(Onze heures trois minutes)
Mme Massé : Bonjour, tout le
monde. Après la première journée de consultation sur le projet de loi n° 61,
on n'est pas tout à fait rassurés. Au contraire, je vous dirais même qu'on est
un petit peu plus inquiets. Jusqu'à maintenant, aucune démonstration ne nous a
été faite que le gouvernement doit absolument adopter ce projet de loi là pour
pouvoir faire avancer des projets d'infrastructures dès cet été.
Vous les avez vus et entendus comme moi,
hier, bien sûr, les représentants de l'industrie de la construction, eux
autres, sont bien heureux parce que ça répond à leurs intérêts, ça répond à ce
qu'ils souhaitent. Ceci étant dit, ici, comme parlementaire, il ne faut pas
voir l'accélération des projets comme étant une réponse aux besoins de
l'industrie de la construction, mais bien une réponse à l'intérêt public, au
bien commun. Puis, on en est, mais il y a une preuve que le gouvernement doit
nous démontrer, qu'il a besoin de ce projet de loi là pour permettre la
réalisation de projets d'infrastructure cet été.
Alors, dans deux ans, la crainte, avec un
projet comme celui-là, c'est de se retrouver à quelques jours, peut-être même
après la prochaine élection, avec des infrastructures en carton qui ont coûté peut-être
30 %, 40 % de plus, et qui, dans les faits, ont by-passé des règles
de protection, des filets qu'on s'est donné socialement pour protéger notre
environnement, nos conditions au niveau des marchés publics, et etc.
Le projet de loi n° 61, ce n'est pas,
et ça il faut le redire, ce n'est pas un projet de relance économique, c'est un
projet de relance de la construction. Puis, dans les faits, ce qui est
inquiétant, ce qu'on y voit, ce que les groupes... des groupes sont venus nous
dire ce matin et hier, c'est : Au diable l'environnement, au diable la
démocratie, au diable la saine gestion des finances publiques. Bref, on a déjà
joué dans ce film-là, et ça ne nous tente pas d'y retourner.
Quand, soyez attentifs, là, quand le
gouvernement demande 98 % des pouvoirs, et c'est ce qu'il fait avec le
projet de loi n° 61, et qu'il nous dit : Bah! ne vous inquiétez pas,
là, on va en utiliser juste 10 %, ça nous sonne des cloches, et je pense
que la population se méfie. Les gens ne sont pas dupes, ils se demandent :
À quoi vont donc servir le reste des pouvoirs qu'ils veulent se donner? Puis,
tant et aussi longtemps que la CAQ n'aura pas de bonne réponse à ça, bien, c'est
sûr qu'il n'y aura pas d'acceptabilité sociale. Et, de notre côté, donc, de
soutien à l'adoption rapide de ce projet de loi là.
M. Nadeau-Dubois : Règle
générale, quand on dépose un projet de loi, il faut le justifier. Mais quand on
présente un projet de loi omnibus qui suspend les droits des gens, qui nous
ramène au siècle dernier en matière de protection de l'environnement, qui donne
carte blanche à un gouvernement élu par seulement 37 % des gens, bien,
dans ce cas-là, ce n'est pas juste des justifications qu'il faut, c'est des
preuves. Et des preuves, en ce moment, des preuves de la nécessité absolue de
l'adoption de ce projet de loi d'ici vendredi, des preuves, pour le moment, il
n'y en a pas. Le fardeau de cette preuve, le fardeau de faire cette preuve, il
appartient au gouvernement, il appartient à la CAQ.
Le gouvernement veut mettre
202 projets et plein d'autres projets sur la voie rapide. On n'est pas
contre de mettre certains projets sur la voie rapide, mais ce qu'il doit faire,
c'est prendre cette liste indéfinie de projets et nous dire : Dans cette
liste, quels projets spécifiques ont besoin, d'ici vendredi, d'un projet de loi
pour aller plus vite, et quelles règles spécifiques veut-il exempter ces
projets-là? S'il ne fait pas cette démonstration d'ici vendredi, Québec
solidaire ne pourra pas appuyer ce projet de loi là.
