(Quinze heures trente-trois minutes)
M. Ouellet : Merci beaucoup.
Donc, bonjour, tout le monde. Bienvenue. Évidemment, on va donner notre
réaction aujourd'hui, à chaud, du dépôt du projet de loi n° 61 qui a été
présenté aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Pour nous, le projet de loi
n° 61 nous replongerait, à notre avis, dans une deuxième commission
Charbonneau. On veut simplifier les processus pour relancer l'économie. Oui,
c'est bien, mais il y a une différence entre simplifier les processus et
contourner les règles.
Ce que le gouvernement fait avec ce projet
de loi, à première vue, c'est se donner un pouvoir presque illimité
d'expropriation, pouvoir illimité d'ignorer les règles environnementales, la Loi
sur la qualité de l'environnement, la Loi sur les espèces menacées, un pouvoir
très large de contourner les règles d'aménagement des MRC, un pouvoir de
contourner les règles sur les organismes municipaux, un pouvoir de déroger à la
loi sur les contrats publics pour deux ans. Et, dans ce cas-ci, ça ne
s'applique pas juste aux projets qui sont sélectionnés, mais tous les autres
contrats gouvernementaux.
C'est ironique, alors que, ce matin, le gouvernement...
On apprenait, suite au dépôt du rapport de la Vérificatrice générale, que 44 %
des contrats du ministre des Transports sont mal évalués. On peut faire plus
vite, mais on n'est pas obligés de faire tout croche. On peut adopter une loi
qui simplifie des processus, qui accélère des étapes. On est d'accord avec ça,
au Parti québécois. Mais ce n'est pas le cas dans ce projet de loi là. Ce qu'il
fait, c'est de permettre de contourner, de façon presque illimitée, les règles
des contrats publics, d'aménagement et, surtout, environnementales. À première
vue, le gouvernement devra apporter de nombreuses modifications à ce projet de
loi s'il ne veut pas se ramasser avec une deuxième commission Charbonneau.
Donc, grosso modo, grosse surprise ce
matin de voir ce projet aussi gros, et pas en termes d'articles ou de complexité
d'articles, mais surtout en termes d'abrogation de pouvoirs et de possibilité
de jouer dans toutes les lois du Québec à cause de cette pandémie. Alors, je
suis prêt à la période des questions.
Mme Crête (Mylène) :
Le ministre Dubé a dit, en conférence de presse, tout à l'heure, qu'il
s'agissait d'un geste responsable, là, ce projet de loi là, pour relancer
l'économie. Là, je crois comprendre que vous êtes en désaccord avec cette
perception-là?
M. Ouellet : Est-ce qu'il est
responsable de relancer l'économie? La réponse, c'est oui. Est-ce qu'on peut
faire mieux en termes de processus? Je pense que la réponse, c'est oui. On peut
couper la bureaucratie. Je pense qu'on a appris dans cette pandémie qu'on est
capables de faire différent. Et c'est par l'essai qu'on apprend. Et, dans
certains cas, on est capables de faire des plus grands pas.
Cela étant dit, la façon dont il est
démontré, dans ce projet de loi là… On ne parle pas de processus. On se donne
toute la légitimité et tous les pouvoirs nécessaires pour faire ce qu'on veut.
Et d'autant plus important, c'est lorsqu'on voit l'article 50, si vous me
permettez : «Le gouvernement peut, par règlement et sur recommandation du Conseil
du trésor, déterminer des conditions applicables en matière de contrats et de
sous-contrats publics visés par la disposition de la Loi sur les contrats des
organismes publics». Donc, il peut décider de tout faire, donc contourner la
loi sur les contrats publics. Ça, ça nous apparaît un énorme pouvoir.
Et aussi l'article 36 : «Malgré
toute disposition contraire, le gouvernement peut, afin de prévenir ou atténuer
les conséquences découlant de la pandémie[...], prendre toute mesure qu'il
estime nécessaire afin d'apporter tout aménagement et toute disposition d'une
loi, autre que la présente loi ou d'un règlement, autre qu'un règlement pris en
vertu de la présente loi».
