(Onze heures dix minutes)
Mme Rinfret (Marie) : Bonjour
à tous. Merci de vous joindre à moi pour la présentation du rapport annuel 2018‑2019
du Protecteur du citoyen.
Je suis accompagnée de Me Hélène
Vallières, vice-protectrice, Affaires institutionnelles et prévention, et
M. Claude Dussault, vice-protecteur, Services aux citoyens et aux usagers.
Mes premiers mots vont à mon équipe de
collaboratrices et de collaborateurs. Je tiens à les remercier pour leur
sensibilité particulière au respect des droits des citoyens et des citoyennes
face aux services publics. Chaque jour, cela se traduit par une grande efficacité
et une grande humanité de leur part ainsi que par un réel empressement à
remplir une mission exigeante. Chacun et chacune contribuent à faire du Protecteur
du citoyen une institution indépendante, sans partis pris et innovante. Donc,
un merci sincère aux personnes qui m'entourent et qui donnent tout son sens à
l'existence même du Protecteur du citoyen.
Notre rapport annuel d'activité rencontre
des problèmes observés au fil de nos enquêtes, que ce soit dans des ministères,
des organismes, des établissements de détention ou dans le réseau de la santé
et des services sociaux. S'ajoutent à cela les résultats de nos enquêtes en
matière d'intégrité publique, quatre mandats tout aussi importants l'un que
l'autre.
Je tiens à mentionner que bon nombre de nos
interventions nous amènent à constater la qualité des services publics
québécois. Dans d'autres cas, des correctifs doivent être apportés afin de
corriger le ou les préjudices constatés. À cet égard, je souligne la
collaboration des instances à corriger la situation lorsqu'un préjudice
individuel ou collectif est constaté. Ceci témoigne de leur volonté de
participer à l'amélioration des services publics québécois au bénéfice des
citoyens et des citoyennes, et je m'en réjouis.
Nous avons une préoccupation toute spéciale
pour les personnes les plus démunies. Elles ont des limitations personnelles en
raison de leur santé, de leur âge, de leurs conditions sociales et économiques
ou de leur isolement. Pour elles, les services publics peuvent sembler
inaccessibles et, de fait, l'être. Or, ces gens ont souvent un besoin urgent
des différentes formes publiques d'aide et de soutien. À travers les plaintes
qu'ils nous font parvenir, ils nous disent leur sentiment d'impuissance devant
les démarches administratives qui les dépassent. Nous recevons aussi des
plaintes de femmes et d'hommes qui ne présentent pas la même vulnérabilité,
mais qui rencontrent également de multiples difficultés à avoir accès à un
programme, à un soin ou à un service auquel ils ont droit.
C'est ce qui m'amène à dire qu'en 2018‑2019
nos enquêtes ont souvent révélé que, lors de l'élaboration ou de l'application
de certains programmes, les autorités responsables ne veillent pas suffisamment
à faire le trajet administratif que doit emprunter le citoyen ou la citoyenne
pour obtenir les services auxquels il ou elle a droit.
Faire le trajet citoyen, cela signifie
emprunter exactement tout le parcours que la personne visée par le service
public et qui en a besoin, à partir de sa demande initiale jusqu'à l'issue de
sa démarche en passant par l'ensemble des formalités imposées... Je pense ici,
entre autres, aux personnes à joindre, aux formulaires à remplir, aux documents
à fournir, aux sources à consulter sur le Web, aux décisions à comprendre, aux
recours à exercer en cas de refus de l'administration. Faire ce parcours peut
révéler aux responsables du programme ou du service que les exigences imposées
aux citoyens et aux citoyennes ne sont pas réalistes par rapport aux personnes
ciblées ou encore qu'elles ne sont tout simplement pas nécessaires.
Je vous donne quelques exemples. Le crédit
d'impôt pour solidarité, que gère Revenu Québec, est destiné à des personnes à
faibles revenus. Or, chaque année, plus de 40 000 prestataires qui y
auraient droit ne le reçoivent pas. Pourquoi? Parce que Revenu Québec exige
d'eux qu'ils fassent une déclaration de revenus, et pour bon nombre de ces
personnes, particulièrement démunies, une telle exigence est très difficile à
satisfaire.
