(Neuf heures vingt minutes)
M. Barrette : Alors, je suis
ici ce matin devant vous pour faire une annonce avec mon collègue
M. Sébastien Proulx, qui est député de Jean-Talon et représente la
Capitale-Nationale.
Vous comprendrez qu'à la suite des
événements récents quant aux commentaires du ministre François Bonnardel à
propos de la possibilité d'un péage et autres choses qu'il a annoncées lui-même
dans une entrevue hier, vous comprendrez qu'aujourd'hui nous allons déposer un
mandat d'initiative à la Commission des transports. Le mandat a été déposé ce
matin auprès de la présidente de la commission, un mandat d'initiative qu'on
peut qualifier carrément d'un mandat de transparence.
Alors, vous le savez, le troisième lien
est le projet unitaire le plus dispendieux du gouvernement du Québec au moment où
on se parle. Vous savez, nous savons tous et toutes que ce projet-là a franchi
plusieurs étapes. Le gouvernement du Québec, et le ministre en premier, l'a
fait avancer à l'étape de planification actuellement sans que nous ne puissions,
personne, vous, la population du Québec, de Québec et les parlementaires, avoir
quelque information pertinente que ce soit.
Je vous rappelle qu'en commission
parlementaire le ministre a refusé de répondre à toutes les questions que nous
avons posées sous prétexte qu'on était trop tôt, essentiellement, et la réponse
du ministre a toujours été : Vous le saurez quand ça sera le temps. Bien,
moi, je pense que le temps, il est là aujourd'hui, d'autant plus qu'en
commission parlementaire le ministre a refusé aussi qu'on entende M. Pellerin,
qui est le directeur du bureau de projet.
Je rappelle qu'on investit dans ce projet,
dans un bureau de projet, au moment où on se parle, plus de 400 millions
de dollars, que le projet en est rendu à sa phase de planification, et, compte
tenu des propos qu'a tenus le ministre Bonnardel hier à QUB radio, il y a donc
lieu de faire la lumière.
Je pense que la population, qui va
potentiellement engager, théoriquement, jusqu'à 8 milliards de dollars
dans ce projet-là, a le droit de savoir exactement où on est rendus, pourquoi
on est rendus là, sur quelle base ont été prises les décisions et l'estimé, ne
serait-ce que sommaire, du coût du budget.
Bref, il y a plein de questions à poser
auxquelles la population a le droit d'avoir des réponses, et je pense
qu'aujourd'hui on doit faire deux choses... trois choses. Un, on doit avoir un
mandat d'initiative. Il doit être accepté. Le ministre doit s'engager à
permettre au directeur de projet de venir répondre à nos questions. Ça n'a pas
besoin d'être une commission très longue, hein? On peut passer une
demi-journée, une journée à poser des questions au directeur de projet, et le
ministre doit dire à son directeur de répondre franchement aux questions que
l'on aura à lui poser.
Le ministre, lui, refuse de répondre aux
questions. Il y a une personne, au moment où on se parle, qui détient les
informations pertinentes sur ce projet. Il est tout à fait légitime pour la
population d'avoir l'heure juste. C'est le temps de se mettre tous dans le même
fuseau horaire, je dirais, démocratique, d'où la raison ce matin du dépôt de demande
d'initiative à cet égard.
M. Dion (Mathieu) : Avez-vous
l'impression que le ministre, de façon indirecte, est en train de tuer son
propre projet à petit feu en ajoutant le péage, en le rendant moins
convaincant, par exemple?
M. Barrette : Bien, voilà. Moi,
écoutez... Moi, je pose la question. Écoutez, ce matin, à l'émission de Sylvain
Bouchard, M. Bouchard, à Bouchard en parle, il posait une question qui
était très pertinente : Comment ça se fait que dans la même semaine on a
un sondage qui est publié dans un média et que dans le même média, la même
organisation, on a une entrevue où, de façon, à mon avis, non
sollicitée — je vous laisse juger de l'entrevue — on amène
des éléments nouveaux : le péage, la contribution du fédéral? Je vous
rappelle que M. Legault, à plusieurs reprises, a dit qu'il n'avait pas besoin
de ça, qu'à plusieurs reprises l'un et l'autre ont dit qu'il n'y aurait pas de
péage. Là, ça fait ballon. Quand on lance un ballon comme ça, c'est parce qu'il
y a quelque chose en dessous. En politique, là, s'il y a une place où l'adage
se vit, c'est celui de... il n'y a pas de fumée sans feu, là. On ne lance pas
des affirmations, ne serait-ce que potentielles, comme celles-là, sans qu'il y
ait quelque chose en dessous, c'est que c'est un gouvernement qui a trop
annoncé et là il est mal pris.
M. Bergeron (Patrice) : Donc,
le gouvernement recule parce qu'il n'est plus convaincu par le projet en raison
du sondage?