Donc, la seule chose qu'il ne peut pas
changer, c'est cette loi si elle est adoptée telle quelle. Et le gouvernement
va pouvoir, pendant cette crise, modifier toutes les lois à sa guise. Ça, c'est
particulier.
Mme Crête (Mylène) :
Jusqu'à quel point vous pensez pouvoir obtenir des modifications en une semaine
et demie?
M. Ouellet : C'est une bonne
question. Le gouvernement a déjà dit qu'il voulait rapidement avoir ce projet
de loi là. On a offert notre collaboration ce matin. Les trois partis
d'opposition, on a démontré notre volonté, tout d'abord, d'entendre des
consultations. Si on peut même commencer le principe avant les consultations,
nous, on n'a pas de problème avec ça. Mais évidemment on a beaucoup de questions.
Donc, on veut une étude détaillée assurément pour en discuter. Et on va prendre
le temps de bien faire les choses. Ce qu'il ne faudrait pas faire, dans cette
pandémie, c'est d'accélérer notre travail à cause d'une urgence sanitaire telle
qu'on le vit. Ce que les gens s'attendent de nous, c'est qu'on leur donne des
solutions qui sont adaptées, des solutions qui sont justes, mais qu'il ne faut
pas by-passer ce qui existe déjà. Et ça, je pense que ça prend un travail quand
même assez rigoureux pour le faire.
Mme Crête (Mylène) :Est-ce que vous avez un problème avec justement ces pouvoirs
accrus qui toucheraient quand même une liste assez circonscrite de
202 projets? Donc, ça vous préoccupe quand même même si on connaît déjà
les projets?
M. Ouellet : Ça nous
préoccupe parce que, dans le projet de loi en question, on peut en mettre
d'autres. C'est que le gouvernement, au-delà de cette liste des 202, pourrait
décider d'en décréter d'autres et nous inviter à l'Assemblée nationale, pendant
une heure, discourir sur l'opportunité d'inscrire ces nouveaux projets de
loi et, par la suite, adopter le décret. Donc, il n'y a rien qui nous garantit aujourd'hui
que ces 200 projets de loi là seront uniquement ceux-là. Ils pourraient en
rajouter d'autres, et on attend de voir quels pourraient être, effectivement,
ces projets de loi là.
Donc, pour nous, évidemment, le gouvernement
a fait sa liste de ses priorités dans l'annexe I. On ne remet pas en question
sa liste de priorités là. Ils sont à l'intérieur même du PQI. Je pense qu'ils
sont tous connus de nos citoyens et citoyennes. Mais, cela étant dit, on
s'abroge beaucoup de pouvoirs pour essayer de manœuvrer, avec toute la
légitimité, pendant, dans certains cas, deux ans, et ça, pour nous, c'est
problématique.
Mme Crête (Mylène) :
Le fait qu'il y ait quand même une limite dans le temps, on parlait de deux
ans, là, donc ça, ça n'atténue pas vos inquiétudes, dans le sens où ce n'est
pas des pouvoirs illimités pour toujours?
M. Ouellet : Mais ça dépend à
quel niveau d'intensité on les utilise. Si on essaie de tous les utiliser dès
le début… Même si ça dure pendant deux ans, si le gros du travail est fait dès
le départ, ce n'est pas tant la durée qui me préoccupe, c'est l'intensité des
moyens et de la façon dont ils vont vouloir l'utiliser parce qu'ils se donnent
toute l'opportunité… Donc, ce qu'on n'a pas pensé faire dans ce projet de loi
là, et si on a l'idée brillante, entre deux conférences de presse, de faire des
choses différentes… bien, ils se donnent l'opportunité de pouvoir le faire sans
qu'on puisse en discuter, sans qu'on puisse en débattre, et ça, pour nous, c'est
problématique. Merci.
(Fin à 15 h 40)