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Conférence de presse de M. Paul Lanoie, commissaire au développement durable

Présentation du rapport de mai 2019 du commissaire au développement durable du Québec

Version finale

Thursday, May 16, 2019, 11 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures sept minutes)

M. Lanoie (Paul) : Mesdames messieurs, bonjour. J'ai le plaisir d'être avec vous ce matin pour faire un survol des résultats de travaux accomplis au cours de la dernière année. Ces résultats sont détaillés dans le rapport que j'ai déposé un peu plus tôt à l'Assemblée nationale et qui comporte quatre chapitres. Pour l'occasion, je suis accompagné de Mme Caroline Rivard, directrice principale d'audit, ainsi que de Mmes Josée Bellemare et Moïsette Fortin, directrices d'audit.

Je commence par l'audit de performance qui concerne l'application de la Loi sur le développement durable. Cette année, nous nous sommes intéressés aux organisations qui ne sont pas assujetties à cette loi dans les secteurs municipal, de l'éducation et de la santé et des services sociaux. Il s'agit d'organisations qui représentent une grande part de l'activité du secteur public. Par exemple, les dépenses des organismes scolaires et des établissements de santé et de services sociaux représentaient, en 2017‑2018, 41 % des dépenses du gouvernement.

Afin que ces organisations entreprennent volontairement une démarche de développement durable, la stratégie gouvernementale 2015‑2020 a prévu deux mécanismes incitatifs. Premièrement, une activité incitative déployée par les ministères et organismes qui travaillent auprès des organisations non assujetties et, deuxièmement, la mise en place de tables d'accompagnement conseil. De plus, des cibles, exprimées en termes de pourcentage, d'organisations ayant adopté volontairement une démarche de développement durable au 31 mars 2020 ont été établies pour les trois secteurs.

Le présent audit a été effectué auprès des quatre ministères responsables des tables d'accompagnement conseil, soit le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Nos travaux se sont articulés principalement autour de deux axes, soit la mesure de l'adoption d'une démarche de développement durable par les organisations non assujetties et les mécanismes incitatifs que je viens de vous décrire.

Pour ce qui est du premier axe, un grand constat s'impose. Les organisations responsables d'un large pan des activités du secteur public n'ont pas pris le virage souhaité en matière de développement durable. Bien que les méthodes d'enquête utilisées présentent des limites, les résultats obtenus indiquent qu'un faible pourcentage d'organisations non assujetties à la loi ont entrepris une démarche de développement durable. Les cibles fixées dans la stratégie gouvernementale sont donc loin d'être atteintes. Par exemple, en 2018, 13 % des établissements de santé et de services sociaux ont entrepris une démarche, alors que la cible pour 2020 est de 25 %.

En ce qui concerne le deuxième axe, soit les deux mécanismes incitatifs, ces derniers présentent plusieurs déficiences qui limitent leur efficacité. Du côté des tables d'accompagnement conseil, des lacunes ont été relevées par rapport à la fréquence des rencontres, à la qualité de leurs plans d'action et à l'efficacité des activités de sensibilisation qu'elles offrent. Pour ce qui est des activités incitatives qui sont déployées par les ministères et organismes qui travaillent auprès des organisations non assujetties, notons que ceux qui doivent réaliser ces activités ne sont pas clairement identifiés et que plusieurs activités proposées sont peu pertinentes.

En terminant sur cet audit, j'aimerais dire un mot sur le rôle que joue le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques dans ce dossier. En particulier, je voudrais faire ressortir que le ministère n'a pas exprimé de préoccupations quant au faible taux d'organisations qui ont entrepris volontairement une démarche ni proposé de réflexion sur les actions à accomplir pour que ces organisations s'engagent dans la démarche gouvernementale de développement durable.

Dans le chapitre 1 du rapport, je poursuis la réflexion sur ce sujet. Entre autres choses, j'invite les autorités compétentes à réfléchir sérieusement à l'idée d'assujettir les écoles à la Loi sur le développement durable dans le cadre de la prochaine stratégie gouvernementale. En effet, une plus grande intégration des valeurs relatives au développement durable dans tous les ordres d'enseignement ne pourrait que favoriser leur émergence dans la société. Des centaines de milliers d'élèves et d'enseignants du primaire et du secondaire pourraient constituer un levier important pour une transition vers le développement durable. Pourquoi s'en priver?