M. Barrette : Bien, écoutez,
moi, je viens de le dire et je le redis, puis c'est l'impression que moi, j'ai,
puis je ne pense pas me tromper : ce gouvernement-là a trop annoncé. En
ayant trop annoncé, bien, là, on se retrouve avec des problèmes. Faites les
liens, là : les maternelles quatre ans, des projets en santé, je peux vous
nommer des projets qui ont été ralentis à la faveur de d'autres, le troisième
lien, bien, quand on met tout ça ensemble, là, ça a l'air d'un gouvernement qui
se cherche des moyens de se sortir d'une impasse budgétaire. Le problème, c'est
qu'il y a eu une campagne électorale; le problème, c'est qu'ils se sont
engagés.
Vous savez, un des scénarios les plus
étonnants que j'ai entendu hier de la bouche de M. Bonnardel, c'est un
projet en PPP avec péage. Ça a été évoqué. Ça, c'est le pont de la 25 à Montréal.
Je peux vous dire que c'est un succès pour la fluidité : il n'y a personne
sur le pont, il coûte trop cher. Alors, c'est un gros succès.
Alors, est-ce qu'aujourd'hui on s'en va
vers ça? Bien, ce sont des questions légitimes, que n'importe quel contribuable
va poser, qu'il soit de Québec ou non, et, au moment où on se parle, bien, il y
a lieu, à cette étape-ci, là, en début de session parlementaire, de faire la
lumière. Alors, que M. Bonnardel s'engage à enjoindre son chef de projet à
répondre aux questions et qu'il nous permette de lui poser ces questions-là. À
date, c'est François Bonnardel, et donc François Legault par ricochet, qui
maintient la noirceur, l'obscurité dans ce projet.
Je le répète, c'est le projet unitaire le
plus gros du gouvernement du Québec. Ça ne se peut pas qu'on ne sache rien
aujourd'hui, ce n'est pas normal, comme il est inacceptable que le ministre
nous réponde : Vous le saurez en temps et lieu. Bien, le temps, c'est
maintenant, et le lieu, c'est ici, au Parlement. Nous demandons donc ce mandat
d'initiative.
M. Dion (Mathieu) : Sur
l'industrie du taxi?
M. Barrette : Oui, avec
plaisir.
M. Dion (Mathieu) : Il y a
comme beaucoup, beaucoup d'articles, il y a des centaines d'articles dans ce
projet de loi là; vous n'êtes rendus qu'au tout début encore. Je suis curieux
de vous entendre : Qu'est-ce que vous allez... parce que vous êtes
visiblement très contre ce projet de loi. Est-ce que vous entendez...
M. Barrette : Non.
M. Dion (Mathieu) : Bien,
contre certains éléments du projet de loi. Est-ce que vous entendez... pas
faire du «filibusting», mais vous assurer d'étirer le
processus pour...
M. Barrette : Non. Absolument
pas. Nous allons faire ce que nous avons toujours fait, et c'est ce que j'ai
fait dans le projet de loi n° 14, je vais poser des questions pertinentes,
je vais proposer des amendements pertinents face à une loi fondamentalement
injuste. Elle est imparfaite, cette loi-là. La meilleure démonstration, c'est
que le ministre lui-même a annoncé qu'il aurait des amendements à sa propre
loi. Alors donc, il y a quelque chose qui a raté, là, on s'entend, là. Et
par-dessus ça, il y a le traitement, qui n'est pas dans le projet de loi, qui
est celui des compensations à être fournies, données aux propriétaires de taxi,
qui est fondamentalement injuste. Et je vais vous dire pourquoi c'est injuste.
On vit dans une société, hein? On est une société de droit. Les organismes qui
exproprient sont exclusivement publics : municipal, provincial, fédéral.
Les compensations qui sont octroyées à ceux qui sont expropriés sont
expressément publiques, dans tous les cas de figure, payés par des
contribuables, toujours. Et c'est parce que c'est comme ça qu'on a une
procédure à suivre lorsqu'on parle d'expropriation, et, ici, la procédure n'a
pas été suivie, jamais. La compensation a été décidée par François Bonnardel
sur son bureau, puis elle n'arrête pas de changer, vers le haut, heureusement,
mais, dans le cas présent où l'entité publique exproprie, l'entité publique
compense, l'entité publique le fait selon une procédure; la procédure n'a pas
été suivie.
Ce que je demande, ce que notre formation
politique demande, c'est l'équité procédurale. Savez-vous où ce que ça nous
mène, ça? Ce n'est pas compliqué, les taxis, c'est un cas particulier qui s'est
étalé dans le temps, de 2015 à 2019, ça demande une procédure d'arbitrage sous
l'égide de la loi sur les expropriations. C'est tout ce que ça demande, un
arbitre ou un groupe d'arbitres qui ont une compétence pour statuer
correctement sur le montant. Ce n'est pas au ministre d'avoir, de façon
discrétionnaire, le pouvoir de décider quel va être le montant de compensation.
