(Onze heures seize minutes)
Mme Guilbault :
Alors, bonjour, tout le monde. Merci d'être ici présent avec nous pour cette
très belle journée, une journée pour moi qui est très heureuse, qui est
l'achèvement d'un processus sur lequel je travaille depuis quelques mois maintenant,
soit la modernisation ou, en tout cas, un projet de loi qui vise à mieux
outiller le Bureau du coroner et donc à faire en sorte que la population soit
mieux desservie par les services du Bureau du coroner, à terme, au Québec.
La loi qui régit l'essentiel des activités
des coroners, c'est la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des
décès. Elle date de 1986, et donc, depuis 33 ans, c'est une évidence que beaucoup
de choses ont changé, et il y a certains aspects de cette loi-là qui ne
correspondent plus à la réalité, qui ne répondent plus aux besoins et qui ne
fournissent plus les outils adéquats pour pouvoir fonctionner de manière
optimale aujourd'hui. On a donc voulu modifier cette loi pour mieux outiller le
Bureau du coroner pour lui permettre, à la fois, le Bureau du coroner, le
Coroner en chef et les coroners qui travaillent avec lui, pour leur permettre
de mieux accomplir leur mission et ultimement, donc, de mieux servir la population,
incluant, bien sûr, les proches endeuillés des gens dont le décès font l'objet
d'une investigation ou d'une enquête par un coroner.
Donc, il y a une cinquantaine d'articles
dans ce projet de loi là qui prévoit diverses mesures qui, dans l'ensemble,
vont permettre d'atteindre, je dirais, quatre grands objectifs. Donc, premièrement,
faire en sorte qu'on puisse avoir des rapports de coroner qui soient livrés
dans des délais plus raisonnables. Il y a un enjeu au niveau du délai de
livraison des rapports de coroner depuis plusieurs années, et donc ce projet de
loi là, à travers les diverses mesures qu'il prévoit, va permettre... va, entre
autres, donner au Coroner en chef, et c'est le deuxième grand objectif, va lui
donner davantage de pouvoirs et de mécanismes de supervision du travail des
coroners. Donc, on estime que, dans l'ensemble, tout ça devrait permettre
d'offrir un meilleur service à la population du Québec, notamment en livrant
les rapports plus rapidement.
Il y a aussi des mesures qui prévoient une
meilleure diffusion des messages qui émanent du Bureau du coroner, donc, encore
là, une façon de mieux accomplir sa mission de prévention de la vie humaine en
donnant, entre autres choses, au Coroner en chef le pouvoir d'émettre des
recommandations qui ne sont pas nécessairement contenues dans un rapport sur un
décès mais qui, par exemple, si le Coroner en chef ou un coroner observe un
phénomène de morbidité ou un phénomène qui pourrait poser des risques pour la
santé ou la sécurité des gens, lui permettraient de diffuser des messages de
prévention publics à l'endroit de la population pour mieux prévenir les
risques.
Et le dernier grand objectif, c'est
d'assurer un meilleur suivi des recommandations des coroners, parce qu'on sait,
les coroners font beaucoup de recommandations. Dans la loi actuelle, les
recommandations n'ont pas de pouvoir exécutoire, c'est-à-dire qu'elles sont
transmises au destinataire, mais la personne n'est pas tenue de faire un suivi
de ces recommandations-là. Donc, désormais, les ministères, les organismes, ou
les organisations, ou les personnes qui sont visées par des recommandations du
coroner vont devoir faire part au Bureau du coroner, d'abord, du fait qu'elles
les ont bien reçues, qu'elles en ont pris connaissance, et des suites qu'elles entendent
donner aux recommandations des coroners.
Il y a aussi une modification de la
formule de nomination et de renouvellement du Coroner en chef, des coroners en
chef adjoints et des coroners à temps plein.
Alors, dans l'ensemble, c'est un excellent
projet de loi, qui devrait pouvoir, comme je l'ai dit, augmenter la performance
organisationnelle de l'organisme qu'est le Bureau du coroner, et ultimement, et
c'est l'important pour nous, mieux servir les citoyens du Québec, notamment les
gens qui ont perdu un proche dont le décès est investigué par un coroner.
M. Dion (Mathieu) : C'est
quoi, un délai raisonnable?
Mme Guilbault :L'objectif du Bureau du coroner est de six mois, donc six mois
entre le moment où un coroner prend avis d'un décès, et le moment où le rapport
peut être retransmis à la famille, six mois d'ici décembre 2019. Là, je réponds
pour le Coroner en chef en me basant sur les chiffres de leur dernier rapport
annuel de gestion, mais c'est la cible qu'ils se sont fixée.
