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Point de presse de M. Sol Zanetti, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de santé et services sociaux

Version finale

Thursday, December 5, 2019, 9 h 31

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures trente-deux minutes)

M. Zanetti : Alors, bonjour. C'est un honneur pour moi de prendre la parole aux côtés de Marjolaine Goudreau, la présidente de l'association des travailleuses sociales et techniciennes en travail social, le RECIFS. Si on est ici aujourd'hui, c'est pour lancer vraiment un cri du coeur à la ministre de la Santé. Mme Goudreau pourra mettre des mots mieux que moi, là, sur la dure réalité qui est vécue dans le réseau, mais le constat général est alarmant. La gestion comptable de la Santé est en train de rendre tout le monde malade.

Et la culture du silence qui règne dans le réseau empêche le personnel soignant de dénoncer un climat qui est devenu insoutenable. Les professionnels qui soignent nos proches sont complètement à bout, il n'y a pas d'autre mot. On leur impose des impératifs de performance et de rentabilité toujours plus élevés. Ils sont devenus contraints de traiter les patients comme de la marchandise sur une chaîne de montage. Beaucoup d'entre eux n'osent pas porter plainte ou dénoncer leurs conditions de travail par peur de représailles. On ose même faire taire leurs critiques en évoquant un devoir de loyauté envers le réseau, mais leur devoir de loyauté, en fait, les gens du réseau de la santé sont en train de l'exercer en ce moment en dénonçant publiquement ce mode de gestion à la chaîne qui est complètement déshumanisant pour tout le monde.

Alors, aujourd'hui, on demande au gouvernement de créer une commission d'enquête publique pour faire la lumière sur l'impact de ce mode de gestion sur notre système de santé et notre personnel. Je vais également déposer une motion en Chambre pour demander au gouvernement de mettre en place sur cette commission une motion qui ressemble beaucoup au libellé que le gouvernement a lui-même déposé cette semaine, comme motion, pour faire appel à la liberté d'expression et valoriser finalement la culture de l'expression des insatisfactions, là, envers le réseau. Donc, s'ils pensent que... s'ils ont eux-mêmes déposé une motion pour que ça passe dans le domaine de l'éducation, on pense qu'en toute cohérence ils devraient accepter qu'on dépose une motion tout à fait similaire, mais appliquée au réseau de la santé.

Et ce qu'on veut envoyer comme message essentiellement, là, c'est que, oui, il manque de personnel dans le réseau de la santé, oui, il faut des projets ratios, oui, il faut investir de l'argent, mais il faut avoir un regard plus profond que ça sur la façon dont sont gérées les choses, dont sont considérées les personnes et aussi non seulement les patients, mais aussi les personnes qui traitent ces personnes-là parce que leurs conditions de vie sont interreliées. On ne peut pas avoir des bons soins si on n'a pas des bonnes conditions aussi dans lesquelles on les donne.

Alors, c'est ce message vraiment important... et je vais laisser la parole à Mme Goudreau pour pouvoir vous en parler davantage.

Mme Goudreau (Marjolaine) : Merci, merci, merci. Alors, bienvenue. Merci de m'avoir présentée, Sol. Je vais quand même rajouter que j'ai une formation en travail social, et j'ai travaillé 35 ans dans le réseau des services publics et des services sociaux et huit ans en maison d'hébergement pour femmes victimes de violence.

Je vais vous parler des cinq dernières années qu'on a vécues. Je travaille étroitement avec un collègue, qui est M. Angelo Soares, qui est professeur et chercheur à l'école de gestion de l'UQAM, et ce que nous, tous les deux, on constate depuis les 15 dernières années, c'est les impacts de la méthode «lean». Souvent, dans le réseau, on appelait ça le toyotisme en santé parce qu'il y a un parallèle assez évident à faire entre les deux.Et, dans le fond, le point de presse et les actions qu'on fait aujourd'hui sont là pour dénoncer un peu les impacts sur les intervenants, sur les travailleurs et sur les services à la population.

Donc, je vais vous informer, et vous le savez possiblement, que nos gouvernements passés — et actuel — ont effectivement fait le choix de produire et de gérer les soins et les services sociaux de la même manière qu'une industrie produit et gère des objets industriels. Pour nous, c'est un similaire assez évident.

Aujourd'hui, on constate que la chaîne de montage que le gouvernement a mise en place menace très sérieusement de rompre, ce que les employés vivent, et ils tombent de plus en plus en arrêt de travail pour cause de maladie. On doit donc, nous, se rendre à l'évidence que la décision des gouvernements, successivement... ont fait de choisir l'approche industrielle, qui a eu pour effet de créer une profonde crise de valeurs chez tous les employés du réseau, autant les professionnels que tous les autres qui y travaillent, la performance, l'optimisation, la compétition avec les valeurs industrielles qui, la plupart du temps, entrent en contradiction profonde avec des valeurs humanistes, les normes et même nos codes de déontologie.... Alors, aujourd'hui, par exemple, pour le ministère, je vais vous donner un bel exemple qui est assez concret, pour le ministère, un bon employé, c'est celui qui voit le plus de personnes dans le moins de temps possible. Celui qui, auparavant, prenait le temps pour accueillir, écouter, prendre soin, pour accompagner une famille, une personne âgée, eh bien, aujourd'hui, ce même employé-là est perçu et est devenu, aux yeux du ministère, un improductif. Alors, dans cet exemple-là, vous voyez comment les valeurs industrielles qu'impose le gouvernement affectent autant les personnes, les soignants, les travailleurs sociaux que les personnes les plus vulnérables de notre société.