Je continue avec le chapitre 3 qui présente un audit de performance sur la prévention en santé et en sécurité du travail. L'entité concernée est la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, la CNESST. La santé et la sécurité du travail représentent un enjeu majeur, à la fois pour la société, les travailleurs et les employeurs. En 2018, le coût des prestations versées pour des lésions professionnelles s'élevait à 2,2 milliards de dollars et leur coût global, qui tient compte de tous les effets négatifs de ces lésions pour les travailleurs et les employeurs, était beaucoup plus élevé. Notons aussi qu'après avoir connu une diminution sensible du taux de lésions professionnelles de 2004 à 2015, le Québec a fait face à une augmentation de ce taux au cours des dernières années.

La Loi sur la santé et la sécurité du travail, adoptée en 1979, porte avant tout sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et a pour objet l'élimination à la source même des dangers. À ce sujet, la commission vise notamment la prise en charge de la santé et de la sécurité par les milieux de travail. Nos travaux se sont articulés autour de deux axes relatifs à la prévention, soit, d'une part, le leadership exercé par la commission et, d'autre part, l'efficacité et l'efficience de ces inspections.

Commençons par le leadership exercé par la commission. Notre premier constat est que la commission ne joue pas pleinement son rôle d'agent de changement quant à la modernisation du régime en ce qui concerne la prévention. Ainsi, le Québec accuse des retards importants par rapport à d'autres administrations et des inéquités persistent entre les travailleurs en matière de prévention. Par exemple, les quatre mécanismes de prévention prévus dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail devaient être déployés à l'ensemble des 32 secteurs regroupés en six groupes. Aujourd'hui, près de 40 ans après l'adoption de la loi, le déploiement ne s'est jamais matérialisé. Il s'est arrêté à certains groupes. Ainsi, en 2018, les groupes non couverts par les mécanismes de prévention représentaient près de 75 % des travailleurs et plus de 50 % des lésions. Par ailleurs, l'accent que la commission met sur la prévention dans ses plans stratégiques a diminué au fil du temps, tout comme la force de travail réelle pour les inspections.

D'autre part, afin d'inciter les employeurs à mettre en oeuvre la prévention, la commission a introduit des modes de tarification dans lesquels les primes des employeurs sont ajustées en fonction du coût des lésions professionnelles qui leur est imputée. En théorie, ce système devrait encourager les employeurs à faire davantage de prévention, mais, dans les faits, il existe un risque que les employeurs n'y accordent pas toute l'importance voulue. Par exemple, ce système peut mener à une augmentation des contestations par les employeurs des décisions rendues en matière d'indemnisation.

Enfin, la commission travaille avec des partenaires auxquels sont conviées diverses responsabilités en lien avec la prévention. En 2018, elle a versé 132 millions de dollars à ces partenaires. Il est à noter que certains secteurs d'activité ne bénéficient pas de services de la part des partenaires. Ainsi, 12 des 32 secteurs d'activité ne sont toujours pas couverts par l'un ou l'autre d'entre eux. Dans un même temps, parmi les secteurs couverts, il y en a six qui... des services de deux types de partenaires, ce qui crée de l'inéquité dans les secteurs d'activité. De plus, l'offre de services n'est pas optimisée entre les partenaires. Par exemple, certaines associations développent des formations ayant le même objet. Il y a donc duplication.

Je poursuis avec le deuxième axe de nos travaux, soit l'efficacité et l'efficience des inspections. Les activités d'inspection sont le type d'intervention le plus direct par lequel la commission peut s'assurer que les milieux de travail prennent réellement en charge la santé et la sécurité du travail. Pour mieux cibler les milieux où mener ces inspections, la commission détermine notamment les types de lésions professionnelles, les secteurs d'activité économique et les clientèles sur lesquelles elle doit concentrer ses efforts. À cet égard, nous constatons que la commission est peu proactive au regard des risques latents ou émergents lorsqu'elle identifie et priorise les risques à considérer lors de ces inspections.

De plus, la programmation des inspections en fonction des priorités déterminées par la commission n'est pas efficiente. Ainsi, les directions régionales doivent présentement consulter différents systèmes non intégrés et procéder à plusieurs opérations manuelles pour choisir les milieux de travail à inspecter afin d'atteindre les cibles fixées.