Actuellement, toujours selon les données
de leur dernier rapport annuel de gestion, ils seraient à 12,5 mois. Donc, on
est quand même presque en novembre, c'est un objectif ambitieux, mais il faut
reconnaître que, le Bureau du coroner, ça fait des années qu'ils attendent
après un projet de loi pour pouvoir moderniser leurs façons de faire, pour
pouvoir justement... pour que le Coroner en chef dispose de davantage de
pouvoirs pour mieux encadrer le travail de ses coroners.
Donc, aujourd'hui, ce projet de loi est
déposé. J'ai espoir que les partis d'opposition collaboreront pour qu'on puisse
l'adopter rapidement, à partir du moment où il sera en commission
parlementaire, et donc mieux outiller le Bureau du coroner pour qu'on puisse
effectivement un jour atteindre un délai plus raisonnable pour les familles.
Mme Lajoie (Geneviève) : Sur
les recommandations qui devront être suivies par les organismes visés, est-ce
qu'il va y avoir un pouvoir de coercition pour leur dire : bien, vous
n'avez pas le choix de suivre mes recommandations? Comment ça va fonctionner?
Mme Guilbault :
Bien, en fait, l'article dit que les personnes, ministères, organismes,
organisations devront transmettre au Coroner en chef, bien, leur confirmer
qu'elles les ont bien reçues, qu'elles en ont pris connaissance, comme j'ai
dit, et les suites qu'elles entendent donner. Donc, pouvoir de coercition,
c'est certain que, dans la mesure où c'est prescrit dans la loi, si une
personne ou un organisme ne le fait pas, bien, elle s'expose au fait que le
Bureau du coroner va pouvoir lui dire : Je m'attends à ce que tu me
transmettes les suites que tu entends donner.
Mme Lajoie (Geneviève) : Puis
si une personne ne... si un organisme ne le fait pas?
Mme Guilbault :
Bien là, il faudrait voir s'il y a des infractions, et ça je ne suis pas
certaine qu'il y a des infractions comme telles qui sont prévues, dans le sens
où ce n'est pas nécessairement quelque chose qui va donner lieu à une amende ou
à une autre forme de sanction. Mais par contre, symboliquement puis même
légalement, l'emprise est beaucoup plus forte pour le Bureau du coroner pour
assurer des suivis et susciter des réactions de la part des personnes qui sont
visées. C'est beaucoup plus inconfortable, pour quelqu'un qui est visé par des
recommandations, de ne donner aucune suite, puis de ne pas répondre, puis de ne
rien faire, quand c'est prescrit dans la loi, qu'actuellement où c'est un peu
au bon vouloir de ceux qui ont envie de répondre ou non.
Mme Crête (Mylène) :
Qu'est-ce que vous voulez dire par «légalement»?
Mme Guilbault :
Dans le sens où l'article de loi... c'est parce que je n'ai pas le projet de
loi pour vous le lire, mais c'est l'article... je ne me rappelle pas de mémoire
non plus, mais, dans la loi, c'est maintenant stipulé que la personne doit
informer le Bureau du coroner des suites qu'elle entend donner à la
recommandation. Dans la loi actuelle, ce n'est pas prévu comme ça. Donc, la
personne, quand les recommandations actuellement sont transmises... là, je
m'avance dans l'intendance de l'organisation, parce que c'est mon passé qui me
permet de le savoir, mais actuellement les recommandations sont transmises avec
une lettre qui demande, autant que possible, de nous faire part de ce que vous
pensez de ça puis ce que vous entendez faire. Mais il n'y a pas d'article de loi
à l'appui de cette demande-là de suivi, là. Désormais, il y aura cet article de
loi qui va donner plus de force.
Mme Crête (Mylène) :
Mais l'organisme en question pourrait répondre : je décide de ne rien
faire?
Mme Guilbault :
De ne rien faire, vous voulez dire de ne pas répondre sur les suites qu'il
entend donner ou de ne pas donner de suite à la...
Mme Crête (Mylène) :
Non, de répondre qu'on a décidé de ne pas donner suite à une recommandation.