Autre exemple, le Programme de solidarité
sociale du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale vise à
fournir des prestations d'aide de dernier recours à des personnes avec des
limitations majeures qui ont une maladie, un handicap ou une condition
personnelle qui les empêche de travailler. Au fil de nos enquêtes, nous avons
constaté que des prestataires peuvent être privés de sommes qui leur sont
essentielles parce qu'on leur impose des démarches trop complexes.
Ainsi, nous avons traité le cas d'une
personne atteinte d'une grave maladie et qui touchait ces prestations. Elle a
été avisée par le ministère qu'elle devait elle-même vérifier auprès de
Retraite Québec son admissibilité à une rente parce que, si c'était le cas,
cela pouvait remplacer ses prestations. Incapable de mener ce genre de
vérification en raison de sa maladie, la personne a vu sa prestation de
solidarité sociale passer de 1 035 $ à 300 $ par mois. Elle a
été expulsée de son logement, qu'elle habitait depuis plus de 10 ans,
puisqu'elle n'était désormais plus capable de le payer.
Que les services publics se soucient de
l'harmonisation et de la complémentarité des programmes d'aide, on ne peut qu'être
d'accord avec cela. Mais ces conditions d'harmonisation doivent s'adapter à la
réalité et à la capacité des personnes qui sont concernées.
Du côté du réseau de la santé et des
services sociaux, emprunter le parcours citoyen signifie comprendre ce que vit
une personne âgée qui demeure sur une liste d'attente pendant plusieurs mois,
voire des années, avant d'avoir accès à une ressource d'hébergement qui
correspond à ses besoins. Cela veut dire aussi se mettre à la place d'un usager
ou d'une usagère, à l'urgence d'un hôpital, qui y multiplie les chutes, faute d'une
évaluation adéquate de son état par les intervenants. Que dire également de ce
que vit une famille qui vient de perdre un proche et que l'hôpital presse de
quitter les lieux, sans respecter le délai de quelques heures de recueillement
normalement accordé en pareil moment? Enfin, dernier exemple, des personnes en
perte d'autonomie se voient couper des heures de service de soutien à domicile
sans que leurs conditions ne se soient améliorées, et ce, selon un raisonnement
strictement comptable.
Mon mandat, à titre d'ombudsman
correctionnel, m'amène à constater le même phénomène dans le monde des
établissements de détention. Nos enquêtes nous révèlent en effet que des
personnes incarcérées sont aux prises avec de multiples démarches
administratives pour faire revoir leurs classements de mise en isolement,
recevoir certains soins de santé ou encore pour obtenir leurs médications lors
d'un transfert d'établissement, même chose pour avoir accès à leurs effets
personnels, dont leurs propres vêtements.
Pour d'autres exemples, je vous invite à
consulter notre rapport annuel sur notre site Web.
Les lacunes s'avèrent d'autant plus
manifestes et déplorables qu'elles contrastent avec les pratiques d'autres
secteurs des services publics, où on s'interroge sur le parcours citoyen. On y
porte une attention spéciale pour le simplifier, l'adapter et y consacrer les ressources
d'aide aux personnes qui en ont besoin. Cette préoccupation qu'ont certains organismes
publics devrait être la norme.
En d'autres mots, les organismes publics
doivent se donner la peine de passer attentivement en revue la séquence des
conditions, des critères, des exigences et des retombées concrètes de leurs programmes.
Négliger de le faire affecte des citoyens et des citoyennes mais tout particulièrement
les personnes les plus démunies.
Je vous présente maintenant les principaux
constats qui découlent de nos enquêtes à la suite de divulgations d'actes
répréhensibles commis ou sur le point de l'être à l'égard des organismes
publics.
Nous constatons un bilan en augmentation
du nombre de divulgations traitées par rapport à l'année précédente, soit
158 divulgations en 2018‑2019. Ce nombre représentait
120 divulgations au cours de l'année précédente. Celles-ci ont mené à
plusieurs vérifications et enquêtes, notamment en matière de manquement grave
aux normes d'éthique et de déontologie, d'usage abusif de fonds ou de biens d'un
organisme public et de cas graves de mauvaise gestion.
Je rappelle aussi que nous traitons les
plaintes de personnes qui se considèrent victimes de représailles à la suite de
leur divulgation ou de leur collaboration à une vérification ou à une enquête.
