(Quinze heures dix-sept minutes)
M. Arseneau : Alors, bonjour.
Je voudrais aujourd'hui dénoncer une situation qui est intenable en matière de
services de transport aérien en région, un peu partout au Québec, plus particulièrement
dans la région de la Gaspésie et des îles de la Côte-Nord, mais également du
côté de l'Abitibi.
En fait, on constate, depuis au-delà de
deux semaines, qu'Air Canada, qui est en situation de quasi-monopole sur la
plupart des régions du Québec, ne répond plus, essentiellement, à la clientèle.
Son service téléphonique, sa plateforme numérique également et les services au
comptoir sont pour le moins dysfonctionnels ou sinon inaccessibles. Ça se
déroule à deux semaines de la période des fêtes, une période de fort
achalandage. Une période aussi où les tempêtes, les aléas de la météo font
souvent... en fait, provoquent des retards ou encore des annulations de vols,
ce qui complique la situation pour nombre de voyageurs qui utilisent le service
de transport aérien comme un transport essentiel et qui ont affaire essentiellement
à un seul transporteur, donc qui n'ont pas d'alternative ou très peu.
En fait, on a connu plusieurs épisodes, au
cours des dernières semaines, qu'Air Canada attribue à la migration de son système
informatique depuis le 19 novembre. Alors, on s'interroge sur la formation
du personnel parce que, lorsqu'on va au comptoir, souvent, il est impossible, par
exemple, de pouvoir modifier les réservations, avoir un état de situation clair
sur, par exemple, le report d'un départ et sur quel vol on va être assigné.
Parce qu'il faut comprendre également que,
dans les régions du Québec, et particulièrement dans la période des fêtes, il y
a un taux d'achalandage qui est fort élevé. Et, de façon générale,
l'achalandage a augmenté depuis la mise en place d'un programme de réduction
des tarifs aériens dans les régions du Québec. Donc, à partir du moment où un
vol est annulé, on peut attendre une journée, deux journées, jusqu'à cinq jours
pour enfin obtenir un départ, ce qui, évidemment, est extrêmement difficile
pour des gens qui doivent faire des affaires, pour des patients qui doivent se
déplacer dans les grands centres, par exemple, pour des traitements ou pour des
examens.
En fait, cette situation-là, on demande à
ce que le ministre Bonnardel, François Bonnardel, ministre des Transports, s'en
saisisse et qu'il puisse convoquer les têtes dirigeantes d'Air Canada à une
rencontre pour avoir une idée claire de la situation, pour qu'on mette en place
des moyens de desservir et de répondre à la clientèle, d'une part.
Je vous donne quelques exemples. Et comme
député qui emprunte le service aérien chaque semaine, deux fois par semaine,
les problèmes que rencontre Air Canada, évidemment, sa clientèle, ce n'est plus
anecdotique, c'est maintenant une constante.
On a des vols qui ont été retardés pour
des raisons de bris mécaniques, par exemple, le 29 novembre dernier, et on
n'a jamais eu de notification, à savoir quand on aurait finalement un départ.
Et finalement, le lendemain, j'ai reçu une notification comme quoi le départ
qui était prévu pour la journée même était reporté de 45 minutes. Donc, c'est
grâce à la notification de report que j'ai pu savoir qu'en fait j'avais obtenu
une place cette soirée-là, et il me restait deux heures pour me rendre à
l'aéroport.
L'autre problème, c'est qu'avec le nouveau
système Air Canada a segmenté l'ensemble de ses vols. Partout où il y a une
escale, ça devient un nouveau vol, ce qui fait que des citoyens, des passagers,
des clients d'Air Canada ont vu leur vol, par exemple, de Québec vers les
Îles-de-la-Madeleine interrompu à Gaspé parce qu'il y avait un seul segment de
vol qui avait été programmé. Le deuxième était disparu dans le cyberespace.