Mme Guilbault :
Bien, un organisme pourrait répondre : Je n'entends pas donner de suite à
la recommandation, mais là il aurait rempli l'exigence de la loi qui dit qu'il
doit répondre au moins sur ses intentions. Ensuite, la personne doit vivre avec
la réponse qu'elle donne. Si elle ne veut pas donner de suite aux
recommandations, c'est sûr que... puis c'était peut-être ça, le sens de la
question que je n'ai pas compris au départ. Le projet de loi ne vise pas à
faire en sorte que les gens sont obligés d'appliquer les recommandations. Il y
a là une nuance effectivement, là. Ils sont obligés de répondre sur ce qu'ils
entendent faire par rapport à la recommandation qui leur a été formulée.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Parce que, dans le passé, il y a eu plusieurs démonstrations justement que les
recommandations du coroner n'étaient pratiquement jamais suivies, là. Il y a eu
des gros reportages là-dessus l'année dernière. Vous, vous étiez là, à
l'époque. Justement, est-ce que c'est quelque chose qui vous dérangeait?
Mme Guilbault :
Bien, qui me dérangeait... comment dire? Ce qui me dérangeait, c'est que j'ai
passé là huit ans et, pendant les huit ans que j'ai été là, j'ai assisté au
fait qu'aucun ministre, aucun gouvernement précédent ne s'est intéressé
vraiment au Bureau du coroner. Je pense qu'on peut le dire. Puis en même temps,
bon, il y a plusieurs organismes qui relèvent du gouvernement, des petits, des
gros. Il y a beaucoup de choses à faire. Je peux comprendre peut-être que
certains ont eu d'autres priorités que le Bureau du coroner, mais le fait est
que ça fait des années qu'on attend qu'un gouvernement dépose un projet de loi
pour pouvoir améliorer certaines choses, dont donner plus de pouvoir pour le
suivi des recommandations ou, du moins, les réactions aux recommandations des
coroners.
Alors, je comprends un peu le Bureau du
coroner qui dit : C'est bien beau de me demander de faire plus ou de faire
mieux, mais encore faut-il que j'aie les assises législatives et réglementaires
pour pouvoir faire plus et faire mieux. Et donc, aujourd'hui, c'est ça qu'on
fait. C'est pour ça que je dis c'est une belle journée. Je dois avouer que,
compte tenu de mon passé personnel, je suis heureuse d'être celle qui enfin
aujourd'hui dépose de projet de loi qui va permettre au Bureau du
coroner, on l'espère, de pouvoir mieux travailler, puis ultimement de
mieux servir les intérêts des citoyens. Moi, c'est toujours ça que j'ai à
l'esprit, le citoyen contribuable qui paie nos salaires. On ne souhaite à
personne d'avoir à faire avec un coroner dans la vie, en passant, mais quand ça
arrive, on est bien content d'avoir un rapport en moins d'un an, parce que souvent
on attend après ça pour les règlements d'assurance et autres.
M. Croteau (Martin) : Je
pense que la question qu'on se pose, c'est : Au-delà de, tu sais, la
mécanique de reddition de comptes ou d'échanges entre le coroner et les gens
sur qui il enquête, tu sais... Ce qui nous intéresse puis ce qui intéresse
notre auditoire, c'est : Qu'est-ce que ça change pour Mme Tremblay à
Limoilou, là, de savoir que ce projet de loi va être adopté? Qu'est-ce que ça
change pour elle?
Mme Guilbault :
Effectivement, c'est ça, Mme Tremblay de Limoilou ou n'importe quel autre
qui, un jour, va devoir malheureusement, pour lui ou pour elle, composer ou
transiger avec un coroner, parce qu'elle va avoir perdu un proche dans des
circonstances obscures ou violentes ou par suite de négligence, souhaite
obtenir le rapport du coroner le plus rapidement possible et un rapport de la
meilleure qualité possible.
Donc, l'ensemble de mesures qui sont
contenues dans ce projet de loi là devrait donner des outils au coroner en chef
pour faire en sorte que la performance des coroners en général puis la
performance de l'organisation soient meilleures, de sorte que les rapports vont
être de meilleure qualité et livrés dans des meilleurs délais. Donc,
Mme Tremblay, qui attend...
M. Croteau (Martin) : ...du
processus interne...
Mme Guilbault :
Bien, c'est parce que c'est... Je pourrais vous détailler toutes sortes de
mesures, mais c'est un ensemble. Je peux vous donner des exemples... le suivi
des recommandations, par exemple, on fait en sorte que... auparavant, quand on
voulait créer un nouveau formulaire ou un document de travail, il fallait le
publier dans la Gazette officielle, il y avait une lourdeur bureaucratique
qui n'avait pas de bon sens. Là, maintenant, on va pouvoir le faire, le faire
directement sans avoir besoin d'autorisation de la ministre, la transmission de
documents aussi, Auparavant, il fallait obtenir l'autorisation du ministre de
la Sécurité publique pour transmettre certains documents. Maintenant, ce ne
sera plus le cas.