Je tiens à souligner qu'en toute circonstance nous prenons les mesures pour
assurer la confidentialité des informations transmises et l'identité du lanceur
d'alerte.
Pour terminer, permettez-moi de rappeler
que l'année 2019 marque le 50e anniversaire du Protecteur du citoyen.
Le 1er mai 1969, l'institution faisait ses débuts pour veiller au respect
des droits des personnes dans leurs relations avec les services publics. Depuis
ce jour, le Protecteur du citoyen a traité des centaines de milliers de
plaintes.
Mais, au-delà du chiffre, je tiens surtout
à dire que chaque cas est unique. J'insiste aussi sur le fait que nous ne
laissons tomber personne. C'est pourquoi nous rappelons souvent que nos
services sont gratuits, sans formalités compliquées et confidentiels.
Je vous remercie de votre attention et
répondrai maintenant à vos questions.
Le Modérateur
: Merci,
Mme Rinfret. Alors, nous amorçons la période des questions avec François
Cormier de TVA Nouvelles.
M. Cormier (François) :
Bonjour, Me Rinfret. Diriez-vous que, pour les personnes vulnérables, le système
est trop lourd?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, dans des conditions... dans les dossiers où nous sommes intervenus,
les constats qui sont faits dans le rapport annuel d'activité, je dois admettre
que les démarches sont trop lourdes, sont complexes, et le support donné aux personnes
n'est pas toujours adapté à la condition de la personne qui a besoin du service
public. Et c'est en ce sens-là que je fais le grand constat général et la recommandation
très forte d'emprunter le parcours citoyen pour s'assurer, de la part de l'ensemble
des ministères, des organismes du réseau de la santé et des services sociaux,
dans les établissements de détention également, d'offrir un service public
accessible et sans rupture.
M. Cormier (François) : Le gouvernement
s'apprête à... en fait, le gouvernement a annoncé au dernier budget 280 millions
de plus, entre autres, pour les soins à domicile, veut embaucher 2 500 personnes
pour les soins à domicile. Mais vous dénotez qu'il y a des problèmes pour ces mêmes
soins à domicile là. Quels sont-ils et comment les régler? Quelle mise en
garde, en quelque sorte, vous pouvez faire au ministère de la Santé, qui va
investir massivement dans les soins à domicile?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
mon message à cet égard-là, il sera bien simple, c'est de bien planifier ces
sommes pour faire en sorte que les services soient offerts aux personnes qui
doivent en bénéficier. Donc, que les messages soient clairs, qu'on étende les
services publics, l'étendue de l'offre de services, et que l'offre de services
soit inclusive, également, pour non seulement répondre aux besoins des
personnes en perte d'autonomie, pour prendre cet exemple-là, mais également que
ça réponde à leurs besoins.
Le Modérateur
: Merci.
Mathieu Dion, Radio-Canada.
M. Dion (Mathieu) : Concernant
les enfants de migrants, on pourrait parler aussi des jeunes au risque
suicidaire, est-ce que l'État manque à son devoir chez des personnes aussi
vulnérables que celles-là?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, pour prendre... J'imagine que vous faites référence au constat que
nous faisons pour rendre admissibles les enfants nés au Québec dont les parents
ont un statut migratoire précaire. Et à cet égard-là c'est un constat également
que je fais d'une interprétation restrictive de la loi, du règlement. Parce
que, selon notre interprétation, selon la Convention internationale sur les
droits de l'enfant également, les enfants nés au Québec sont des citoyens canadiens
et ont droit à une couverture de l'assurance maladie. En ce sens-là, il y a
donc des enjeux d'accessibilité aux services qui découlent d'une interprétation
restrictive de la loi. Et c'est pour cela qu'il y a, dans notre rapport annuel
d'activité de cette année, une recommandation formelle à la Régie de
l'assurance maladie du Québec de couvrir les enfants qui sont nés au Québec de
parents à statut migratoire.
