loi, est-ce que vous l'êtes tous au même degré, contre, à
l'intérieur du Parti libéral?
Mme David : Bien, c'est parce
que là on travaille avec un projet de loi concret, là. Là, on travaille avec un
projet de loi qui va beaucoup plus loin que Bouchard-Taylor, on se comprend?
Puis j'espère, quand vous dites... Bouchard-Taylor, on sait que c'est 2008, là.
Ce n'est pas... Là, c'est Bouchard pas mal, puis Taylor s'est dissocié il y a
quelques années.
Et donc, quand on parle du rapport de
2008, il y a des collègues, effectivement, puis ils l'ont dit, là, ils ne s'en
sont pas caché, qui auraient peut-être été vers ce compromis-là. Là, on n'est
plus là du tout, là. On n'est même plus vers ça. Alors, je ne pense pas que la
CAQ, de toute façon, soit en train de dire : Mais je vais... j'ai mis les
enseignants, c'est un ballon, puis je vais revenir. Non, non, non. Je pense que
ça, c'est très clair, parce qu'ils en mettent encore plus.
Alors, qu'il y ait un débat au caucus...
il y a un débat dans la société. C'est normal, c'est sain qu'il y ait eu des
gens qui ont dit : Ah! bien, peut-être que j'aurais pu, dans le cas où ça
serait un projet de loi minimaliste, avec Bouchard-Taylor uniquement, mais le
Bouchard-Taylor, bon, 2008, qui était quand même assez... qui n'est pas du tout
ce qu'on a là. Mais c'est normal qu'il y ait des discussions, puis les
collègues ont dit : Bien, on va se rallier.
Pensez-vous qu'à la CAQ ils n'ont pas eu
des discussions sur le crucifix ce matin? Pensez-vous qu'ils n'ont pas eu des
discussions sur tout le projet de loi? Mais ils se sont ralliés, ils ont eu une
discussion de caucus et de parti. Puis être en politique, il y a des... c'est
ça, c'est qu'on essaie de faire en sorte que les gens s'entendent et discutent.
Mme Biron (Martine) : Quelle
sera votre posture, là, pour ce... On connaît votre position, on sait que
vous... on connaît le projet de loi n° 62, on sait que c'est visage
découvert, vous voulez interdire... Quelle sera votre posture dans ce débat-là?
Parce que la CAQ, quand même, elle est légitime, là. Elle a...
Mme David : Non seulement elle
est légitime, elle est majoritaire. Elle a été élue, mais on est en
démocratie...
Mme Biron (Martine) : Voilà,
et largement, et on sait qu'elle répond quand même à une demande importante, un
vote qui vous échappe d'ailleurs. Quelle sera votre posture dans ce débat-là,
là?
Mme David : La posture,
d'abord, c'est d'avoir une discussion civilisée, d'avoir une discussion le
plus... avec beaucoup de hauteur, de travailler avec ce qui est là, article par
article, parce que, là, on n'ira pas dans tous les détails, mais, si on peut
gagner des choses... On va travailler très fort pour gagner des assouplissements,
et puis on va faire notre devoir de parlementaires. J'espère que vous n'êtes
pas en train de me dire que, parce qu'ils sont majoritaires, il faut qu'il n'y
ait pas d'opposition.
Mme Biron (Martine) : Non, ce
n'est pas ça que je vous dis, mais est-ce que vous allez faire... vous pourriez
filibuster. Est-ce que... On présume que vous n'appuierez pas ce projet de loi
là, là, à moins que vous me disiez le contraire, là.
Mme David : Bien, en tout cas,
à moins qu'il y ait des changements, du côté du projet de loi, beaucoup, on va
faire...
Mme Biron (Martine) : Mais
est-ce que vous allez collaborer?
Mme David : On va faire notre
travail parlementaire, on va rencontrer des gens, il va y avoir des discussions
au niveau des groupes qui sont convoqués, où il faut que les leaders se
parlent, puis, bon, espérons que ça va se passer le mieux possible. Mais, comme
je vous dis, il y aura cinq semaines de travaux. Puis savez-vous quoi? C'est le
même ministre, qui est dans la même commission en ce moment, pour savez-vous
quel projet de loi? Immigration, Commission des institutions. Comment va-t-il
faire pour faire les deux en même temps? Il va être pas mal occupé.
Mme Plante (Caroline) : Mais,
là, Mme David, être vous en train de me dire que, si le projet de loi, ça avait
été Bouchard-Taylor, le PLQ l'aurait appuyé?
Mme David : Je n'ai pas dit ça
du tout...
Une voix
: ...