Le nombre d'heures passées au téléphone
est effarant. Ma collègue, Méganne Perry Mélançon, qui voulait acheter... ou
plutôt réserver un vol, la semaine dernière, avec des passes de vol qu'elle a
déjà payées, bien, en fait, il était impossible, pour elle, d'entrer en contact
avec le service à la clientèle au téléphone pendant de longues, longues heures.
Pendant environ trois ou quatre heures, elle a attendu jusqu'à ce que le
système, tout simplement, la débranche.
Ces événements-là, encore une fois, se
produisent très, très régulièrement. Des agences de voyages, lorsqu'ils entrent
au bureau le matin, contactent Air Canada à 9 heures, et à 18 heures,
lorsque le bureau ferme et qu'ils n'ont toujours pas eu de réponse, bien, tout
simplement, raccrochent le téléphone. Alors, c'est un service à la clientèle
qui, lorsque tout se passe bien pour ce qui est de l'horaire régulier des vols,
est inadéquat, mais pose moins de problèmes que pour les moments où on a,
évidemment, des épisodes de météo difficile ou d'annulation de vol, ce qui s'en
vient nécessairement.
Donc, ce qu'on veut, c'est agir en
prévention pour qu'Air Canada se donne un plan de contingence dans le service à
la clientèle, d'une part, et dans la disponibilité des appareils, d'autre part,
pour faire en sorte que les vols, quand ils sont reprogrammés, qu'ils soient
beaucoup plus rapides pour desservir la clientèle.
On a également... par la segmentation des
vols; on appelle ça maintenant faire des vols multitronçons, c'est le
vocabulaire utilisé par Air Canada. Ça veut dire que maintenant les régions les
plus éloignées ne peuvent plus réserver, par exemple, à partir de
Havre-aux-Maisons, Îles-de-la-Madeleine, vers l'Europe. Sur des vols
internationaux, maintenant, le nombre de vols ou de tronçons ayant été
multipliés, Air Canada n'accepte plus que l'on réserve un seul et même billet
pour aller, par exemple, en Europe ou en Asie. C'est une problématique qui est
intenable, qui est inacceptable également.
Toute la question des courriels de
notification, je l'ai déjà mentionnée tout à l'heure. Et je vous dirais en
général que la situation est assez difficile dans le cas où Air Canada doit
replacer sa clientèle sur des vols en situation hivernale. Aujourd'hui,
lorsqu'on n'a aucune réponse, c'est carrément inacceptable.
Alors, moi, ce que je souhaite, j'en ai
déjà glissé un mot à François Bonnardel, la semaine dernière, qui en a aussi
discuté avec Marc Garneau, maintenant, il faut qu'Air Canada s'assoie et nous
dise quel est son plan de match.
Je souhaiterais également signifier qu'on
est à presque deux ans après la date du forum aérien qui avait été tenu au
début février 2018 et qu'après avoir mis en place un certain nombre de
programmes, des mesures phares qui devaient découler de ce forum sur le
transport aérien régional au Québec, c'est-à-dire la mise en place d'un comité
de travail ou d'un groupe de travail permanent sur le transport aérien, il n'a
toujours pas été convoqué presque deux ans après l'annonce de sa mise en place.
Il y a des représentants, par exemple, des municipalités, de l'UMQ, de la FQM
qui attendent aussi ce moment pour discuter des enjeux. Et, lorsqu'on vit une
situation comme celle-ci, on pourrait le faire valoir au sein d'un comité
parrainé par le ministère des Transports du Québec.
Il y a également un chantier que doit absolument
entreprendre le ministère des Transports, et M. Bonnardel doit prendre le
leadership, pour enfin mettre à jour la politique de transport aérien régional
au Québec. La plus récente date de 2002, à l'époque du gouvernement du Parti
québécois, ça fait maintenant presque 18 ans. Cette politique-là doit être
remise à jour, et je pense que ce chantier-là, le ministère des Transports est
tout désigné pour le reprendre et faire en sorte que les perturbations,
j'allais dire les turbulences dans le monde aérien en région soient au moins
prises en considération par le gouvernement pour qu'on puisse trouver des
solutions à la situation qu'on vit actuellement. Je suis prêt à accueillir vos questions.