M. Dion (Mathieu) : Au-delà de
dire ce que doit être la loi, ça ne vous décourage pas de voir que... des
dizaines d'enfants, sinon plus, qui ont droit à des soins de santé, et on leur refuse
de leur donner parce qu'on mal interprète la loi? Il n'y a pas un manque de
sensibilité à quelque part?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, c'est clair que, pour nous, de notre côté, la loi, telle qu'elle est
écrite présentement avec le règlement tel qu'il est écrit présentement, permet
la couverture de l'assurance maladie pour ces enfants nés au Québec. La Régie
de l'assurance maladie fait une interprétation qui est différente pour des
enjeux, je dirais, de contrôle et éviter le tourisme médical. Pour nous, et
c'est ce qu'on souligne, c'est ce qu'on soulignait également dans notre rapport
spécial, actuellement, la régie a tous les outils pour lui permettre de
contrôler et d'éviter le tourisme médical.
Alors, conséquemment, non seulement
avons-nous rendu l'an dernier un rapport spécial pour recommander à la Régie de
l'assurance maladie de couvrir ces enfants, mais on ramène cette recommandation
au sein de... dans notre rapport annuel d'activité.
La réponse que nous avons obtenue de la
Régie de l'assurance maladie, c'est qu'il y a un comité qui est mis en place,
un comité interministériel pour voir si, de fait, ces enfants peuvent être
couverts, si on peut également l'élargir à la fratrie, et, nous dit-on,
qu'entre-temps les parents qui font une demande pour ces enfants, de carte
d'assurance maladie, on leur propose de s'adresser à la ministre et de formuler
leur demande à la ministre, qui détient un pouvoir discrétionnaire pour émettre
ces cartes.
M. Dion (Mathieu) : Au-delà
de ça, vous n'interpelez pas la ministre pour dire : Sensibilisez-vous à la
question? Tu sais, vous dites : Respectez la loi. O.K., soit, mais il n'y
a pas comme une... Vous ne voulez pas exprimer une préoccupation plus sensible que
ça?
Mme Rinfret (Marie) : Absolument.
C'est d'ailleurs pour ça que le dossier, que ce dossier-là fait partie du
rapport annuel d'activité, pour sensibiliser les parlementaires, dont notamment
la ministre de la Santé et des Services sociaux, qui d'emblée a mis en place...
dès le moment où il y a eu la recommandation de formulée dans notre rapport
spécial, elle a mis en place le comité interministériel chargé d'étudier la question.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...est-ce que cette réponse-là est satisfaisante?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
pour nous, non. Pour nous, non, parce que, selon l'interprétation qu'on en
fait, tous les outils législatifs et réglementaires nous permettent de couvrir
les enfants nés au Québec de parents à statut migratoire précaire. Il peut en
être autrement pour les enfants qui ne sont pas nés au Québec et qui se
retrouvent en territoire québécois. Et à cet égard-là je comprends qu'il y ait
des études et qu'on se penche sur cette question-là. Mais, pour nous, c'est
clair que les enfants nés au Québec de parents à statut migratoire précaire ont
le droit à l'assurance maladie.
Le Modérateur
: Merci.
Charles Lecavalier, le Journal de Québec.
M. Lecavalier (Charles) :
Oui. Bonjour. Est-ce que le gouvernement du Québec met en danger des enfants
avec cette application-là restrictive de la loi?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
c'est... Bon, malheureusement, je ne suis pas capable de vous dire oui ou non.
Ce serait une réponse sur la base d'une intuition. Parce que les parents
peuvent recourir à des organisations comme Médecins du Monde, peuvent également
formuler une demande auprès de la ministre pour obtenir la carte d'assurance
maladie. Et c'est pour ça que j'insiste là-dessus, que ce soit connu. Et donc
j'irais vraiment de manière très intuitive. Alors, je me garde de porter...
M. Lecavalier (Charles) :
C'est quoi, votre intuition, justement?
Mme Rinfret (Marie) : Bon,
mon intuition, c'est que, de fait, il y a des enfants qui pourraient — je
vais y aller au conditionnel — ne pas être suivis par un médecin, qui
pourraient ne pas obtenir le dépistage nécessaire parce qu'ils ont un problème
d'audition ou un problème de vision et, conséquemment, arriver à l'école ou en
centre de la petite enfance et avoir déjà accumulé un retard, être ostracisés.
Et ça, bien, ça peut amener non seulement des problèmes de santé, mais également
des problèmes d'ordre social.