Autre point qui découle directement de l'approche industrielle, c'est la prolification à n'en plus finir des protocoles, des outils technocratiques qu'on impose aux salariés, jour après jour, et de façon obligatoire. La problématique est devenue à ce point critique à ce niveau-là que le temps que les soignants passent à gérer cette technocratie, elle est en voie de surpasser le temps de présence directe à la population. Alors, on est en train de dire, nous, sur le terrain, qu'il y a, dans une journée, à peu près 50 % de temps qui est passé à compléter des formulaires et de la paperasse au lieu d'être en présence directe avec les gens et de donner les soins et services auxquels ils ont droit. Et fait encore plus inquiétant, les outils, les protocoles sont devenus tellement nombreux, fastidieux, qu'on a besoin aujourd'hui de tout notre personnel clinique pour gérer cette technocratie que le ministère a besoin pour fonctionner. En conséquence, non seulement les travailleurs ont de moins en moins de temps pour être auprès de la population, mais ils sont surtout aussi de moins en moins aidés eux-mêmes, comme professionnels, pour gérer les difficultés qu'ils rencontrent dans leur travail, bien sûr, auprès de la population et des gens qui demandent des services. Alors, disons-le ici clairement, jamais la technocratie d'un modèle de gestion n'a autant éloigné les professionnels et les employés de la population.

Alors, comment alors pouvons-nous nous assurer que ce sont bel et bien les soins de la population qui sont au centre du système? On se pose drôlement la question, évidemment. Alors, nous croyons que, socialement, politiquement, l'heure est venue de faire le bilan du modèle de gestion adopté par le gouvernement, d'en évaluer les impacts, de cette approche industrielle auprès des employés et pour les services à la population.

Alors, pour donner une voix aux professionnels de la santé et des services sociaux qui ont peur de parler, comme M. Zanetti le disait auparavant, le RECIFS, plusieurs professionnels, des regroupements de défense de droits, des professeurs, des chercheurs issus du milieu universitaire sont ici avec moi, actuellement. Ils s'unissent aujourd'hui pour demander officiellement aux élus l'ouverture d'une commission d'enquête publique portant sur l'approche «lean» appliquée par le gouvernement actuel. Merci.

M. Zanetti : Merci. Et je voudrais rajouter quelque chose. La ministre de la Santé, Mme McCann, a fait des commentaires dans la dernière année où elle invitait les gens à rompre la culture du silence. Elle l'a dit, et je pense qu'on peut la croire sincère là-dedans. Toutefois, c'est insuffisant. On ne peut pas juste dire à ces effets-là qui sont causés par un modèle de gestion, on ne peut pas leur proposer de disparaître, de disparaître, la loi du silence, sans avoir une réflexion profonde sur les raisons qui mènent à cet état de fait là.

Et moi, j'invite vraiment tous les partis, d'opposition aussi mais particulièrement le gouvernement, à accepter, à voter en faveur de notre motion aujourd'hui parce que, si non, quel signal on envoie aux gens du réseau? Quel signal on envoie si on leur dit qu'on n'est pas prêts à leur dire qu'on va réfléchir à ce qui cause la loi du silence dans le système de santé en ce moment? Quel message on veut leur envoyer?

Je pense, c'est important, et, ce que vous voyez là, c'est un mouvement de fond. Ce n'est pas, là, une organisation qui pense une affaire, un parti politique qui pense une chose, qu'il faut réfléchir là-dessus. La lettre qui a été diffusée dans les médias ce matin, elle est appuyée par 120, je pense...

Mme Goudreau (Marjolaine) : 187 signataires.

M. Zanetti : 187 signataires.

Mme Goudreau (Marjolaine) : Ça, c'est sans calculer qu'il y a les syndicats qui sont impliqués dans ça, il y en a quand même trois, il y a des regroupements communautaires du Québec qui ont signé. Donc, officiellement, il y a 187, mais ça comporte beaucoup plus. C'est quand même assez parlant, là.

M. Zanetti : Exact. C'est un mouvement de fond, et il y a là-dedans quelque chose qui doit être écouté. Ce matin, là, les gens du réseau rompent le silence. Ils en parlent, ils disent quelque chose, il faut qu'on les écoute. Il faut qu'on aille de l'avant avec ça. Merci.

Mme Goudreau (Marjolaine) : Merci.

(Fin à 9 h 41)

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