M. Lacroix (Louis) : Et
est-ce que vous pensez qu'Air Canada fait ça consciemment? Est-ce qu'il y a une
mauvaise intention, derrière ça, ou si c'est carrément de la négligence?
M. Arseneau : Bien, je pense
que c'est une mauvaise organisation et probablement de la négligence. On
comprend que les systèmes informatiques peuvent être remis à jour ou
transformés, mais je dirais qu'aujourd'hui, là, essentiellement, Air Canada ne
répond plus. C'est comme si le service à la clientèle avait été fermé.
Lorsqu'on appelle, on nous dit : On ne peut pas prendre votre appel, on ne
peut pas non plus vous mettre en attente, rappelez plus tard. C'est la réponse
qu'on offre non seulement aux passagers, qui sont sans issue, sans réponse, c'est
aussi la réponse qu'on offre aux agences de voyages. Donc, il y a un manque d'organisation
flagrant, il y a des ressources qui n'ont pas été mises en place pour qu'on
puisse au moins discuter avec la clientèle et prendre en compte leurs besoins,
leurs problématiques, souvent, qui ont été créées par Air Canada elle-même, par
des retards, par des bris mécaniques, par des opérations informatiques de
repositionnement, là, des passagers sur différents vols.
M. Lacroix (Louis) : Et ça
dure depuis... c'est pire depuis le mois de novembre, de ce que je comprends?
M. Arseneau : Exactement. Air Canada
n'a pas toujours été exemplaire, dans le service à la clientèle, mais à l'heure
actuelle, depuis deux semaines, c'est carrément intenable. Et les indications
qu'on a, c'est que la formation sur le nouveau système n'est peut-être pas
complétée. On a également Air Canada qui fait des affaires avec des
sous-traitants dans les comptoirs de service, dans les aéroports de région, et
ces gens-là n'ont pas nécessairement eu l'ensemble des informations ou des autorisations
pour accéder au système. Donc, parfois on nous dit : Oui, il y a des
places sur le vol en partance de notre destination, mais je ne suis pas en
mesure de faire la billetterie, je ne suis pas en mesure de vous offrir cette
place-là, même si je sais que vous avez besoin de partir, même si vous avez
l'argent en poche pour y aller.
Alors, c'est une situation complètement
absurde où les gens qui sont au comptoir veulent bien aider, et je ne remets
pas en question, là, la bonne volonté des employés d'Air Canada ou des
succursales, mais, bien entendu, c'est l'organisation, là, des ressources
humaines et du service à la clientèle qui actuellement fait lourdement défaut.
M. Lacroix (Louis) : Comment
va le programme de tarification, là, pour abaisser le prix des billets pour les
locaux, entre autres, là? Est-ce que ça fonctionne, ça, ce programme-là? Est-ce
que ça va assez bien?
M. Arseneau : Le programme qui
a été mis en place à partir du mois d'avril 2018 pour les régions éloignées
fonctionne très bien. En fait, dépendamment de l'éloignement, on a un
remboursement qui est offert aux passagers, directement, sur une preuve d'achat
et de voyage, remboursement qui peut être de 30 % à 60 %, selon la
distance, ce qui a stimulé la demande et l'utilisation des vols, en fait, la
fréquentation sur les vols régionaux. Ce qui a comme dommage collatéral...
puisqu'Air Canada n'a pas, en conséquence, augmenté le nombre de vols ou
d'appareils sur ses différentes dessertes, ça fait en sorte que les avions sont
presque toujours pleins à certains moments dans l'année. Et, lorsqu'on a, par
exemple, une avarie ou que la météo est inadéquate, alors le vol qui est
annulé, les passagers, si on ne fournit pas un avion supplémentaire, un appareil
supplémentaire, bien, ils doivent être replacés un à un sur les vols
subséquents. Et, c'est ce que je mentionnais tout à l'heure, on peut les
remettre deux ou trois sur le vol suivant, trois, quatre autres sur le
surlendemain, et ainsi de suite jusqu'à ce que, finalement, on réussisse à
placer l'ensemble des gens, et ça peut être quatre, cinq jours.
