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Point de presse de Mme Christine Labrie, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de condition féminine, Mme Francine Charbonneau, porte-parole de l’opposition officielle en matière de lutte contre l’intimidation et Mme Méganne Perry Mélançon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de condition féminine

Version finale

Wednesday, November 6, 2019, 8 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Huit heures trente-quatre minutes)

La Modératrice : Donc, merci d'être là, au point de presse des oppositions avec la Fédération des maisons d'hébergement des femmes. Prendront la parole, tout d'abord, la présidente Sylvie Bourque, suivie de la directrice générale, Manon Monastesse; la porte-parole libérale en lutte d'intimidation, Francine Charbonneau; la responsable en matière de condition féminine pour Québec solidaire, Christine Labrie; et la porte-parole du Parti québécois en matière de condition féminine, Méganne Perry Mélançon. Nous prendrons les questions, seulement sur le sujet, par la suite.

Mme Bourque (Sylvie) : Mesdames, messieurs, bonjour. Mon nom est Sylvie Bourque, je suis la présidente de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Je suis aussi directrice d'une maison à Montréal depuis plus de 20 ans. C'est une maison de 15 places, qui est une des rares à pouvoir accueillir des femmes en situation de mobilité réduite.

Quelques mots sur les femmes que nous accueillons, leur réalité, leurs besoins, la vie qui change et les services qui ne suivent pas. Ces femmes sont de plus en plus jeunes, elles sont de plus en plus vieilles, elles viennent de 80 pays dans le monde et parlent autant de langues. Elles viennent de tous les coins du Québec, elles sont passées par des routes que nous ne pouvons pas imaginer. Même si la violence n'est pas exclusive à une classe sociale, les femmes hébergées ont généralement peu de moyens financiers. Elles restent, comme leurs mères avant elles, plus pauvres toute leur vie. Plusieurs sont à risque ou ont vécu de l'itinérance, souvent cachée, exclue des statistiques car elles ne sont pas visibles dans la rue.

La nouvelle génération de femmes violentées fait face à des nouveaux moyens de contrôle. Les réseaux sociaux et les applications de géolocalisation sont des obstacles supplémentaires dans leur vie déjà empreinte de violence. Elles ont fait leur éducation sexuelle sur YouTube, où elles ont appris qu'il faut accepter n'importe quelle pratique sexuelle, sans quoi elles ne seront pas aimées en retour.

Les femmes qui viennent en maison d'hébergement ont plusieurs points en commun. Elles ont été exploitées, vendues, échangées, dénigrées, contrôlées, harcelées, agressées. Certaines ont été menacées de mort. Toutes ont été violentées. Leur situation est devenue si complexe que les séjours en maison s'allongent, ce qui nous amène à refuser plusieurs autres femmes qui auraient besoin de nos services. La grande majorité de ces femmes se considèrent entièrement responsables des violences qu'elles subissent. Elles en viennent à croire qu'elles sont responsables de leur situation, qu'elles ont fait toujours les mauvais choix. Les maisons sont là pour déconstruire et les aider à se libérer.

Les maisons d'hébergement sont des milieux de vie, du 24/7 en première ligne, une vie communautaire, des partenaires impliqués dans la communauté afin d'offrir à ces femmes les ressources dont elles ont besoin pour briser le cycle de la violence. Les maisons sont des organismes essentiels pour la sécurité des femmes et de leurs enfants. Elles sont aussi en première ligne de la prévention et de la sensibilisation contre la violence envers les femmes.

Malheureusement, notre situation financière est désormais criante. Par manque de ressources financières, les maisons ne peuvent plus réaliser leur mandat. On doit fermer des chambres, on doit diminuer l'offre de service externe. On doit gérer les listes d'attente. On ne peut plus accompagner autant de femmes dans leurs démarches. On ne fait plus de sensibilisation pour ne pas créer une demande à laquelle nous ne pourrons pas répondre. On se prive de service d'interprétariat, faute de budget, etc.