M. Lecavalier (Charles) : Je
voudrais vous entendre aussi sur, bien, Revenu Québec, là. On sait que Revenu
Québec est souvent la cible de vos rapports. Là, cette année, vous parlez des
méthodes alternatives. J'aimerais savoir... bien, comprendre c'est quoi, le problème.
C'est quoi, votre relation avec Revenu Québec? Est-ce qu'ils se sont améliorés vraiment
avec le temps?
Mme Rinfret (Marie) : Je vais
commencer par le deuxième volet. En termes d'amélioration, je dois dire que,
depuis l'adoption de la charte du contribuable et de la mise en place d'une
vice-présidence qui traite les plaintes, c'est... ils appellent le bureau des
plaintes, de fait, nous avons moins de demandes qui concernent Revenu Québec. Cependant,
les dossiers qui sont portés à notre attention, je vais dire, sont souvent plus
complexes et appellent notre intervention, notamment à l'égard des vérifications
dites alternatives.
Et, à cet égard-là, ce qu'il est important
de savoir, c'est que les vérifications alternatives sont autorisées par... ont
été autorisées par les tribunaux, mais vraiment, c'est comme l'ultime recours,
lorsque l'entreprise, par exemple, ne possède pas un registre approprié pour
établir ses revenus ou encore que, sa méthode comptable, il n'y en a à toutes
fins utiles pas. On ne peut pas s'appuyer là-dessus pour établir les revenus de
l'entreprise. À ce moment-là, il y a des méthodes dites alternatives qui
peuvent être empruntées par Revenu Québec, mais celles-ci doivent être
rigoureuses et statistiquement reconnues.
Et, dans deux cas, on a constaté... qui se
retrouvent dans notre rapport annuel, en fait, c'est deux cas qui sont rapportés
dans notre rapport annuel, mais il y avait davantage de plaintes qui portaient
à ce sujet-là, bien, les méthodes utilisées ne respectaient pas les critères,
et, ce faisant, les avis de cotisation ont été annulés.
M. Lecavalier (Charles) :
Parce que, dans le fond, il manquait de rigueur dans l'évaluation alternative
de Revenu Québec?
Mme Rinfret (Marie) :
Absolument.
Le Modérateur
: Merci.
Martin Croteau, LaPresse.
M. Croteau (Martin) :
Bonjour. Je comprends que, selon vous, la RAMQ contrevient à la loi, c'est bien
ça?
Mme Rinfret (Marie) : Selon
nous, l'interprétation que fait la RAMQ de sa loi est trop restrictive.
C'est...
M. Croteau (Martin) : Mais,
si on réduit ça à sa plus simple expression, elle contrevient à la loi, là?
Mme Rinfret (Marie) : Je
reviens avec... L'approche que nous avons, c'est de... Comment je vous dirais
ça? Mais, écoutez, est-ce que... J'ai beaucoup de difficulté à vous dire
qu'elle contrevient à sa loi. Elle interprète très restrictivement sa loi, et,
pour nous, ma foi, la lecture qu'elle devrait faire devrait être plus libérale
et inclure les enfants nés au Québec.
Donc, je ne suis pas là pour déclarer si
un organisme ou non agit de manière illégale. Ce que je constate ici, c'est
qu'il y a une interprétation qui serait possible à faire par la Régie de
l'assurance maladie pour couvrir un certain nombre d'enfants nés au Québec dont
les parents ont un statut migratoire précaire. Et c'est sur la base du statut
d'immigration des parents qu'on leur refuse, et ça, pour nous, c'est une
interprétation qui est beaucoup trop stricte de la loi.
M. Croteau (Martin) : Lors de
votre première réponse sur ce sujet-là, vous avez évoqué les conventions
internationales qui protègent les enfants. Est-ce que cette situation risque de
placer le Québec en contravention des conventions internationales qui doivent
assurer que les enfants puissent avoir accès à des soins médicaux?
Mme Rinfret (Marie) : Il y a
un enjeu à cet égard-là.