Autrement dit, il y a une chose qui est
absolument sûre et certaine, c'est que jamais Québec solidaire ne va donner
carte blanche pour un projet de loi où il y a une liste infinie de projets et
un état d'urgence indéfini. Ça, ce n'est juste pas possible. Ce qu'il nous
faut, c'est un projet de loi significativement resserré et modifié pour qu'on
envisage même de l'appuyer.
Ce projet-là, ce n'est pas un projet de
relance économique, c'est un projet où on demande aux citoyens et citoyennes de
donner carte blanche au gouvernement avec un gouvernement qui nous dit :
Bien, ne vous inquiétez pas, on n'utilisera pas tous les pouvoirs que vous nous
donnez. Je suis désolé, mais une démocratie, ce n'est pas ça. Une démocratie,
c'est un système dans lequel oui, le gouvernement a des pouvoirs, mais ces
pouvoirs-là sont encadrés, balisés puis contrebalancés par d'autres pouvoirs.
Ce que demande le gouvernement avec le projet
de loi n° 61, c'est de se soustraire aux contrepouvoirs, et ça, pour nous,
ce n'est pas possible.
M. Bergeron (Patrice) : Tout
à l'heure, M. Bérubé a qualifié le projet de loi d'une forme
d'autoritarisme léger. Est-ce que vous pourriez reprendre ces termes?
M. Nadeau-Dubois : Le problème
avec le projet de loi n° 61, c'est qu'on ne le sait pas. Le gouvernement
nous dit : Donnez-nous une liste quasi infinie de pouvoirs, mais, là,
voyons donc! on ne les utilisera pas tous. On nous demande de signer un chèque
en blanc, c'est la définition même d'un chèque en blanc. Alors, ce qu'on
demande au gouvernement, c'est : Dites-nous donc, là, quelle règle
spécifique vous voulez contourner pour quel projet spécifique. Si vous nous
dites, bon, là, on jase, mais un chèque en blanc sur une liste infinie de
projets, nous demander de faire ça, c'est nous demander de démissionner de
notre rôle de député, de démissionner, donc, de notre rôle d'opposition puis de
dire : On vous laisse faire ce que vous voulez, comment vous voulez,
pendant la période de temps que vous voulez. Ça n'a juste aucun sens de
demander ça aux oppositions. Puis je regarde le débat public se dérouler dans
les derniers jours, c'est assez clair que de plus en plus de gens réalisent que
c'est un marché de dupe, là, qui est demandé à l'opposition.
M. Dion (Mathieu) : Avec ce qu'on
sait, avec l'attitude de M. Dubé, avec ce qui est dit en commission
parlementaire, puis ce que vous avez présentement en main, quelles sont les
chances que ce projet de loi soit adopté vendredi, dans la réalité, là?
M. Nadeau-Dubois : Le projet
de loi, tel qu'il est écrit en ce moment, n'a aucune chance d'être adopté parce
que Québec solidaire va s'y opposer. Ce qui a une chance d'être adopté par
contre, c'est un projet de loi considérablement transformé, considérablement resserré.
Ça, ça a des chances de passer, puis il reste une journée de consultation, nous
avons un caucus mercredi, on va faire des propositions au gouvernement pour
faire de ce projet de loi inacceptable, un projet de loi acceptable. On va le
faire parce qu'on n'est pas ici pour bloquer la relance de l'industrie de la
construction, là, on est ici pour protéger l'environnement, protéger les fonds
publics puis protéger les droits et libertés des citoyens et des citoyennes du
Québec. C'est ça qu'on va faire.