Ça veut dire aussi un personnel épuisé, des intervenantes qui se brûlent, des départs nombreux, des équipes incomplètes. Tout cela, associé à des conditions de travail souvent minimalistes, pour le dire poliment, amène un roulement élevé dans le personnel et des difficultés à recruter. Les maisons ne peuvent se rendre accessibles aux femmes aînées ou à mobilité réduite, parce qu'elles n'ont pas les moyens de faire les aménagements ou les réparations nécessaires. Ça veut dire des maisons qui doivent faire des choix déchirants au quotidien. Chaque demande d'hébergement refusée par manque de place nous confronte à l'impuissance. Où ira-t-elle? Sera-t-elle en sécurité? Quand rappellera-t-elle? Quand pourrons-nous l'aider?

Nous appelons le premier ministre et son gouvernement à investir réellement dans la consolidation et le développement du réseau des maisons d'hébergement pour femmes en nous donnant les moyens de répondre à la hauteur des besoins de ces femmes et de leurs enfants. Merci.

Mme Monastesse (Manon) : Alors, mesdames, messieurs, bonjour. À titre de directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes et des 35 maisons d'hébergement situées partout à travers la province, qu'elle représente et qui sont ici, derrière moi, aujourd'hui, je vous remercie de votre présence et de votre intérêt. Je tiens également à remercier, au nom des milliers de femmes et d'enfants qui frappent quotidiennement à nos portes, les députés qui sont avec nous dans cette démarche transpartisane. Il est impératif de combattre la pandémie de la violence envers les femmes. Au Canada, une femme est tuée par son conjoint ou son ex-conjoint tous les deux jours. Messieurs, mesdames, je salue votre engagement et je vous remercie de mener ce combat solidaire contre la violence et pour l'égalité pour toutes les femmes.

La fédération souligne tristement son 32e anniversaire, 32 ans à lutter contre les violences et les discriminations envers les femmes, 32 ans à se battre pour l'égalité réelle. 32 ans et pourtant, en 2018‑2019, ce sont 2 936 femmes et 1 615 enfants qui ont été hébergés dans les maisons membres de la fédération. De plus, chaque année, les maisons membres soutiennent près de 5 000 femmes et enfants en services externes, répondent à plus de 50 000 appels d'urgence et offrent plus de 175 000 suivis individuels.

Les motifs de demandes de services sont divers et variés : violence conjugale, violence familiale, violence basée sur l'honneur, la traite, agression ou exploitation sexuelle, itinérance et j'en passe. En plus de subir de nombreuses formes de violence, les femmes doivent composer avec les conséquences de ces violences. Elles doivent développer des stratégies de survie pour y faire face, vivre un parcours d'itinérance, vivre avec des problématiques de santé mentale, vivre avec des enjeux de consommation.

Parmi les femmes hébergées, en plus d'avoir vécu plusieurs formes de violence : physique, psychologique, verbale, sexuelle, économique, de post-séparation, il y a 19 % qui ont déclaré avoir été victimes de menaces de mort, 4 % ont survécu à une tentative de meurtre, 10 % ont été victimes de séquestration, 19 %, soit une femme sur cinq, déclarent avoir été victime de menaces autres. Ça veut dire de tuer les enfants, de récupérer la garde, de tuer l'animal de compagnie, de s'en prendre aux membres de la famille. Seulement 19 % des femmes ont porté plainte à la police par crainte notamment des représailles citées ci-dessus.

Porter plainte et se lancer dans un processus judiciaire, quel qu'il soit, reste un parcours semé pour les femmes violentées. Faire reconnaître les violences vécues par les institutions reste encore un parcours semé d'embûches, et comment. L'aide sociale, l'IVAC, l'aide juridique, les services d'interprétariat, le processus migratoire, le traitement réservé à l'immigration, le parcours dans le système de justice, l'accès à un logement social ou à un HLM, les délais sont tellement longs et les contraintes tellement élevées que les femmes sont revictimisées plusieurs fois lorsqu'elles essaient de s'en sortir.

Comment se fait-il que la majorité des femmes hébergées pour un motif d'itinérance aient aussi été victimes de violences sexuelles et d'inceste? La situation est également critique pour nos enfants. 80 % des enfants hébergés et 94 % des enfants suivis par nos services externes ont été exposés à la violence conjugale dont une forte proportion a subi de la violence verbale et psychologique, mais aussi de la violence physique. De plus, 30 % des enfants hébergés et en suivi externe ont un dossier à la protection de la jeunesse.