M. Croteau (Martin) :
Pouvez-vous élaborer là-dessus?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, les enfants, en vertu de la Convention internationale... Et là
j'y vais de mémoire, là, on pourra vérifier davantage, il y avait un passage à
cet égard-là, dans notre rapport spécial, mais ils ont le droit à la santé. Et
à cet égard-là, bien sûr, c'est toujours conformément aux normes en vigueur au
sein de l'État qui a adhéré à la convention. Le Québec y a adhéré, et en ce
sens-là, selon nous, les lois du Québec doivent être interprétées pour
respecter nos obligations internationales, ce qui vient appuyer notre
prétention à l'effet que la loi actuelle devrait couvrir les enfants nés au
Québec de parents à statut migratoire précaire.
M. Croteau (Martin) : Vous
n'allez pas recracher votre café si j'écris que, selon vous, le Québec se place
en contravention des conventions internationales là-dessus?
Mme Rinfret (Marie) :
Donc, la réponse, c'est : Non, je ne cracherai pas mon dentier.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Croteau (Martin) : On
parlait de café.
Mme Rinfret (Marie) :
Mais je n'ai pas de café. Mon eau.
M. Croteau (Marc) :O.K.
M. Dion (Mathieu) : Mais,
tu sais, Mme Rinfret, la raison pour laquelle on insiste, c'est qu'on
essaie de savoir est-ce qu'on doit s'inquiéter de ce que vous avez écrit dans
votre rapport concernant ces enfants-là. Est-ce qu'on doit être inquiets pour
ces enfants-là? Au-delà des paramètres dans lesquels vous êtes, là, est-ce que......
Mme Rinfret (Marie) : O.K.
Moi, je suis inquiète.
M. Dion (Mathieu) : Et pourquoi
vous êtes inquiète?
Mme Rinfret (Marie) : Je
suis inquiète parce qu'il y a des enfants au Québec qui sont des citoyens canadiens,
qui vivent au Québec plus de 183 jours par année, ce qui est une condition
réglementaire pour être admissible à l'assurance maladie du Québec. Ces enfants
ne sont pas couverts par l'assurance maladie. Donc, si mes parents, comme
enfant, n'ont pas les moyens financiers pour avoir une assurance privée ou
encore n'ont pas les moyens financiers pour m'amener à l'hôpital parce que je
me suis fait une entorse, je me suis cassé le bras, bien, ma foi, il y a là un
préjudice qui est assez évident.
Le Modérateur
: Oui. On
poursuit avec Martin.
M. Croteau (Martin) :
Avant que Mathieu me coupe... C'est correct. La dernière fois qu'on vous a
rencontrée, c'était en juin, et vous aviez présenté un rapport très critique du
MAPAQ sur sa gestion du lanceur d'alerte Louis Robert. Il y a eu plusieurs développements
dans ce dossier, depuis, il a réintégré son emploi. Avez-vous fait un suivi de
la situation au MAPAQ? Êtes-vous satisfaite de la manière dont ce dossier a été
pris en charge par le gouvernement? Et estimez-vous que le ministère a apporté
des correctifs pour tout ce qui touche, là, les lanceurs d'alerte?
Mme Rinfret (Marie) :
Vous vous rappellerez que le rapport spécial qu'on a déposé à ce moment-là
concernait évidemment le MAPAQ mais visait l'application de la Loi facilitant
la divulgation des actes répréhensibles et plus particulièrement le traitement
des divulgations qu'on y faisait à l'intérieur. Il y avait des recommandations
qui ont, de fait, été prises au sérieux par les autorités du MAPAQ. Nous sommes
en suivi pour veiller à leur implantation. Nous avons obtenu le plan d'action
demandé, et donc, à cet égard-là, on s'assure que le traitement de toute
divulgation au sein du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec respecte la loi et soit conforme aux recommandations
que nous avons formulées.
M. Croteau (Marc) :
Est-ce qu'on vous a donné une idée du moment auquel les mesures seraient mises
en place et opérationnelles?
Mme Rinfret (Marie) : Le 30
septembre.