Par ailleurs, la commission guide peu ses inspecteurs relativement à l'évaluation de la prise en charge de la santé et de la sécurité dans les milieux de travail. Divers outils ont été élaborés, mais ils ne sont toujours pas déployés. D'autre part, la commission ne s'assure pas que les connaissances de ses inspecteurs expérimentés sont maintenues à jour. Entre autres choses, l'offre de formation aux inspecteurs est très variable d'une région à l'autre. Enfin, notons que pour soutenir les inspecteurs et les directions régionales dans la réalisation de leurs activités en prévention, la commission a mis en place un réseau composé d'une quarantaine d'experts. Bien que les services de ce réseau soient nécessaires et appréciés, des délais de traitement de certaines demandes retardent d'autant la réalisation d'activités liées à l'inspection.

Dans le chapitre 4, je reviens sur la situation du Fonds vert et présente les divers éléments qui appuient notre décision de reporter l'évaluation de la mise en oeuvre de la réforme du Fonds vert, évaluation qui nous a été demandée par la Commission de l'administration publique. En effet, nous jugeons qu'il n'est pas approprié pour le moment de donner suite à la demande de la commission. D'une part, des lacunes relevées dans notre audit de 2014 existent toujours et de nouvelles situations problématiques relatives à la gestion du fonds ont été observées depuis sa réforme.

D'autre part, tant au ministère de l'Environnement que le Conseil de gestion du Fonds vert ont indiqué qu'ils avaient l'intention de poursuivre leurs actions pour améliorer la gestion du fonds. Près de cinq ans après la publication de notre rapport d'audit initial, nous ne pouvons que nous désoler de cette situation, et ce, d'autant plus que les objectifs du Fonds vert sont importants, que des sommes considérables sont en jeu et que les parlementaires ont manifesté un intérêt soutenu pour cet outil de développement durable.

Alors, voilà qui complète mon intervention. Je suis maintenant disponible pour les questions.

M. Lecavalier (Charles) : Je vais vous poser des questions.

M. Lanoie (Paul) : Oui, j'espère.

M. Lecavalier (Charles) : Il va falloir répondre à la caméra. Concrètement, pour les travailleurs, qu'est-ce que ça veut dire, les défaillances que vous avez trouvées durant votre enquête?

M. Lanoie (Paul) : Bien, écoutez, pour les travailleurs, essentiellement, ce que ça peut signifier, c'est que, si le régime n'est pas modernisé, si les risques émergents ne sont pas pris en compte, si les inspections ne sont pas efficaces et efficientes, il est possible, donc, que des situations risquées perdurent et donnent lieu à des lésions professionnelles.

M. Lecavalier (Charles) : Et est-ce qu'il y a, à votre avis, des travailleurs qui ont peut-être plus de difficulté à se faire indemniser en raison de...

M. Lanoie (Paul) : Notre mandat ne touchait pas l'indemnisation. Donc, le Vérificateur général du Québec a déjà fait un mandat sur ce sujet-là en 2015. Il y a un aspect sur lequel on revient, qui peut être relié à votre question, c'est la liste des maladies professionnelles. Donc, cette liste-là n'a pas changé depuis 1985, et donc, quand une maladie n'apparaît pas sur la liste, c'est moins facilitant, là, pour la faire reconnaître comme maladie professionnelle.

M. Lecavalier (Charles) : Donc, on peut croire que, disons, les travailleurs ont plus de chances de se blesser étant donné qu'il n'y a pas assez de prévention, là, à votre goût.

M. Lanoie (Paul) : C'est-à-dire que la prévention, donc, telle qu'elle s'exerce présentement, donc, n'est pas optimale. Alors, effectivement, des efforts mieux ciblés pourraient solutionner certaines situations problématiques, oui.

M. Lecavalier (Charles) : Sur le Fonds vert, cinq ans après votre audit, est-ce qu'on peut affirmer aujourd'hui que le Fonds vert est bien géré?