Cependant, avec un taux d'occupation qui avoisine ou dépasse les 100 %, les maisons ont refusé, en 2018‑2019, 14 997 demandes d'hébergement, faute de places disponibles au moment de l'appel. Les ressources manquent toujours cruellement à travers la province. Pour les maisons d'hébergement, la question de vie ou de mort est souvent trop réelle. L'égalité de droit, certes; l'égalité de fait, pas encore tant qu'il y aura des violences envers les femmes.

Il reste donc beaucoup à faire, et nos maisons sont les gardiennes des droits des femmes et ceux de leurs enfants. Ces droits sont pourtant enchâssés dans nos chartes québécoise et canadienne, entre autres le droit à la vie et à la sécurité. Pour ce faire, les maisons d'hébergement doivent disposer des moyens suffisants afin de réaliser correctement leur mandat.

Nous étions ici, en point de presse à l'Assemblée nationale, il y a deux ans pour demander des moyens pour les maisons et un plan d'action. Nous étions réunis en forum l'année dernière et nous lancions un appel au gouvernement caquiste tout juste arrivé en poste pour des moyens substantiels pour les maisons. Nous sommes encore ici un, deux, 32 ans plus tard, c'est selon, pour lancer un appel clair au gouvernement. De Montréal au Québec, de Chibougamau à Gaspé, de Sherbrooke à Gatineau, les maisons souffrent et ne peuvent plus réaliser leur mandat. Les maisons débordent et ne peuvent plus répondre à la demande. Il est donc urgent de consolider des maisons d'hébergement en augmentant substantiellement le financement. Il est tout aussi impératif d'ouvrir plusieurs centaines de places d'hébergement pour femmes au Québec.

Par respect pour toutes les femmes et leurs enfants qui sont morts, par respect pour toutes les femmes et les enfants qui trouvent refuge dans nos maisons, par respect pour toutes les femmes et leurs enfants à qui on ne peut offrir ni service ni hébergement, par respect pour celles qui vivent en situation précaire, par respect pour toutes celles qui vivent de multiples formes de violence et leurs conséquences, nous attendons toujours des réponses du gouvernement. Vous l'avez compris, les besoins sont énormes, les attentes sont grandes. La fédération et ses maisons membres répètent qu'elles souhaitent être des alliées. Alors, merci d'entendre notre voix qui porte des milliers de voix silencieuses.

Mme Charbonneau : Bonjour. 32 ans de vie et accompagnée d'une trentaine de femmes qui sont directrices de maison, qui, au quotidien, comme le disait si bien madame, au quotidien, défendent le droit de ces femmes. En ce moment, je le dis avec un peu de candeur, mais en ce moment, les étoiles sont enlignées.

Le gouvernement du Québec, avec l'ensemble des partis, se sont arrêtés pour parler de la DPJ, de la violence faite aux femmes, des abus sexuels. Le gouvernement se targue d'être un gouvernement des familles. Bien, les familles, ça commence par la protection de la voix de ces femmes qui ont choisi de prendre des décisions et de vivre une vie juste et égale aux autres. On a l'obligation de faire en sorte que ces femmes aient un endroit où elles sont protégées, où leur voix porte et où leurs enfants ne seront jamais en danger.

Sincèrement, c'est avec conviction que je joins ma voix à celles de mes collègues pour faire en sorte que le gouvernement regarde l'aspect budgétaire avec beaucoup d'attention et investisse dans les maisons pour faire en sorte que les femmes du Québec aient un endroit sûr et sécuritaire pour s'y joindre.

Avant de laisser ma place à mes collègues, je veux remercier toutes ces femmes qui, jour après jour, accueillent, soutiennent et écoutent ces femmes et ces enfants qui arrivent dans cette maison qui est la leur, le temps qu'ils y sont, pour pouvoir faire en sorte qu'ils s'y retrouvent et qu'ils se retrouvent une voix pour faire face à ce quotidien. J'espère sincèrement que cette voix portera jusqu'à l'oreille du premier ministre.