Ça, là, c'est l'enjeu primordial. Ensuite, il y a le projet de loi qui est
injuste pour ce qui est du futur de gens qui oeuvrent depuis des années dans
cet environnement-là, et il y aura des amendements, et on va faire notre
travail de la façon la plus précise et efficace possible.
M. Dion (Mathieu) : Est-ce que
c'est possible d'adopter le projet de loi d'ici l'échéance de la mi-octobre,
là, pour la révision du projet pilote?
M. Barrette : Ça, là, moi, je
vais vous dire une chose là-dessus, là. Le projet de loi, il a été déposé tard.
Je vous rappellerai qu'on a interverti, dans les études, certains projets de
loi, n'est-ce pas? Je vous laisse réfléchir aux raisons pour lesquelles — que
vous connaissez — il a eu cette inversion-là. Moi, je suis le
calendrier parlementaire imposé par la CAQ. Je ne ferai pas une étude détaillée
du projet de loi en fonction d'une date butoir. Je vais la faire en fonction de
l'intérêt du public et évidemment des artisans qui sont dans cette
industrie-là. Alors, qu'on ne me demande pas d'aller à la va-vite pour un projet
de loi aussi important parce qu'il y a une date butoir. Eux, à la CAQ, s'ils
sont dans cette situation-là, c'est eux qui l'ont créée. Bien, qu'ils vivent
avec. Moi, je vais travailler, comme on doit le faire dans ce Parlement, dans
l'intérêt du public et des artisans qui en font partie.
Mme Senay (Cathy) :In English. Now we know that it's going to be a tunnel between Québec and Lévis, but you are basically
saying: We spent the whole summer, we spent spring and a few months trying to
get answers and now you had enough.
M. Barrette : Actually we spent the whole year trying to have answers to very
important questions about the single most expensive project of this government. We're talking about billions of
dollars and, until now, we have got no answer.
The minister himself said : You will know
in time. In time, that means when I decide. Considering what this minister has said yesterday regarding the
project, in effect meaning that it might be a private project with toll, because
of that and not only because of that, it is time for this government to provide answers and that's the
reason why today we have tabled an order of initiative in order to force this government, specifically the Transport Ministry, to tell the project director to come before us,
parliamentaries, MNAs and answer questions.
Mme Senay
(Cathy) : What difference will that make?
M. Barrette :
Well, first of all, people will know exactly if this project is really going forward.
Exactly the reasons why it's been decided that way, we don't know. How can
anybody today, including us, MNAs, can appreciate, in terms of quality and
feasibility, reasonability and all that, how can we appreciate what's happening
before us today if we don't have any information whatsoever?
When we were starting the
credits, when we were questioning the ministry, no answers. We asked for the
project director, CEO, to come before us and answer questions. He said :
No. This minister is hiding a number of things that... We don't know exactly
the scope of them.
Mme Senay
(Cathy) : It is not enough for you to know
that studies are on the way?
M. Barrette :
No, it's not enough. Because where the project is at today, many, many of those
studies have been concluded, I am sure of that. You cannot be at this stage
today in any project without the government knowing quite precisely where and
why and how much it will cost.
Mme Senay
(Cathy) : And about taxi industry, you are
starting the detailed examination of Bill 17, the PQ is basically asking
why we are not having a proper study to have the exact amount of compensations.
What do you say to this? Like, are you ready? Because, like, the liberals have
given, like, 250 millions, now the CAQ has done the same. Don't you thing
that citizens will say : Well, that's enough?
M. Barrette :Well, the answer to that is quite simple. In this
province, we are living in a country that lives under the rule of law, and the
rule of law says a number of things. First of all, it's a public entity that
will expropriate you or anybody. It's a public entity, therefore using public
funds, that will compensate those who are expropriated. And that, under the
rule of law, is done under a process, not under an arbitrary decision made by
anybody in government, which is
the case today, under a process by which independent people will determine what
exactly is the right compensation. That process was never undergone.
Moreover, at the credits,
when we had to study that, I was allowed to ask a question to a civil servant that was responsible for applying the rules of
expropriation and he said, like I said, that the process was to be put in place
and the process was to evaluate the market value at any given time. That
process was not implemented in this case, which is... there is only one word for that : it's unfair. It's unjust.
I say it again : It
has been decided arbitrarily by the minister, not through a proper process.
What government has to do is to
go through some sort of arbitration, some sort of... There are ways to get into
that, and those ways were suggested during public hearings. They did not answer
to that. That is unfair.
My single point, it's the
only point, it's about justice, fairness. Everybody has to be treated fairly in
this province, and, as we speak today, it is unfair. C'est clair.
Une voix
: Merci.
M. Barrette : Merci. Ça fait
plaisir.
(Fin à 9 h 35)