M. Bergeron (Patrice) : Tout
à l'heure, Mme Massé, vous avez dit, il n'y a aucune démonstration qui a été
faite que ce projet de loi était nécessaire. Donc, est-ce que le gouvernement
pourrait tout simplement le retirer puis faire quand même les projets? Est-ce
que vous leur suggérez tout simplement de retirer le projet de loi?
Mme Massé : Bien, écoutez, il
y a quand même un certain nombre d'éléments, peut-être moins dans le projet de
loi, peut-être plus dans les amendements, qui pourraient répondre à des
impératifs que les gens, par exemple de la restauration, auraient besoin pour
passer au travers cette crise sanitaire. Nous, ce qu'on dit, c'est : Des
projets, là, qui sont dans cette liste-là qui existe, des projets qui seraient
prêts à commencer demain matin, là, et qui ont besoin d'allègement, dont nous
fait par M. Dubé, bien, nous, on ne veut pas donner le chèque en blanc sur
tout, on dit : Identifiez-nous ces projets-là. Demandez-nous...
démontrez-nous, pardon, ce qu'ils ont besoin pour être capable de se mettre en
marche pour l'été, et etc., et là on va pouvoir jaser, mais sur l'ensemble,
globalement? Hi!
M. Gagnon (Marc-André) : Par
exemple, le projet de la ligne bleue à Montréal, on nous dit que, si le projet
de loi n° 61 n'est pas adopté, qu'il pourrait ne rien se passer, là, dans
le cadre de ce projet-là, pendant encore des mois. Est-ce que le projet de la
ligne bleue fait partie de ces projets qu'il faut mettre sur la voie rapide?
Mme Massé : Je vous dirais, le
projet de la ligne bleue, ça fait 40 ans qu'il devrait être en action.
40 ans, me semble que ça aurait pu... ce n'est pas une voie très rapide.
Mais ceci étant dit, quand le gouvernement nous dit ça, ce n'est pas ce que son
projet de loi nous dit. Son projet de loi nous dit... c'est : Donnez-nous
la possibilité de pouvoir utiliser, comme bon nous semble, l'allègement de
réglementation et, dans ce cas-là, soit au niveau de l'environnemental ou au
niveau du droit de l'expulsion, donnez-nous ce droit-là. Nous, ce qu'on dit, c'est :
Non, soyez concrets, demandez-nous pas d'y aller dans l'abstrait avec un chèque
en blanc, soyons concrets.
La Modératrice
: En
anglais.
M. Dion (Mathieu) : Que
pensez-vous de l'explication du premier ministre au sujet du racisme
systémique, l'explication de ne pas endosser cette notion-là sur le racisme
systémique? Son explication, vous en pensez quoi?
Mme Massé : Oui, bien, écoutez,
je pense que... Là, je ne sais pas qu'est-ce que ça va prendre de plus, là.
M. Legault était là aussi quand les autochtones nous disaient : On a
besoin, au Québec, d'une commission sur le racisme systémique. M. Legault
était là aussi lorsque les attentats ont eu lieu à Québec. Et, encore une fois,
les citoyens et citoyennes demandaient une commission sur le racisme
systémique. M. Legault fait en sorte de mélanger la compréhension de c'est
quoi, le racisme systémique.
Le racisme systémique, c'est de se mettre
les yeux devant les trous et de regarder les statistiques, et ça parle de soi.
L'important, c'est de comprendre pourquoi c'est comme ça et comment on peut le
changer. C'est ça que nos concitoyens nous demandent, les concitoyens qui
vivent ces situations-là.
Alors nous, on pense qu'il faut absolument
s'y mettre. D'ailleurs, la CAQ a accepté l'idée d'avoir un plan, d'émettre rapidement
un plan pour lutter contre le racisme et contre la discrimination. Et on
souhaite profondément que ce plan-là soit fait avec les gens qui vivent la
situation. Eux autres, ils savent c'est quoi, le racisme systémique.