M. Croteau (Martin) : Ah!
O.K. Merci.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous êtes Protectrice du citoyen depuis quelques années — je ne sais
pas si vous vous considérez toujours en début de mandat, là, vous avez quand
même une erre d'aller — puis, donc, il y a des thèmes qui reviennent
dans vos rapports annuels. On pense aux conditions d'incarcération des détenus
et des prévenus dans les centres de détention du Québec, il y a la difficulté,
notamment, des prestataires d'aide de dernier recours à obtenir les sommes
auxquelles ils ont droit, bon, plusieurs autres problèmes, là, qui sont
récurrents. Est-ce qu'il y a une frustration qui commence à s'installer en
vous?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, de fait, là, je suis en poste depuis le mois de mars 2017. Je ne suis
pas une personne... je suis plutôt une personne optimiste, réaliste, par
ailleurs, et très pragmatique. Et je vous dis ça parce que, tout au long de mon
mandat de cinq ans, je vais utiliser tous les outils, tous les leviers qui sont
à ma portée pour faire en sorte de faciliter l'accessibilité des services
publics intègres, de qualité aux personnes qui y ont droit, et ce, sans rupture
de ces services. Ça, c'est l'essentiel de mon mandat. Ce qui fait que c'est
certain qu'il y a... Il y a toujours des grands thèmes qui reviennent quand on
pense à l'accessibilité des services publics. Et, cette année, le constat que
je fais, c'est que je considère que les organismes publics, les instances qui
sont sous ma compétence ne considèrent pas suffisamment, voire pas du tout, le
parcours que doit faire la personne qui a besoin de leurs services, ce qui fait
que ça ne facilite pas l'accessibilité et encore moins pour les personnes les
plus démunies.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Que pourriez-vous faire de plus si, l'année prochaine, il y a toujours des
enfants de parents qui ont un statut migratoire non reconnu...
Mme Rinfret (Marie) :
Nés au Québec, oui?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, qui sont nés au Québec, des citoyens canadiens qui n'ont toujours pas
accès à des services de santé de base et qui subissent, comme vous l'avez
mentionné, un préjudice. Qu'est-ce que la Protectrice du citoyen peut faire de
plus pour forcer le gouvernement à faire preuve, disons, de bonne foi?
Mme Rinfret (Marie) : Je
vais assurer un suivi très serré des travaux du comité interministériel. On
nous a dit que les résultats de ces travaux devraient être connus à la fin de
l'automne 2019, ce qui nous met au mois de décembre.
Et par ailleurs, lorsqu'on porte à notre
attention, par le biais d'une plainte ou d'un signalement... Parce que vous
comprendrez que ces personnes-là craignent les représailles, donc ils ne
portent pas nécessairement à l'attention des institutions comme la mienne les
situations difficiles qu'ils vivent. Mais d'autres personnes les portent à
notre attention. Alors, on les réfère à la ministre de la Santé et des Services
sociaux, qui nous dit utiliser son pouvoir discrétionnaire pour accorder la
carte d'assurance maladie à ces enfants.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Pouvez-vous nous préciser le nombre de personnes que vous avez référées à la ministre?
Mme Rinfret (Marie) : On
peut vérifier, là, mais je n'ai pas cette donnée-là ici.
Le Modérateur
:Très bien. Cathy,
avais-tu des questions? Oui. Cathy Senay, CBC.
Mme Senay (Cathy) : Would that be possible to ask you questions in English?
Mme Rinfret (Marie) :O.K. So, M.
Dussault or Mme Vallières will answer.
Mme Senay (Cathy) :O.K. I'm looking at
the report, and, when you speak about the Régie de
l'assurance maladie and children born in Québec whose
parents have precarious migratory status, you've been talking about it, about
this topic in 2018, saying : Well, there is a problem here, but now you go
ahead with the recommendation. What's the difference between what you were
thinking in 2018 about this, the fact that those children should be protected,
period, and now, in 2019? What pushed you to have this recommendation a year
later?
Mme Vallières (Hélène) : It's the same preoccupation. We've tabled the report in May 2018,
detailing this problematic and explaining that our lecture of the law allowed
the Régie de l'assurance maladie to give access to those children. We were faced with a different
interpretation by the «régie», and then, that's the reason why we made this
recommendation again, because it is still not implemented, and we feel that
it's important that we come back with this issue.
Mme Senay (Cathy) : And how come the «régie» doesn't understand this, that, if a child
is born in Québec, he should be covered by the RAMQ? And you add to this the
fact that these parents don't have the money for... many of them, actually,
don't have the money to pay for health cares. So, the RAMQ is basically not
having empathy.