Mme David : Je répondais à une
question en disant qu'il y a certains collègues qui ont dit que ça pourrait
être quelque chose qui... bon, ils auraient réfléchi... que ça aurait pu
peut-être être intéressant. Ce n'était pas la majorité du caucus, là, on
n'était pas là. Alors, ne revenons pas sur quelque chose qui n'existe pas.
Quand on fait des discussions de caucus, on parle de plein de choses. Alors,
évidemment, on n'avait aucune idée du projet de loi qui s'en venait. Là, on a
le projet de loi ce matin, on en avait des éléments grâce à vous, qui avez
sorti un certain nombre de choses, en se disant, bien, ça va peut-être être ça.
Mais là, on n'est plus là du tout.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Est-ce
qu'aujourd'hui, avec le projet de loi, la division entre Montréal et le reste
du Québec sur une certaine vision du vivre-ensemble s'accentue? Êtes-vous
aujourd'hui la porte-parole des Montréalais?
Mme David : Je ne suis pas du
tout la porte-parole des Montréalais parce qu'on a quand même, dans le caucus,
des gens aussi qui sont d'en dehors de Montréal, ou du Grand Montréal, ou de la
Montérégie. Écoutez, est-ce que les discussions auraient été autres? On n'a pas
un caucus de 70 députés, c'est vrai, mais la CAQ aussi a un caucus qui est
assez diversifié. Alors, moi, je pense qu'on a fait... puis on a fait nos
consultations, je suis allée rencontrer la commission politique aussi du PLQ,
on a parlé aux jeunes. Alors, on a parlé quand même à des gens qui représentent
les régions aussi.
Alors, est-ce que toutes les régions...
évidemment, on le sait, les résultats de la dernière élection, on a du travail
à faire avec les régions, puis on a du travail à faire avec les francophones.
Est-ce que c'est au détriment des valeurs fondamentales du Parti libéral du Québec?
Je ne pense pas. Puis savez-vous quoi? Le Parti libéral du Québec, il avait pas
mal de députés aux dernières élections, pas celles de 2018. Donc, le Parti
libéral a toujours été un parti de partout, les régions et Montréal.
La Modératrice
: On va
aller en anglais?
Mme Senay
(Cathy) : Yes. Is it disturbing for you,
Mrs. David, to don't get yet the scope… how much this bill includes
people, professions, will affect lives, that you can't get a sense of what it
is right now because it's too wide and you were not expecting this? Is it
disturbing?
Mme David :
It's much wider that we expected. When we read the bill, this morning, we were
very surprised because it's larger than we thought. And, when I listened to the
press conference with «ministre» Jolin-Barrette, I was surprised too because it
was quite rigid: OK, we will be by the law, the bill is that and, you know, we
will… they will have to obey to all the different articles, including the
religious signs under… you know, the religious signs, not only the «ostentatoire»…
I don't know, the external religion signs. So, we were very surprised about
that. It's really wide.
Mme Senay
(Cathy) : What's the problem… does that create
with the image of Québec across Canada and across the world?
Mme David :
We'll see. I didn't have time to read about everything that will be written.
But that's for sure, the Prime Minister of Canada is not, I think, very happy
with that. And the other Prime Ministers all over the world, we will see what
is the reaction, but we can expect they will be quite, you know… people that
don't agree with the bill.
Mme Fletcher
(Raquel) : Do you feel like, I mean, at some
point, we, in Québec, decided that we needed to draw a line in the sand
somewhere on religious symbols, and your party drew it over here, and this
party drew it over there, and this party drew it over there, and you brought in
the law, it was contested in court, then you lost power, and now we're in a
real pickle, because now, there's another party that's come in and said: Well,
the line should actually be here. But it's still a line in the sand, and
eventually, a wave is going to come along and wash it all away, like, this is…
and then we're going to have to re-draw it. In five years, we're going to have
to re-draw, and then another wave is going to come along in five years from
then, and then we'll have to re-draw it again. Is there another way to have
this debate?
Mme David :
This is democracy, you know, with one party in power, and the other one, not.
We can see that in many different countries, you know. We had elections in
France three years ago or two years ago, and it was like between Le Pen
and Macron, and they had very different views about the future of society. But
we have all the same issues. And the issue in Québec, yes, you're perfectly
right, the line is drawn over there with the PLQ, over there with the PQ,
perhaps over there with the CAQ. And this is about, you know, living in
society. We can have different approaches, different views, and it is
democracy.
But we have to think
about the best way. But my best way, is it the same than the best way of my
neighbor? That's the whole problem. But this is what democracy is about. Before
the Charter of Rights, 1975, we didn't have those protections for the
minorities. Now, we have that. Now, with this bill, we will… you know, it will
be quite different. So, this is the different moves of different societies with
all that's happening on Earth now, on the planet.