M. Lanoie (Paul) : Dans le chapitre sur le Fonds vert, on n'a pas fait un audit cette fois-ci. Donc, le chapitre visait surtout à tenir les parlementaires au courant, donc, de notre réflexion quant à leur demande de faire une évaluation complète de la révision du fonds. Donc, nous, présentement, on suit l'évolution du plan d'action suite à notre audit de 2014, et, oui, il y a des améliorations, il y a des recommandations pour lesquelles il y a des progrès satisfaisants qui sont en cours. Mais plusieurs de nos recommandations pour l'instant, on ne peut pas les qualifier d'être pleinement en application. Il y a même une recommandation pour laquelle on considère que les progrès sont insatisfaisants.

M. Lecavalier (Charles) : Est-ce que vous pouvez préciser laquelle?

M. Lanoie (Paul) : Alors, la recommandation principale qui est à l'effet de... le Fonds vert, donc, n'a pas vraiment un cadre de gestion complet qui s'appuie sur des objectifs précis et mesurables axés sur des résultats.

M. Lecavalier (Charles) : J'aimerais ça vous parler aussi un peu de ce qu'on pourrait appeler une chicane entre le Conseil de gestion du Fonds vert et le ministère de l'Environnement. C'est un des obstacles qui fait que vous avez reporté votre audit?

M. Lanoie (Paul) : Effectivement. Dans le fond, c'est maintenant public. Il y a deux documents qui en font état. Le conseil de gestion du Fonds vert lui-même, donc, a produit un rapport en novembre 2018, et il y a une section du rapport, donc, qui fait état des différends entre le conseil de gestion et le ministère. Et il y a même aussi... dans les documents budgétaires de 2019, donc, il y a une partie du plan budgétaire où on parle aussi de difficultés, notamment liées à des chevauchements de tâches entre les deux intervenants.

M. Lecavalier (Charles) : Est-ce que vous pouvez donner peut-être un exemple concret des problèmes que ça cause, ces dysfonctions-là?

M. Lanoie (Paul) : Bien, écoutez, encore une fois, je le répète, on n'a pas fait d'audit, alors les choses que je peux mentionner présentement, ce sont les éléments qui sont connus publiquement. Donc, entre autres, dans le plan budgétaire, on fait état de chevauchements. Donc, on dit, par exemple, que des ministères et organismes doivent demander l'avis du Conseil de gestion du Fonds vert et du ministère pour certains projets, et c'est probablement possible que l'avis ne soit pas le même. Donc, que faire dans ces situations-là? Même chose au niveau des rapports qu'ils ont à produire. Donc, ceux qui reçoivent des subventions doivent produire des rapports. Ils doivent les donner au conseil de gestion ainsi qu'au ministère, et, selon le document, donc, ce n'est pas exactement les mêmes exigences pour l'un et pour l'autre. C'est des exemples comme ceux-là.

M. Lecavalier (Charles) : O.K. Et donc vous reportez votre audit jusqu'à ce que ce problème-là soit réglé?

M. Lanoie (Paul) : On reporte notre audit au moins, donc, jusqu'en 2021 pour l'instant. Donc, on donne aux entités le temps de régler leurs problèmes. Dans le fond, il y a trois raisons qui expliquent pourquoi on reporte l'audit. Comme je l'évoquais, donc, il semble y avoir des disputes concernant les rôles et responsabilités des deux intervenants majeurs. Donc, on va leur donner le temps de résoudre ça. Il y a des recommandations, qu'on a formulées en 2014, pour lesquelles il n'y a pas pour l'instant une application satisfaisante. Et même, donc, le conseil de gestion et la ministre, en décembre 2018, disaient qu'ils devaient poursuivre leurs travaux pour améliorer la gestion du fonds. Donc, ce n'est pas idéal d'aller faire un audit quand il y a beaucoup de changements qui sont en cours. On espère, là, que la situation va s'améliorer et se stabiliser.

M. Lecavalier (Charles) : Étant donné l'importance de la lutte aux changements climatiques, est-ce que ça ne manque pas un peu de sérieux de la part du ministère de l'Environnement.?

M. Lanoie (Paul) :  Je l'ai dit à la fin de mon intervention, donc je ne peux que me désoler de cette situation-là. Le Fonds vert pourrait être un outil de développement durable très puissant. Pour l'instant, on peut dire qu'il ne joue pas encore ce rôle-là.

M. Lecavalier (Charles) : Merci.

M. Lanoie (Paul) : Merci.

(Fin à 11 h 24)


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