Mme Labrie : Merci, Francine. Écoutez, j'ai abordé la question, il y a déjà plusieurs jours de ça, à la période des questions, pour souligner au gouvernement l'urgence d'agir. Chaque jour, il y a des dizaines de femmes qui se font refuser une place en maison d'hébergement pour victimes de violence conjugale. Depuis que j'ai posé la question, des centaines de femmes encore se sont fait refuser des places, alors même que leur vie est en danger. Les femmes qui tentent d'entrer en contact avec une maison d'hébergement, elles sont en danger, elles ne se sentent pas en sécurité chez elles et elles ont besoin de soutien. Ça fait 10 ans qu'il n'y a pas eu de nouvelle ouverture de places en maison d'hébergement au Québec. C'est extrêmement problématique parce que ces femmes-là sont réellement en danger. Il y en a une par mois qui est tuée au Québec, il faut se le rappeler. Et quand j'ai posé la question, la ministre de la Justice nous a dit qu'il fallait faire preuve de plus de créativité, il fallait trouver des nouvelles solutions, il ne fallait pas seulement demander de l'argent.

Mais la réalité, c'est que des solutions, on en connaît. Oui, on a besoin de réfléchir à l'accès à la justice, c'est une démarche qui est en cours, mais par rapport à l'hébergement, les solutions, elles existent, et le problème, ce n'est pas la créativité, c'est le manque de financement chronique des maisons d'hébergement. On a une mise à jour économique qui s'en vient, je m'attends à des engagements concrets de la part du gouvernement pour répondre à ces femmes-là qui sont en situation d'urgence, pour débloquer des fonds pour ouvrir des nouvelles places. Ça devrait être une priorité nationale que chaque personne, au Québec, puisse résider dans un endroit où elle se sent en sécurité. Donc, c'est ça mes attentes envers le gouvernement : Arrêter d'essayer de réinventer la roue et mettre les fonds nécessaires sur la table pour qu'on puisse répondre à l'urgence de ces femmes-là qui sont en détresse. Merci.

Mme Perry Mélançon : Alors, bonjour, tout le monde. D'abord, merci à mes collègues des deux oppositions de se mobiliser pour cette cause très, très, très importante et préoccupante. Et surtout, bien, je veux aussi remercier la trentaine de directrices de maisons qui sont présentes aujourd'hui, sachant toute la lourde tâche qu'elles ont au quotidien, autant pour s'occuper des soins de ces femmes-là et des enfants, mais également à chercher quotidiennement du financement et des moyens de se diversifier pour pouvoir offrir le service nécessaire à la sortie de ces femmes-là de la détresse et du cycle de violence conjugale. Alors, j'ai une pensée pour le regroupement, aussi, des maisons d'hébergement pour femmes qui travaille en collégialité avec la fédération, qui sera dans les tribunes aussi, aujourd'hui, lors de la période de questions.

Alors, comme je le disais, vous travaillez trop souvent dans l'ombre. Votre travail est colossal et demande une implication totale et un dévouement, il faut le dire aussi. Alors, je suis très fière d'être ici, à vos côtés. Par contre, je considère désolant de devoir quémander le gouvernement pour qu'il injecte de l'argent pour soutenir des services essentiels à des femmes en détresse. Alors, les maisons d'hébergement pour femmes sont des services nécessaires. Il devrait être tout naturel de redonner à un réseau qui a fait ses preuves, on le disait encore en commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs, on en parle tous les jours, du travail des maisons d'hébergement. Et vous parliez d'être... vous vouliez être un allié du gouvernement, bien, je peux vous dire que vous êtes les alliés de bien d'autres partenaires. On en parle tous les jours, en ce moment, en commission.

Alors, ces maisons sauvent des vies. Le sous-financement chronique, depuis plusieurs années, empêche des centaines de femmes, ce n'est pas la première fois qu'on le dit, et d'enfants à obtenir de l'aide. Ils cognent à nos portes, et on refuse de les prendre. C'est inacceptable.

Alors, on s'allie aujourd'hui pour souligner l'apport important de nos maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. On dénonce le sous-financement chronique des maisons d'hébergement qui place de nombreuses femmes et enfants en situation de danger. On demande aussi au gouvernement de consolider le réseau actuel par un rehaussement d'au moins 20 %, ce qui est demandé depuis plusieurs années, donc d'au moins 20 %, le temps de négocier quelque chose qui a plus d'allure.