Mme Vallières (Hélène) : I think you should ask the RAMQ to explain their decision. We
certainly feel that these children have the right to have access to free
healthcare, that it's fundamental for their development. And it's important to understand that these children, even though
their parents don't have necessarily a permanent status, they are living in Québec and they go to school, they have this
life in Québec, so we feel it's
important for them to have access to healthcare as well.
Mme Senay (Cathy) : What can be the consequences for a child who... well, he is living
with his family, sometimes his parents are asylum seekers — like this is what we're talking
about, we talk about precarious status — or they are waiting for their permanent residence, or there are
different scenarios, but what can be the consequences for a child who does not
have access to healthcare?
Mme Vallières (Hélène) : Well, the consequences can be different from one child to another.
Of course, when a child is developing, it needs preventive healthcare, vaccines
and just normal follow-up. Of course, it depends on the situation of the parents. If the parents
have money, then maybe they can pay for the healthcare needed. But if the
parent is vulnerable, that he doesn't have any money, then, of course, it can
be a problem for these children not to have access to the proper healthcare
that they need.
Mme Senay (Cathy) : And about the self esteem or... I mean, like, you have an
impression that that doesn't help those children and they need help. Sometimes,
they went through difficult times before arriving... Oh no! Well, their parents
went through difficult times because they were born in Québec. But is there, like... Can we have, like, huge consequences with
these children going through... or having their parents going through difficult
times and not having any coverage?
Mme Vallières (Hélène) : I think having access to healthcare is a part of the integration to
the Québecsociety and to the community. So, it helps
them to be fully part of Québecsociety. So, I think, yes, they
might have some consequences on how these children adapt to the way of life in Québec and be integrated into the community.
Mme Senay (Cathy) : And one last thing. The reason why you came back with this topic
today and you go back and say : Well, no, we're going to have a recommendation for you, RAMQ, like, you
don't get it, it's because you're worried about those children?
Mme Vallières (Hélène) : ...as many subjects in our report, we focus on vulnerable people,
people in situation... who have
less resources, who have deficiencies, who have special needs. So, that's part
of the reason why, yes, we feel it's important for them to be given proper attention. So, yes.
Mme Senay (Cathy) : And a parent who goes back and ask the RAMQ for a card, healthcare
card, he can do that if he pushes the Immigration Ministry. Is there a way for
a parent to get the card for his child?
Mme Vallières (Hélène) : Yes, he can make a demand, and there are recourses that he can use.
There's a revision mechanism. So, yes, there are different ways the parent can
make this demand. We feel that it's important to treat the children of his own status. And, if it doesn't work
with the RAMQ, there's always, as Mme Rinfret mentioned, the discretionary power
of the Minister of Health to give access, in certain circumstances, to those
children.
Mme Senay (Cathy) : But it should not be a long process for these parents. They
shouldn't have to go through all this, don't you think?
Mme Vallières (Hélène) : I agree with you, yes. And, following our report tabled in 2018, we
made two other recommendations
as to facilitate the decision on admissibility of those children, and the RAMQ
has implemented those recommendations. So, to be...
Mme Senay (Cathy) : What are they?
Mme Vallières (Hélène) : It was a way to declare automatically the birth to the RAMQ, that
there would be a decision made on admissibility. So, if the parent isn't
satisfied with the decision, he can challenge it. But, at least, they have a
decision. Because, before that, some parents who had a precarious immigration
status, the birth was not even... the decision was not even given to the
parents. So, the RAMQ improved the administrative
process for those children, at least. So, that's one step.
Mme Senay (Cathy) : But you want more.
Mme Vallières (Hélène) :
Yes, of course.
Mme Senay (Cathy) : O.K. C'est bon.
Le Modérateur
:
Merci à tous. Bonne journée.
Mme Rinfret (Marie) : Pour répondre à votre question, cinq personnes ont été référées à
la ministre.
Le Modérateur
:Très bien. Merci.
Mme Vallières (Hélène) :...qui ont été référées au pouvoir discrétionnaire de
la ministre.
Mme Rinfret (Marie) : De la ministre.
Mme Senneville
(Caroline) :O.K. Pour avoir la carte, c'est ça?
Mme Rinfret (Marie) : Oui.
Le Modérateur
: Merci à tous. Bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 11 h 51)