La Modératrice
:
Pardon, Mme David. Avez-vous terminé, en anglais?
M. Authier (Philip)
:
Oh! I had one.
La Modératrice
:
Ah! O.K., O.K.
M. Authier (Philip)
:So, it's pretty clear you are not going to vote in
favor of this bill? Is that fair to say?
Mme David : It depends. We will see about the discussions we have. But I don't
feel he will change his mind or the CAQ will change its mind so far that, you know, there will be a big, big
difference with what we can read now We'll try, but I think, you know, we cannot be... we cannot approve half
that's inside that because of the Charts of Rights and… liberty.
Mme Johnson
(Maya) : That doesn't sound very strong or
convincing. It seems you're leaving the door open to supporting this bill.
Mme David : Excuse me? We leave the door open to...
Mme Johnson
(Maya) : To supporting, to voting in favor of
this bill. It's not a clear «no».
Mme David : No, not the bill as we can read it now, that's for sure. But, you know, if a miracle appears and there's
completely another bill... But our position is not, you
know, to go to that bill. That's for sure. We said that
in January and we still say that today.
Mme Johnson
(Maya) : OK, so, I just wanted to be clear on
that. And you said earlier in French that, if this was about, I think you said
«le col», like the priests' collars or other religious symbols, it wouldn't be
an issue. But this is something that's about Muslim women and the veils, and
that's what this is about. So, you see this as a bill that targets Muslims
specifically?
Mme David :You know, when we
talk about schools and teachers, what do we think about? Do you know? Perhaps
some kippahs with the Jewish schools. Perhaps, but most, most, most of the
people who will be affected will be women with the veil. Can you see other
people that... you know, some who have the cross or... Perhaps, with this law,
even the cross under a scarf or... it can be, you know, illegal. That's... I'm very, very surprised. But it's mostly, we
all know, about the veil and the women as for… you know, the schools are involved in this bill.
Mme Johnson
(Maya) : So, what do you say to François
Legault when he says he hopes to unite Quebeckers with this bill?
Mme David : For me, it's a sad day for Québec, you know, it's
nothing that will unite Québec.
You will be on the first row to see all the reactions everywhere, pros and
cons, of course, but, you know,
people will react. We were, you know, talking about this bill for months and weeks, and it was in the
CAQ's program for the elections. So, I'm afraid for the women who have veils,
not in school, but everywhere, because we are targeting the religious symbols
and this is not very good for a society.
Mme Johnson
(Maya) : Thank you.
Mme
Plante (Caroline) : Je voulais tout simplement vous entendre sur si
vous pensez que le projet de loi va avoir un impact sur l'image du Québec, au
pays ou à l'international, là.
Mme David : En français ou en
anglais?
Mme Plante (Caroline) : Oui,
en français. Est-ce que le projet de loi va avoir un impact sur l'image du Québec?
Mme David : Bien, écoutez, les
gens vont s'y intéresser beaucoup, beaucoup parce que c'est clair que non
seulement avoir un projet de loi comme ça, d'avoir une clause dérogatoire et de
possiblement, probablement, si vraiment il faut que ça soit fait en cinq
semaines, aller en bâillon, c'est un cumul de dangers démocratiques, même, qui
ne passeront pas inaperçus, c'est sûr. C'est sûr.
Mme Plante (Caroline) : Même sur
le port de... l'interdiction de porter des signes religieux, est-ce que le Québec
pourrait être très mal perçu au pays, à l'international?
Mme David : Ah! Au pays? Bien,
écoutez, c'est parce que c'est une tradition, j'oserais dire, ou une approche
bien différente dans les autres provinces. Alors, il n'y en a pas eu, dans les
autres provinces, des lois comme celle-là, donc ils nous regardent avec un
certain scepticisme, et je ne suis pas sûre qu'ils sont très, très en accord.
Là, je ne veux pas parler au nom de toutes les provinces et de tous les
citoyens canadiens, mais je pense que déjà le premier ministre du Canada s'est
prononcé quand même assez sévèrement contre une loi qui parle des signes
religieux.
Mme Plante (Caroline) : Est-ce
qu'il y a quelque chose qui pourrait rendre ce projet de loi là acceptable, à
vos yeux?
Mme David : Bien, écoutez, si
c'était nous qui avions eu à l'écrire, bien, nous on est allés vers le visage
découvert, alors ça dit quand même quelque chose d'où ça aurait été, nous,
notre préoccupation par rapport à sécurité, communication, identification. On
ne parlait pas de religion et de neutralité religieuse. Donc, la réponse est
dans ce qu'on a fait, je dirais, par rapport à ça.
Mme Plante (Caroline) :
Merci.
Mme David : Merci.
(Fin à 13 h 29)