(Huit heures quarante-neuf minutes)
M. Nadeau-Dubois : Bonjour. D'abord,
j'aimerais dire que suite aux dernières audiences, ce matin, de la commission
parlementaire sur les applications de traçage, je ferai quelques commentaires
parce qu'on va laisser quand même l'exercice se terminer avant, comment dire,
de fixer notre jugement définitif. Ceci étant dit, je veux revenir sur un
élément qui s'est déroulé hier et qui a fait couler beaucoup d'encre, avec
raison.
Hier, il y a la Commission des droits de
la personne, il y a la Commission d'accès à l'information, des juristes
également qui sont tous venus nous dire la même chose : le cadre juridique
au Québec n'est pas approprié pour protéger les Québécois, les Québécoises des
potentielles dérives liées à l'utilisation d'une telle application. Les droits
et libertés des Québécois et des Québécoises vont être en danger, si on
n'adopte pas de cadre juridique spécifique avant de déployer une telle
application, et ça, c'est très inquiétant.
Ce n'est pas parce qu'on a manqué le
bateau dans les dernières années, en refusant d'encadrer les activités des
géants du Web, qu'il faut manquer le bateau une deuxième fois avec une
éventuelle application de traçage pour lutter contre la pandémie. Ça nous
préoccupe vivement à Québec solidaire. La vie privée, les droits et libertés,
on ne devrait pas niaiser avec ça, on devrait être exemplaires, et, pour nous,
il est absolument impensable qu'une telle application soit déployée sans cadre
juridique spécifique pour en encadrer les potentielles dérives.
Avant de prendre vos questions, je voulais
également réagir à une nouvelle qui est parue ce matin, dans les médias, au
sujet de GNL Québec. Un des débats de l'automne, ce sera, sans aucun doute, la
relance économique du Québec. Il y a plusieurs visions de la relance de
l'économie qui vont s'affronter cet automne, ici, à l'Assemblée nationale. Et ce
matin François Legault a l'occasion de démontrer qu'il est pour un
développement économique du XXIe siècle.
On apprend ce matin que le projet de GNL
Québec bat de l'aile, c'est le cas de le dire. En fait, il me semble clair à ce
stade-ci que GNL Québec est voué à l'échec et que, sans injection massive de
fonds publics, c'est un projet qui ne verra jamais le jour. Et donc François
Legault aujourd'hui doit annoncer qu'il tourne le dos à ce projet-là. Il doit
annoncer qu'il va proposer une alternative de développement économique au Saguenay—Lac-Saint-Jean
puis à toutes les régions qui sont concernées par le projet de GNL Québec.
Depuis le début de l'été, François Legault
fait le tour du Québec en nous disant qu'il veut relancer l'économie et que, si
ça n'arrive pas, c'est la faute des oppositions puis c'est la faute des
réglementations environnementales. La vérité, c'est que, si, l'économie au
Québec, on a de la misère à la relancer, ce n'est pas à cause ni des
oppositions ni des réglementations environnementales, c'est à cause des
politiciens comme François Legault qui s'accrochent à un modèle de
développement économique qui date des années 80. Le problème, ce n'est pas
les règles environnementales, le problème, c'est les politiciens d'un autre
siècle qui proposent des projets de développement économique, eux aussi, d'un
autre siècle.
On n'a pas besoin, en pleine crise
économique, d'une nouvelle catastrophe économique. On vient de vivre
Bombardier, on vient de vivre le Cirque du Soleil, ce n'est pas le temps
d'engager le Québec dans une autre catastrophe annoncée. Il faut investir
intelligemment, se mettre derrière des projets d'avenir, engager des fonds
publics derrière des projets de développement qui vont marcher à long terme, et
GNL Québec ne remplit aucun de ces critères-là.
M. Legault, donc, aujourd'hui, doit
annoncer qu'il tourne le dos à ce projet-là puis qu'il va proposer quelque
chose d'intéressant et de durable pour créer des emplois en régions, notamment
au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Voilà. Merci.
Le Modérateur
: Y
a-t-il des questions?
Mme Prince (Véronique) : Oui.
Pour faire suite un peu à ce que vous dites là, François Legault va
probablement revenir avec son projet de loi n° 61 pour répondre à ça.
J'imagine que vous vous attendez à un bâillon peut-être cet automne là-dessus.
M. Nadeau-Dubois : François
Legault a le choix. Soit il planifie une relance économique digne de 2020,
centrée sur le développement durable et en collaboration avec la société
québécoise, soit il impose au Québec sa vision passéiste du développement
économique avec un bâillon puis des projets comme GNL Québec. C'est ça,
l'alternative qu'il a.
Moi, je remarque, là, que, dans la société
québécoise, le monde syndical, le monde patronal, l'ensemble des organisations
de la société civile, tout le monde demande un chantier de relance de
l'économie qui soit tourné vers l'avenir puis qui soit fait démocratiquement.
Donc, c'est ça, le choix de François Legault : soit il passe le bulldozer
pour imposer sa vision des années 80, à l'époque où il a fait le HEC, soit
il travaille avec la société québécoise pour proposer des projets d'avenir.
C'est son choix.