Alors, finalement, on demande aussi au gouvernement de réinvestir dans le réseau des maisons d'hébergement pour femmes et enfants dans le but d'ouvrir plusieurs centaines de places rapidement, considérant qu'il y a 35 000 demandes d'hébergement qui sont refusées chaque année et considérant qu'il n'y a eu aucune nouvelle maison qui a ouvert ses portes depuis 2008.

Alors, j'espère que le gouvernement va entendre ce cri du coeur de nos directions de maisons pour femmes victimes de violence conjugale et qu'il agira promptement. Alors, merci de votre attention.

La Modératrice : Merci beaucoup. On va passer à la période de questions sur le sujet. Caroline Plante.

Mme Plante (Caroline) : Bonjour à toutes. Avez-vous chiffré les investissements qui sont nécessaires?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, en ce qui concerne... Pour nos 36 maisons d'hébergement, nous, on a évalué, de façon très conservatrice, que ça prendrait 26 millions d'injectés au niveau vraiment du financement global, à la mission globale.

Mme Plante (Caroline) : Puis, comme il a été mentionné, il y a une mise à jour économique demain qui va être déposée par le ministre des Finances. Est-ce que vous pensez que c'est tout à fait réaliste d'espérer 26 millions dans la mise à jour économique?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, comme je vous dis, ce sont des chiffres qui sont extrêmement conservateurs. Ce n'est que pour consolider déjà les services qui sont en place. Et les maisons, au cours des années, ont développé de nombreux services à même le financement de base. Alors, ne serait-ce que pour être à flot, ça nous prend 26 millions d'argent neuf au niveau de l'investissement, au financement, à la mission globale.

Mme Plante (Caroline) : Est-ce que vous vous attendez, donc, à voir ces sommes demain, étant donné aussi que le gouvernement nage dans les surplus? Est-ce que vous vous attendez à avoir cette somme-là?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, oui. Oui, oui. Ce n'est vraiment pas dans... On n'est même pas dans le superflu, là. Je veux dire, les intervenantes qui sont engagées dans nos maisons, nous, on n'accote même pas au financement qui est donné dans le secteur public, là. On est très en deçà au niveau des conditions de travail, au niveau... Il n'y a pas de retraite, il y a... le salaire horaire est en bas de 20 $, et ce sont souvent des filles qui ont des baccalauréats, des maîtrises. Alors, les maisons essaient justement d'être extrêmement créatives pour leur donner de meilleures conditions de travail, mais on n'arrive même pas à être compétitives avec le réseau.

Mme Plante (Caroline) : Si le gouvernement Legault n'entend pas votre cri du coeur ce matin et ne met pas cette somme-là dans sa mise à jour économique de demain, quel message ça va envoyer?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, c'est un message qu'il ne considère pas du tout le travail que l'on fait, et ça, ça veut dire qu'on va encore refuser encore plus de femmes et d'enfants. Et les maisons sont vraiment au bord du gouffre. Ça veut dire fermer des lits, ça veut dire fermer des étages, ça veut dire fermer des services.

Mme Bourque (Sylvie) : Et ça met la vie des femmes et des enfants en danger aussi. C'est ça. Est-ce qu'on attend un drame pour agir?

Mme Bourque (Sylvie) : Oui, encore.

M. Larin (Vincent) : Oui. Bonjour à tous. J'aurais juste aimé comprendre, je n'ai peut-être pas bien saisi le chiffre exact, je m'informerai après, mais 14 000 demandes d'hébergement refusées par année au Québec.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, par année. Par année, c'est toujours en croissance.

M. Larin (Vincent) : Juste comprendre, est-ce que c'est un chiffre qui est en augmentation? Ça semble énorme.

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait. Tout à fait.

M. Larin (Vincent) : C'est en augmentation, donc encore, le phénomène de la violence conjugale au Québec?

Mme Monastesse (Manon) : Toujours, toujours, toujours.

M. Larin (Vincent) : Vous pensez qu'on est assez sensibilisés à ça dans la population en général?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, on est quand même... il faut dire que les femmes vont demander beaucoup plus rapidement de l'aide, et il y a quand même... c'est grâce à la sensibilisation. On est quand même victimes de notre succès, on est contentes, mais il faut être capables de répondre à la demande.