Donc, on donne plus de pouvoirs aux
coroners pour mieux servir les citoyens, mais Mme Tremblay, effectivement,
puis c'est ça l'intérêt pour le citoyen, elle, elle veut obtenir son rapport de
coroner au plus vite, parce que souvent sa compagnie d'assurance demande le
rapport du coroner pour verser ou non une indemnité. Donc, pour elle, donner
des outils au Bureau du coroner pour travailler plus vite et mieux, c'est
bénéfique.
La Modératrice
: On
prend une dernière question.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Sur un autre sujet, peut-être, Mme Guilbault, Nathalie Normandeau
souhaitait rencontrer les enquêteurs de l'UPAC avant son arrestation. Comment
expliquez... puis ça n'a jamais été fait. Comment expliquez-vous ces méthodes
policières un peu bizarres? Comment vous qualifieriez ces méthodes-là d'enquête
policière?
Mme Guilbault :
Bien, vous comprendrez que je ne peux pas commenter sur ce genre d'éléments là
qui relèvent, justement, des enquêtes policières, des méthodes d'enquête
policière. Ce que j'ai dit, et redit, puis je vais le dire encore aujourd'hui,
sur l'UPAC, c'est que je suis bien consciente qu'il y a des choses qui ont été
faites dans le passé qui ont déplu aux gens, qui ont généré de la déception,
voire de l'exaspération au sein de la population québécoise. On parlait hier de
l'enquête Mâchurer dans la foulée de la publication du livre de vos collègues,
et il y a eu d'autres avant. Donc, il y a un ensemble de problèmes qui a été
évoqué par rapport a l'UPAC. Ce qu'on devait faire au plus vite, c'était de
nommer un nouveau commissaire. Il a été nommé, et maintenant, on a espoir que
les choses vont mieux aller au niveau des enquêtes, hein, au niveau du climat.
La Modératrice
:
Dernière question, s'il vous plaît.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc ces méthodes, ces méthodes policières, ça va changer, ça ne se refera
plus, ce genre de choses là, de ne pas rencontrer quelqu'un qui...
Mme Guilbault :
Ce que je dis, c'est qu'il y a un nouveau commissaire qui, normalement, devrait
faire les changements qui s'imposent, s'il y en a à faire, pour que l'UPAC
obtienne des résultats, on l'espère, plus satisfaisants pour la population
québécoise.
M. Dion (Mathieu) : Sur
le poste Victoria, à Québec, ici, avez-vous eu des communications avec Régis
Labeaume? Parce que, je ne sais pas si vous avez appris ça, mais les détenus
font déborder les toilettes, parfois, puis ça tombe, l'eau tombe sur les
policiers.
Mme Guilbault :
Oui. Oui, j'ai vu le reportage.
M. Dion (Mathieu) : Avez-vous
eu des communications avec M. Labeaume pour qu'il y ait une accélération
des travaux, par exemple, ou... Qu'est-ce que vous entendez faire?
Mme Guilbault :
Non, bien, c'est une... c'est-à-dire, c'est un bâtiment qui est municipal, donc
une responsabilité municipale, mais je tiens pour acquis que M. Labeaume
ou son équipe, l'administration municipale, va faire en sorte de prendre les
actions nécessaires pour qu'à la fois le personnel et les personnes qui sont
détenues, qui sont prévenues, en fait, puissent l'être dans des conditions de
salubrité et de sécurité. Moi, ma préoccupation, évidemment, c'est toujours la
sécurité des gens, donc, je tiens pour acquis que la ville va faire ce qu'il
faut.
M. Dion (Mathieu) : Vous avez
réagi comment quand vous avez appris ça?
Mme Guilbault :
Bien, comme je vous dis, la CSST ou la CNESST, en tout cas... je ne suis pas
certaine de l'acronyme...
Une voix
: ...
Mme Guilbault :
...CNESST fait enquête actuellement, c'est parce qu'il y a probablement matière
à faire une enquête. Donc, moi, c'est sûr que, quand je lis ça, à la fois comme
citoyenne et comme ministre, bien que ce ne soit pas de notre responsabilité,
je trouve ça déplorable, ce genre de situation là. Mais je tiens pour acquis
que la ville prend les mesures nécessaires pour s'assurer, elle aussi, de la
salubrité et de la sécurité des gens. C'est le gros bon sens. Merci.
(Fin à 11 h 30)