Mme Prince (Véronique) :
Parce que, là, il est en tournée régionale, il s'en va chercher l'appui des
maires, là, puis des préfets des MRC. C'est ça qu'il est en train de faire.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Les
ficelles de la stratégie de M. Legault sont très apparentes. Tout le monde
comprend très bien ce qu'il fait. Il est en pleine tournée de propagande à
travers le Québec pour mettre les élus régionaux devant une fausse alternative :
Soit vous êtes pour mon projet de loi n° 61, soit vous êtes contre la
relance de l'économie. Ça, c'est un faux dilemme. Et moi, je sais qu'il y a
plein d'élus régionaux au Québec, plein de maires, de mairesses au Québec qui
ont assez de vision pour savoir que c'est un piège puis qu'on peut relancer
l'économie du Québec sans marcher sur la démocratie puis sans marcher sur
l'environnement. C'est possible. Il y a plein de pays dans le monde qui le
font. Si François Legault décide de passer le bulldozer sur les oppositions
puis les réglementations environnementales pour relancer l'économie, moi, je
pense qu'il va en payer le prix politique.
Mme Prince (Véronique) : Puis
concernant l'application de suivi contacts, c'est quand même assez clair, nous,
on a fait une entrevue avec Éric Caire, puis il n'est pas intéressé à faire un
projet de loi avec ça parce que, selon lui, ça serait beaucoup trop long, la
procédure pour finalement arriver à un encadrement. Et il pense qu'avec la
deuxième vague qui s'en vient il faudrait agir plus vite, ça serait trop long,
un projet de loi. Il y a-tu une possibilité, à votre avis, de mettre quand même
des balises? Parce que lui, il dit : Le gouvernement en a mis, avec nos
conditions, là, de pas de géolocalisation, biométrie, etc.
M. Nadeau-Dubois : Ce n'est
pas l'opinion de Québec solidaire, ici, qui compte tant que ça, hein? Hier,
c'est la Commission des droits de la personne, la Commission d'accès à
l'information, des juristes, des professeurs de droit qui sont venus nous
dire : Sans encadrement juridique serré, une telle application, là, ça
pourrait devenir discriminatoire. Pourquoi? Parce que des employeurs pourraient
exiger que leurs employés la téléchargent pour venir travailler, des
propriétaires pourraient exiger que leurs locataires la téléchargent pour
occuper un logement. Ça, c'est des risques de dérives très sérieuses. Puis ce
n'est pas de la science-fiction, ce n'est pas des théories du complot, c'est
des risques documentés puis c'est les experts dans le domaine qui nous disent
que ça pourrait arriver si on ne met pas des balises en place.
D'ailleurs, la Commission d'accès à
l'information hier a dit : On a déjà ouvert une enquête parce qu'il y a
déjà des employeurs qui utilisent des stratégies similaires à celle-là. Donc,
ce n'est pas de la théorie du complot, ce n'est pas de la panique, ce n'est pas
de la technophobie, c'est juste de la bonne gouvernance de ne pas lancer des
technologies dans la société sans les encadrer avec des lois. On a fait cette erreur-là
dans le passé, tous, avec les géants du Web, avec Facebook, avec Google, avec
Apple. Répéter la même erreur plusieurs fois, là, ce n'est pas un signe
d'intelligence.
Mme Prince (Véronique) : J'ai
juste une dernière question. Peut-être que vous avez déjà répondu là-dessus,
mais je vous la repose quand même aujourd'hui, au mois d'août, là. Est-ce qu'il
y a une nécessité de rapidement mettre en place une commission d'enquête
publique sur la gestion de la pandémie?
M. Nadeau-Dubois : Il faut
faire la lumière sur ce qui s'est mal passé, c'est clair. Un processus de
commission d'enquête, c'est une bonne idée, on ne s'y oppose pas, on est
favorables à une commission d'enquête, sans nuance.
Ceci étant dit, il y a déjà certaines
réponses qu'on a, là. On le sait qu'un des gros problèmes, durant la première
vague, ça a été les mouvements tourbillonnants de personnel dans le réseau de
la santé, et ça, c'est lié directement aux mégastructures bureaucratiques créées
par Gaétan Barrette et les libéraux. On le sait, les gens sur le terrain nous
le disent. On peut déjà commencer à faire des réformes. C'est cette approche-là
qu'a décidé de prendre François Legault dans le cas de la DPJ, hein? Il a
dit : On va lancer un processus d'enquête, mais, pendant que l'enquête se
déroule, on va commencer à agir. Je pense qu'il faut faire la même chose avec
la gestion de la pandémie.
Oui, lançons une commission d'enquête,
aucun problème avec ça, mais commençons dès maintenant à appliquer les
solutions qu'on connaît déjà : refinancer massivement la santé publique,
dans laquelle les libéraux ont coupé sauvagement, décentraliser de réseau de la
santé, redonner du pouvoir aux gens sur le terrain. Ça, là, on sait qu'il faut
le faire. Faisons-le dès maintenant, tout en enquêtant, sans problème, sur
d'autres causes de l'échec du printemps dernier.
Mme Prince (Véronique) : Ça
me va.
Des voix
: Merci.
(Fin à 8 h 59)