M. Nadeau-Dubois : Peut-être pour
prendre une comparaison, il y a quelques années, il y a des groupes qui ont
dénoncé ce qu'ils appelaient des problèmes de maltraitance systémique envers
les aînés au Québec. Quand ces groupes-là ont dit ça, là, il n'y a personne au
Québec qui est monté aux barricades pour dire : Bien, voyons donc! les
aînés ne sont pas systématiquement maltraités, puis tous les Québécois ne
maltraitent pas les aînés. Pourquoi, quand c'est le cas des inégalités
raciales, ce mot-là devient subitement si difficile à comprendre pour le premier
ministre? Je ne comprends pas, je ne comprends pas de quoi il a peur, je ne
comprends pas à qui il a peur de faire peur.
Dire : Il y a un problème de racisme,
et ce racisme-là a un caractère systémique, ça ne veut pas dire que tous les Québécois
sont racistes. Quand on dit : Il y a un problème d'inégalités entre les
hommes et les femmes, puis ce problème-là est systémique, on ne dit pas :
Tous les hommes sont des machos puis tous les hommes sont des violeurs, on dit :
Il y a un problème dans nos institutions, dans notre société. Ce qui est si simple
à comprendre dans un cas devrait être aussi simple à comprendre dans un autre
cas.
La Modératrice
: On va
passer en anglais.
Mme Senay
(Cathy) : What do you... Well, good morning,
first. What you do understand about this quiet evolution and the fact that
Premier Legault wants to table a plan following your
motion that was adopted last week, and then he talks about quiet evolution?
M. Nadeau-Dubois :
Well, it's a fine communication line. And I am not interested in debating on
slogans. What we need, and that's what our motion was asking for, is a concrete
plan with concrete measures to fight racism and discrimination in Québec. So I
won't do a communication contest with the Prime Minister. I don't care if he
wants to call it a quiet evolution of a fast evolution. But we sure need to
evolve and the evolution starts by concrete measures in this plan in the next
days.
Mme Senay (Cathy) : And you remember about this plan, this policy to fight the abuse
towards seniors. And it was largely accepted?
M. Nadeau-Dubois : Yes. A few years ago, you know, very serious groups in Québec said there was a systemic problem of,
you know... in the way we treat
seniors in Québec. At the time,
no one was offended by that. No one said : Oh! They're accusing all Quebeckers to be mean against seniors. No.
Everyone understood, back in the days, that it meant that our institutions have
a problem in the way that they treat elderly people. It's the same thing with
racism. We just have to understand and accept that our institutions treat
differently and have a problem in the way that they treat people that are from
a visible minority. It is as simple as that. And I don't understand what Mr. Legault is afraid of or who he is
afraid to upset while using that sentence.
Mme Senay (Cathy) : It took the Viens commission to talk about systemic racism, the fact that there was not... there
can be mistreatment. So, I mean, is this something that... Do we need to shake
things up in Québec about racism, again, for visible minorities?
M. Nadeau-Dubois : I'm not sure...
Mme Senay (Cathy) : That that should come from, like, an independent commission like the Viens commission?
M. Nadeau-Dubois : Well, we...
Mme Senay (Cathy) : Or that's... we know this already?
M. Nadeau-Dubois : Well, we won't, you know... Québec
solidaire is not against some type of commission or some type of process of
reflection on that issue. We sure need to talk about it. But what we need even
more than to talk about it is to do something about it. And that means a
concrete plan with concrete measures. And we are full of proposals for
Mr. Legault if he is looking for concrete policies to fight racism in Québec.
Mme Senay (Cathy) : Bill 61, that
would be my last question, it's a power trip?
M. Nadeau-Dubois : Well, it's a Government that, I think, is getting used to governing without opposition and
without counter powers. It's a Government that begins to love the state of emergency, because he can take
decisions on a lot of things without consulting anyone. And I don't think it's
a good news for Québec citizens
to know that their Government
is taking pleasure in governing alone.
Des voix
:Merci beaucoup.
M. Nadeau-Dubois : Thank you. Merci.
(Fin à 11 h 20)