M. Lacroix (Louis) : Donc, ce
programme-là est victime de son succès jusqu'à un certain point?
M. Arseneau : Bien, oui. Tant
et aussi longtemps qu'on n'augmente pas la capacité de transport d'Air
Canada... Évidemment, les premiers bénéficiaires du programme, c'est Air Canada
qui remplit ses avions et qui, dans le cas présent, là, offre très peu de
service à sa clientèle. Mais on ne boude pas notre plaisir, effectivement, le
transport aérien étant plus accessible sur le plan financier, les gens s'en
servent davantage comme un transport en commun entre la région éloignée et les
grands centres, souvent.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
qu'Air Canada ne devrait pas, justement, être à la hauteur de ce que devrait
être son service à la clientèle et offrir davantage de vols ou d'avions,
d'appareils de plus grande capacité?
M. Arseneau : Oui, bien, Air
Canada... En fait, il y a deux problèmes dans cette équation-là. D'une part, le
nombre d'appareils est limité pour maximiser le profit, c'est clairement la
vision d'Air Canada, sauf en période estivale. On est aussi avec des appareils
qui sont vieillissants. Les appareils Dash 8 série 300 de 50 places,
vers les différentes régions du Québec, datent du milieu des années 80 ou
du début des années 80. Donc, on a de plus en plus de petits problèmes
techniques qui provoquent des retards ou des reports. Air Canada nous répond
systématiquement qu'ils ne veulent pas investir sur cette flotte-là, par
exemple, avec des appareils GPS qui nous permettraient d'atterrir plus souvent
lorsque le plafond est plus bas, et ça fait en sorte que les vols annulés sont
multipliés.
Le renouvellement de la flotte d'Air
Canada pourrait régler une partie des problèmes. Si on utilisait, par exemple,
des Q400 là où l'aéroport, la piste le permet, à 75 places, ça pourrait
faciliter les choses. Puis, je vous dirais qu'aussi, et c'est peut-être la
meilleure réponse que je peux vous offrir... stimuler la concurrence sur ces
marchés-là. On a un seul transporteur québécois, c'est Pascan aviation, qui
s'apprête à renouveler sa flotte, à partir du mois d'avril, et ils ont
maintenant des Jetstream de jusqu'à une capacité de 19 passagers. Ils
entendent faire l'achat d'appareils de 32 passagers pour faire une réelle
concurrence à Air Canada, et je pense qu'ils ont besoin d'avoir l'écoute, le
soutien du gouvernement du Québec pour stimuler véritablement la concurrence et
un service concurrentiel aux passagers.
M. Lacroix (Louis) : Alors,
je vais terminer par une question bien simple : Compte tenu de tout ce
qu'on vient de se dire, si vous deviez noter le service à la clientèle d'Air
Canada de un à 10.
M. Arseneau : Zéro.
Actuellement, le service à la clientèle ne vaut rien, ils ne répondent tout
simplement pas au téléphone. Au comptoir, ils n'ont pas l'information, ils nous
réfèrent à la plateforme Internet, qui fonctionne un jour sur deux ou une heure
sur deux. Ça rend les choses exceptionnellement complexes. Et le problème, il
doit être réglé dans les prochaines semaines. On nous dit que ça pourrait
prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. On a besoin d'un plan de
contingence et on a besoin d'un ministre des Transports au Québec qui exige des
réponses d'Air Canada.
Des voix
: Merci.
(Fin à 15 h 32)