Mme Labrie : Si je peux me permettre, ces 15 000 demandes d'aide là auxquelles on n'est pas capable de répondre, là, c'est parce que ces femmes-là ont décidé d'aller chercher de l'aide. Elles sont sensibilisées, elles savent qu'il existe des ressources, mais, quand elles appellent, la ressource, elle n'est pas disponible.

Le montant qui a été mentionné tout à l'heure par Mme Monastesse, c'est pour maintenir à flot les services qui existent en ce moment. On ne parle pas de création de nouvelles places avec ce montant-là. Pour répondre aux 15 000 demandes d'aide qui existent en ce moment, là, et qui sont refusées, ça prend aussi des nouvelles places. Donc, c'est clair que ça prend des montants supplémentaires à ce qui a été nommé pour, oui, améliorer les conditions de fonctionnement des maisons qui existent actuellement. Mais la réalité, c'est que ça ne sert à rien de faire de la sensibilisation pour dire aux gens : Allez chercher de l'aide, car l'aide n'est pas au rendez-vous. On maintient ces femmes-là en danger.

Mme Plante (Caroline) : ...une précision. Est-ce que vous avez eu des conversations avec la ministre responsable de la Condition féminine?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait.

Mme Plante (Caroline) : Puis ça a été quoi, le résultat de ces conversations-là?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, on va les rencontrer à nouveau. Maintenant, ça faisait un an qu'on demandait une rencontre avec Mme McCann, on va l'avoir la semaine prochaine. Également, on va rencontrer Mme Guilbault. Mme Charest va être représentée, mais, écoutez, ça, on a eu de différents dialogues avec les attachés politiques. On leur a même soumis l'argumentaire de nos demandes de financement, parce que, bien sûr, comme disait madame, on parle de 26 millions seulement pour se mettre à flot, mais il y a tout le développement. C'est plus de 200 places qu'on a de besoin, donc ça demande vraiment un investissement supplémentaire. Ça veut dire des nouvelles...

Mme Plante (Caroline) : Combien de millions de plus, disons, pour...

Mme Monastesse (Manon) : Bien, ça, pour toutes les organisations, là, autant pour le regroupement que pour la fédé, on a évalué à 50 millions en développement.

Mme Plante (Caroline) : Plus le 26?

Mme Monastesse (Manon) : Plus le 26... 30 millions. C'est ça. En tout.

Une voix : Pour la mission, 30; 50 en développement.

Mme Plante (Caroline) : L'enveloppe globale serait de 50, pour maintenir à flot et créer des nouvelles places.

Mme Monastesse (Manon) : Voilà.

Mme Plante (Caroline) : O.K. Alors, si vous êtes ici ce matin, manifestement, c'est parce que vous n'êtes pas satisfaites, là, des discussions qui ont eu lieu, de la réponse du gouvernement?

Mme Monastesse (Manon) : Bien non. On continue à faire entendre notre voix jusqu'à temps qu'on puisse obtenir, parce que vraiment, comme on l'a dit, on répond à des situations critiques, et ce sont des femmes qui ne reçoivent pas... Ça, ça veut dire, ce sont des femmes qui vont rester avec un conjoint violent, qui vont rester dans des situations précaires, et, comme on dit, la situation ne fait qu'empirer d'année en année, là. On n'est pas... Quand moi, je suis arrivée en poste, il y a deux ans... 12 ans, on était à un taux d'occupation moyen, pour nos maisons d'hébergement, autour de 80 %. Maintenant, on est à 96 %. Ça, ça veut dire que 365 jours par année, dans la plupart des régions, les maisons sont toujours pleines.

La Modératrice : Est-ce qu'il y a d'autres questions? Merci beaucoup.

Mme Charbonneau : Avant que ça se termine, je pense que c'est important de comprendre qu'avoir le courage de dénoncer, d'aller chercher des services, c'est quelque chose qui est exceptionnel. Et on se doit, comme gouvernement, de ne pas attendre de faire une commission spéciale, mais d'investir où il y a des gens qui sont là pour aider. Donc, s'il vous plaît, soyons solidaires, je pense qu'on l'est déjà beaucoup, et faisons en sorte qu'on réponde à ces demandes.

La Modératrice : Merci beaucoup.

(Fin à 8 h 59)